Archives mensuelles : novembre 2024

Toulon – Les belles rencontres de la fête du livre

1980. C’est la date de la première fête du livre de Toulon.
Il s’en est passé du temps et des auteurs et l’on aime chaque année découvrir de nouveaux auteurs, retrouver certains d’entre eux et suivre leur cheminement, avec la curiosité gourmande de voir ce qu’ils nous offrent.
Tantôt journaliste, tantôt auteur, j’ai fait, non pas toutes les guerres comme l’écrit Cabrel mais toutes les fêtes du livre, avec toujours le même plaisir.
Mais cette année, c’est en tant qu’auteur que j’y étais, pour présenter mon dernier livre « Le Var D’antan » paru chez HC éditions. On y reviendra.
Etre auteur, c’est se retrouver à côté d’un autre auteur. Parfois ça se passe bien, parfois moins, selon que l’auteur soit aimable ou pas, aime parler ou pas. On s’y fait des relations… ou pas et je dois dire que cette année, j’ai eu de la chance : mon voisin de gauche n’est pas venu, celle de droite…

Valérie ALAMO, de mots et de chansons
Celle de droite donc, avait déjà une qualité : avoir un accent proche du mien puisque, si elle vit aujourd’hui en Bourgogne, elle est d’Avignon avec l’accent que l’on prend en naissant de ce côté-là, comme le chante Mireille Mathieu. Déjà, ça rapproche mais si en plus elle est journaliste, que ses livres parlent de chanteurs, ça ne pouvait que nous rapprocher, moi qui suis devenu journaliste dans les années 60. Sans compter qu’elle a, comme moi, la volubilité et l’humour, ce qui est pour moi essentiel. Et en plus, le nom d’Alamo résonne en moi, l’amitié que j’avais avec Franck, le chanteur (dont le nom était Jean-François Grandin !) c’est le petit plus qui a fait que j’ai aussitôt accroché sur cette belle journalistes avec qui je me suis trouvé beaucoup de points communs.
Pagny, Garou, Cabrel, Balavoine, Souchon, Berger n’ont plus de secrets pour elle. Elle nous a offert de superbes albums de Cabrel et Berger et nous propose cette fois deux livres, l’un sur Souchon, l’autre sur Pagny.
Alors qu’elle nous avait offert « Pagny, l’homme qui marche » là, elle nous propose « Une vie en chansons » (Ed Hugo Doc) où elle décortique l’œuvre du chanteur et nous révèle les secrets de leur création. Et elle fait de même avec Alain Souchon. Les fans vont donc découvrir ce qui se cache derrière les mots et les chansons qui ont fait leurs succès. C’est un magnifique travail de recherches.

Benjamin CARTERET… En apesanteur !
Si, cette année, vissé à mon stand, je n’ai pu faire d’interviewes, j’ai quand même eu quelques jolis moments de rencontre. Ce qui s’est fait, là encore dans l’humour avec Benjamin Carteret, un adorable jeune garçon au physique de premier de la classe au sourire avenant, diplômé d’Histoire de l’Art.
A l’arrivée à l’hôtel le premier jour, nous prenons ensemble l’ascenseur. Sourires, bonjour. Un moment après, nous nous retrouvons ensemble pour descendre. Re-sourire[b1] . Le lendemain matin, nous descendons au petit déjeuner… dans le même ascenseur, ce qui nous fait rire et du coup, nous déjeunons ensemble et nous présentons « officiellement » !
Et comme par hasard, nous sommes montés et descendus ensemble une dizaine de fois !
Peut-être que, sans cet ascenseur, je n’aurais jamais rencontré ce garçon brillant, fou d’Antiquité et de mythologie, qui a déjà écrit deux très gros livres aux éditions Charleston : « Perséphone » et « Moi, Orphée », deux romans historiques. Dans le premier, nous naviguons  entre dieux et déesses, nous rencontrons Zeus et Korê et nous entrons dans l’intimité de Déméter et Perséphone. Nous croisons aussi Narcisse, Artémis, Ganymède et, comme s’il en avait été le témoin il nous offre, avec une belle plume, un roman original et passionnant. Tout comme le second où l’on découvre ce couple… mythique qu’est Orphée et Eurydice que Cocteau avait si bien filmé. Un mythe ? Une histoire vraie ? Qu’importe, Benjamin nous entraîne dans cette fantastique histoire d’amour. Et comme toutes les histoires d’amour… elle finit mal !
Là encore, énorme travail de recherche pour remonter le et aligner la mythologie et l’histoire qu’il en a créé.

Vincent FERNANDEL… Il a grandi le petit !
Vincent, je l’ai connu « minot » car son père, Franck, fils de l’illustre acteur, était un ami fidèle avec qui on a passé de magnifiques moments dans sa maison des Trois-Lucs, où l’on passait des journées et des nuits à jouer aux boules, boire et manger et l’écouter jouer au piano avec ses potes car il était un remarquable musicien de jazz.
Franck disparu, je n’ai pas vu grandir « le petit » que j’ai retrouvé grâce une attachée de presse amie qui m’a proposé… son premier livre en hommage à son grand-père. Il a autrement rendu hommage à son père et nous offrant ses chansons (Tempesti)
Du coup, nous avons repris contact au téléphone, il m’avait envoyé des photos où je découvrais sa frappante ressemblance avec Franck !
Et voilà qu’il est à la fête du livre pour signer ses livres-disques comme les fables de la Fontaine et celui consacré à Marcel Pagnol… Car bien sûr, il a vécu dans ce triangle Fernandel-Pagnol-Raimu et même s’il vit à Paris, il n’a jamais oublié « son pays » et en a un peu gardé l’accent.
Il nous propose des extraits de « La gloire de mon père », « Le château de ma mère » et « Le temps des secrets ». Lui aussi a gardé son accent marseillais et il en a même la voix de son père.
Le lien est enfin renoué. On s’est vu, on s’est plus. On ne se quitte plus… Promis.

Enfin… Et moi, et moi, et moi…
Ça va peut-être être prétentieux mais… Je vais vous parler de moi… Enfin de mon livre !
Le sixième, et le second  chez HC Editions après « Toulon d’Antan ». Voici donc « Le Var d’Antan ».
Surpris qu’un jour cette maison d’édition me propose d’écrire un livre sur Toulon à travers la carte postale, alors que mes autres livres parlent théâtre, cinéma, musique mais piqué par la curiosité, j’ai accepté. Ce qui, né à Toulon sans la connaître vraiment, m’a permis de découvrir ma ville … Et j’ai aimé ça.
Du coup, HC (Hervé Chopin) revenant à la charge pour parler du « Var d’Antan », j’ai dit oui. Mais ce fut une autre histoire. A Toulon, j’étais sur place, je connaissais beaucoup de monde et ce fut assez facile. S’attaquer au Var était plus ardu, plus long, d’autant qu’hormis les livres déjà sortis (E il y en a !) et les réseaux sociaux, les mairies et les offices de tourisme ne m’ont pas beaucoup aidé. Mais avec beaucoup de volonté et de ténacité, j’ai vu le bout du chemin et je suis heureux du résultat… Avec un peu la trouille du retour de vrais historiens, moi qui ne suis qu’un journaliste qui écrit.
A eux et à vous de me le dire !

Merci
Juste avant de conclure, merci donc, à HC Edition, en espérant qu’ils auront encore besoin de moi pour d’autres aventures et merci à l’équipe de la librairie « Lo Païs » qui m’a si bien reçu durant trois jours à la fête du livre Ce fut un plaisir que de collaborer avec eux. Merci de leur gentillesse.
Jacques Brachet

Six-Fours – Festival « Femmes ! »
Malou KHEBIZI… Un vrai diamant brut

Parmi les films proposés au public et au jury de ce 23ème festival, le « Diamant brut » d’Agathe Riedinger nous a permis de découvrir une incroyable comédienne qui nous vient de Marseille.
Pour son premier film elle occupe l’écran d’un bout à l’autre avec une conviction et une force extraordinaires.
Et le rôle n’était pas facile puisqu’elle joue une jeune femme, Liane, vivant avec une mère très particulière qui a du mal à gérer sa vie, s’occupant de sa petite sœur, et qui ne rêve que de devenir quelqu’un. Maquillée avec outrance, s’étant déjà fait refaire les lèvres et les seins, elle erre dans la vie, vêtue de vêtements plus que provocants, vivant de petits vols, attendant la réponse d’un casting pour une télé-réalité, pensant que cette émission lui apportera gloire, argent, amour des gens.
Si au départ elle n’apparaît pas très sympathique, peu à peu on s’attache à elle car elle est dans la souffrance d’un manqu d’amour et de considération ce qu’elle vit mal et elle pense qu’une émission pourra changer sa vie.
Le rôle est difficile car le film repose sur elle et que pour l’interpréter elle a dû changer physiquement.
Et lorsqu’on la voit arriver au Six N’Etoiles, on la découvre transformée, belle, souriante, naturelle, timide,  à la fois d’une grande simplicité et d’une maturité formidable.

« Comment définiriez-vous votre personnage, Malou ?
C’est une fille qui se sent complètement oubliée qui a une quête de reconnaissance, un besoin d’amour. Pour elle, la télé-réalité est sa seule issue de secours. C’est peut-être ce qu’on appelle une télé poubelle, c’est souvent un milieu malsain. C’est peut-être assez paradoxal mais Liane n’a pas beaucoup le choix, son corps et les réseaux sociaux sont la seule arme qu’elle a pour essayer de s’en sortir. Personnellement, c’est un rôle qui m’a beaucoup fait avancer, qui m’a fait poser des questions sur mon image : Faut-il être absolument belle et sexy pour s’en sortir, s’émanciper ?
Vous êtes jeune, belle… Quelle a été votre réaction en vous voyant à l’écran, si loin de votre vraie personnalité ?
Le film a été présenté à Cannes mais ce n’est pas là que je l’ai découvert  mais dans une petite salle à Paris. Pour moi ça a été un grand soulagement car j’avais évidemment énormément d’attente et j’ai été très heureuse en le découvrant et, parce que le personnage était physiquement très différent de moi mais je suis arrivée à le regarder sans problème.
« Pour votre premier film, vous jouez des scènes de nudité. Comment l’avez-vous vécu ?
J’avais déjà une chose qui me rassurait puisque l’on m’avait mis une prothèse mammaire qui me permettait d’avoir une résistance au personnage, d’y rentrer plus facilement.  Agathe était très près de moi, pour répondre à toutes mes questions, m’expliquait comment et pourquoi j’allais être filmée, elle était attentive pour éviter qu’il y ait un effet vulgaire. Le personnage de Liane étant déconnecté de toute tentation. Elle va même jusqu’à mutiler son corps au nom de son image, de sa beauté. J’étais énormément bien encadrée, toujours dans la bienveillance. Toutes ces scènes étaient tournées avec des équipes réduites et avec les personnes indispensables au tournage.

Les comédiennes du film, Ashley Romano,
Malou Khebizi, Kilia Fernane
Luc Patentreger, Agnès Rostagno première adjointe de la Mairie de Six-Fours, Noémie Dumas

Le film a été tourné dans la région ?
Oui, à Fréjus entre autres mais aussi sur la Côte d’Azur, Cannes, Grasse, Nice. C’était important pour Agathe de tourner à Fréjus, c’est une ville qui possède une fracture sociale entre elle et Saint-Raphaël l’une étant vraiment riche, l’autre beaucoup plus populaire, plus pauvre. Il y a vraiment une frontière entre les deux
C’était votre premier film… Avez-vous aujourd’hui envie de continuer dans cette voie ?
Oui, j’ai été contactée par une agence et je vais continuer. C’est devenu mon métier, il y a déjà quelques projets en cours dont je ne peux parler. J’ai tourné une série pour Netflix « Young millionnaires » d’Igor Goteman, dans la région.
N’ayant jamais tourné, comment êtes-vous arrivée sur ce film et avoir obtenu le premier rôle ?
Je travaillais dans la restauration, j’ai trouvé l’annonce du casting faite par une agence  sur les réseaux sociaux. J’ai donc répondu à l’annonce sans trop savoir de quoi parlait le film, ni sans me faire d’illusions, nous avons été castées en groupe. J’ai été choisie et à partir de là il y a eu une longue préparation, deux mois et demi, faite de lectures, de répétitions, de travail sur le corps…
Qu’est-ce qui vous a motivée pour répondre à cette annonce ?
Je n’avais jamais rêvé particulièrement à devenir actrice, je me suis dit « Pourquoi pas ? ». Ça a été une envie de croire en ma bonne étoile et j’ai été heureuse en fait, d’être choisie, sans jamais penser que ça pourrait aller si loin. Je n’imaginais pas que c’était aussi sérieux, aussi professionnel et que ça aller m’emmener jusqu’au festival de Cannes en compétition ! Ça a été un choc pour la réalisatrice une grande surprise pour nous et une grande joie. Ça nous a fait du bien de voir que ce sujet pouvait intéresser un tel festival, de pouvoir mettre la lumière sur ce fait de société car la télé-réalité est souvent très méprisée et là, c’est le but de Liane d’y arriver. J’en suis très fière. 

Les comédiennes avec Mireille Vercellino

En fait, ce n’est pas un film « sur » la télé-réalité qu’on ne voit jamais. C’est juste un objectif pour Liane…
C’est vrai, c’est avant tout un film sur le besoin d’amour, le besoin de reconnaissance, d’une fille qui a de grandes blessures affectives. Le choix de la réalisatrice, justement, de ne rien montrer de la télé-réalité, ça n’était pas le but. La télé-réalité est un phénomène de société qui permet à des jeunes de rêver, de croire en quelque chose, même si c’est un peu un leurre. »

A côté de Malou, celle qui joue sa petite sœur, Ashley Romano, petit bonbon craquant est là près d’elle, mignonne, souriante, déjà professionnelle et je demande à sa maman ce qu’elle en pense : « J’ai une fierté énorme devant ma fille, je la trouve incroyable à l’écran et la voir monter les marches à Cannes a été un moment magique… Je ne vous en parle même pas ! Je suis heureuse pour elle et j’espère qu’elle va continuer si elle le veut. »

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Alain Lafon

Six-Fours – Festival « Femmes ! »
Un jury pour la 23e édition 

Pour la première année, le festival « Femmes ! », présidé par Luc Patentreger s’est entouré d’un jury pour donner un prix, en dehors du prix du public.
Ce premier jury  était composé de :
Mireille Vercellino, professeure de cinéma, une encyclopédie du 7ème Art !
Corine Binon, à la fois scripte, assistante réalisateur, accessoiriste, habilleuse, régie, effets spéciaux… Une personne de l’ombre indispensable des tournages !
Nina Messager, diplômée en master de cinéma,
Luc Bénito, cinéaste, réalisateur de films documentaires, directeur du réseau « Les petits écrans »
Jacques Brachet, journaliste (evasionmag.com)

Luc Benito
Nina Messager

Durant trois jours, ces passionnées de cinéma ont dû visionner sept films et ont pu comparer leurs goûts et leurs idées dans une ambiance amicale, chouchoutés par le président du festival et la présidente du jury, Mireille Vercellino.
Je peux l’écrire puisque je faisais partie de ce jury mené par une présidente, vraie passionaria du cinéma, tout fut parfait en tous points et nous fûmes formidablement accueillis par la maîtresse des lieux, en l’occurrence Noémie Dumas, directrice du Six N’Etoiles et par Luc Patentreger, président du festival qui nous reçurent royalement, chaleureusement. Quant au cinq mousquetaire, ce fut l’entente cordiale et tout se passa dans les rires, les sourires, la sérénité. Et de plus ce fut l’unanimité totale pour nommer le lauréat.
Quant aux films sélectionnés, tous avaient une particularité, une diversité dignes de faire partie de la compétition, provoquant l’intérêt, l’émotion, certains bouleversants, même tragiques, d’autres plus légers mais tous portant des qualités diverses et variées.
A noter que tous les films présentés étaient des avant-premières.
Les films en compétition étaient :
« Les filles du Nil » d’Ayman el Amir & Nada Ryadh
« Sarah Bernhard la divine » de Guillaume Nicloux
« Les prodigieuses » de Frédéric & Valentin Potier
« Diamant Brut » d’Agathe Riedinger
« Mon gâteau préféré » de Maryam Moqadam & Behtash Saneeha
« La plus précieuse des marchandises » de Michel Hazanavicius »
« When the light breaks » de Rünar Rünarsson

Jacques Brachet
Mireille Vercellino
Corinne Binon

And the winner is : « Mon gâteau préféré », film iranien qui conte l’histoire de deux septuagénaires solitaires dans un Iran on ne peut moins libre, surtout vis-à-vis des femmes. Elle (Lili Farhadpour) erre dans la ville et tombe sur lui (Esmaeel Mehrabi) dans un restaurant où elle l’entend dire qu’il est seul. Elle va alors l’aborder et l’emmener carrément chez elle. Et là, durant toute une soirée, ils vont vivre des moments exceptionnels faits de rire, de douceur… De bonheur retrouvé… Jusqu’au moment où….
Deux merveilleux comédiens, lumineux, touchants, dans une histoire bouleversante, qui a fait l’unanimité du jury tant par la justesse des comédiens, que le cadrage et l’image avec en fond un Iran difficile à vivre pour les femmes. Une histoire d’amour insolite, pleine de délicatesse avec deux comédiens magnifiques.
Le jury a également voulu donner une mention spéciale à Malou Khebizi, jeune héroïne du film « Diamant brut », venue nous rejoindre pour cette soirée. (Voir article)
Mais le festival n’est pas terminé puisqu’il va se poursuivre jusqu’au 23 novembre à l’Espace Tisot et au Casino Joa à la Seyne- sur-mer ainsi qu’au Royal à Toulon. Et le public, qui est venu assister à la compétition à Six-Fours, pourra encore voir de beaux films pour lesquels ils pourront voter, le prix du public, qui aura lieu à la clôture de ce festival qui, Grâce à Luc Patentreger et toute son équipe, a fêté son 23ème épisode en créant ce prix du jury, ce qui a ajouté de l’intérêt au festival qui va croissant et nous apporte à chaque fois de superbes surprises et de grands moment de cinéma.
Bravo à eux et merci pour ce chaleureux accueil.

Jacques Brachet
Photos Alain Lafon

Le jury avec Luc Patentriger

Six-Fours – Festival « Femmes ! »
Quand Cécile LATEULE rencontre Marie-Hélène LAFON

Invitée du festival «Femmes », la réalisatrice Cécile Lateule est venue présenter « Dansons tant qu’on est pas mort »… sans sa « vedette » la romancière Marie-Hélène Lafon à qui elle consacre ce portrait.
Une auteure qui sort des sentiers battus par son langage, autant que son écriture, qui sont d’une force inouïe, dont le vocabulaire est d’une grande richesse, tant elle est passionnée de cette langue française.
Venue d’une famille d’agriculteurs, elle a choisi une autre voie et elle a eu grandement raison et si l’on aime son écriture, on ne peut qu’aimer cette femme passionnée, toujours vêtue de couleurs violentes et dont le verbe est imagé, poétique, le regard qu’elle porte sur les personnes humbles étant empreint d’amour, d’empathie et on l’écoute comme on la lit, superbe, passionnée,  flamboyante, obsessionnelle, remontant, comme elle le dit, « le cours des mots comme une rivière dont on ne trouve pas la source »
C’est un vibrant hommage que Cécile Lateule offre à cette femme magnifique ainsi qu’aux spectateurs qui l’ont découverte.
J’ai eu la chance de partager un repas avec la réalisatrice et Mireille Vercellino l’une des responsables du festival, véritable encyclopédie du cinéma, tout aussi passionnée que Cécile et c’était un magnifique moment de les écouter parler cinéma. A tel point que j’en oubliais mon interview !

« Cécile quel a été le déclic pour devenir réalisatrice ?
Parce que je m’ennuyais à la Fac de Toulouse ! Il y avait un département cinéma et je suis allée y faire un stage. Je m’y suis beaucoup amusée. Devenue amie avec le prof qui animait le stage. Il m’a dit qu’il y avait en France trois écoles de cinéma, deux à Paris une à Toulouse et il m’a conseillée de la tenter. Ce que j’ai fait et j’ai été reçue au concours dès la première année. Heureusement d’ailleurs car je pense que je ne l’aurais pas tentée deux fois ! Et Voilà, c’était parti.
Avec déjà l’envie de faire des documentaires et non des films de fiction ?
Au départ je ne savais pas et c’est vraiment la culture et cette école-là qui m’a amenée vers le documentaire. Une école très branchée Eisenstein, le grand documentaire… Pedro Costa aussi qui est plus proche de la fiction que des documentaristes. Mes derniers documentaires « Pense à moi », chronique de la vie quotidienne des migrants et « Femmesfortes tout attaché » sur les femmes victimes de violences, étaient beaucoup joués, contrairement à celui de Marie-Hélène… même si l’on considère qu’elle joue elle-même. Car Marie-Hélène est un pur matériau dramaturgique.
Je n’avais qu’à poser la caméra et je n’avais plus rien à faire !
Ce n’était un peu handicapant, frustrant, pour vous ?
Ce qui est sûr c’est que je n’arrivais pas à l’arrêter mais ça, ce n’est pas grave, j’avais une matière foisonnante et je préfère avoir beaucoup de matière puis tailler à l’intérieur qu’essayer de créer avec peu de matière. Ce n’est pas handicapant, au contraire ! Je ne suis pas journaliste, je suis artiste, je préfère avoir de la matière plutôt que de poser des questions.
Cette matière, vous en avez eu beaucoup… Qu’en faire ?
Je fais toujours des films de cinq, six heures et ça ne me pose aucun problème, même si je dis à mon collaborateur : « Je ne vois pas ce qu’on peut enlever » ! Il me répond que ça ne va pas être possible !

Pourquoi un film sur Marie-Hélène Lafon ? Votre rencontre ?
J’ai lu « Les sources » qui est un livre qui m’a subjuguée. Quelques temps après je la croise dans une librairie de Toulouse sur scène et je l’ai trouvée incroyable. Du coup, je me suis mise à lire tous ses autres livres, j’ai visionné des tas de documents sur Internet. Je la recroise un an après dans la même librairie. Je lui dis que je l’aime et que je veux faire un livre sur elle. Elle qui est si volubile, s’arrête de parler C’est alors moi qui me mets à parler… De quoi ? Je ne m’en souviens plus. Nous mangeons ensemble avec le libraire qui est un ami et à la fin du repas elle me dit : « J’aurai besoin de beaucoup de temps ». J’ai pris ça pour une acceptation et c’était parti !
C’est la première fois que je fais un film sur un artiste, avec un matériau artistique. Ça a été hyper jouissif d’avoir du livre, de la matière, des pages, des mots… Elle parle aussi de musique dans son livre « Chantiers ». Ça m’a permis de faire de la musique off, ce que je ne fais jamais dans mes films parce que je viens d’une école où la musique doit être diégétique. Du coup, je me suis régalée en choisissant les morceaux dont elle parle dans « Chantiers », Bach, Bethoveen. J’aurais bien sûr adoré Mick Jagger, Bashung aussi, mais une minute de ces chansons était trop onéreuse pour mon budget.
Evidemment on vous entend mais aussi on vous voit dans le film, ce qui est assez rare…
Ça s’est fait de façon un peu contrainte car, dès le début, je lui avais expliqué que je ne posais aucune question dans mes films. Je ne suis pas journaliste : « Je filme, vous allez vivre devant ma caméra mais il n’y aura pas d’entretien ».
En fait, elle n’a pas cessé de parler et j’ai dû m’adapter, ce qui n’a pas été facile pour moi. Mais, dans la mesure où elle me parlait, j’ai trouvé plus honnête qu’on voit mon corps, même si on le voit très peu, à petites touches, puisqu’elle m’interpelle tout le temps.
Le but était-il de faire un portrait ou de montrer la genèse d’une œuvre ?
A un moment donné, la question du processus créatif s’est imposée et il a été question de faire un film sur la genèse d’une œuvre d’artistes. Dans une résidence d’artistes au festival de Lussas, « Ardèche Images » où l’on m’a dit qu’on ne connaissait pas de film où l’on voit un écrivain en train de produire de l’écrit car c’est plus dur à filmer que la peinture. On y voit le geste alors que l’écriture, ça se passe plutôt dans la tête. De plus, on ne voit pas son écriture puisqu’elle tape sur l’ordinateur. Et puis j’arrive un jour où elle commence à lire ce qu’elle a écrit, elle corrige et elle parle en écrivant. C’était un moment de grâce. Et puis il y a la relecture avec Agnès, sa lectrice qui qui est une amie prof de lettre avec qui elle a travaillé, et qui a été aussi un magnifique et unique moment.

Luc Patentreger, Cécile Lateule, Noémie Dumas, Mireille Vercellino

Vous avez mis combien de temps à faire ce film ?
J’ai commencé les repérages en août 2019, puis il y a eu le Covid. Et on a mis quatre ans pour faire le film. A la première séquence, elle était adossée à la voiture et elle a commencé à parles des vaches. A partir de là, je l’ai laissée parler. En principe, j’ai besoin de temps pour installer mon cadre mais elle ne me laissait jamais le temps d’installer ma caméra lorsqu’elle parlait. Et elle parlait tout le temps ! Par contre, elle m’a fait confiance tout de suite mais ne voulait personne d’autre que moi pour le tournage. J’ai fait au mieux ! » Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Alain Lafon