Archives mensuelles : août 2024

Joël CARPIER : Ferrat, mon idole, mon ami…

Tout jeune, Joël Carpier aimait, comme des milliers d’ados, Claude François.
Passé son CAP de serrurier, il trouve un emploi dans ce métier. Nous sommes en mai 68 et bien évidemment, il participera à cette révolution, il découvre le syndicat CGT auquel il adhère. Puis il y a l’armée, et à son retour, il entre dans les ateliers où travaille son père. Cégétiste convaincu, il découvre aussi le journal « L’Humanité » qu’il va vendre le dimanche matin à la criée. Là, il entend chanter « Ma France » par un certain Jean Ferrat dont il connaissait à peine un refrain : « La mer sans arrêt, roulait ses galets… ».
Lors d’une action de son syndicat avec ses camarades, il va entendre la voix, les musiques, les mots de Ferrat qui, plus jamais, ne sortiront de sa tête et de son cœur. Et feront désormais parti de son quotidien, d’autant que nombre de ses chansons résonnent en lui, sont attachées à son propre vécu.
II avoue d’ailleurs que, grâce à lui et muni d’un dictionnaire, il a appris nombre de mots de la langue française !

Entrant à la RATP, en 1986, il rejoint l’équipe organisatrice de leur fête annuelle et prendra contact avec Gérard Meys, producteur de Jean Ferrat. On est en 1987 et Ferrat a déjà quitté, sinon le métier, du moins la scène. Ce n’est qu’en 1995 qu’il rencontre Gérard et son assistante, Valérie Gérard afin de faire venir Isabelle Aubret pour la commémoration des cent ans du syndicat de retraités de la RATP. Lorsqu’on approche les 2 Gérard (Valérie et Meys !), on n’est pas loin de Ferrat à qui il a écrit plusieur fois avec toujours une réponse. Car l’artiste a toujours répondu à ceux qui lui écrivaient, j’en sais quelque chose ! C’est en 2003, sur l’émission « Vivement Dimanche » où il est invité par eux qu’il rencontre enfin l’artiste qui lui recommande de recevoir au mieux Isabelle. « Sa messagère ». Ce sera le début d’une longue amitié jusqu’à la disparition de Jean Ferrat, sept ans plus tard. Entretemps Joël entrera dans l’association du Secours Populaire.

C’est alors que nait dans la tête de François Derquenne l’idée d’une exo-hommage intitulée  « Jean des encres, Jean des sources » à travers treize panneaux racontant, sa vie, son œuvre, chacun illustré d’une chanson, montrant les aspects artistiques et surtout politiques, sociaux, humains. C’est l’ami de Jean Ernest Pignon-Ernest qui créera cette affiche qui a fait le tour de France, accompagnant cette exposition itinérante aujourd’hui installée dans la Maison Ferrat d’Antraigues.
Devenu, à la demande de Jean Ferrat, le responsable de l’exposition, Joël nous raconte, avec son talent de conteur, la genèse de l’expo qu’il a suivie de ville en ville, d’événements en festivals, avec tout ce que cela comporte de soucis, de bonheurs que lui a apporté cette lourde tâche d’être le responsable de celle-ci et en quelque sorte d’être le porte-parole de Ferrat dont il adjoint à chaque étape une conférence. Et c’est ainsi que peu à peu, Joël a fait partie du « Clan Ferrat » : sa femme, Colette, Isabelle Gérard, Valérie, Véronique, Ernest, Francesca Solleville, Edmonde Charles-Roux, le musiciens de Jean Alain Goraguer, l’équipe de l’Humanité, le chanteur Allain Leprest et tous les organisateurs qui, de près ou de loin, ont contribué au succès de cette belle exposition. Sans oublier Jean Saussac, Michel Baissade et Michel Pesenti, amis et maires d’Antraigues.
Afin de ne pas oublier ces années vécues autour de Jean et son expo, Joël Carpier nous offre, de sa Normandie, un livre très émouvant « De vallons en collines avec Jean Ferrat (Ed Geai Bleu)* qui nous raconte son aventure originale et exceptionnelle aux côtés d’un homme et d’un artiste hors du commun qui a laissé une œuvre universelle.

Jacques Brachet
*Livre vendu au profit du Secours Populaire



Isabelle AUBRET… La voix de l’amour

Thérèse Coquerelle , ouvrière à 14 ans  comme bobineuse dans l’usine où travaille son père, a toujours eu la chanson dans la voix, dans le sang, dans le cœur. En parallèle de ce métier, elle tente tous les concours de chant qui se présentent dans sa région lilloise, jusqu’à ce que Bruno Coquatrix la remarque en 1960 lors d’un concours à l’Olympia. Très vite elle va enregistrer dont une chanson qui vient de gagner l’Eurovision 1961, grâce à Jean-Claude Pascal : « Nous les amoureux ». Et c’est elle qui, un an plus tard, gagne l’Eurovision avec « Un premier amour ».
De là, elle ne cessera de chanter dans le monde entier, même si, les « yéyé » auraient pu la déstabiliser. Pourtant elle va bousculer les barrières et se faire une place entre Sheila, Sylvie Vartan, Johnny Hallyday, Richard Anthony et les autres.
Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que, dans les années 2000, on la retrouve au milieu de certains de ces artistes dans les tournées « Âge Tendre ».

Invitation à la Seyne-sur-mer
Avec Gérard Meys en tournée

Quant à moi, c’est dans les années 60 que je la rencontre pour la première fois. En 65 exactement, lors de la tournée que je ferai en tant que journaliste, où elle partage la vedette avec Adamo. Je la retrouverai plus tard sur les tournées Âge tendre où des liens d’amitié se noueront entre elle, Gérard Meys, son mari et producteur, producteur également d’un certain Jean Ferrat, et moi.
En 2010, je les inviterai à la Seyne-sur-Mer pour un hommage à Ferrat, chose qu’elle n’avait alors jamais faite. Sur le thème « Les écrivains et la chanson », ils seront entourés par mon autre amie Alice Dona, venue rendre hommage à Gilbert Bécaud, Claude Lemesle avec qui les deux chanteuses ont chanté des chansons de cet auteur-compositeur, orchestrées par Jean-Claude Petit.
Ce furent des journées de ferveur, d’amour, d’amitié et aussi de beaucoup de rires.
Au départ, Gérard m’avait demandé à ce qu’elle ne chante pas. Mais Isabelle, ayant tout prévu, avait apporté une bande sur laquelle elle chanta et nous offrit en prime un poème « Sur le boulevard Aragon ».
C’est grâce à Gérard que je pus rencontrer Jean Ferrat pour la sortie de son disque « Dans la jungle et dans le zoo », qui nous reçut  chez lui à Antraigues où j’ai moi aussi ma maison de famille à quatre kilomètres de chez lui.
Mais, revenons à Isabelle avec qui j’avais fait une longue interview durant les tournées « Âge Tendre », surpris de la retrouver entourée de ces artistes dits « Yéyé », loin de ce qu’elle défendait dans la chanson française.

Age Tendre avec Herbert Léonard
AgeTendre avec Bobby Solo
Age Tendre avec Michel Orso

Elle se mit à rire : « Mais figure-toi qu’à cette époque, je gagnais l’Eurovision en 62,  je rencontrais Ferrat » qui m’offrit « Deux enfants au soleil » puis plus tard « C’est beau la vie » ! En 63 je faisais l’Olympia avec Jacques Brel, en 65 je partais en tournée avec Adamo et j’ai même raté un film : « Les parapluies de Cherbourg » que me proposait Jacques Demy, à cause de mon accident. Et j’ai toujours eu quelque chose qui me bouleverse encore : l’affection et la fidélité du public ».
On a pu le voir lors de ces tournées où elle arrivait sur scène après que Jean Ferrat lui-même, qui avait enregistré un petit clip, la présentait. Et après son tour, sept mille personnes l’acclamaient debout.
Isabelle, deux rencontres ont compté plus que les autres : Brel et Ferrat…
C’est Brel qui m’a choisie alors que je ne le connaissais pas. Il devait partir en tournée avec Michèle Arnaud et il a dit au producteur : « C’est la petite que je veux ». Je croyais rêver. Grâce à cette rencontre, nous sommes devenus amis, je l’ai beaucoup chanté, je lui ai même consacré un disque. Autre jolie histoire : Lorsque j’ai eu mon accident, j’étais explosée de partout, il est venu me voir à l’hôpital et a dit à mon entourage : « Je lui donne « La Fanette »
Puis vient la rencontre avec Jean Ferrat, que tu as toujours appelé Tonton !
Gérard Meys est un jour venu me voir pour me proposer une chanson de Ferrat. C’était « Deux enfants au soleil » qu’il chantait lui-même. J’allais faire l’Eurovision et je lui ai dit : « On en parle après ». J’ai gagné l’Eurovision, on en a parlé, j’ai enregistré « Deux enfants au soleil » sur le même album que « Un premier amour »… Et elle est restée 27 semaines en tête des hitparades ! De ce jour, une amitié indéfectible est née. Tonton a écrit de magnifiques choses sur moi qui m’ont fait pleurer de joie. Il savait toujours choisir le mot qu’il fallait en toutes circonstances, lui qui était si pudique.


Parle-moi de ta première rencontre.
Lors de l’enregistrement de « Deux enfants au soleil », il passe dans le studio, me fait un petit signe mais, aussi timides l’un que l’autre, ça en reste là. Je pars en tournée avec Brel, j’ai mon accident et Jean n’ose pas venir me voir. Lorsque je recommence à marcher, je me rends compte à quel point c’est beau la vie. Ça donne l’idée à Michèle Senlis, qui avait déjà signe « Deux enfants au soleil » de faire une chanson et qui me propose la chanson « C’est beau la vie » en me faisant écouter la version de Jean à la guitare. Dans la foulée nous l’avons enregistrée tous les deux ainsi que « Nuit et brouillard », chanson polémique qui fut interdite d’antenne, surtout venant d’une femme qui venait de gagner l’Eurovision ! Mais on connait le succès et l’impact qu’a pu avoir cette chanson par la suite et de là est née notre amitié. J’ai enregistré quelque 80 chansons signées Ferrat.

Hommage à Ferrat

Dans la foulée, tu rencontres Aragon…
C’était après mon accident. Il m’avait invité à son anniversaire. J’étais très émue et honorée et lors de cette rencontre, il me propose de lire un de ses poèmes « Aimer à perdre la raison ». De ce jour des liens se sont créée et je ne me suis pas privée de le chanter grâce à Tonton. Je te précise que j’ai lu toute son œuvre, dont son dernier poème « L’épilogue ». C’est tellement fort et déchirant que Jean a mis trois ans pour le mettre en musique. « J’ai l’impression de lire son testament, plus jamais de ne mettrai l’un de ses poèmes en musique », m’avait-il dit.
Isabelle, difficile de ne pas parler de son Ardèche, qui est la mienne et qui est devenue la tienne.
C’est le directeur de la Maison de la Culture de Nice, Gabriel Monet, qui parle à Jean d’Antraigues où il a de la famille. Il cherchait un coin tranquille pour se reposer de ses quelque 250 galas, et surtout pas sur la Côte d’Azur. Gabriel l’y emmène et c’est le coup de foudre. Il appelle alors Gérard Meys et lui dit : « Il y a deux maisons à vendre, la belle est pour moi, l’autre est pour toi ! » Et c’est ainsi que nous nous sommes retrouvés là-bas. Nous avions envie de le rejoindre, d’habiter pas loin de lui… mais assez loin au cas où nous nous serions fâchés ! Nous sommes à notre tour tombés amoureux de cette belle région.

Première dédicace
Première rencontre en tournée avec Adamo

Et il s’est totalement investi dans celle-ci.
Oui et ce qui est beau, c’est qu’il ne s’est pas considéré à Antraigues comme une vedette. D’ailleurs un jour, un habitant m’a dit : « Ce n’est pas un artiste mais un homme qui chante ». Il a été heureux dans ce village… »
Isabelle m’avoue qu’aujourd’hui elle a du mal à y retourner sans pouvoir y retrouver Tonton.
Elle y a fait quelques incursions pour lui rendre hommage lors de sa disparition où elle a chanté au milieu de milliers d’admirateurs qui pleuraient. Puis elle y venait fêter ses 86 ans
Elle qui fut une gymnaste avant son terrible accident puis qui en eut un second en pratiquant le trapèze, s’est payé pour la seconde fois un saut en parachute !
« Allez, allez la vie », elle est si belle et en même temps « on ne voit pas le temps passer » !
Je t’embrasse Isabelle.
Jacques Brachet
Photos Christian Servandier

Age Tendre avec Georges Chelon et Stone
A la Seyne-sur-Mer avec Alice Dona

Michel MONACO… Romantiques… pas morts !


Comme son nom ne l’indique pas, Michel Monaco est né… à Cannes !
Ce n’est pas loin mais quand même. !
J’ai connu Michel en 2003 grâce à une autre presque Michel : Mick Micheyl.
Pour les moins de vingt ans qui pourraient ne pas la connaître, Mick était chanteuse, auteure, compositrice, productrice d’émissions de télévision, plasticienne. Il fallait la voir manier l’acier avec un engin plus grand qu’elle et en tirer des œuvres incroyables.
Côté chanson, elle créa son énorme succès « Un gamin de Paris » puis d’autres nombreuses chansons dont « La Joconde » que reprit Patachou avec succès.
Je l’ai connue grâce à Claude François qui m’avait invité sur un tournage dans une émission de Mick aux Buttes Chaumont. Et ce fut le coup de foudre entre nous. Jusqu’à sa mort nous ne nous sommes plus quittés.
Et c’est en 2003 qu’elle m’envoie le disque de Michel Monaco, dont elle est la marraine et qui lui consacre ce CD « De Mick à Michel ». Elle me propose de le rencontrer… Les amis de mes amis…
Et c’est ainsi que depuis plus de 20 ans, nous le sommes devenus et restés. Tout comme avec Mick, la fidélité… Un mot qui a tendance à disparaître chez les artistes !
Nous nous voyons peu mais nous appelons à chaque événement comme cette tournée dans les églises qu’il a faite avec notre amie commune d’alors, Michèle Torr.

Il a un talent fou, une voix chaude de crooner, il a travaillé avec les plus grands , de Barbelivien à Claude Lemesle en passant par Jean-Jacques Lafon, Alain Turban, Jean-Paul Cara, Frédéric Zeitoun et s’il a fait en 2015, la tournée des églises avec Michèle Torr, il a récidivé en 2018 avec Natasha Saint Pier.
L’artiste est talentueux et romantique, l’homme aussi attachant que discret et s’il n’est pas une star, il est un superbe chanteur qui n’arrête pas de chanter un peu partout, dont dans mon pays, en Ardècese, où il était du 8 au 13 avril, à Vogüe pour le festival « 1, 2, 3 musette » et où encore à la ferme théâtre de Lablachère (voir article) où il est passé le 16 août.
On pourra encore le retrouver sur « La grande croisière de l’accordéon » du 28 septembre au 5 octobre, à bord du Costa Pacifica. Départ Marseille le 28 septembre. Puis au 15ème festival de Lloret de Mar en Espagne du 14 au 19 octobre.
Pour fêter ses déjà 30 ans de carrière, il nous offre un très beau CD justement intitulé « Mes plus belles chansons d’amour ». Une vie d’amour et de passion pour la chanson et beaucoup d’inédits qu’il nous offre de sa voix chaude et qui nous invite à danser joue contre joue comme au bon vieux temps de notre jeunesse et ça fait plaisir d’entendre ce bouquet de belles mélodies romantiques, sur des orchestrations actuelles et efficaces.
Allez… On en parle avec lui !

« Michel, ce disque est fait d’inédits et de chansons plus anciennes remastérisées…
C’est un album pour fêter mes 30 ans de carrière avec des chansons que mon public connaît et d’autres toutes nouvelles. 17 chansons dont six inédites.
On y retrouve des auteurs-compositeurs qui t’accompagnent depuis un certain temps et quelques nouveaux noms qui apparaissent à tes côtés.
Oui, il y a les fidèles et d’autres que le hasard a mis sur ma route, accompagnés par les arrangements de Guy Mattéoni pour certaines, Raimy Bailet, Thierry Sforza qui ont signé « vingt ans, six mois et deux jours » et avec Jean-Paul Cara (L’oiseau et l’enfant) « Où sont passés les slows d’été ? ». Il a écrit aussi quelques chansons avec moi comme, « Mamans sourire » et « Vieillir ensemble ».
On trouve aussi Eric Charden… C’est donc une vielle chanson !
Oui, écrite avec Frank Thomas « Une rose, un baiser et c’est tout » qu’il chantait d’ailleurs sur la tournée « Âge Tendre ». Frank Thomas, on ne compte plus les artistes pour qui il a écrit, de Gréco à Polnareff, en passant par Bécaud, Mitchell, Dassin, Juvet, Gall, Bardot…
C’est le producteur de la tournée « Âge Tendre », Michel Algay, qui m’a dit que je devrais la chanter, qu’elle m’irait bien. Ce que j’ai fait. Aujourd’hui tous trois sont morts et c’est un peu un hommage que je leur offre.

Paul Glaeser et Thierry Sforza sont aussi présents sur cet album…
Auteur, compositeur, manager, écrivain, Paul est aussi décédé et a écrit avec Patrick Jaymes « Ma plus belle chanson d’amour ». Il a aussi collaboré avec Ruquier dans l’émission « Rien à cirer », écrit des livres, enregistré des musiques bretonnes et même une comédie musicale « Van Gogh »
Quant à Thierry Sforza, auteur-compositeur, il a écrit pour Michèle Torr, Rika Zaraï, Lorie, Gilbert Montagné…
Tu ne choisis pas les moins bons !
C’est le hasard et le bonheur des rencontres. Certains viennent vers moi et me proposent des chansons. Comme Remy Bailet, le mari de Liza Angell, avec qui j’ai chanté et qui a fait les arrangements sur certains titres dont « Week-end en amoureux ». Mais j’ai aussi la chance de partager des scènes avec  des artistes comme Aznavour, Isabelle Aubret, Hervé Vilard, Fabienne Thibault, et bien d’autres.
Tu n’arrêtes pas de tourner, en France, en Belgique, en Suisse et même en Espagne !
J’ai cette chance d’avoir un public fidèle avec qui  je vis des moments privilégiés d’amour et de partage. C’est pour ça que je chante ».

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Christian Servandier & photos de l’artiste
www.michelmonaco.net
Tel.06 31 82 71 70


La CIG… Et la bière devint provençale


Il y a fort longtemps, Paul Ricard créait le pastis.
Il y a trois ans Rodolphe Apparu créa la bière CIG.
Une bière tout ce qu’il y a de plus artisanale, de plus bio, de plus… varoise !
La brasserie est installée à la Seyne-sur-Mer, dans la zone limite de la Seyne-Six-Fours. On ne le trouve pas facilement mais en cherchant bien, Rodolphe nous reçoit chaleureusement pour nous montrer ses installations… et nous faire apprécier une bière multicolore et savoureuse.
C’est par Franck Trapelas, comédien et auteur, qui travaille avec Rodolphe pour certaines animations que j’ai pris connaissance de cette brasserie. Et me voilà avec eux pour que Rodolphe nous raconte son histoire et nous présente sa bière.

« C’est une bière faite d’orge bio et locale car notre but est de travailler avec des produits essentiellement locaux. Notre orge est français et 50% vient du département du Var. On va la transformer en malt.
Vous n’avez jamais goûté de l’orge ? C’est super bon…
(On goûte). Et de plus, c’est très sucré !
Oui c’est son sucre qui va faire l’alcool. L’orge est essentiellement donnée en nourriture aux animaux, on peut en faire du pain mais elle entre aussi dans l’élaboration du whisky… Et de la bière !
Dans la trémie que vous voyez, il y en a 400 kilos. Elle va être écrasée pour en extraire le maximum de sucre. Une fois écrasée, elle repasse dans la cuve dans laquelle on va faire monter de l’eau et monter progressivement en température.
Quel temps cela prend-t-il ? ?
On travaille progressivement, avec deux paliers  à l’inverse de nombreuses brasseries qui ne travaillent que sur un seul palier car ça va plus vite et ça fait des économies. Nous avons voulu travailler à l’ancienne. Ça va durer une bonne heure et demi. Après ça, on extrait le sucre, on va le transférer dans une cuve et le filtrer en évacuant les restes de malt qui seront récupérés par les agriculteurs, en complément alimentaire pour leurs animaux.
Et du coup, rien n’est perdu !
Exactement et pour nous c’est vraiment très important.
Une fois filtré, on le repasse dans une cuve où l’on ajoute le houblon pour donner l’amertume et nous effectuons différentes étapes : On va remonter en grande ébullition, en fonction de la longueur de l’étape à laquelle ça va dégager plus ou moins d’amertume, plus ou moins d’aromatique.

Et la couleur ?
C’est seulement la couleur du malt qui donne les couleurs. Le malt, c’est la transformation d’une céréale comme l’orge, le blé. Nous, nous restons sur l’orge sauf pour la bière blanche où nous utilisons moitié orge, moitié blé. Notre orge est maltée.
C’est-à-dire ?
Qu’on la trempe et on la chauffe pour qu’elle germe et pour en extraire au maximum tous les sucres. On peut la malter de plusieurs manières et selon la manière dont on l’aura maltée, on va la chauffer. On peut donc avoir des malts très clairs jusqu’à des malts très foncés, presque noirs, ce que l’on appelle des malts torréfiés comme on fait pour le café.
C’est de ces procédures qu’on a différentes couleurs ?
Exactement et il y aura un certain indice de couleur. En fonction de ça, nous ferons nos assemblages, ce qui donnera des bières brunes, blanches, rousses. Ce qui est intéressant c’est qu’à partir de la même orge qu’on travaille différemment, nous avons des types de couleurs différents.
En fait le malt donne la couleur et l’alcool grâce à la fermentation qui transforme le sucre en alcool d’à peu près 5°. Si on veut des bières plus fortes, il faut mettre plus de malt. On n’ajoute jamais d’alcool dans nos bières.
Plus il y a de malt, plus il y a de sucre et plus il y a d’alcool. Ensuite on passe le tout dans des fermenteurs. La fermentation dure, selon la température, entre six et douze jours. La fermentation est entre 14 et 25°.
Et après ?
On va rebaisser la fermentation à 4° pour que la bière soit en garde. Puis à -1°, on évacue alors les levures qui descendent au fond de la cuve.
On a pris le parti de ne pas filtrer la bière pour garder le côté artisanal traditionnel. Nous embouteillons 1300 bouteilles par heure !

Ça fait combien de temps que vous avez créé cette brasserie ? Pourquoi ?
Ça fait trois ans. Ma femme est d’ici mais nous vivions ailleurs. J’ai un copain d’enfance, Alexandre, qui est brasseur. Nous nous sommes connus nous avions trois ans. Je travaillais alors dans la banque, j’en avais fait le tour et je voulais repartir sur quelque chose de plus concret. Alex réfléchissait à ouvrir une brasserie artisanale. Moi, je n’y connaissais rien mais pour gérer une entreprise c’était dans mes cordes. Du coup, on est parti là-dessus, on a récupéré ce bâtiment, on a tout installé et le 1er juillet 2021 le premier brassage sortait !
Progressivement, on a commencé avec cinq bières, aujourd’hui on a douze bières différentes qu’on vend en bouteilles et en fûts. On fait aussi de la limonade. On a aujourd’hui quelque 200 points de vente concentrés dans le Var à 95%. Nous jouons sur le côté ultra-local. Sur nos bouteilles il y a un 83 bien visible !
Avec qui travaillez-vous ?
Des bars, des brasseries, des magasins spécialisés, des restaurants, la grande distribution, des cavistes et nous-mêmes ici et à travers des événements que nous organisons. Par exemple, le 14 septembre, nous faisons venir le groupe Aïoli au parc de la Navale de la Seyne autour d’un aïoli party. Le 26 août la Seyne organise un feu d’artifice pour la Libération, nous y serons présents avec Franck et pour cela nous avons sorti une cuvée spéciale débarquement que nous vendrons en direct. Et ça, c’est quelque chose qui nous plaît car nous entrons en contact direct avec les gens.
Alors le nom : la CIG ?
Tout simplement… La cigale ! Mais la cigale était déjà prise. On voulait quelque chose qui claque et entre dans l’oreille des clients pour qu’ils arrivent à demander « Une Cig » ! On espère que ça deviendra un nom commun !

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Monique Scaletta
Brasserie artisanale la CIG
153, avenue du Luxembourg – 83500 – La Seyne-sur-Mer
07 87 08 52 63 – www?brasserie-la-cig.fr – rodolphe.apparu@brasserie-la-cig.fr

Rodolpge Apparu & Franck Trapelas

Christine MANGANARO, femme de musique et de passion

Cela fait 30 ans que nous nous connaissons.
Nous avons été voisins, nous promenions notre chien ensemble (Ça crée des liens !) puis en tant que journaliste j’ai suivi ses pérégrination musicales, un coup chanteuse, un coup responsable communication.
Elle a une pêche, une énergie folles, elle est belle et elle a une voix exceptionnelle, qu’elle chante Croisille ou Sanson, Scorpions ou Percy Sledge, France Gall ou Aretha Franklin, Amy Winehouse ou Santa… Et j’en passe.
Elle a une tessiture et une puissance incroyables dans la voix.
Elle était ces jours-ci en concert à la crêperie le Saint-Malo à Six-Fours où elle a fait le plein.
Une occasion de se retrouver et faire un portrait de cette femme qui aurait pu faire une belle carrière mais que ça n’intéressait pas particulièrement car sa vie c’est chanter donner et se donner du plaisir.

« La chanson… Comment ça a commencé ?
Très tôt. En fait, ça a commencé par la musique grâce à un papa mélomane qui touchait à n’importe quel instrument, petite j’ai bien sûr hérité de ça, dans la famille on adore chanter, danser… J’ai baigné dans cet esprit festif et musical et puis un jour, j’ai vu quelqu’un jouer de l’orgue Hammond comme Rhoda Scott, j’ai eu envie de jouer de cet instrument et ça m’a beaucoup plu. J’ai appris à en jouer sans faire de solfège, tout d’oreille et j’ai commencé à composer des chansons et à chanter mes textes. J’avais 12/13 ans et dans les fêtes de famille il fallait que je chante !
Mais bon, ça n’allait pas encore très loin ?
Un ami de la famille, qui était chanteur professionnel m’a écouté et m’a conseillé d’aller plus loin. Il m’a prise avec lui dans des spectacle et c’est comme ça que j’ai démarré « officiellement ».
Vers 16 ans je devais payer mes études, j’ai cherché un job au pub Saint-Michel à Paris, à côté de Notre-Dame. C’était un café-concert  à l’époque – on était en 85 – et les musiciens alors tournaient de cafés concert en cafés concert jouaient dix morceaux et changeaient de lieu, se faisaient rémunérer au chapeau.
Et toi dans ces lieux ?
Dans l’un deux j’étais serveuse, il y avait un pianiste et une chanteuse que j’admirais, je suis allée les voir, leur ai demandé si je pouvais chanter quelque chose. J’ai chanté du Véronique Sanson et j’ai commencé comme ça.  Les patrons qui m’ont entendue, m’ont proposé de chanter un quart d’heure chaque soir. A l’étage il y avait une brasserie et les gens descendaient pensant que c’était Véronique Sanson !

Et alors ?
Ça m’a donné de l’assurance, j’ai commencé à faire la tournée des piano bars, j’animais des karaokés et je prenais un plaisir énorme à chanter, à partager. J’ai toujours chanté pour le public, jamais en me regardant le nombril ou à me prendre pour une diva ! Je donne autant que je reçois, je reçois autant que je donne. C’est pour ça que je chante, c’est la communion du cœur.
Tu étais donc parisienne… Ça te gène, ça te gène ??
(Elle rit) Non mais je n’aimais pas la vie parisienne. J’étais mariée à un policier qui s’est fait muter dans le Sud à ma demande car j’en avais marre de Paris. J’étais alors journaliste à Paris pour le Parisien mais lorsque j’ai eu ma fille j’ai eu envie de quitter la capitale
Et te voilà à Six-Fours ! 
Oui. J’étais OK pour arrêter un temps le journalisme… mais pas la chanson.
J’ai écumé les petites annonces pour trouver un groupe et je suis tombée sur l’orchestre Eclipse, j’ai découvert ce qu’était le baloche et j’ai adoré. Nous étions une douzaine sur scène. Puis je suis passée chez Albert Jean où, avec l’autre chanteuse, on se changeait 17 fois dans la soirée ! Ça a été une très bonne école. J’ai rencontré le chanteur américain à la voix d’or, Rudy Wilburn, avec qui j’ai travaillé 5/6 ans avec lui et c’est ce qui m’a fait me lancer dans le r’n’b, la soul et ça, c’était ma tasse de thé.
Avec tout ça, n’as-tu jamais voulu te lancer dans une carrière de chanteuse ?
Non, parce que j’avais trouvé un métier de journaliste car entretemps j’étais entrée à RTL, j’ai travaillé pour France 3 et ce métier me passionnait. Je n’avais pas envie de le sacrifier pour une aléatoire carrière de chanteuse. Je ne voulais pas que ça devienne mon gagne-pain mais que ça reste une passion. Je n’avais pas envie d’avoir ce rapport à la musique, à l’argent. Ceci dit, aujourd’hui je viens d’avoir un bousculement dans ma vie et je me demande si je ne vais pas devenir intermittente. C’est peut-être fou mais je crois que c’est ce que je vais faire… Et je ne sais pas si je ne vais pas tenter le concours de « The Voice » !!! Je n’ai pas encore lancé ma carrière de chanteuse !

Tu composes et écrit des chansons ?
Oui, tu parles d’une autre vie. J’étais adolescente et je chantais « Je t’aime, je t’aimerai toute ma vie »… Tu vois, ça n’allait pas loin. Autant je suis une musicienne vocale, j’ai une très bonne oreille mais je ne suis pas une technicienne, je ne joue pas d’instrument de musique.
Mais aujourd’hui je suis en espèce d’état d’urgence et je veux prendre tout ce qui passe.
Tu as aussi été attachée de presse…
Oui, c’est un peu la logique de mon métier de journaliste. Lorsque j’étais à France 3, j’avais été repérée par le Président Bessudo de la Chambre de Commerce qui voyait que j’étais une journaliste qui posait des questions un peu sensées (même si ça peut paraître prétentieux !) J’étais alors la plus jeune journaliste titularisée à 19 ans lorsque j’ai démarré. J’ai appris mon métier avec de vrais grands journalistes. J’ai gardé un amour pour ce métier.
C’est donc le président Bessudo qui m’a proposé d’être attachée de presse. Étant des deux bords, je connais les attentes des journalistes et ça m’a beaucoup servi.
Aujourd’hui le métier de la presse a beaucoup changé hélas.
Tu as travaillé sur le festival de jazz à Toulon et aujourd’hui te voilà à celui de la Londe…
Pour la Londe, l’organisateur Christophe Dal Sasso avait entendu parler de moi par un ami commun avec qui j’avais collaboré chez Tandem. Le festival a 15 ans, il fait des choses étonnantes avec beaucoup de bénévoles, de petits moyens avec de grandes ambitions. Le festival est aujourd’hui à la fois professionnel et ambitieux. Ça a été ma première et une belle aventure humaine où tout le monde s’investit à fond et j’espère que ça va continuer ».

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Alain Lafon


Que ma montagne est belle…

Le village d’Antraigues


Je suis ardéchois.
Enfin, non… Je suis varois
En fait je suis des deux puisque né d’un couple de toulonnais et de grands-parents paternels ardéchois.
Mais c’est vrai, je me sens très souvent plus ardéchois car mon enfance est surtout marquée par trois mois de vacances l’été chez mes grands-parents.
Loin de l’école que je n’aimais pas, l’Ardèche c’était la liberté totale, une famille aimante, des cousins et des copains avec qui le partais dans les collines avec chèvres et moutons, nous pêchions, nous allions nous baigner à la rivière.
Une vie comme la raconte Pagnol et que je vivais en Ardèche.
J’étais et suis toujours très attaché à cette région que j’ai fait aimer à ma femme et à mon fils, dans cette maison de pierres où j’ai passé le plus beau de ma jeunesse et mon adolescence.
J’y retourne toujours avec le même plaisir, même si mon boulot a toujours été à Toulon, surtout l’été ou spectacles, manifestations, festivals m’accaparent dans la région varoise.
Mais aujourd’hui le journalisme devient difficile car les réseaux sociaux ont changé la donne : la presse parisienne, OK. La presse régionale… Bof !
Aussi entre les barrières que nous créent producteurs, attachés de presse, agents, organisateurs, difficile d’aborder un artiste.
Du coup, adieu les festivals d’été, le show biz et bonjour l’Ardèche où il se passe plein d’événements magnifiques, où l’on est superbement reçu, où l’on est content de recevoir un journaliste.
Alors, le choix est facile à faire.
Je vous propose quelques belles rencontres dans « ma » région où les artistes ne se prennent pas la tête et sont restés des êtres humains « normaux », abordables, simples et aimables.
On a passé un bel été.
Jacques Brachet

Jean-Marc MOUTET, Ardéchois cœur fidèle…
Et fidèle à Jean Ferrat

Lorsque plusieurs générations sont implantées dans un même lieu, les racines sont ancrées à jamais.
C’est le cas de Jean-Marc Moutet, ardéchois « cent pour sang » dont les aïeux vivaient dans cette ferme de Lablachère pour y élever les chèvres et cultiver les vers à soie… Dans ce village calme et serein, Jean-Marc a fait de sa ferme ancestrale, un lieu de culture et de musique qu’il dirige avec Cécile, son épouse, où il a créé un petit théâtre et où il reçoit de beaux artistes, célèbres ou non, d’ici ou d’ailleurs mais exclusivement défendeurs de la chanson française et de la poésie.
Dans cette Ardèche devenue célèbre grâce à un certain artiste nommé Ferrat, d’autres l’ont suivi et sont venus s’y installer loin de la foule déchaînée parisienne.
Parmi eux mon ami Alain Turban grâce à qui j’ai découvert ce lieu où il est souvent à l’affiche lorsqu’il quitte son autre village : Montmartre.
Jean-Marc est un passionné de la langue française qu’il défend âprement  dans ce magnifique lieu, depuis plus de vingt ans.

Alain Turban…
… L’ardéchois de Montmartre

Il y a créé entre autre un spectacle en hommage au grand monsieur d’Antraigues, intitulé « Jean d’ici, Ferrat le cri ». Un spectacle vu et approuvé par l’artiste lui-même, qui raconte sa vie, son œuvre, le tout illustré de chansons où l’on retrouve avec émotion la voix de Jean. Spectacle émouvant et original puisqu’on voit arriver… Jean Ferrat du fond de la salle, moment incroyable car Jean-Marc devenu Jean est saisissant. Le moment de surprise passé on entre dans l’histoire qu’il nous conte, aux côtés d’une malle d’où il sort au fur et à mesure photos, programmes, disques, documents qui sont chaque fois reliés à une chanson. Jean-Marc raconte mais ne chante pas, laissant cela à cette voix qui, à chaque fois, nous rappelle combien Ferrat était un grand artiste qui nous a laissé des chansons universelles.
Longtemps après que les poètes ont disparu…
C’est autour d’un apéro, vin blanc-sirop de châtaigne, que Jean-Marc Moutet nous raconte sa belle aventure.

« Jean-Marc, d’abord racontez-nous l’histoire de cette maison…
Ca a toujours été une ferme familiale, mon père, mon grand-père, mon arrière-grand-père sont nés dans cette maison. C’étaient des agriculteurs même si c’était de plus en plus difficile de vivre de l’exploitation. Ils faisaient aussi la sériciculture, c’est-à-dire l’élevage du vers à soie, un peu d’oliviers, un peu de vigne. Lorsque j’étais enfant, je venais voir les brebis et les chèvres, il y avait encore mes grands-parents.
Et l’origine de la ferme théâtre ?
C’est en 2004 qu’avec Cécile, mon épouse, on a créé la ferme théâtre. Depuis, on la fait vivre à notre façon avec ce spectacle sur Jean Ferrat mais aussi en accueillant d’autres artistes qui viennent chanter, jouer la comédie, beaucoup d’artistes du coin mais aussi des gens connus, des années 70/80 et d’aujourd’hui, comme notre ami Alain Turban, Hervé Vilard, Francis Lalanne, Gilles Dreu, Fabienne Thibeault, Pascal Danel, Michel Monaco…
Alors, comment s’est créé ce spectacle « Jean d’ici, Ferrat le cri »
Dans les années 80, j’étais étudiant à Aubenas au moment où Jack Lang et François Mitterrand ont libéré les ondes et moi, le mercredi, puis rapidement le week-end, tous mes jours de repos en fait, je passais à la radio où j’avais des émissions essentiellement consacrées à la chanson française. J’interviewais pas mal d’artistes mais hélas Jean n’est jamais venu ! Mais j’aimais ce qu’il faisait et j’ai commencé à énormément me documenter sur lui. J’avais assez de matière pour créer un spectacle sur lui. J’ai eu cette idée le 1er janvier 2001  en discutant avec Joël Bioux, intermittent du spectacle, j’ai eu cette idée car il avait fait un spectacle sur Dalida  et il m’a aidé à monter ce spectacle.

Et ça a marché tout de suite ?
Oui. Trois mois plus tard, le spectacle était prêt. J’ai joué deux spectacles dans un village vacances en pensant que ça s’arrêterait là. Mais j’ai eu de tellement beaux témoignages que ça ne s’est plus arrêté. Au départ ce n’était pas gagné car le directeur pensait que c’était un spectacle pour les vieux… Il y a vingt ans de ça ! Pour le convaincre je lui ai proposé de le faire gratuitement et après d’animer une soirée dansante bénévolement. J’ai fait ça pendant deux ans car, du moment que son bar était rempli, ça lui convenait ! Mais pas à moi. A mon départ, on a fait un compromis : je ne lui demandais pas d’argent mais il m’envoyait des gens chez moi. Ils venaient d’un peu partout, ils en ont parlé aux agences de voyages qui nous ont intégrés dans leurs programmes.
C’est une belle histoire…
D’autant qu’un jour Jean Ferrat est venu voir le spectacle.
Vous étiez déjà grimé en Jean Ferrat ?
Oui mais différemment. Je l’avais déjà rencontré en 2001, je le connaissais plus qu’il ne me connaissait évidemment, je le rencontrais chez Leclerc où il faisait ses courses, au cinéma, dans des concerts. En fait, je connaissais Jean Tenenbaum, son vrai nom, plus que Jean Ferrat car je n’ai jamais pu le voir sur scène.
Aviez-vous eu l’autorisation de Gérard Meys, son producteur, de sa famille, pour utiliser les chansons ? Car c’est sa voix que l’on entend, ce n’est pas vous qui chantez.
Je me suis bien sûr posé la question de savoir si j’avais le droit de le faire mais lorsque Jean est venu, on a longuement discuté, on s’est retrouvé tous les deux face à la scène, il m’a même avoué qu’il avait oublié la chanson « Les cerisiers » qui date de 85
Pour les chansons, ce n’est pas un problème car on les déclare à la SACEM, c’est un problème de droits, mais  c’est surtout sur les photos qui appartiennent à des photographes. J’ai créé ce spectacle sans arrière-pensée, peut-être que je n’aurais pas osé s’il avait disparu avant. Mais j’avais l’aval de Jean et de Gérard. Par contre,j’ai hésité à continuer à le jouer après son décès mais j’ai posé la question à sa famille. Véronique Estel, la fille de sa première femme Christine Sèvres m’a dit de continuer.

Et Jean m’a écrit :
« Mémorable récital où j’ai pu voir passer ma vie en chanson de la plus belle façon et avec beaucoup d’émotion » (Jean Ferrat, 4 août 2004)
C’est ma plus belle récompense.

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Monique Scaletta
La Ferme Théâtre – 445 route d’Alès – Quartier Notre-Dame – Lablachère
04 75 36 42 73 6 contact@lafermetheatre.com

Jean d’Ardèche (photo Alain Marouani)

Antraigues – La Maison Ferrat… En souvenir

La maison d’Antraigues, j’ai eu la chance d’y être invité par Jean Ferrat lui-même en 79, grâce à Gérard Meys, son producteur et compagnon d’Isabelle Aubret, qui sont des amis de longue date.
En 1991 sortant son album « Dans la jungle et dans le zoo » il ne voulait faire qu’une télévision : celle de Michel Drucker et que trois médias : le Dauphiné, la Montagne et… Evasion Mag car il avait appris par Gérard que j’étais mi-ardéchois, mi-varois. C’est ainsi que nous passâmes la journée à écouter chacune des chansons de ce nouveau disque  dont il nous expliquait la naissance et que tout se termina par un repas à la Remise. Inutile de dire la joie que nous avons eue de partager ce moment avec cet immense artiste.
Une fois disparu, je continuais à venir voir Colette, sa femme, avec qui je fis un reportage lorsqu’elle ouvrit ce lieu qu’est la Maison Ferrat, en souvenir de lui.
D’année en année, j’ai continué à venir saluer Colette qui s’affaiblissait, jusqu’à ce 9 mai où elle a rejoint son homme, à l’âge de 88 ans.
Il y a longtemps que je n’étais plus entré dans ce lieu du souvenir, cette année, je m’y décidai et c’est avec un merveilleux sourire que m’y accueillit Anja Wissman, chargée de mission dans ce qui n’est pas un musée mais où des centaines de gens font la queue pour retrouver avec nostalgie, le poète-chanteur qui nous a offert tant de belles chansons.

Coralie Nicolas à l’accueil
avec Anja Wissman
Sa bibliothèque, ses livres, sa guitare...

« Anja, quel est votre rôle dans cette maison ?
Je suis chargée de mission depuis une dizaine d’années mais le lieu est géré par une association, la directrice étant Valérie, la nièce de Colette qu’elle a élevée comme sa fille. La Maison Ferrat existe depuis le 13 mai 2013. On a d’ailleurs fêté ses dix ans l’an dernier.
Expliquez-moi ce qui s’y passe…
Lorsque Colette a créé cette maison, c’était pour offrir un lieu vivant qui ne soit pas seulement un musée statique mais pour qu’il s’y passe des choses. Durant ces années, nous avons accueilli des concerts, proposé des expositions dont celles de Pignon Ernest Pignon qui nous a offert ce magnifique portrait de Jean Ferrat, on a organisé des conférences, nombre de soirées sur la place, des projections, tous les ans nous organisons le Printemps des Poètes. Quant à l’exposition consacrée à Ferrat, on essaie de la renouveler, de ne pas toujours montrer la même chose, nous accueillons de jeunes artistes de l’Ardèche, des expos temporaires en été.
Et il y a  ce festival Jean Ferrat qui vient d’avoir lieu du 17 au 21 juillet
Ce festival a été créé avant la Maison Ferrat en 2011. Au départ c’était la Mairie qui avait initié ce festival puis une association a pris le relais pour le faire perdurer.
Ce sont toujours des concerts autour de Ferrat ?
Au début c’était pour lui rendre hommage. Puis ça s’est élargi au niveau de la durée. D’une journée, nous sommes passés à quatre. Le fil rouge reste bien entendu Ferrat, son esprit, on reste fidèle à ses engagements, on y invite des artistes pas forcément de la chanson française classique, on s’est ouvert à d’autres styles de musiques, le rap, le slam, on a fait aussi un peu de rock mais le point commun au niveau de ces artistes c’est que ça reste 100% francophone ancré dans la personnalité et les idées de Ferrat.

le magnifique portrait dessiné par Ernest Pinon Ernest

Dans ce lieu je reconnais du mobilier que j’avais vu chez Jean…
Lorsqu’il est décédé, il y avait énormément de gens qui erraient dans le village à la recherche de sa maison et du coup, il y avait besoin d’un lieu et c’est pour cela que Colette a eu cette idée de cette place symbolique où on pouvait le voir jouer aux boules. Le lieu, qui était un bar-restaurant – où d’ailleurs Philippe Noiret et Jean-Louis Trintignant venaient lorsqu’ils tournaient le film de Robert Enrico « Le secret » (On le voit d’ailleurs dans le film) – était en vente. Et Colette y a installé des meubles, le piano, sa guitare…
La maison a-t-elle été vendue ?
Non, elle est toujours dans la famille.
Que faisait Jean de ses journées ?
Il continuait à écrire, il passait beaucoup de temps à répondre au courrier qu’il recevait, on a des archives incroyables. Pour lui, c’était important de garder ce contact avec son public, il jouait aux cartes, aux boules avec ses amis, il allait à la pêche.
Est-ce que des artistes connus sont venus jouer ?
Oui, justement nous avons accueilli Jean-Louis Trintignant avec un spectacle libertain, Daniel Auteuil, Arthur H, Francesca Solleville avec qui on a fêté ses 90 ans, son ami Ernest Pignon Ernest, qu’on a accueilli deux fois pour des expositions…

Vous disiez que ce lieu était un bar mais il fut aussi, je crois, un lieu historique ?
Oui, le comédien Gabriel Monnet, né au Cheylard, était un grand résistant, il a inauguré la Maison de la Culture de Bourges en montant une pièce de Pierre Halet « La provocation » sur l’incendie du Reichstag. Pierre Halet, connaissant Jean Ferrat, lui a demandé d’en écrire la musique. Gaby Monnet connaissant Alexandre Calder et Jean Saussac, qui était décorateur de théâtre, leur a demandé d’en faire les décors. Tout ce petit monde s’est donc retrouvé à Bourges puis à Antraigues et c’est grâce à eux que, tous installés dans le village, celui-ci a commencé à être connu artistiquement ».

Il est évident que Ferrat installé, le monde artistique s’est développé autour de lui et aujourd’hui, lorsque vous venez à Antraigues, prenez votre mal en patience pour trouver une place pour vous garer. Mais, armé decourage, vous ne regretterez pas de découvrir la Maison Ferrat mais aussi ce petit village ardéchois tellement beau et vous pourrez vous rendre compte que Ferrat avait raison de dire que la montagne était belle !

Jacques Brachet
La Maison Ferrat – Place de la Résistance – Antraigues sur Volane – 04 75 94 73 49

Pierre-Louis CHIPON… Un bestiaire de fer !

Vous prenez le col tortueux de l’Escrinet et tout à coup, une pancarte on ne peut plus discrète : « Sculpteur ». On descend un petit sentier pierreux et l’on tombe sur une vieille bergerie d’où l’on a une vue incroyable.
Avant d’entrer, on entend des bruits de marteau et l’on se retrouve dans un immense lieu fait de bric et de broc, de ferrailles et de vieux objets rouillés. Et à genoux, un homme masqué soude dans un bruit d’enfer et d’explosions d’étincelles.
Jean-Louis Chipon est en train de s’occuper d’une chèvre couchée sur le flanc.
Car ce monsieur au regard bleu et au sourire avenant, crée des sculptures en fer dans la solitude de ce lieu envahi de fer.
Des animaux, beaucoup d’animaux, chèvres, moutons, poules, coqs, béliers et quelquefois un humain pour tenir compagnie à son cheptel.
Cet homme solitaire et talentueux, à l’imagination débordante, nous consacre un moment pour parler de son œuvre originale qui a envahi ronds-points, collines, jardins.

Pierre-Louis, parlez-nous de la genèse de cette passion et de cet art
Ce n’est pas mon métier au départ. J’étais agriculteur et éleveur de chèvres dans ce lieu même et là où l’on est c’était le bâtiment des chèvres !
C’est en 1986 que je m’installe en Ardèche et en 2000 j’arrête l’élevage de chèvres pour ne faire que de la sculpture.
Comment est venue cette passion ?
J’ai commencé à sculpter en m’occupant des chèvres. J’ai d’abord fait une chèvre que j’ai installée sur le piton au-dessus-de la route. Les gens ont vu la chèvre, ils en ont parlé, ils venaient acheter mes fromages et petit à petit, pour m’acheter des sculptures. Du coup, cette activité a grandi jusqu’à ce que j’arrête l’élevage.
Difficile de faire les deux à la fois !
Au départ c’est ce que je faisais, ça m’allait bien, c’était complémentaire. L’élevage m’obligeait à rester sur place, avec les animaux, je ne pouvais pas me déplacer et j’avais du temps libre. Mais à un moment, il a fallu choisir car mon activité de sculpteur était devenue plus importante que l’élevage. C’est le centre des impôts qui m’a obligé de choisir entre le statut d’agriculteur ou celui d’artiste. Deux statuts, c’était compliqué. Sans compter que l’élevage ne me permettait pas de me déplacer, de faire des expos.

Vous m’avez dit vous être installé en Ardèche. Alors, d’où venez-vous ?
Je suis de Bourgoin-Jallieu en Isère. Quand on connait Bourgoin, on n’a pas envie d’y rester. J’y ai vécu ma jeunesse mais je détestais cet endroit. C’était alors un endroit froid, peut-être aujourd’hui ça l’était beaucoup moins. C’était pluie et brouillard tout le temps, on ne voyait jamais le ciel bleu comme ici. Sans compter que l’autoroute Lyon-Grenoble a été construite juste à côté de notre maison et traverse la ville.
J’ai été au lycée agricole où j’ai rencontré un copain ardéchois qui m’a fait connaître cette région pour faire de la randonnée à vélo et là, coup de foudre.
A ma première visite, nous avons fait le col de l’Escrinet où nous avons dormi au hameau au-dessus. Le hasard a fait que j’ai trouvé une ferme à cet endroit.
Alors, cette sculpture particulière vous est venue comment ?
Par hasard. J’avais besoin d’un poste à souder pour fabriquer et réparer mon matériel. Je n’étais pas doué pour faire des choses techniques car je n’ai pas le compas dans l’œil. J’ai trouvé plus sympa de créer des sculptures. Et ma première chèvre a été la chèvre de l’Escrinet que j’ai mis sur le rocher en 1986. A l’époque c’était chez moi et c’était surtout pour faire la publicité pour mes fromages. En 92, une allemande qui venait d’acheter un mas m’a proposé de m’acheter la chèvre. Elle l’a emmené et ça a fait un pataquès auquel je ne m’attendais pas du tout : la chèvre a disparu, on a volé la chèvre… les infos en ont parlé, France 3 s’y est mis et il y a même eu un article dans le Monde !
Ca a bien sûr beaucoup fait parler de moi, on m’a réclamé une autre chèvre, et mon activité de sculpture a beaucoup augmenté à partir de 92.
Et du coup la ferraille a envahi votre lieu !
Je ne suis pas toujours obligé d’aller la chercher. Chez les fermiers il y a beaucoup de ferraille qui s’entasse et du coup les gens me l’amènent. Il y a des moments où je commence à en avoir trop car tout ne m’intéresse pas. J’achète aussi dans les vides greniers.

Cette ferraille, est-ce elle qui vous donne l’idée d’une sculpture ou avez-vous déjà l’idée de ce que vous voulez faire ?
C’est variable, il n’y a pas de règle, globalement c’est plutôt moi qui ai une idée et qui cherche ce que je vais utiliser. Mais certaines formes me donnent des idées. Ce sont les socs de charrue qui m’ont donné l’idée d’en faire des ailes de rapace.
On trouve beaucoup de vos œuvres sur les ronds-points. Vous travaillez avec qui pour les installer ?
Pour les chèvres ce sont celles qui symbolisent le fameux fromage Picodon.
Et tout ça a été organisé par le syndicat du Picodon qui gère cette appellation et qui est financé par l’Europe. Il a de gros moyens de promotion même s’il ne peut pas faire de publicité. Il a fallu trouver ce système de créer la route du Picodon. C’est ainsi que mes chèvres symbolisent ce fromage sur l’Ardèche et la Drome. Il y a donc nombre de chèvres sur les ronds-points de la région.
Et En dehors de ces commandes ?
Beaucoup de particuliers m’en achètent. Il y a moitié de particuliers, moitié d’organismes. Les particuliers sont des gens de la Drome et de l’Ardèche, qui ont des terrains où installer ces sculptures. Beaucoup de communes et de départements m’en achètent. J’ai aussi fait la route de la Clairette de Die dans la Drome.

Vous travaillez tout seul ?
Oui, toujours tout seul. Je suis incapable de travailler avec quelqu’un. La solitude ne me pèse pas, j’ai besoin de travailler à mon rythme. J’ai essayé quelquefois mais lorsqu’il y a quelqu’un près de moi, ça me perturbe, ça crée des interférences qui me gênent. Je travaille en toute liberté.
Du coup, vous ne passerez pas le flambeau à quelqu’un d’autre ?
Non. On m’a déjà demandé mais ce n’est pas mon truc. Après, je ne suis pas un solitaire, j’ai d’autres activités de loisirs, je sors souvent d’ici, rassurez-vous !


Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Monique Scaletta et propriété du sculpteur
Pierre-Louis Chipon – Col de l’Escrinet
06 30 04 39 69 – chiponpierrelouis@gmail.com