Archives mensuelles : mai 2025

Six-Fours – Six n’Etoiles 
Laurence VALIN, de Jaffna à Paris
 « Je suis allé le chercher, ce film ! »

Le film se passe à Paris, dans le quartier dit « Le petit Jaffna » dans le Xème arrondissement. Un quartier où les émigrés indiens tamouls se sont installés en quittant leur pays, Jaffna étant une ville du Sri Lanka.
Mickaël (Lawrence Valin) est un policier de racine tamoul mais né en France. De par sa couleur, on l’infiltre dans un gang tamoul pour le démembrer. Mais, comme il est entre deux cultures, il va, là aussi balancer entre les bons et les méchants auxquels, au fil des jours, il commence à s’attacher. Malgré tout, il devra aller jusqu’au bout de sa mission, à ses risques et périls.
Lawrence, qui est aussi le scénariste et le réalisateur, nous immisce avec lui dans ce quartier peu connu où les tamouls ont recréé leur monde. Et où un gang mène la danse. Un monde fait de peur et de violence où deux bandes s’opposent avec brutalité dans un monde de déracinés, où se mêlent quand même fierté, amour, fraternité. Le film est à la fois énergique, violent et poignant où notre flic balance entre deux cultures, entre humanité et sauvagerie, fraternité et violence.
Un film coup de poing, superbement maitrisé qui aurait pu faire partie d’une sélection cannoise à la place de sempiternels invités que l’on voit revenir à chaque festival.

« Lawrence, faire un film sur la communauté Tamoul… Quelle question vous êtes-vous posée ?
(Il rit) La question que je me suis posée est : Est-ce que ça va intéresser les gens ? Mon but était de mettre la lumière sur ce conflit. C’est une communauté qui est peu visible, très discrète. Il faut dire que la première génération qui a fui le conflit avait besoin de l’être pour pouvoir s’intégrer. Je suis la première génération à être né en France, j’avais besoin d’exister et de dire haut et fort que j’étais là et je pense que ce film est une manière de dire que je suis français. La seule représentation dans le cinéma français était celle de migrants. Je me suis dit qu’il y aurait une autre représentation, avec des gangsters colorés ! J’ai toujours eu envie de faire des films de gangsters et cette représentation sera la seule que je ferai car je ne veux pas stigmatiser cette communauté. C’est à la fois mon premier et mon dernier sur cette communauté tamoul.
Est-ce que ce projet a été difficile à monter, d’autant que c’est votre premier long métrage ?
Il y a quelques années il y a eu « Dheepan » de Jacques Audiard qui a eu la palme d’or à Cannes en 2015 et je me suis dit que ce serait dur d’arriver derrière ce film. Du coup j’ai mis beaucoup de temps à écrire le mien, d’autant que je n’avais pas de tête d’affiche pour le porter. J’ai donc tout misé sur le scénario et du coup, le financement a été très rapide. On n’a mis que six mois.
Vous avez quand même mis sept ans pour le faire ?
Oui, j’ai commencé en 2017 et j’ai terminé le film en juillet dernier. Et j’ai fait depuis, plus d’une trentaine de festivals, à commencer par Venise et Toronto et on a enchaîné. Le film est sorti en France le 30 avril et là il y a eu un problème : il a été considéré comme un film étranger alors qu’il a été 100% financé en France et tourné en France. Les comédiens sont effectvement franco-tamouls. C’était important pour moi de mêler les deux langues à égalité. Je ne voulais pas qu’il soit considéré comme un film du cinéma du monde. Mais ça a été un frein pour la sortie en France.

Et pourtant, ce sont des jeunes qui existent…
Oui, ce ‘est pas purement fictionnel mais ce que j’aime faire c’est mettre la lumière sur les gens qu’on ne voit pas, et c‘est vrai  qu’au sein de la communauté tamoul, les mecs de bandes c’est ce qu’on voit encore moins car on veut les cacher et moi, en tant que metteur en scène, c’est eux que je voulais voir briller. Ce qui a occasionné des tensions jusqu’à créer un boycott à la sortie du film en France.
En fait ils voulaient qu’on montre les gentils contre les méchants alors que je voulais que ce ne soit pas manichéen  car de chaque côté, forcément, dans une guerre il y a des parties d’ombre, des parties de lumière dans chaque clan. C’est ce que j’ai voulu montrer mais eux ne veulent pas l’entendre. Ce que je voulais montrer que ce qu’on considère comme des terroriste, ce sont en fait des résistants. La frontière est très fine entre les deux.
Le choix de vos comédiens, comment s’est-il fait ?
Pour la plupart des jeunes qu’on voit dans le film, c’est leur première fois. Dans les acteurs confirmés, il n’y en a que deux : Vela Ramamoorthy qui joue Aya et Radhika Sarathkumar qui joue la grand –mère deux grands acteur en Inde. Radhika est l’équivalent d’Isabelle Huppert ou Catherine Deneuve même si en France, on ne la connait pas et c’est ce qui l’enchantait. D’ailleurs, la communauté ne venait pas pour moi mais pour la voir, elle ! C’est pour moi le personnage principal du film.
Etre scénariste, réalisateur, comédien principal, ce n’est pas un peu compliqué ?
Quand on n’a pas le choix, il faut le faire ! J’avais tellement soif de jouer que c’est ce qui m’a porté tout le long. C’est ce qui m’a donné l’envie d’écrire et réaliser, même lorsqu’on me disait que ce n’était pas possible. Je suis allé le chercher ce film car, sachant qu’on n’allait pas demandé à un franco-tamoul pour faire le film, c’était une manière de créer ma place. Mon critère de départ, vis-à-vis des producteurs, était que je n’écrirais pas si je ne jouais pas dans le film.

Réaliser un premier film est, je pense, difficile ?
Ce film, je ne l’ai vraiment pas fait comme un premier film mais comme mon dernier film. Ce qui m’a enlevé toute la pression qu’on a sur un premier film en pensant à la réussite, à la critique, à la suite. Je m’en fichais en fait, je me disais que j’avais besoin de faire ce film pour moi et je serais le plus heureux de le pouvoir le faire exister. C’était très important de parler de ce conflit. Du coup, j’ai profité de chaque moment. Je voulais prendre du plaisir même si je devais me planter. En tout cas le film serait là. J’ai travaillé à tous les postes avec chaque responsable.
Alors en fait, ce ne sera pas votre dernier film ?
C’est vrai que, dès le film terminé, on a envie d’en refaire un autre ! Je suis déjà en train d’écrire le deuxième… Et le plus dur sera de le financer ! Mais avant, je vais accompagner ce film tant qu’il faudra le faire ».

Propos recueillis par Jacques Brachet

Hyères, Fête du Livre… La Provence était là

C’est par un magnifique week-end ensoleillé, que des centaines de gens sont venus découvrir livres et auteurs à Hyères.
Il y en avait pour tous les goûts, des romans au thriller en passant par des bios, des documents, des polars venus de tous les coins de France.
Etant auteur invité, le journaliste est un peu passé devant l’auteur qui signait son livre.
J’en ai profité pour faire le tour des amis qui, comme moi, ont passé leur temps derrière leur table, à parler avec le public, à signer les livres et à se retrouver autour du repas du midi.
Je vais donc en profiter pour parler de mes amis provençaux.

Gui GEDDA
Jean-Pierre SAVELLI

Gui GEDDA : la Provence dans tous ses états.
C’est notre chantre de la cuisine provençale qui, à 93 ans, continue à vivre sa passion entre cuisine provençale et livres tout aussi ensoleillés que son regard et sa faconde qui nous vient de Marseille mais qui, depuis des décennies, vit du côté de Bormes-les-Mimosas où, avec son frère, il tenait le restaurant La Terrasse. Cuisine 100% provençale dont il nous parle avec amour, avec passion et dont les livres nous font saliver. Pour lui, ses vedettes sont le fenouil, les favouilles,  la figue, la châtaigne,  et même la tomate qu’il a mis longtemps à célébrer.
Ensemble, nous avons animé, dans les années 2000, « Stars en cuisine » durant des années, formant des duos de chefs et d’artistes dans un concours original, devant un public nombreux qui s’assemblaient devant les pianos (de cuisine !) pour voir travailler toutes ces personnalités jugées par un jury de choix.
Il vient de sortir une bible de 300 pages « Une vie frottée d’ail » où il mêle recettes, souvenirs, anecdotes et personnalités venues s’installer à sa terrasse.
On va aller l’y retrouver pour parler de tout ça.

Jean-Piere SAVELLI… Souvenirs, souvenirs
Nous étions allés le voir chez lui il y a quelques temps, pour évoquer des souvenirs communs dans la mesure où je l’ai connu à ses débuts, où j’ai vécu avec lui, tournées et festivals, galas et galères. Ensemble nous avons sillonné la France et il en a fait, du chemin, de Toulon à Paris où Michel Legrand l’a pris sous son aile, où il a gagné la Rose d’Or d’Antibes avec « Ciel », où nous avons fait la fête (les fêtes) avec Barclay, où il a fait « la Révolution » avec Claude-Michel Schonberg, où il était avec « Les uns et les autres » entre Lelouch, Croisille et encore Michel Legrand, où Goldorak et Albaror l’ont fait aimer des enfants, où Peter a rencontré Sloane et bien d’autres choses encore, avant de revenir, plein d’usage et raison vivre dans sa ville natale avec Sandry, son épouse avec qui il crée des spectacles. « Regarde, le jour se lève » est le titre de son livre de souvenirs… Ce début de chanson rappelle un énorme succès pour des milliers de fans, « Besoin de rien, envie de toi » resté des dizaines de semaines au top 50 qui fut d’ailleurs le succès N°1 de cette émission. A 74 ans, bon pied, bon œil et toujours belle voix, il continue ses spectacles avec Legrand, les années bénies entre 60 et 70, les spectacles avec sa femme.
On pourra d’ailleurs l’applaudir le 29 mai et le 29 juin à la Valette, et encore le 2 juillet à Baudouvin.

Yes PUJOL
René FREGNI

Faire l’aïoli avec Yves PUJOL
Même s’il est né à Maseille Toulon est son pied à terre, qui a vu naître le groupe Aïoli en 1992. Leader de cette équipe de fadas chantants, Yves Pujol a très vite connu un énorme succès. Mais pas que…
Car deux humoristes se sont mis sur sa route : Wolinski et Eric Carrière l’un des Chevaliers du Fiel, avec qui il a écrit des spectacles d’humour. Un humour à la provençale, piqué d’ail et d’accent avec des spectacles qui ont cartonné et qui l’ont amené au cinéma. Coiffé de son éternel chapeau, il amuse le public avec un côté mi-naïf, mi-roublard et ses spectacles sont des explosions de rires.
Il ne faut pas oublier qu’il a fait le conservatoire de Toulon avant de « monter » à Paris au Cours Florent et qu’il a été élu membre de l’Académie Alphonse Allais, humoriste s’il en fut.
Chanteur, musicien humoriste, comédien… Il sait tout faire « avé » l’accent. Accent dont il se glorifie et que l’on entend dans ses disques et dans ses livres « Parlez-vous le Sud ? » en deux volets, où avec sa faconde, il glorifie le langage, les expressions, le patois de chez nous.
Un vrai régal qui fait entrer le soleil partout où il passe.
René FREGNI : Une vie passionnante
D’infirmier à écrivain, de prisonnier pour avoir déserté l’armée à visiteur de prison, René Frégni a eu une jeunesse mouvementée  faite de voyages mais aussi de planques et de menaces de mort, lorsqu’il était recherché, avant de découvrir la lecture puis l’écriture.
Il raconte touttes ses pérégrination dans son live « Déserter »
Il est aujourd’hui un écrivain bien rangé et bien aimé de ses lecteurs et vit une vie bien tranquille  du côté de Manosque d’où il ne sort de sa tanière que pour présenter un nouveau roman.
J’ai toujours plaisir à le retrouver sur des fêtes du livre pour parler de son nouveau thriller car il a la plume facile mais il est aussi un conteur magnifique que l’on a plaisir à écouter raconter sa vie qui est loin d’avoir été un long fleuve tranquille mais qui est passionnante. Et on peut l’écouter des heures avec autant de plaisir que de lire ses polars qui sentent toujours le thym et le romarin !
Il est de toutes les fêtes du livre car il a toujours un roman à nous offrir. Ecrire est devenu sa vraie passion et il a une imagination débordante qui vous tient en haleine jusqu’au mot fin.
Tel « Les gabians se lèvent à 5 heures », son dernier roman qui commence comme une autobiographie : Un écrivain retrouve son enfance à Marseille avec toutes les émotions qui lui reviennent… Avant, évidemment, qu’un meurtre le rattrape… A suivre !

Jean-Claude GUEGAN
Jacques BRACHET

Jean-Claude GUEGAN… Flic devenu romancier
Encore un flic qui a mal tourné !!!
Ancien Officier de Police à Toulon puis à Marseille, l’ami Jean-Claude en a vécu des aventures dans lesquelles, quelquefois, il a risqué sa vie.
Il aurait pu la raconter, cette vie aventureuse, il a préféré créer un personnage nommé Benjamin Lecomte, ancien flic devenu détective privé, dans lequel il y a certainement de lui, qui traque les assassins de tout bois. Entre polar et thriller, entre vécu et imaginaire, il nous entraine à chaque fois sur la trace de tueurs de haut vol. Et son dernier roman, « Le sculpteur » nous emmène en Sologne, où nous suivons le détective sur la piste d’un assassin psychopathe, tueur en série de crimes sordides.
L’ami Jean-Claude était à la Fête du livre… Sans livre et désespéré  car entre la maison d’édition et Hyères ils se sont volatilisés !
Vengeance d’un de ses assassins qu’il a poursuivi ? Le Sculpteur n’est jamais arrivé sur son stand. Nous étions de tout cœur avec lui.
Jacques BRACHET… d’Antan !
Quant à moi, mon dernier livre « Le Var d’Antan » est bien arrivé mais… « Toulon d’Antan » était absent pour cause de rupture de stock. La rançon de la gloire !
Une quatrième édition reviendra chez les libraires en octobre. Affaire à suivre !
En attendant, avec cet album illustré de cartes postales anciennes de ce Var qui nous est cher, permet à toutes les générations de découvrir comment il était car même les plus de 20 ans ne peuvent pas connaître ! Et il est souvent difficile de resituer quelques endroits mais justement, il nous permet de découvrir comment les générations vivaient et dans quels décors et environnements.
Je voudrais remercier la librairie Olbia qui m’a reçu sur son stand et dont l’équipe fut on ne peut plus sympathique.

Jacques Brachet
Photos Alain Lafon

Six-Fours – Six N’Etoiles
Laure PRADAL, réalisatrice de l’Humain

C’est un plaisir que de retrouver la réalisatrice Laure Pradal, qui vient régulièrement au Six N’Etoiles, invitée par Pascale Parodi, présidente de l’association « Lumières du Sud ».
En plus du fait que nous sommes compatriotes « Ardéchois cœur fidèle », à chaque fois elle nous présente un documentaire plein de vie et d’humanité, d’émotions ou de rires, sur les gens de l’ombre et des sujets de société brulants ou plus légers.
En 2009, elle nous proposait « Village vertical », l’histoire de la Tour d’Assas de Montpellier, la plus haute tour de la région où s’entassaient  nombre d’émigrés, de sans-papiers souvent,  de déracinés qui vivaient en autarcie comme ils pouvaient, s’entraidant, entendant souvent cette phrase qui fait froid dans le dos : « Les Arabes entre eux ».
Cette année, elle revient sur la tour,  quinze ans après donc, avec « La tour fantôme ».
C’est la suite du premier documentaire dont elle en a fait qu’un, sous le titre à nouveau du « Village vertical ».
C’est vrai qu’on s’y perdait un peu et sa venue au Six N’Etoile était le prétexte de faire le point avec elle :

« Laure, au départ, je n’avais pas compris pourquoi vous reveniez sur ce documentaire qui date de 15 ans avec un nouveau titre puis la reprise du premier titre…
Pour le second, je l’avais appelé « La tour fantôme » puis en fait c’était plus parlant de revenir au premier titre qui me paraissait plus simple et plus parlant. Le public de Montpellier avait suivi le premier documentaire et donc avaient suivi « La tour fantôme ». Mais je me suis dit que pour les festivals ou les lieux dans lesquels j’allais les présenter, ce serait plus simple de n’en présenter qu’un, afin que les spectateurs voient l’ensemble des deux. Le second a existé parce que le premier existait et j’ai trouvé plus judicieux d’en faire un seul film, dans la mesure où le public n’avait pas vu le premier.
Ainsi on peut voir dans la continuité ce qui s’est passé en quinze ans…
Oui, ça a quelquefois été difficile de retrouver tous les protagonistes. Par exemple, je n’ai retrouvé que deux des enfants. Certains personnages ont disparu, d’autres ne sont pas venus au rendez-vous, certains sont en prison, d’autres encore sont décédés, sans compter qu’il y a eu le Covid..
Ça a été le parcours du combattant !
(Elle rit) Oui, ça n’a pas toujours été facile.
Dans le premier doc les enfants justement disaient : «  C’est pas une cité, c’est un quartier » mais ça reste une cité quand même ?
Oui, c’est la plus grosse tour de Montpellier et de sa région. Déjà, il y a vingt ans, il était question de la détruire, dès sa construction car il avait été constaté que la fondation n’était pas terrible. Du coup sont aussitôt nées des légendes, des rumeurs que la tour penchait !

Laure Pradal & Pascale Parodi

Par contre, cette tour, tout en étant inhumaine, possèdaient beaucoup d’humanité…
Bien sûr, car tous se connaissaient et s’épaulaient dans cette détresse, où ils vivent à part, entre eux. D’ailleurs, certaines femmes qui sont parties vivre dans des immeubles de Montpellier pour que les enfants aillent à l’école et soient mêlés à d’autres enfants, avouent qu’elles ont perdu cette entraide, cette solidarité qu’elles vivaient dans cette tour.
Mais d’un autre côté, en restant ainsi entre eux, les choses ne peuvent pas avancer, il est difficile pour eux de s’intégrer. Mais ils venaient tous du Maroc pour la plupart, ils se connaissaient et reformaient un clan, une famille. C’est un peu comme nous, lorsque nous partons nous installer dans un autre pays. On a le réflexe de chercher des gens qui nous ressemblent, qui parlent et vivent comme nous.
Alors, cette tour aujourd’hui ?
En terminant mon tournage, j’ai filmé la tour où il n’y a plus qu’une sorte de façade assez fantomatique. D’où le titre du film. Il a été relogé quelque 800 personnes, soit dans dans des villages alentour, soit au centre de Montpellier. Mais beaucoup de personnes âgées ont voulu rester dans le quartier
Vous avez filmé beaucoup de marocains…
Oui, c’étaient 95% de marocains qui vivaient là.
Beaucoup étaient français mais ils ont ce dilemme d’être considérés comme maghrébins en France et comme français lorsqu’ils retournent au Maroc
Effectivement. C’était il y a quinze ans et ça n’a pas changé. Ils sont toujours entre deux en permanence. Pour certains, leurs grands-parents étaient en France. J’ai rencontré une femme qui habitait à Lodève, au-dessus de Montpellier, qui n’avait pas connu ce problème et a découvert cette discrimination en se mariant et en faisant connaissance avec sa belle- famille.
Est-ce qu’il y en a qui sont repartis au Maroc ?
Je pense qu’il y en a très peu car là-bas ils sont considérés comme des étrangers. Ceux qui repartent, ce sont les plus âgés qui veulent terminer leur vie dans leur pays. Mais en même temps c’est compliqué car toute leur famille est en France.
Je suis en train de tourner un film sur un psychologue à Nîmes. Il est d’origine algérienne et il reçoit des primo-arrivant marocains qui sont passés par l’Italie, l’Espagne et arrivés en France, ils le regrettent. Ils disent qu’ils n’avaient pas d’avenir au Maroc mais ils se retrouvent en France à cinq dans un minuscule appartement, nombre d’étudiants sont sans papiers. En plus, ils parlent italien et marocain. C’est compliqué pour eux. Ils pensent qu’en France c’est l’Eldorado, mais ce n’est pas le cas.

Lors de votre passage au Six N’Etoiles pour présenter « Des livres et des baguettes » vous aviez montré cette jeune franco-algérienne qui avait une voix d’or. Qu’est-elle devenue ?
Entretemps j’ai fait un film sur elle et après ça elle est partie faire carrière en Arabie Saoudite mais elle n’a pas fait le métier de chanteuse d’opéra qu’elle voulait faire. Elle est devenue coach pour des chanteurs. C’est dommage. Elle essaye toujours de percer dans l’opéra mais ça semble difficile. Déjà est compliqué pour tout le monde mais pour elle il y a quelques obstacles en plus. C’est aussi un peu la course contre la montre car elle a déjà 35 ans.
Alors, vos projets aujourd’hui ?
Comme je vous l’ai dit, je tourne ce film avec un psychologue dont le thème est : comment les problèmes sociétaux peuvent influer sur le psychique des gens. Je filme dans le cabinet du psychologue, les patients de dos ou de trois quart. Mais le film est centré sur le psychologue et j’entends quelquefois des histoires incroyables. Il lui faut dénouer des intrigues presque plus policières que psychiques.
J’ai un autre projet : filmer un archéologue qui a la cinquantaine et veut adopter un migrant albinos roux, ce qui pose d’énormes problèmes, d’autant qu’en Afrique cet enfant risque sa vie, les albinos étant sensés porter malheur… Il a eu un parcours incroyable.
Je prépare aussi un court métrage autour de Gaza avec une plasticienne qui dessine un story-board au pastel qu’on filme par en-dessus. C’est très beau ce qu’elle fait. Et moi je reprends des témoignages pris sur Internet que l’on fera lire par des acteurs et actrices palestiniens.
Et l’Ardèche dans tout ça ?
J’avais fait, il y a quelque temps, un film institutionnel sur Olivier de Serres mais je n’habite plus beaucoup en  Ardèche… Même s’il y a beaucoup de belles histoires à raconter ! Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Alain Lafon

Six-Fours – Six N’Etoiles : Ron DYENS…
Un producteur heu-reux !

Un oscar, un César… Et quelques autres trophées !

Un chat vivait tranquille dans une belle forêt lorsqu’une énorme vague l’envahit et submerge la terre. Il ne devra sa vie qu’en nageant malgré sa peur et va trouver refuge dans un bateau à la dérive, sur lequel peu à peu quelques autres animaux vont s’y réfugier.
Ils devront apprendre à se connaître, à s’apprivoiser, à vivre ensemble malgré leur différence, et à s’entraider.
Que voilà un magnifique film d’animation signé Gintz Zilbalodis, un Letton à la fois réalisateur et scénariste de films d’animation, qui a signé ce film « Flow, un chat qui n’avait plus peur de l’eau » et qui en a aussi signé la musique.
C’est un film un peu étrange, dans la mesure où les dialogues ne sont que miaulements, cris, caquètements, grognements, aboiements mais qui expriment tous les sentiments, tous les épisodes dramatiques ou drôles que vont vivre tous ces animaux, dans des décors somptueux de fin du monde.
Un film plein de sensibilité, de poésie, d’humanité, même si ce ne sont que des animaux en l’absence d’humains qui ont l’air d’avoir disparus de la terre. On suit cette épopée pleine de symboles et de vérités, même si l’on peut se poser une question : Est-ce un film pour enfants comme le sont en principe des dessins animés, où un film pour adultes qui, sous forme de conte, dit des vérités sur l’âme humaine, qui pourraient se passer au-dessus de la tête de certains enfants ?
Pour en savoir plus, nous avons rencontré Ron Dyens, le producteur du film venu le présenter au Six N’Etoiles avec sous le bras, l’oscar et le César qui a remporté le film. « Que » deux trophées parmi les 80 reçus pour le film, du prix Lumière au Golden Globe, en passant par le prix Ciné-Europe et tous ceux reçus un peu partout, du festival d’Annecy qui en a reçu 4, au festival de Montréal, au festival de Cannes et même de Guadalajaro au Mexique !
Ron est un garçon souriant au regard bleu plein de tendresse et avec le sourire de l’homme heureux quelque peu dépassé par ce qui arrive au film !

« A 24 ans – nous dit-il – Gintz a réalisé ce film tout seul, à tous les postes, ce qui est une performance incroyable… Même si c’est une chose qu’on ne devrait jamais faire ! Il a même composé la musique !
Qu’est-ce qui vous a convaincu à produire son film ?
C’est le premier film de lui que j’ai vu, « Ailleurs » qui m’a totalement hypnotisé. Je l’ai vu sur un ordinateur et lorsqu’on visionne un film sur ce support, on s’arrête souvent pour aller boire un coup, envoyer un SMS, chercher des chips…
Faire pipi !
Oui, il y a la pose pipi et là, je n’ai pas eu envie de faire pipi !
Qu’est-ce qui vous a plu dans ce film ?
Le sujet du film correspond à son désir de travailler en équipe. En fait, le sujet du film c’est la cohabitation, la collaboration, face à l’adversité, c’est un film qui parle beaucoup de ce qu’on vit aujourd’hui. Etrangement, j’ai moi-même un discours sur le risque de la fin du monde et de son acceptation et en fait, peu de personnes me contredisent. C’est je crois, aujourd’hui, ancré dans la mentalité des gens. Il y a un jour des chances que tout pète mais la beauté de ce film est de montrer, à travers les animaux, un monde sur les humains où la coopération fonctionne, l’altruisme existe, l’apprentissage par rapport à l’autre, notamment le don à l’autre. C’est un peu le désir du réalisateur d’apprendre à échanger avec les autres.
Comment pourriez-vous définir le réalisateur ?
C’est un homme à la base très réservé, grâce aux festivals où il a été invité, il s’est ouvert… Les gens des pays baltes sont à la base plutôt renfermés car ils ont été ballotés entre le nazisme, le soviétisme, ayant Poutine comme voisin. Ce ne sont pas des bavards, ils ont du mal à s’ouvrir et ce film est pour lui, d’une certaine manière, une thérapie qu’il a très bien réussie.

Est-ce que les enfants peuvent se rendre compte de toute la symbolique du film ?
Ce film est en fait pour tout le monde, enfants, adultes mais chacun ne comprend pas le même message. Les films de David Lynch, on ne les comprend pas toujours. Ce sont des  métalangages mais en les regardant, on se sent intelligent, on sent une sorte de connivence, il y a des choses qui crépitent un peu dans nos têtes. Comme ce film où le fait que ce ne soit pas justement clair, on s’approprie certaines choses plus que d’autres. Et du coup, ce film touche tout le monde pour des raisons différentes et personnelles, avec aussi ce que chacun a de l’expérience de la vie. Les jeunes spectateurs n’ont pas la même appréhension de la fin du monde que des personnes plus âgées qui voient l’état du monde, le désastre écologique, par exemple. Les jeunes ressentent inconsciemment des choses auxquelles on n’a plus accès, cette tension perpétuelle. Beaucoup de jeunes pleurent mais pas de colère. Pour vous la fin du film est-elle ouverte ou fermée ?
Je pense qu’elle est positive…
Et pourtant, avant la fin, il y a à nouveau cette course de biches et de cerfs qui peuvent faire penser qu’un autre danger arrive, comme la première fois. Il prend conscience, en voyant la baleine échouée, que de toutes façons nous allons tous mourir, d’une manière ou d’une autre, à un moment où à un autre. C’est une certaine acceptation de la mort puisqu’un nouveau déluge se rapproche et qu’enfin la seule survivante sera la baleine. Malgré ça, vous avez raison, c’est très positif ! Car le chat ne mourra pas seul, il a découvert l’altruisme, l’amitié, l’altérité, toutes ces choses qui sont belles et qui font grandir les gens. Je me rends compte que les gamins sont des éponges, ils voient les tensions familiales, leur souffrance peut-être, celle des éducateurs. Même s’ils ont des étapes à passer, ils voient autour d’eux ce qui va ou pas. A chaque époque, chaque enfant s’est adapté à son monde.
Le fait que ce soit un film sans dialogues est-ce une difficulté ou une grande liberté ?
Gintz a toujours fait des films sans dialogues. C’est un taiseux de nature et il n’aime pas beaucoup faire parler les gens. Il préfère que les spectateurs ressentent des sentiments à travers l’action des personnages. C’est un parti pris dès le départ.
Et le fait qu’on ne voie aucun humain est aussi un parti pris ?
C’est vrai qu’on voit des sculptures, des habitations, des lieux habités par des humains, suggérant qu’il y en avait et que même le chat était un chat domestiqué dans la mesure où on le voir dormir dans une maison. Comme dit Gintz : « Faites-vous votre film » !
Et cet oiseau qu’on voit mourir dans ce tunnel blanc que certains appellent le tunnel de la mort, dont certains sont revenus ?
Le bouddhisme dépeint un autre monde dans lequel on va aller. Quand je parle de la mort avec mes enfants, je leur dis qu’elle n’est pas une fin en soi. Personne ne le sait. Donc, pour moi, le chat part avec l’oiseau dans cet endroit de passage, il y a une porte qui s’ouvre certains la franchissent d’autres non. L’oiseau est blessé, n’a plus de fonction sociale, il n’a donc plus d’intérêt sur cette planète, il doit donc quitter ce monde. Quant au chat, on dit qu’il a plusieurs vies, qu’il a pu en perdre pendant son périple. Et pour moi cette barque, ce n’est pas la barque de Noé, c’est plus la barque de Charon, qui est la barque pour aller vers la mort. Tant qu’on est sur la barque, on n’est pas mort, on va vers un autre monde. L’oiseau considère que le chat n’est pas prêt à changer de monde. Il rate donc le passage car il a autre chose à faire.

Qu’est qui, pour vous,  a créé un tel engouement partout où le film est passé ?
Je pense qu’il y a beaucoup de choses. Il y a le mysticisme, il y a aussi beaucoup de spiritualité. On est aujourd’hui dans un monde très dur, où partout dans le monde il y a de la violence. Indépendamment d’être chrétien, juif, boudhiste ou autre, on s’aperçoit que peu à peu le monde disparaît, on a besoin de s’accrocher à des valeurs, qu’elles soient familiales, spirituelles, car on sent qu’il y a quelque chose d’inéluctable et de très violent. Il faut donc arriver à une forme de sagesse, d’acceptation de ce qui est en train d’arriver.
Si on a une forme de conscience de soi, plutôt correcte et positive, c’est aussi une façon de lâcher prise face à cette violence.
Ce qui est drôle c’est que c’est un film de son temps. Par exemple lorsque le réalisateur a reçu trois prix au festival de Séville, au même moment il y avait ces inondations à Valence. Le lendemain où nous avons gagné le Golden Globe, il y a eu les feux à Los Angeles… En fait, cela fait quatre-cinq ans qu’on est sur ce film, on voit l’état du monde qui nous alerte mais qui ne fait pas changer le monde.
Le titre de Flow ?
C’est le courant mais en musique ça désigne aussi l’ensemble des rapports rythmiques, du temps, de la mesure.
Quelles ont été les difficultés pour arriver à faire ce film ?
Je vous avoue que tout s’est super bien passé… Ce film a été béni des dieux, tout s’est passé avec une évidence incroyable, même les financements, alors qu’on a un film sans dialogues, avec des animaux non anthropomorphisés. C’est un peu comme « The artist » qui est sans dialogues et en noir et blanc ou « La haine » tourné en couleur mais sorti en noir et blanc aussi. On s’aperçoit que des films « différents » fonctionnent aussi. Je vais vous avouer quelque chose : on a même refusé de l’argent. Ça montre bien que le monde devient fou !!!
Ça va certainement être pire, avec tous ces prix, non ?
Mon gros problème aujourd’hui est : Qu’est-ce que je fais après ? J’ai d’autres projets mais ils n’atteindront pas le niveau de celui-ci. L’avantage est que je vais remettre le couvert avec Gintz, ce sera une nouvelle coproduction franco-lettone. Il y a déjà deux millions du CNC letton et on espère donc beaucoup de ce prochain film car pour moi le réalisateur est un génie.
On peut donc déjà en parler ?
C’est toujours sur le même thème et on se rapproche de plus en plus de la fin du monde ! (il rit) mais avec toujours beaucoup de poésie ». Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Alain Lafon

Avec Pascale Parodi, présidente
de l’association « Lumières du Sud »