Archives mensuelles : octobre 2023

Notes de lectures


Christos MARKOGIANNAKIS : Omero, le fils caché (Ed Plon – 443 pages)
Christos Markogiannakis est un écrivain grec installé à Paris, spécialiste de romans policiers.
Il y a dix ans, il rencontre à Paris un certain Omero Lengirini. Ils deviennent amis puis un jour Omero disparaît. Et voilà que Christos est convoqué chez un notaire qui lui remet  une grande boîte de la part d’Omero qui vient de disparaître, cette fois définitivement.
Parmi des objets, un manuscrit : l’histoire de la vie de Romero qui n’est autre que le fils caché de Maria Callas et d’Aristote Onassis. Il lui confie ce texte en lui disant d’en faire ce qu’il veut… Mais lorsqu’on est écrivain, de polars qui plus est, Christos va découvrir une histoire extraordinaire digne d’un thriller.
Enfant joyeux mais solitaire, éloigné de tout, Omerol vivra avec un couple qu’il croit être ses parents, avec, au-dessus de lui, un parrain fantôme qui le comble de cadeaux. A la mort de celle qu’il croit sa mère, il apprend qui sont ses vrais parents avec un acte de naissance stipulant qu’il était… mort à la naissance, ce qu’Onassis avait toujours fait croire à Maria Callas.
A partir de là, il va démarrer une vraie quête d’identité, remonter à la source de sa vraie famille, essayer de rencontrer les gens qui font partie de cette famille et qui n’en savent rien ou alors, qui ont occulté et dénié cette naissance.
Ce sera une quête obsessionnelle de 40 ans, durant lesquels il va suivre les pas de tous ceux qui ont gravité autour de ses parents, ceux qui  sont toujours vivants mais qui, durant ce long chemin de croix, vont disparaître à leur tour. Il a failli rencontrer sa mère biologique, il n’a vu que qu’une fois son père biologique qu’il croyait alors être son parrain et qui l’a viré avec pertes et fracas.
Beaucoup de peine, de haine, de regrets qui, malgré l’argent que son père lui a quand même laissé et lui a permis de faire le tour du monde, a été pour lui une recherche d’identité permanente et l’a empêché de vivre.
Christos n’a eu qu’à traduire cette histoire qu’Omero écrivait en français, en italien, en grec, comme un apatride qu’il a été toute sa vie.
Une grande histoire écrite comme un thriller avec tout au long des rebondissements, des découvertes de secrets bien cachés. Un livre à la fois très palpitant et très émouvant que l’auteur a voulu faire partager aux lecteurs.
Et il a bien fait.
NB. Cette année est l’année du centenaire de la Callas.

Camille PATRICE :  la maison squelette   ( Ed Leo Scheer – 259 pages)
Premier livre de Camille Patrice, roman autobiographique dans lequel chacun peut se retrouver car l’auteure nous emmène dans un voyage intime : à 30 ans, à la mort de son père qu’elle appelle « le grand singe » elle se remémore ses souvenirs, de l’enfance à l’âge adulte, à partir des maisons dans lesquelles elle a vécu (pas moins de 12 voire 13).
C’est à travers cette introspection qu’elle s’est construite et finit par accepter la mort de ce père.
Cette recherche dans le passé est une sorte d’auto psychanalyse thérapeutique. Après un effort pour entrer dans le livre, on se laisse porter par ce texte bien raconté, littéraire, original, dans lequel sont décrits très finement des souvenirs personnels. Son parcours de vie intime est jalonné de portraits, de situations relationnelles décrites avec sincérité ou se mêlent sentiments divers (colère, joies, jalousie, rage…) et descriptions de maisons dans leur environnement particulier.
Roman d’abord déroutant car elle parle d’elle à la 3ème personne et surnomme les membres de sa famille tels « bébé sourire, bébé sœur, tante teigne, maman poupée » et attribue un qualificatif évocateur à chacune de ses maisons : « appartements des rois du silence, la cabane, la maison sale…. ».
Thème original, rythmé par la vie chaotique d’une jeune femme à la recherche d’elle- même.
Charmaine Wilkerson : Les parts oubliées ( Ed.Buchet-Chastel – 505 pages)
Le « gâteau noir » est le fil rouge de ce tentaculaire roman antillais et, surtout, celui confectionné traditionnellement aux Antilles pour le mariage d’une fille, gardé au congélateur et ressorti lors de divers anniversaires.
Ici, c’est le fil conducteur d’une longue traversée familiale sur plusieurs générations.
Benny et Beneth frère et sœur qui s’étaient un peu perdus de vue, se retrouvent dans la maison familiale après le décès de leur mère. Ils ne se sont plus vus depuis des années et vont écouter ensemble l’étrange message vocal qu’elle leur a laissé.
Va s’ensuivre un étrange puzzle avec des histoires dans l’histoire, des générations, des allers et retours dans le temps. Peu à peu des pans d’ombre s’éclaircissent et permettent aux enfants de comprendre qui ils sont, ce qu’ils sont.
Des personnages fabuleux, hors du commun, parsèment ce récit plein de problèmes, d’obstacles, mais dans un parcours plein d’amour, de rencontres, de départs.
On plonge avec plaisir dans les méandres de ce récit à tiroirs bien écrit et très vivant.

Lilia HASSAINE : Panorama (Ed. Gallimard – 235 pages)
Il s’agit ici d’un roman policier qui s’ouvre sur la piste d’une enquête banale, menée par une ex-policière qui reprend du service, partie à la recherche d’un couple et de leur fils de huit ans, disparus subitement.  Sauf que nous sommes en 2049, dans une France dystopique où l’on vit à l’ère de la transparence depuis la Revenge Week de 2029, révolution à partir de laquelle, pour se libérer du MAL, les Français doivent vivre dans des quartiers transparents, composés de maisons aux parois de verre, exposés aux regards de tous.
Comment dans ce cas trois personnes peuvent-elles disparaitre ?
C’est ce que nous suivons au travers de l’imagination de cette voisine, autrice du roman, richement documenté mais d’une lucidité terrifiante qui assure et apporte des situations hors du commun
Fort bien écrit et plein de suspense mais auquel on se laisse prendre… Ou pas…
Jonathan SIKSOU : Vivre en ville (Ed du Cerf – 208 pages)
Jonathan Siksou est journaliste et écrivain, il a reçu le prix Transfuge du meilleur essai en 2021.
Dans un monde où il est de bon ton de dénigrer la ville et d’aller s’installer à la campagne, son dernier livre redonne le sourire au pauvre citadin souvent obligé d’habiter en ville.
La ville la mieux étudiée dans ce livre est Paris, bien qu’il en cite de nombreuses autres de tous les pays du globe. C’est certain, les grandes villes ont leur lot d’inconvénients, mais il faut savoir regarder avec humour la transformation, la bétonisation de nos villes, l’excroissance indécente des centres commerciaux, les embouteillages à toute heure du jour, la foule anonyme toujours pressée dans le métro…
Alors l’auteur va nous emmener dans les musées, les jardins publics, chez les petits commerçants de quartiers comme les boucheries et les boulangeries où la boulangère fait l’admiration de l’auteur en arrivant à faire tenir dans une boîte, des éclairs, des tartes, des choux à la crème sans perdre de place, c’est du talent !
Même si Jonathan Siksou a eu la chance de parcourir le monde dans sa jeunesse, dans les plus grands palaces et de vivre aujourd’hui dans un très grand appartement parisien, il amènera régulièrement le lecteur à sourire et même à rire, car oui on peut vivre en ville et s’y plaire.

THOMAS REVERDY : Le grand secours (Ed Flammarion – 318 pages)
Comment expliquer l’explosion de colère d’une jeunesse qui, toujours en relation avec les réseaux sociaux, s’enflamme dès la réception d’une vidéo représentant un policier dans une bagarre?
Bondy, une banlieue au nord de Paris, à proximité d’un gigantesque carrefour où se croisent autoroutes et nationales.
C’est dans un lycée, qui accueille tous les jours des centaines d’élèves et de professeurs, que Thomas Reverdy retrace méthodiquement, heure après heure, une émeute sans précédent. Tout devrait se passer comme tous les jours, c’est à dire sans heurt, malheureusement une cascade de vidéos va dégénérer.
Le jeune Momo, timide poète amoureux va se transformer en délinquant, les professeurs réunis dans la salle des profs vont réagir à ce qu’ils pressentent être une émeute monumentale au fil des heures, or c’est l’heure de sortie des cours. Faut-il ouvrir les portes du lycée en grand pour libérer les lycéens enfermés dans les locaux ou au contraire les refermer bien vite et se cloisonner en attendant la libération par les forces de l’ordre ? L’auteur étudie scrupuleusement heure après heure un scénario qui pourrait un jour se présenter dans les lycées.
Le cas de Bondy est volontaire pour dénoncer le mal-être des élèves autant que des professeurs vivant dans une des banlieues les plus défavorisées de Paris.
Un livre écrit pour déranger mais aussi pour prévenir une explosion sociale qui viendrait de la jeunesse. Un danger palpable certains jours, que les autorités redoutent et le lecteur espère que tout est déjà programmé au ministère de l’intérieur pour retourner au calme une masse de jeunes prêts à tout saccage, pillage, jusqu’au meurtre si tout n’est pas maitrisé à temps.
Cri d’alarme et appel au secours de Thomas Reverdy… Qui l’entendra ?
Marie LACIRE : Atlantique (Ed Plon – 170pages)
C’est le portrait d’une femme  Anne, qui a écrit son premier roman, dont l’éditeur la presse d’en faire un second assez vite, mais l’angoisse devant la page blanche la saisit  et cela dure  …
Son compagnon, Phil, lui propose alors d’aller dans le Médoc, non loin de l’Atlantique, passer quelques jours dans la maison de son enfance.
Le jardin n’est pas entretenu, la maison n’a pas été habitée depuis trente ans, les meubles sont d’un autre âge, la vaisselle en trop grand nombre encombre les pièces et le village est tout petit.
Lui, est heureux et ne veut rien ranger et surtout ne rien jeter
Elle, c’est le contraire. Elle voudrait ranger et trier. Elle veut créer son propre présent. Le couple souffre et va ainsi passer trois étés..
Le ton est vif, peu de dialogues, mais des chapitres courts et même très courts, ce qui est original et augmente l’intérêt du lecteur.
Se présente  alors, dans ce village si petit, un deuxième écrivain. Il est célèbre et a déjà écrit  une vingtaine de livres.
Va-t-il lui faire douter de son talent ? Elle pense que lui, a choisi sa vie et qu’elle, subit la sienne. 
Mais est –on vraiment libre de ses choix ?
La fin du livre nous éclairera.



Pasino d’Hyères
Marc JOLIVET : un spectacle pour l’Ukraine


Le mois dernier au bord de l’eau à l’Almanarre, le comédien et humoriste Marc Jolivet nous promettait une belle soirée au Pasino d’Hyères, soirée en faveur de l’association « Doc for Ukraine ».
« Attends – toi à de belles surprises »  m’avait-il dit.

L’Harmonie Hyèroise

Et les surprises furent de taille en ce dimanche 29 octobre car son spectacle fut un feu d’artifice de bonne humeur, de rires et d’immense émotion.
Ca démarra très fort avec «  la chevauchée de la Walkyrie » de Wagner, interprétée par l’Harmonie Hyéroise dirigée par Alain Chiva.
Bien entendu, notre Marc, Monsieur Loyal de la soirée, monté sur ressorts, nous raconta ses histoires, avec sa faconde, son énergie, son humour quelquefois décapant, nous dit qu’il aimait Hyères tout autant qu’Aix-en-Provence où il partage sa vie avec son épouse, l’écrivaine Julie Guinard, ce qui en fait, nous dit-il des « Hyèraixois ».
Les bénéfices de cette soirée étaient totalement reversés à l’association « Doc for Ukraine », tous les artistes présents étant venus prêter leurs concours bénévolement.
Parmi eux, deux Ukrainiennes, deux Natalia, prêtèrent leur talent, l’une violoniste, Natalia Voronova, l’autre chanteuse d’opéra, Natalia Chasovska, chacune interprétant entre autres des musiques et des chants ukrainiens.

Natalia Chasovska
Natalia Voronova

Participèrent également deux trompettistes déjantés issus du quintet « Les trompettes de Lyon », Peter Ballester et Ludovic Roux, qui interprétèrent à leur manière très décalée mais avec virtuosité quelques musiques jazzy, et auxquels Marc vint s’immiscer en jouant horriblement faux ! Décidément, il vaut mieux qu’il reste dans l’humour !
Puis vint aussi Alban Michon, explorateur polaire, ami de Marc, qui nous raconta une drôle de rencontre avec un ours blanc (photos à l’appui) et voilà que l’ours en question arriva sur scène ! En dessous s’était faufilé  Fabrice Drouelle, journaliste radio connu pour son émission « Affaires sensibles » que nous avions rencontré à l’Almanarre et qui, plus tard, dit avec Marc un très beau poème de Victor Hugo.
Un grand moment également avec la venue d’un xylophoniste fou, François Lefebvre qui s’éclata sur son instrument avec une incroyable dextérité, accompagné par l’orchestre d’Alain Chiva. Du grand art !

Alain Chiva
Peter Ballester & Ludovic Roux
Fabrice Drouelle & Marc Jolivet
François Lefebvre

Et puis, la Chorale « Les Magnanarelles » se levèrent pour chanter « L’hymne à la joie » de Beethoven, qui est aussi l’hymne de l’Europe. Et là, un grand moment d’émotion se  propagea dans la salle. Mais ce n’en était pas fini avec l’émotion qui alors submergea la salle qui se leva d’un seul homme pour écouter avec ferveur l’hymne de l’Ukraine chanté par Natalia Chassovka et dit en français par Alain Chiva.
Soirée mémorable où l’on passa du rire aux larmes et qui se termina à nouveau par l’Hymne à la joie que toute la salle reprit.
« Le combat continue », lança Marc entouré de ses amis sous les applaudissements nourris des spectateurs qui eurent du mal à quitter la salle mais qui retrouvèrent Marc et Alban dans le hall pour la dédicace de leur livre et Isabelle Beurdeley, magnifique plasticienne qui, à partir d’instruments de musique, crée des luminaires. Et ce soir-là, la vente de ses œuvres revenait à l’association.
Ce fut une soirée de rires et de pleurs mêlés, pleine de générosité et d’amour comme on aimerait en voir plus souvent… Si tous les gars du monde…

Alban Michon…
… Et son ours !
Un ours nommé Fabrice !
Les Magnanarelles face au public

Jacques Brachet
Photos Alain Lafon

Marseille – Théâtre Toursky
Richard MARTIN nous aquittés mais l’aventure continue


Il nous a quittés le 16 octobre, suite à une longue maladie.
Richard Martin était un homme on ne peut plus chaleureux, sympathique et passionné. Une grande gueule au cœur tendre.
Comédien et directeur du théâtre Toursky c’était un homme volubile, plein d’humanité dont la passion pour la culture, le théâtre et les gens était sans bornes. Il a passé sa vie à se battre pour eux et entre autres pour ce théâtre qu’il a créé voici plus de cinquante ans, il n’a jamais baissé les bras, il a su élever la voix malgré les coups bas, les baisses de subventions quand ce n’était pas leur suppression pures et simples pour des excuses fallacieuses.
Bref, Richard a toujours été un battant jusqu’à faire des grèves de la faim pour sauver ce superbe espace de culture et de convivialité qui possède trois salles de spectacles et des tas de petits lieux intimes où l’on peut se rencontrer, discuter, boire un coup ou manger. Un vrai lieu de vie qui était à son image.
Son histoire est une véritable épopée qu’il m’a un jour racontée avec humour, tendresse, amour et émotion… Et surtout une volubilité qu’on avait du mal à endiguer !
«C’est vrai – me disait-il dans un de ces petits coins de prédilection en toute intimité – que c’est une longue histoire qui commence à Nice où je suis né, qui continue à Paris pour aboutir à Marseille que je n’ai plus quittée, qui est devenue ma ville, mon pays.
Au départ, mon destin était d’être peintre. A 15 ans je voulais peindre mais au vu des résultats, j’ai très vite compris qu’il fallait prendre un autre chemin. Étant un homme très excessif, j’ai tout laissé tomber et j’ai donc décidé de faire du théâtre. Et comme j’étais un jeune con, (Heureusement la pierre s’est taillée depuis !) je décidai qu’il n’y avait qu’à Paris qu’on pouvait faire le saltimbanque.

Mon père avait fini par dire oui alors que j’avais 18 ans et que la majorité était à 21. Il pensait qu’en étant d’accord, je reviendrais vite au bercail ! Mais j’ai résisté, physiquement et moralement, j’ai commencé par être cascadeur. Le train, les voitures, les chevaux, les ailes d’un moulin, les sauts du haut d’une tour, j’ai été raseteur… J’ai tout fait, j’étais fou. Puis j’ai rencontré Robert Lamoureux, Robert Murzeau, alors de grands comédiens. Murzeau était un vrai humaniste qui m’a beaucoup aidé.
J’ai très vite travaillé dans le théâtre de boulevard. Sans être célèbre je gagnais bien ma vie, surtout que je n’avais pas fait de conservatoire. Mais j’ai très vite compris que c’était une situation de facilité car ce n’était pas le théâtre «sensible» que j’avais envie de faire.
Je l’ai donc quitté pour passer sur la rive gauche où j’ai découvert ce théâtre, même s’il était loin d’être aussi populaire et s’il fallait ramer pour travailler. J’ai même couché sous les ponts !
C’était à quelle époque ?
On n’était pas loin de mai 68 et bien évidemment j’y ai participé. On a occupé l’Odéon où comme les autres, j’ai fait de la résistance «poétique», où j’ai découvert la fraternité… Mais aussi bon nombre de comédiens qui prônaient des convictions qui n’étaient pas les leurs… et qu’ils ont vite abandonnées dès les événements passés !
Mais j’ai compris qu’il fallait que je me batte pour que le théâtre soit pour tout le monde et non pas, comme je le voyais, simplement pour «des privilégiés». Mots que j’ai d’ailleurs retrouvés à Marseille plus tard.

Marseille, justement… Le Toursky
Un jour, dans le quartier de la Belle de Mai, je découvre une sorte de hangar désaffecté et j’ai tout de suite vu ce que je pouvais en faire. Je suis allé voir Gaston Defferre alors maire de Marseille, qui a accepté de me le confier. Il y avait du travail et j’investissais tout ce que je gagnais comme comédien dans ce lieu que j’avais fait insonoriser avec 5000 boîtes d’œufs !
Le jour de l’inauguration un grand poète est mort  Alexandre Toursky. Le soir même j’apposais son nom sur le théâtre.
Savais-tu alors ce que tu voulais en faire ?
Oui. Je voulais travailler avec tous les pays de Méditerranée, proposer du vrai théâtre, de la vraie poésie, de la vraie chanson française. Un copain m’a alors présenté Léo Ferré. De ce jour on ne s’est plus quitté, il a été en quelque sorte le parrain du théâtre où il est venu souvent et où nous avons créé «L’opéra des rats». Sont alors venus Nougaro, Moustaki, Barbara et quelques autres.
Mon objectif aussi était de faire un haut lieu de la culture dans le quartier le plus misérable de Marseille et lui redonner une virginité.
Ça ne s’est pas fait sans mal mais ça va faire 50 ans l’an prochain que ça existe et que ça perdure. C’est devenu un lieu populaire, une belle aventure humaine, théâtrale, citoyenne, un lieu ouvert à tous à qui on propose des spectacles, de la danse, du théâtre, de la musique, des expos, des ateliers, des conférences, des rencontre et même un festival russe qui fête ses 25 ans et est devenu le plus important d’Europe. Nous travaillons avec tous les pays de Méditerranée et le Toursky rayonne partout à travers cette aventure. Nous réunissons quelque 70.000 spectateurs par an.

Mais ça n’a pas été un long fleuve tranquille…
Jamais, même aujourd’hui où je viens encore de faire une grève de la faim pour que la ville me redonne notre subvention. Tout le temps tout est remis en question parce que je gêne certainement quelques personnes. Mais c’est un lieu de culture et de fraternité qui a vu passer tous les artistes du monde. Mon travail est de rester un donneur d’alarme»

Ce jour-là nus nous sommes quittés en nous claquant trois bises. Surpris je lui demande pourquoi, moi qui, Ardéchois en ai l’habitude… Réponse claire : « Liberté, égalité, fraternité » !
De la fraternité, il y en a eu beaucoup ce jour-là… Et plein d’autres jours !
Jacques Brachet
Photos Patrick Carpentier

Voyage à Venise avec Macha MERIL


Mélusine Marvel est une star française qui a ses coups de cœur, ses coups de gueule, ses caprices mais qui sait que, vieillissante, il va falloir qu’elle se batte avec la profession, avec la caméra pour rester ce qu’elle est. Elle est au tournant de sa carrière et de sa vie et elle sait que ce rôle de Desdémone dans ce film italien, adaptation d’Othello, sera sa gloire ou sa perte.
On va donc la suivre dans les dédales de sa carrière, de ses doutes,  de ses joies, de ses crises de nerfs, la boisson, le sexe, auxquels elle se raccroche pour pouvoir dire qu’elle existe encore.
Très beau portrait de femme par une femme qui connait tous ces sentiments dans ce métier qui ne fait pas de cadeau.
Le roman s’intitule « La grille du palazzetto » (Ed l’Archipel
L’auteure est Macha Méril, lumineuse comédienne, auteure pleine de finesse et d’humour, même si dans ce roman, elle se consacre plus à l’état d’âme d’une comédienne qui sent que sa jeunesse fout le camp.
En plus de ce portrait, elle nous fait entrer dans les coulisses d’un tournage, ce qu’elle connaît bien, et nous guide dans une Venise belle et mystérieuse qu’elle a l’air de connaître aussi.

Avec Macha, c’est une histoire d’amitié qui ne date pas d’hier, puisque voici des décennies qu’on se rencontre, qu’on se parle, qu’on s’écrit, qu’on se téléphone et tout est prétexte à ce qu’on se retrouve. Du coup, ce roman est une aubaine.
Macha, tu nous parles de choses que tu connais par cœur : , les comédiens, le tournage d’un vu de l’intérieur et Venise… vu de l’extérieur !
(Elle rit) Il n’y avait personne que moi pour parler de tout cela : le métier d’actrice, mais aussi l’ambiance d’un tournage et de tous les métiers que le spectateur ne voit jamais : les techniciens, producteurs, agents et autres métiers de l’ombre. Mais aussi l’inquiétude d’un tournage, le questionnement de chacun, l’adrénaline, l’ambiance d’un tournage. Tout le monde est plus ou moins inquiet, il y a des affinités, des problèmes et la fin d’un tournage qui est toujours traumatique : On se quitte après être restés ensemble, que va-t-on faire après…
Et surtout cet état de star que Mélusine vit quotidiennement !
Oui, Mélusine est à un virage. Elle est une star mais une star vieillissante et elle a peur de ce qui va se passer, comment elle va passer à l’écran et pour combien de temps encore.
Ce sont des choses que tu as connues en fréquentant ces actrices.
Oui et d’abord, pourquoi devient-on star ? Comment le vit-on ? Beaucoup de stars ont mal tourné comme Marylin Monroe, Romy Schneider, Natalie Wood et même des hommes comme Patrick Dewaere. Beaucoup ont sombré dans l’alcool, la drogue car être star est un poids sur les épaules et si l’on ne vit que par et pour ça, ça peut finir mal.
Ça aurait pu t’arriver ?
Comme à tout artiste mais il se trouve que j’ai tout fait pour être l’antistar. Je suis née avec la Nouvelle Vague où déjà tout changeait et je n’ai jamais voulu m’enfermer dans ce style de vie. J’ai toujours voulu être libre de mes choix et, quittant un plateau, j’ai toujours eu une vie à côté, je me suis intéressé à la culture, à la lecture, à la cuisine, au jardin, j’ai écrit des livres, j’ai fait du théâtre et tout cela, même si ça ne m’a pas toujours enrichie, a fait que j’ai eu une autre vie que celle d’actrice. Et plus ça va, plus j’ai envie de ne faire que des choses que j’aime. Grâce à Michel Legrand, je suis à l’abri du besoin, même si je n’ai pas de gros besoins et je peux choisir ce que j’ai envie de faire et de tourner ! Je me suis toujours surprotégée et j’ai tout fait pour brouiller les cartes ; je peux dire non quand je le veux. Je n’ai pas à enquiller des films si ça ne m’intéresse pas.

Être star, c’est quoi au fait ?
Ce peut être quelque chose de magique au départ. Pourquoi une actrice est choisie plus qu’une autre ? Pas seulement parce qu’elle est belle car toutes ont un défaut particulier mais qui justement peut être photogénique. Mais il ne faut pas que ça et toutes les stars l’ont compris.  Après, elles sont souvent brut de décoffrage et il faut qu’elles continuent à être ce qu’elles sont et elles vivent dans la peur de ne pas être autre chose que ce qu’elles sont devenues et surtout de le rester. C’est pour cela que souvent, elles sombrent dans l’alcool, la drogue. Regardez Martine Carol, qui m’a inspirée pour Mélusine, elle était droguée, nymphomane, alcoolique. J’ai rencontré Louis Grospierre qui la suivait vingt-quatre heures sur vingt-quatre et pour lui c’était l’enfer. La notoriété abîme les gens et certains ne tiennent pas le coup quand ils la perdent.
C’est toujours pareil aujourd’hui ?
Beaucoup moins car être star est aussi garder de mystère et aujourd’hui les artistes veulent être des femmes comme les autres, amener leurs enfants à l’école, étaler leur vie privée sur les réseaux sociaux. A part Catherine Deneuve ou Isabelle Adjani, qui tiennent le coup, qui se préservent
Il y a aussi dans ce roman de très belles descriptions de Venise que tu connais bien…

Oui, je suis souvent allée à la Biennale et surtout, j’ai un ami qui vit à Venise, qui me reçoit chez lui… Et à qui je fais la cuisine, chose que j’aime faire, tu le sais. Bien sûr on connaît la place Saint-Marc mais ce n’est pas que cela,  et les balades en bateau, Venise. D’ailleurs, les habitants quittent souvent la ville et n’en connaissent pas tout.
Quand on vit dans une ville on ne la connait pas en fait. Moi, je suis partie visiter les ruelles, les petites places mon ami m’a amenée dans des lieux mal famés où vit la pègre, les boîtes plus ou moins louches et j’ai trouvé tout cela très amusant !
Alors aujourd’hui, que devient Macha ?
Je suis toujours très occupée. En ce moment je suis sur les routes pour présenter et signer mon roman dans les salons du livre. Je serai d’ailleurs à Marseille les 24 et 25 novembre.
Je vais reprendre au théâtre Montparnasse « Une étoile » d’Isabel le Nouvel, Je viens de tourner pour France 3 le pilote d’une série « Enquête parallèle » avec Florence Pernel, où je joue sa mère, une mère un peu barrée… J’adore Florence qui est une femme adorable de gentillesse et qui a beaucoup de talent. Si le pilote marche, il y aura une suite… Et puis, j’ai un autre projet qui me tient à cœur : monter une conversation entre Catherine II  et Voltaire, d’après leurs échanges épistolaires, Catherine qui s’est insurgée lorsqu’on a guillotiné Marie-Antoinette. On le créera au festival de Grignan en juillet prochain. Et je me vois bien en Catherine… C’est mon sang bleu qui parle !

Et il y a l’œuvre de Michel Legrand !
C’est ce qui me donne le plus de travail car depuis quatre ans j’ai créé dans son manoir un festival consacré aux compositeurs de musiques de film qui ont de plus en plus de problèmes pour imposer leur musique, les droits d’auteurs coûtant paraît-il de plus en plus chers, beaucoup de producteurs veulent s’en passer.
Du coup, ce festival est un concours avec un jury et un président. J’ai eu Jacques Perrin, Claude Lelouch, Jean-Jacques Annaud pour les trois premiers. On a rendu hommage à de grands compositeurs comme Nicola Piovani, Gabriel Yared. C’est un travail énorme, il faut trouver de l’argent, des artistes, des musiciens. C’est une grosse organisation qui me prend beaucoup de temps.
A propos de Michel, la Poste va créer le 24 février 2024 un timbre pour ce qui aurait dû être ses 92 ans. Il y a plusieurs projets très excitants et il va falloir choisir.
Prochain roman ?
Laisse-moi respirer ! Mais écrire est toujours pour moi un jeu littéraire, un challenge. J’y ai pris goût et je vais continuer. »

Propos recueillis par Jacques Brachet

Octobre rose au bord de l’eau


Après la journée des Pointus Roses organisée avec l’aide de l’association Lou Capian et les Rameurs du Brusc, après le « Défi d’elles » où, au Embiez, le raid mixte et solidaire a pu réunir des dons reversés aux associations caritatives, samedi une journée au Gaou réunissait des sportives parisiennes et six-fournaises, pour une marche rose autour de l’ile et une épreuve cycliste. Le tout parrainé par la journaliste Myriam Seurat auprès de laquelle se greffaient deux invités d’honneur : la journaliste Valérie Trierweiler et le champion de natation Camille Lacourt dont l’épouse a eu un cancer du sein.

Fidèles au poste, les associations CapSein, La P’tite parenthèse et Sport Adapté Santé 83 étaient présentes pour soutenir tous ces marcheurs et ces cyclistes dans une ambiance de kermesse rose, tout le monde étant venu avec tee shirt, pullover, chemise, foulard roses, même le Maire, qui soutient ce mois national, Jean-Sébastien Vialatte qui, lui aussi, est fidèle à cette manifestation organisée par le Dr Stéphanie Guillaume, adjointe à la santé, Béatrice Métayer, chargée de mission politique de santé publique et une poignée de bénévoles. 
On avait frôlé la catastrophe avec une averse tôt le matin mais le mistral souffla sur les nuages et le soleil fut de la fête.

Un arbre fut planté sur l’île qui, l’on s’en souvient, a été victime d’un incendie cet été et pour démarrer la fête de l’après-midi, c’est une troupe de toutes jeunes « hip hopeuses », de la SNJ Hip Hop School dirigée par Magali Ben Salma, qui nous offrirent une belle démonstration qui emballa le public et l’on put apercevoir quelques danseurs maladroit se joindre à la troupe avec le maire in person et quelques élus !
Ce fut une joyeuse journée où chacun put oublier ses soucis et voir la vie en rose.

Jacques Brachet

Notes de Musique

EYM TRIO – Bangalore – Melmax Music – 8 titres
Ce trio, originaire de Lyon s’est formé en 2011 par la rencontre de trois musiciens Elie Dufour au piano, Marc Michel à la batterie et Yann Phayphet à la contrebasse.Pour ce nouveau disque ils ont invité la chanteuse/flûtiste indienne Varijashree Venugopal qu’ils avaient rencontrée à Bangalore (Inde du Sud, d’où le titre). Les musique de l’Inde (elle sont nombreuses) ont toujours intéressé les musiciens occidentaux : Coltrane, les Beatles. Le sitariste Ravi Shankar (Inde du Nord) a connu un immense succès en Occident et a influencé nombre de Musiciens. Eym Trio reprend cette lignée. Une rencontre réussie et fructueuse entre le jazz et la musique carnatique.Varijashree Venugopal est née en 1991. Dès les premières années de sa vie elle était capable de reconnaître jusqu’à 200 ragas, elle donna son premier concert à l’âge de 7 ans. Elle s’est delà frottée à la musique occidentale, notamment avec le compositeur et bassiste américain Michael League.Sa voix, chaude, module à la façon d’une flûte sehanai, comme par exemple sur « Jagadoddarana » ou encore « I’m travelling Alone », et là le trio fait des incursions très jazz. Elle scatte d’une façon qui rappelle la chanteuse coréenne Youn Sun Nah comme sur « No Madness ».Un disque qui répond au Mahavishnu Orchestra de John McLaughlin. EYM Trio a réussi une œuvre originale qui crée un univers assez envoûtant.

SOPHIE DARLY – Slow Down Fast – Bros Records / L’autre Distribution – 8 titres
La chanteuse franco-suisse nous offre un troisième album avec un curieux titre en oxymore : Ralentir vite. Ce n’est pas un titre pour faire bizarre, c’est au contraire une profession de foi parfaitement réalisée. La musique prend son temps, les paroles respirent en chantant l’amour, bien sûr, les rêves, les choses de la vie. Elle possède une voix lisse, soul, qui prend du grain dans le grave. Elle chante avec conviction et avec des sautes harmoniques assez subtiles. Elle est parfaitement entourée par des arrangements à la frontière du jazz. Il faut dire qu’on trouve sur certains morceaux Pierrick Pédron au sax alto, Julien Alour à la trompette, et une rythmique de choix avec Arnaud Gransac (p), Daniel Mizrahi (g, clav), Antoine Reininger (b), et Matthieu Penot (dm).« In the Silence of the Night » est assez emblématique de l’esprit du CD. On trouve des effluves de blues dans « Love with a Twist ». « Monster B » sonne très chanson années 50 avec un arrangement bien d’aujourd’hui. On retrouve dans ce disque l’atmosphère country/pop/jazz des seventies : Bob Dylan, Joan Baez, etc. avec les reflets du jour. Sophie Darly, un maillon fort dans la chanson d’aujourd’hui

Serge Baudot

Céline GAILLEURD & Olivier BOHLA
nous racontent une Italie muette


« Italia » est un film documentaire unique en son genre, signé Céline Gailleurd et Olivier Bohla, un couple de réalisateurs, qui retrace la naissance du cinéma italien – muet évidemment – en 1895 à l’arrivée du parlant en 1929.
Un cinéma alors prospère, qui a rayonné dans le monde avant de tomber en désuétude à l’arrivée du parlant. Nos deux réalisateurs ont fait de nombreuses recherches pour trouver ces images rares qui ont échappé aux incendies, à la destruction, à la guerre, aux vols.
Au départ, comme partout ailleurs, les films étaient surtout des documentaires, historiques, de propagande, des chroniques de guerre, des témoins d’une époque, avant qu’en 1902 naissent les premiers films de fiction, souvent tirés de romans célèbres comme « Otello », « Roméo et Juliette », « Hamlet »… Sans voix bien sûr, ce qui faisait dire à Pirandello qu’il haïssait le cinéma, lui l’homme de théâtre et des mots.
Petit à petit le cinéma attira de plus en plus de monde et naissaient alors les premières stars comme Lyda Borelli ou Bartomoméo Pagane premier Maciste du cinéma.
Le parlant arrivant certaines stars disparurent, leur voix ne passant pas l’écran.
Ce documentaire est un témoignage de ce que furent les premiers pas du cinéma italien et pour accompagner ces films sans son, c’est Fanny Ardant qui dit des textes d’auteurs comme Dali, Fellini et quelques autres. Sa voix unique, suave, reconnaissable entre toutes, pour dire des textes d’hommes donne à ce film une autre dimension.
Par contre, la musique paraît parfois dissonante, sinistre, intempestive.
Par ailleurs, ce film nous fait découvrir un cinéma que l’on connaît très peu par rapport à notre cinéma muet français ou même américain. D’ailleurs le film est également sorti en Italie car les Italiens eux-mêmes n’ont plus personne pour s‘en souvenir.


« Olivier, pourquoi ce film sur le cinéma muet italien ?
Au départ, c’est un projet de Céline. C’est le sujet de sa thèse qu’elle a choisi en 2010 à l’Université d’Aix-en-Provence.
Et pourquoi le film ?
A l’époque il y avait très peu de choses accessibles sur ce sujet. On a dû faire des recherches sur place, rencontré des chercheurs. De plus les restaurations en Italie n’étaient pas ce qu’elles étaient en France. A l’époque, il était plus vendeur de restaurer un film de Visconti et de le présenter à Cannes en présence d’Alain Delon ! Mais peu à peu, Céline a commencé à défricher les choses et s’est rendu compte qu’il y avait énormément de choses à montrer. En fait, il y avait très peu de spécialistes en Italie car il n’y avait pas comme en France d’obligation à sauvegarder et conserver tous les films. C’est venu très tard et beaucoup de films ont été niés, négligés et détruits.
La cinémathèque a quand même gardé des choses ?
Il faut savoir que si, en France, il n’y a qu’une cinémathèque qui centralise tout, en Italie il y en a cinq qui ne communiquent pas entre elles. Il n’est pas rare qu’une d’entre elle ait une bobine de film et qu’une autre ait la suite. Et ils ne partagent rien ! Il y a peu de restaurations complètes dans une seule cinémathèque.

Le cinéma muet les intéressait peu en fait ?
Exactement. Il n’y avait ni intérêt, ni de moyens et ce n’est que la cinémathèque de Bologne a commencé à s’y intéresser en 1980. De plus, les copies étaient composées de nitrate, très inflammables et explosives. Et il y a eu beaucoup d’accidents graves. Du coup, lorsqu’on les a reproduites, c’était en noir et blanc même si la copie était colorisée et on a ensuite détruit les copies d’origine. Heureusement, on a trouvé beaucoup de copies à l’étranger car ce cinéma a eu un rayonnement mondial à l’époque. Aujourd’hui, il y a 15% de films préservés.
C’est peu ?
En effet, ce n’est pas énorme, mais c’est pareil à peu près partout. Et même pire dans certains pays. A l’époque, les films ont disparu pour nombre de raisons : la destruction mais aussi les guerres, les vols, les incendies… Donc beaucoup de films ont été perdus. D’où aujourd’hui l’intérêt du numérique, même si ce n’est pas le top car on perd aussi des disques durs. Mais ça permet de mieux conserver les documents.
Comment est venue Fanny Ardant à ce projet ?
Etant producteurs de nos films, nous voulions faire celui-ci entièrement en France, malgré le sujet car au départ il n’était pas question d’une version italienne. On cherchait donc une actrice qui ait une voix particulière et l’on a très vite pensé à Fanny Ardant, tout en restant un rêve inaccessible.
Hors, devant tourner un film dans les Hautes Alpes, nous avions choisi une maquilleuse, qui nous apprend ne pas être libre tout de suite car elle doit travailler à Marseille… avec Fanny Ardant ! Nous lui demandons donc de lui parler de notre projet sans grand espoir. Mais elle a tenu sa promesse. Le premier jour du tournage, son agent nous appelle pour nous dire qu’elle est intéressée et qu’on lui envoie le scénario. Nous n’en revenions pas ! Mais on était en 2017 et le film devait se faire en 2021. Elle nous dit alors qu’elle attendrait. Et effectivement lorsqu’on a été prêt, elle était toujours d’accord. Elle a vu le film, a lu les textes et en une après-midi elle a tout enregistré et nous a proposé de le faire pour la version italienne.
Pourquoi choisir une comédienne pour dire des textes d’hommes à la première personne ?
Nous avons pensé qu’avec un homme ce serait trop redondant. Et puis c’est le cinéma italien qui a inventé la diva avant la star. Sans compter qu’on reconnaît aussitôt la voix et la façon de parler de Fanny Ardant !

N’avez-vous pas pensé que ça risquait de troubler le spectateur ?
On a pensé que ça pouvait le désorienter au début mais qu’il se rattraperait en prenant le train en marche. En fait, il finit, au bout d’un moment, de comprendre que ce sont des textes écrits par des hommes. Il faut juste un temps d’adaptation, accepter d’entrer dans cet univers et se laisser aller au texte et à la voix. De regarder la beauté des choses et d’écouter la poésie des textes.
Vous avez fait d’autres films avec Céline !
Oui, on travaille presque toujours ensemble.
En 2010 nous avons fait un film sur André Labarthe qui faisait une exposition à Paris, en même temps que deux autres expositions : Agnès Varda et Jean-Luc Godard.
Nous avons fait un petit film sur lui puis un sur Godard. A l’expo de Godard on s’est rendu compte qu’il ne voulait rien garde car il fallait tout ramener en Suisse et c’était trop cher. Il a décidé de jeter beaucoup de choses et d’en donner d’autres aux Emmaüs. Mais donner deux enceintes surmontées d’un tire-bouchon, entre autres, les Emmaüs n’en n’ont pas voulu… Et on a tout récupéré !
Qu’en avez-vous fait ?
On a pensé faire un film avec tous ces objets, en ajoutant les interviewes et ce qu’on avait déjà tourné. On a proposé le sujet à l’INA. Du coup, on a remonté une fausse exposition, les archives nous ont donné des extraits d’interview. C’est le portrait mélancolique de toute une génération, de reportages, de films. Aujourd’hui tout est entreposé… chez ma mère !

Pascale Parodi, Olivier Bohla, Noémie Dumas

Et Agnès Varda ?
Lorsque Céline Faisait sa thèses, elle a appris qu’Agnès Varda cherchait une assistante. Elle s’est présentée. Agnès aimait bien que ce soit une jeune femme et de plus elle aimait les sujets quelle abordait. Elle avait énormément besoin d’un archivage de ses affaires, car elle était très désordonnée. Elle préparait « Les plages d’Agnès » et elle voulait faire des images-souvenirs avec entre autres ses photos. Céline a travaillé deux ans avec elle. Ce n’était pas toujours facile car elle avait un sacré tempérament. Mais tout s’est bien passé. Sauf lorsque Céline lui a proposé d’apparaitre sur le film de Godard : « Je ne vais quand même pas lui servir la soupe ! » lui a-t-elle répondu. Il s’est vengé car à la fin, lorsqu’elle a voulu le voir, elle a eu une fin de non-recevoir ! »

Noémie Dumas et Pascale Parodi sont venues nous rejoindre et l’on aurait pu encore longtemps discuter tous les trois avec Olivier, homme disert, volubile, passionné si l’heure d’entrer en scène devant le public n’était arrivée. Mais entre Marseille et Aix-en-Provence, il n’y a pas loin. Et l’on se reverra pour parler de notre passion commune : le cinéma, italien ou français !

Jacques Brachet

Octobre rose
« Le souffle du dragon » est passé sur le Six N’Etoiles


Le Dr Stéphanie Guillaume, Stépanie Pilonca réalisatrice, Noémie Dumas, directrice du Six-N’Etoiles, Luc Patentreger, président du festival « Femmes »

Elles sont toutes de Reims Elles ont toutes un point commun : le fait de s’être battues contre un cancer du sein.
Au départ elles ne se connaissaient pas mais leur oncologue commun leur conseille de s’unir dans un projet original : Monter sur un bateau, ramer pour gagner une course à bord d’un dragon-boat. Elles ont toutes des vies et des âges différents mais toutes la même envie : combattre le dragon qui est en elles en s’unissant dans une même énergie pour chasser cette peur de la récidive qui est en elles, se reconstruire et tourner cette dramatique page de leur vie.
Ce ne sera pas sans problèmes, sans difficultés mais cette rage qu’elles ont en elles, cette envie de vivre, elles vont l’exorciser en ramant toutes ensemble.
« Le souffle du dragon » est un superbe film signé Stéphanie Pilonc –  Farlédoise de naissance et ayant travaillé dans la compagnie d’André Mairal à la Seyne – qui est venue le présenter grâce à la collaboration du Docteur Stéphanie Guillaume, adjointe à la santé de la ville de Six-Fours et de la directrice du Six N’Etoiles, Noémie Dumas, dans le cadre de cet « Octobre rose » annuel, qui a pour vocation de parler d’un fléau : le cancer et de rassembler malades (et non malades car ça peut arriver à tout le monde), chirurgiens, oncologues, association qui gravitent autour de ce mal qui, s’il ne répand pas la terreur est un mal grave mais qu’on peut aujourd’hui enrayer si on le prend à temps.
Stéphanie Pilonca a mis tous les atouts de son côté pour en parler et réunir une distribution de rêve : Julie de Bona, Julie Gayet, Lola Dewaere, Annie Grégorio, Firmine Richard, Bérangère Krief.
Les hommes n’en sont pas moins importants : Arié Elmaleh, Amaury de Crayencourt, François Berléand… Un film choral plein de tendresse, d’émotion, plein de rose et de rires aussi, une ode à la vie et la guérison.


« Comment vous est venue l’idée de ce film, Stéphanie ?
Parce que le cancer est un sujet qui concerne toutes les femmes et surtout parce que l’idée m’est venue de le traiter ainsi en découvrant que ce genre de course sur les bateaux-dragons existait au Canada depuis 1996, créé par le Dr McKenzy, cancérologue  et à Reims en 2009 par le Dr Cutuli. Ces femmes qui s’unissent dans une sorte de sororité pour retrouver leur intimité, se rapproprier leur corps, revenir à la vie m’ont touchée.
Ce que je voulais aussi montrer aussi ce sont les dégâts collatéraux avec le compagnon, les enfants, la famille en général. Il faut savoir regarder de l’autre côté. Un cancer ce n’est pas anodin, ce n’est pas que la femme, c’est un ensemble de choses à gérer. Et il est important que l’entourage soit un allié.
Un tournage en bateau, comment ça se réalise ?
(Elle rit) Avec difficulté ! D’abord il faut dire que rester assise sur une planche durant des heures, ça n’est pas tellement confortable,  il faisait chaud et il y avait les comédiennes mais aussi les figurantes et les bénévoles. Quelquefois ça râlait un peu. Quant à filmer de bateau de l’extérieur, je l’ai fait avec mon fils… sur une trottinette ! C’était vraiment artisanal. Mais j’avoue que les comédiennes ne se sont jamais plaintes et qu’il y avait une joyeuse ambiance.

Dans ce film, il est aussi question de mort…
Evidemment car la vie sans la mort, ça n’existe pas. Le scénario de Clément Koch est ainsi écrit. Moi, j’arrive à la fin d’une chaîne, je réalise une fiction. On ne peut pas parler de cancer sans parler de la mort même si ça devient plus rare. Ce qui nous fait dire qu’on est que de passage et qu’il faut profiter de la vie.
Lorsqu’elles rament, les femmes sont très maquillées…
Oui et c’est voulu. Aujourd’hui après leurs opérations, les femmes sont souvent prises en main pour se faire coiffer et maquiller, pour avoir une plus belle apparence. J’ai décidé qu’elles seraient Maquillées un peu plus que prévu. Et c’est une bénévole qui s’est écrié : « Allez, envoyez les paillettes ! »


Nos deux Stéphanie étaient entourées  pour le débat des docteurs Saadouni, oncologue, Manique et Rousset-Rivière, chirurgiens-gynécologue Nathalie Sebban, patiente, référente CapSein, c
Ils ont tous bien réagi au film tant il est vrai que tout ce qui s’y dit est réel, et ils le vivent journellement. Il répètent qu’il ne faut pas attendre que ce soit trop tard, ne pas être dans le déni, d’autant qu’aujourd’hui s’il est pris à temps, nombre de cancers du sein se guérissent très bien.
Aujourd’hui, les chirurgiens, les oncologues, les médecins se préoccupent plus souvent de l’entourage de la malade, d’abord pour elle, car elle besoin d’un entourage qui la soutienne, la famille en priorité. Et il faut aussi prendre en compte la famille, qui, elle aussi, subit un choc. Il faut pouvoir la rassurer.
Aujourd’hui c’’est pour cela que nombre de bénévoles, d’associations viennent moralement en aide à ces femmes qui ont subi un traumatisme ; leur offrir des animations, les aider à faire du sport, à prendre soin d’elles.
Il faut dire qu’à Six-Fours, le Docteur Stéphanie Guillaume et Béatrice Métayer, chargée de mission politique de santé publique de la ville de six-Fours, organisent un mois on ne peut plus rose, aidées par nombre de bénévoles et d’association, que ce soit des soins esthétiques à des cours de divers sports, de sorties à pied ou en bateau et beaucoup d’autres manifestations, d’ateliers qui permettent à ses femmes de s’éloigner un moment de leurs problèmes et surtout de rencontrer, d’échanger, de se faire des amies, de ne pas sombrer dans la solitude.


Du coup, le Dr Guillaume a eu le mot de la fin : « Cette maladie est une traversée du désert, un changement de vie. On n’en sort pas indemne mais on en sort grandie ». Dans la foulée, de proposer de former un équipage de dragon-boat pour l’année prochaine.
Et Stéphanie Pilanca d’ajouter : « OK, je vous aide à voler un bateau ! »

Jacques Brachet


Clovis CORNILLAC… Un nouveau maire à Six-Fours !


Paul Barral (Clovis Cornillac) est à la fois menuisier et maire d’un petit village, Cordon, qui se déserte.
Afin de ne pas avoir à faire fermer l’école faute d’élèves, il cherche des solutions. Il construit donc des appartements afin de recevoir de nouveaux habitants. Mais le lieu étant éloigné de tout, il n’y arrive pas. L’un de ses adjoints a trouvé une entreprise qui voudrait installer un complexe avec piscine, mais la solution ne lui convient pas.
Arrive alors Joe Lynn « Eye Haïdara) une jeune femme, chanteuse épisodique avec deux enfants qui vivent en foyer mais que l’âge des enfants fait qu’elle doit le quitter. Si au départ, il n’est pas très chaud pour les recevoir, il finit par lui louer un appartement. Et elle arrive… avec une amie du foyer qui est enceinte !
A partir de là, le village sera en ébullition car il y a les pour, les contre dont un adjoint qui voit son projet menacé et va tout faire pour que repartent ses femmes seules avec leurs enfants.. Peu à peu, aidée par une de ses adjointes, l’idée de faire de ce pâté d’immeubles un centre pour ces personnes prend forme. D’autant que Joe s’adapte aux villageois, leur donne des cours de country et peu à peu le village reprend vie.
Est-ce que Monsieur le Maire arrivera à ses fins ?
Ce premier film  de Karine Blanc et Michel Tavarès est un film à la fois drôle, émouvant, il s’y dégage une humanité, Clovis Cornillac, comme à son habitude, y est formidable en Maire un peu paumé et Eye Haïdara, en plus d’être belle et d’avoir une belle voix, y est lumineuse en mère tout aussi paumée qui se raccroche à l’espoir de trouver un vrai foyer pour ses enfants.

Michel Tavarès, Karine Blanc, Clovis Cornillac, Noémie Dumas, directrice du Six N’Etoiles


Le Six N’Etoiles a eu la chance d’avoir la  visite de ce maire pas comme les autres et de ses réalisateurs. Ce sera en coup de vent, le temps de boire un coup avec quelques « vrais » élus, mais sans le « vrai » maire et quelques membres du Rotary. Chance d’autant plus grande que, passant du Pathé la Valette au Six N’Etoiles, il a pu rester un moment avec nous, avant de repartir pour Paris à 6 heures du matin le lendemain !
« Clovis on vous voit chaque fois en tournée avec chacun de vos films et à Six-Fours entre autres où une salle porte votre nom…
Oui car, que je sois réalisateur ou comédien, je ne vis que grâce au public et lorsque j’en ai le temps, je suis heureux de partager un moment avec lui et qu’il puisse découvrir un film sur un grand écran. Je trouve quelque chose de magique de me déplacer dans les villes, de le rencontrer et de passer un moment ensemble.
Karine, Michel, c’est votre premier film à tous les deux… Vos impressions ?
Karine : Un premier film c’est très émouvant à montrer, c’est à la fois du stress et du bonheur et je suis très heureuses de voir les premières réactions du public.
Michel, Je suis très impressionné de voir une salle pleine pour découvrir notre film. Déjà enfant, je rêvais de faire du cinéma, de pouvoir montrer mon travail et arriver avec un premier film c’est un grand bonheur, même s’il y a un peu d’appréhension sur le fait que le public va aimer ou non notre travail.

Quelle est la genèse de l’histoire ?
Karine : C’est parti d’une histoire réelle d’un petit village de montagne des Pyrénées. Nous avons, nous,  tourné dans un petit village des Alpes où tous les habitants ont participé au film. Ça a été de véritables rencontres, ils étaient heureux de nous recevoir, tout autant que malheureux de nous voir repartir. Tout le monde était triste et, alors que nous avons eu un temps superbe, il pleuvait le jour où nous sommes partis.
Clovis, qu’est-ce qui vous a plu dans cette histoire ?
Lorsque j’ai lu le scénario, je l’ai trouvé plein d’humanité et il ressemblait à ses ambitions. L’histoire est belle car c’est une histoire vécue qui m’a beaucoup touché. Il y a des moments d’humour, des moments d’émotion, des moments d’humanité. C’est un vrai sujet et c’est un film tendre,  bienveillant qui ressemble à ses réalisateurs. C’est un film populaire dans le bon sens du terme.
Michel, avez-vous tout de suite pensé à Clovis ?
Michel : Pas en l’écrivant car je ne crois pas que ce soit judicieux d’écrire pour un comédien sans savoir s’il aimera le scénario ou s’il sera libre. Après, le scénario bouclé, c’est vrai que nous avons pensé à Clovis et la chance et qu’il a aussitôt répondu positivement.
Avez-vous galéré car faire un premier film est toujours une aventure !
Karine : En fait, nous n’avons pas tellement galéré même si le chemin a quelquefois été un peu sinueux. Très vite UGC a été d’accord pour le financer. Il faut dire que le nom de Clovis a dû faire beaucoup. On a eu la chance d’avoir la bonne personne.

Clovis, quel effet ça fait d’être maire ?
(Il rit) C’est un rôle comme un autre mais surtout, j’ai découvert ce que c’était qu’être maire. C’est un sacerdoce car dans ces villages, un maire est très mal payé il bosse 70 heures par semaine et doit avoir un « vrai » travail à côté. De plus, il n’a pas de vacances, il reçoit des doléances de partout, pour tout et n’importe quoi. C’est en fait un boulot à plein temps, épuisant physiquement et moralement, surtout dans ces petites communes éloignées de tout et qu’on oublie souvent. J’ai vraiment su ce que c’était. J’admire ceux qui le font car c’est un métier assez noble et j’espère ne pas avoir trahi cette fonction. J’avais peur qu’ils disent : « Ce n’est tellement pas ça ! »
Vous n’avez pas eu de retour ?
Oui, nous avons été invités au Congrès des Maires Ruraux de France où nous avons présenté le film. C’était très délicat de les leur présenter mais ils ont tous été heureux qu’on parle d’eux. Durant deux jours, l’ambiance était fraternelle car ils vivent tous dans une telle solitude qu’ils sont heureux de se retrouver, de picoler ensemble. Je crois que ça leur a filé un coup de jus, un coup d’énergie.
Travailler avec des réalisateurs dont on ne peut pas s’appuyer sur un précédent travail, est-ce que ça vous pose problème ?
Non, dans la mesure où on nous présente un travail abouti, une histoire intéressante. J’ai tout de suite aimé mon rôle aussi car je pouvais jouer sur l’humour, la tendresse, l’émotion. Et j’ai tout de suite aimé Karine et Michel. J’ai senti qu’on ferait du bon travail. Après, c’est toujours le public qui décide.

L’équipe du film, les élus et les membres du Rotary


Justement, Karine, Michel, si ça n’avait pas été Clovis ?
Michel : C’aurait été un autre comédien avec une autre façon de s’attribuer le rôle, avec une autre personnalité. On aurait peut-être dû adapter, changer certaines choses…
Clovis : C’est pour cela qu’il ne faut jamais écrire pour quelqu’un car l’interprétation est aussi vraiment une vision de l’interprète. Si le comédien pressenti dit non, ça peut totalement changer le film. Ça peut être très mauvais mais quelquefois ce peut être une bonne surprise. Ce peut aussi devenir un autre film. C’est une question de chance.
Michel : Nous avions besoin d’une intention, d’un regard, d’un visage qui parle et c’est ce que nous avons eu avec Clovis ».

Jacques Brachet


Frédéric ANDRAU : Un comédien guidé par le hasard


1987. Frédéric Andrau va jouer « par hasard » son premier rôle au Revest. Il sera Roméo dans Roméo et Juliette » de Shakespeare.
De ce jour il n’arrêtera pas entre théâtre, cinéma, télévision, mise en scène…
C’est cette année-là que nous nous sommes connus car je connaissais déjà sa maman qui œuvrait pour Amnesty International.
J’ai donc suivi sa carrière qui pourtant n’avait pas débuté à Toulon mais… à Budapest !
Eh oui, moi qui connaissais tout de lui, j’étais sûr que c’était un Toulonnais pure souche !
Il rit de cette découverte alors qu’il répète à l’Espace Comédia, où il a souvent joué, la pièce de Diastème « Geli » en compagnie de la belle Alienor de la Gorce.

« C’est – me confie-t-il – une pièce que j’ai jouée au festival d’Avignon. Geli était la nièce d’Hitler, qui s’est officiellement suicidée en 1931.Un auteur va essayer d’élucider ce mystère et se met à parler avec elle. Il fouille toutes les pistes avec elle, chacun va apporter quelque chose à l’autre. Lui va la faire exister, elle va l’accompagner.  En essayant de comprendre, il va comprendre des choses sur lui. C’est le directeur du Comédia André Neyton qui a voulu que je vienne jouer cette pièce chez lui. André qui est un ami, un fidèle et qui m’a accompagné sur plusieurs projets. Ici, je me sens chez moi. Puis nous reprendrons la pièce à la Manufacture des Abesses à Paris fin novembre »
C’est donc avec plaisir que je retrouve l’ami Fred dans ce théâtre où depuis des décennies, nous avons vécu et nous vivons toujours de bons moments.
Mais avant tout je veux découvrir les lieux de son enfance. Ce qui le fait rire.

« En fait je suis né en Allemagne, mon père était coopérant et professeur. Puis nous sommes partis en Tunisie, au Maroc et sommes restés sept ans à Budapest. C’est là que j’ai vécu ma première expérience cinématographique.
Raconte …
J’avais dix ans, le réalisateur Gazdaz Gyula tournait un film « Soyez les bienvenus » avec Laszlo Szabo, Bernadette et Pauline Laffont. Quelqu’un est venu à l’école demandant qui serait intéressé pour tourner dans un film. Spontanément j’ai dit « Moi ! ». Ça a été un hasard et surtout le moyen de sortir de l’école ! Je trouvais ça rigolo.
Tu avais déjà cette envie de jouer ?
Pas du tout ! J’étais très branché informatique, sciences physiques, maths… Et je voulais faire des études de commerce.
Et le théâtre alors ?
Je faisais des ateliers de théâtre et c’est à Toulon, où nous sommes venus juste après le tournage, que j’ai rencontré Jeanne Mathis qui faisait partie d’une compagnie « L’insolite traversée ». Ça a été le déclencheur : j’ai revendu mes ordis et j’ai décidé de faire du théâtre.
Et alors ?
Je me suis inscrit aux ateliers de Parvis Khazraï, puis au conservatoire de Toulon… où je n’ai pas fait long feu. Puis j’ai couru dans les pattes de Chateauvallon !  (Où il est venu quelques années plus tard jouer « Electre » de Sophocle avec Jane Birkin en 2006 – NDLA). J’avais une amie homonyme, Frédérique Andrau à qui je donnais des cours de math et de physique. Elle connaissait Cyril Grosse qui travaillait au théâtre du Revest et avait la compagnie « L’insolite traversée ». Hasard encore, je suis allé, sur son invitation, voir les répétitions de « Roméo et Juliette ». Il m’a proposé d’y jouer Benvolio. Puis il m’a demandé de jouer Roméo. C’est avec eux que j’ai vécu un moment le plus fort.
Il y a aussi la rencontre avec Diastème où, pour la seconde fois, j’ai eu cette sensation.

Comment s’est passée la rencontre ?
Encore par hasard ! Je passe un essai pour un de ses courts métrages qui, au départ, devait devenir un long métrage mais qui ne s’est pas fait. Il s’appelait « Même pas mal ». Alors il m’a proposé de jouer dans « La nuit du thermomètre ». Depuis, nous travaillons ensemble.
Combien as-tu fait de pièces avec lui ?
Beaucoup et des films aussi !
A propos, cinéma, télé ont suivi…
Le cinéma m’a fait beaucoup voyager en Corée, en Lituanie, en Suisse, en Irlande, en Inde. Ce sont de belles histoires, de beaux souvenirs. A la télé, j’ai fait quelques séries, j’ai aussi joué dans « Clémenceau », « La malédiction du lys, « L’accident »…
Qu’est-ce qui te plait dans le fait de jouer ?
De m’approprier des histoires qui ne sont pas les miennes, découvrir d’autres façons de penser, passer par un autre prisme que le mien, être en immersion dans un autre univers que le mien. Et au théâtre surtout, d’avoir le public en face. J’adore aussi faire de la mise en scène, construire un monde magique.
Tu as aussi mis en scène des opéras… Hasard encore ?
Oui ! Claude-Henri Bonnet, qui était alors le directeur de l’Opéra de Toulon, vient me voir jouer au Comédia « Un visible Théo » de Renaud le Bas. Il a été bouleversé. Il me propose alors de venir visiter l’Opéra. Ce jour-là soixante choristes répétaient sur scène. J’ai trouvé ça d’autant plus fabuleux qu’aujourd’hui on est souvent deux sur scène sans décor ! Il m’a alors proposé de mettre en scène un opéra. Je n’ai pas réfléchi, j’ai dit tout de suite oui, il m’a alors montré cinq opéras et m’a dit de choisir. J’ai choisi « L’enfance du Christ » un oratorio. Travailler avec un chœur a été quelque chose de fabuleux. Puis j’ai mis en scène « Lohengrin » et « Jules César ».

Alors, aujourd’hui, quel chemins prends-tu ?
J’ai joué « La malédiction du lys » de Philippe Niang qui est passé il y a quelques semaines à la télé. J’ai fait une petite participation dont je suis très fier dans le film de Vanessa Filho « Le consentement ». Nous nous étions connus sur « La paix dans le monde » de Diastème. J’ai participé à une série sur Coco Chanel « The New Look » avec Juliette Binoche. Je vais faire une tournée théâtrale avec « La brève liaison de maman » avec Francine Bergé que j’adore et qui joue ma mère.
Je vais aussi faire une tournée avec la pièce « Marion, 13 ans pour toujours » d’après le superbe roman de Nora Fraisse que j’ai mis en scène et qu’on a joué au festival d’Avignon. A chaque étape il y a des ateliers,  je vais dans une école pour parler du harcèlement scolaire car c’est un sujet important que notre pays ne considère pas assez et à qui on ne donne pas assez de moyens. Je rencontre beaucoup de jeunes et ce sont des rencontres très constructives.
Après ça… A quand des vacances à Toulon ?
 Il rit). Mais j’y suis !
Pour trois jours que tu passes au Comédia !
C’est toujours ça ! »


Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Patrick Carpentier