Jean-Marie PERIER : « Mes nuits blanches » (Ed Calmann-Levy – 406 pages)
Pour nombre d’entre nous qui avons dépassé la soixante… et plus, Jean-Marie Périer reste le photographe de « Salut les copains » qui emmenait au bout du monde Johnny, Sylvie, Sheila, CloClo, Françoise et les autres pour les photographier dans des lieux superbes, qu’il mettait dans des situations drolatiques. Et qui noud faisait têver.
C’est vrai mais pas que….
Car s’il a eu la chance de rencontrer Daniel Filipacchi alors qu’il n’était pas majeur et qu’il lui a mis un appareil photo dans les mains alors qu’il n’était pas photographe, son talent, son inventivité, sa curiosité ont fait qu’il est aussi devenu le photographe de « Jazz Magazine », de « Télé 7 jours », de » Paris Match » de « Elle » dont la directrice n’est autre que sa sœur Anne-Marie, épouse de Michel Sardou.
Il nous a déjà offert nombre de livres, souvenirs ou albums photos et voilà qu’il nous offre ce pavé avec une suite de portraits de tous les gens qu’il a rencontrés, et Dieu sait s’il y en a !
Mais comme il le précise, « Ceci n’est pas un livre de photos » même s’il y en a de lui et d’autres mais juste pour illustrer cette série de mini-portraits mais aussi de réflexions qui, quelquefois, n’ont que peu de lien avec la photo qui l’illustre.
Lorsqu’on le connait, on sait qu’il a la parole facile et le lire est l’entendre raconter avec humour, avec nostalgie quelquefois, avec émotion aussi et ces portraits sont électiques, allant de tous ses amis dits « yéyé » à Yves Saint-Laurent en passant par Ella Fitzgerald, Françoise Sagan, Catherine Deneuve, François Périer, son père, Marc Porel, son frères, Jean-Pierre Périer son autre frère Jacqueline Porel, sa mère, Jacques Porel, son grand-père, tous disparus.
Et encore Danielle Darrieux, Pétula Clark, Yvonne Printemps, Barbra Sreisand et des centaines d’autres, rencontrés furtivement, le temps d’une photo, ou ayant fait un bout de route avec eux.
Jean-Marie a fait rêver plusieurs décennies par ses photos, ses aventures qu’il raconte avec intelligence, finesse, tendresse, ses portraits de chanteurs, de musiciens, de comédiens, de gens de la mode, de la danse, de l’écriture, de tous les arts qu’il a côtoyés.
JMP… Un grand témoin du monde artistique d’hier et d’aujourd’hui.
Gaëlle NOHANT : Le bureau d’éclaircissement des destins (Ed Grasset – 411 pages)
Avec beaucoup de délicatesse et d’habileté, Gaëlle Nohant propose au lecteur de ce nouveau roman une série d’enquêtes sur des objets rassemblés pour être restitués à leurs propriétaires ou leurs descendants. Ces objets ont appartenu à des hommes, des femmes et des enfants souvent exécutés dans les camps d’extermination d’Allemagne ou de Pologne pendant la seconde guerre mondiale. C’est en 1990 qu’Irène va intégrer l’équipe de l’ITS, International Tracing Service, un service où s’empilent des milliers de documents d’archives, un fichier central tenant compte de toutes les variantes possibles, de toutes les langues, des erreurs de prononciation, des diminutifs. La guerre a bouleversé la vie de millions de personnes, celles qui ont fui, celles qui ont été prises, cachées, déplacées ou assassinées, ces personnes ont laissé derrière elles des objets et ces objets devront être restitués à leur propriétaire. Un travail colossal de recherche, de mémoire qui redonnera espoir, bonheur, réconciliation, stupeur ou effroi aux survivants mais aussi à l’équipe de travail.
Irène va prendre à cœur de retrouver les traces d’une enfant, cette quête la mènera en Pologne, lui fera prendre connaissance des milliers d’enfants volés aux parents déportés et adoptés par des familles allemandes. Ce livre est bouleversant car chaque histoire émeut le lecteur et le plonge dans l’horreur, une horreur qui malheureusement ne cesse d’être d’actualité. Les familles décrites par Gaëlle Nohant pourraient bien sûr être de vraies histoires. L’auteur a fait un travail remarquable de recherche, le lecteur suivra page après page comme dans un roman policier les destins de Lazar, Wita et tant d’autres et devra peut-être interrompre sa lecture, trop bouleversé par ces destins broyés par l’histoire.
Certains diront que c’est un roman de plus sur la Shoah. Non, car c’est un roman où vous trouverez de l’humanité, de l’amour et même de la joie dans cette période de l’histoire très sombre.
Claire BEREST : L’épaisseur d’un cheveu (Ed Albin Michel – 235 pages)
La romancière a choisi d’écrire sur l’homicide conjugal, en l’occurrence le féminicide.
Dès la première page nous savons qu’Étienne va tuer dans quelques jours Violette, dite Vive, avec qui il est marié depuis dix ans. Sans enfant, ils vivent comme des bobos parisiens alternant expositions, vernissages, concerts hebdomadaires de musique classique, voyage annuel en Italie.
Mais Étienne est un homme angoissé et obsessionnel alors que Vive est plus fantasque et souffre de cette vie réglée. Elle va vouloir s’émanciper ce qui va provoquer la jalousie puis la haine de son époux.
L’auteur décrit avec talent la rage montante de cet homme frustré qui, au fil des heures, va développer une folie meurtrière qui l’amènera à larder son épouse de trente-sept coups de couteaux.
Un roman glaçant qui permet de réfléchir à ce sujet qui fait trop souvent la une des journaux.
Patrick MODIANO : La danseuse (Ed Gallimard – 96 pages)
Le personnage principal, désœuvré, sans argent, a terminé son premier roman.
Il s’occupe d’un enfant, Pierre dix, ans dont la mère danseuse suit les cours du vrai maître de ballet russe Boris Kniaseff.
Le narrateur se souvient de sa jeunesse et se remémore sa rencontre avec la danseuse dont on ne saura jamais le nom. Le livre dévoile les souvenirs flous d’un passé qui s’efface et qu’il essaie d’arracher à l’oubli.
Les personnages errent de bars en studios dans un Paris que ne reconnait plus beaucoup l’auteur. Certains souvenirs vagues suggèrent un passé tumultueux, voire sulfureux de la danseuse, mais nous n’en saurons pas plus.
Le texte est extrêmement épuré, construit en chapitres très courts et l’écriture simple. A la fois des détails précis mêlés à d’autres, flous, rendent l’atmosphère mystérieuse et aérienne. Le fil conducteur du livre est cette quête d’un passé lointain et nous suivons pas à pas ce travail mental comme un récit policier.
« La danse est une discipline qui vous permet de survivre » dit le maître de ballet et « l’écriture est aussi une discipline » cite l’auteur.
Est-ce à penser que l’on se sauve d’un passé tourmenté grâce à la discipline ?
S’agit-il de l’histoire personnelle de Patrick Modiano ? Est-ce que la danseuse s’apparente à l’écrivain et son travail ?
Un livre touchant et singulier.
Eric REINHARDT : Sarah, Suzanne et l’écrivain (Edit Gallimard – 417 pages)
Le personnage de ce roman se nomme Sarah, elle se confie à l’écrivain qu’elle admire pour qu’il fasse un roman de sa vie.
Dans le roman, Sarah devient Suzanne et on assiste à sa métamorphose. Sarah est en rémission d’un cancer ; elle est sculptrice d’œuvres en plein air, elle ne supporte plus que son mari la délaisse, de plus, elle se rend compte qu’il possède 75% de leur domicile conjugal. Elle lui demande de changer tout cela, il promet toujours mais ne fait rien. Sur les conseils d’une amie, elle annonce à son mari qu’elle va aller vivre ailleurs pour quelques temps, cela le fera t-il réagir ? elle spécifie bien que ce n’est que pour quelques temps.
Lui, va lui faire payer très cher cette décision, jusqu’à l’amener vers la folie. Seul, son fils la défendra. La vraie Sarah va reconquérir sa liberté et trouver enfin sa place mais à quel prix ?
Ce portrait est bien de notre époque,il est très bien écrit, (il a frôlé le prix Goncourt), cette femme nous touche beaucoup dans sa recherche d’elle-même.
Cyril FERAUD : Mission zéro faute ! (Ed Harper Collins – 198 pages)
Cyril Féraud, c’est ce souriant blondinet, mi Tintin, mi-fils de bonne famille, qui sévit sur notre petit écran, bondissant de la carte aux trésors au Grand Slam, du Téléthon au Sidaction, du festival Interceltique au festival de l’Eurovision, des Victoires de la Musique aux duels en familles… Et j’en passe !
C’est un feu follet toujours de bonne humeur et de bon humour qui n’a plus une minute à lui et qui aime ça.
Et le voilà qui écrit ! Oh, un livre pas comme les autres mais, de façon ludique, sur la langue française, mi-cahier de vacances, mi-almanach et nous apprend ou réapprend à conjuguer les verbes, à nous donner les racines de certains mots, à employer les mots justes et les synonymes, les acronymes et les sigles, les solécismes et les barbarismes, les pléonasmes et les antonymes et, entretemps, nous faire jouer en nous apprenant l’origine étrangère des mots, faire des mots croisés.
Ce peut être un livre de vacances, un livre pratique que l’on lit et laisse quand on veut. Cet amoureux des mots et de la langue française nous donne, en toute humilité une mission : que ce soit en parlant ou en écrivant, arriver à faire zéro faute et le faire entre amis, en famille car ce livre concerne tout le monde.
Un joyeux moment de lecture et une belle leçon de Français.
Dominique BARBERIS : Une façon d’aimer (Ed. Gallimard – 202pages)
La narratrice plonge dans ses souvenirs d’enfance.
Une photo s’échappe de vieux papiers qu’elle manipule et la trouble. Il s’agit de Madeleine, la sœur de sa mère, prise en Afrique dans les années cinquante alors qu’elle avait suivi son mari à Douala. Aidée de sa mère et de sa grand-mère elle va faire revivre ces années que la jeune femme a passées dans un monde loin de celui qu’elle avait connu jusque-là à Nantes.
Mariée à un époux qui l’adore, Madeleine, jeune femme effacée et discrète se frotte à l’intelligentzia africaine, plus légère et festive que celle qu’elle a connu en France et qui va l’emmener à se laisser séduire par un homme mi-administrateur, mi-séducteur.
Cèdera, ne cèdera pas ? Nous ne le saurons pas car les choses vont tourner brutalement et Madeleine rentrera à Nantes car l’heure de l’indépendance a sonné.
L’autrice retrace ici l’atmosphère désuète pleine de mélancolie de cette époque dans un roman nostalgique, belle évocation de cette rencontre en noir et blanc d’une jeune femme effacée, pleine de regrets.
Roman plein de délicatesse sur la fragilité des couples dans une ambiance de souvenirs enfouis.