Deux magnifiques femmes. Deux chanteuses, auteurs, compositrices : vanille et Enzo Enzo.
Toutes deux dans le même programme à Sanary, nous ont offert un spectacle intimiste, fait de belles mélodies et de mots simples et beaux.
Vanille est la fille de Julien Clerc qui a suivi les traces de son père avec bonheur. Elle s’est éveillée à la chanson en composant des textes qui racontent les histoires des gens de tous les jours, les préoccupations des femmes d’aujourd’hui.
Enzo Enzo est celle qui, grâce à une chanson « Juste quelqu’un de bien » a démarré une carrière qui n’a jamais arrêté et elle a suivi son chemin avec douceur, avec tendresse, sans esbroufe, toujours avec cette force tranquille qui est la sienne.
C’est la première fois qu’elles se rencontraient, ça a fait tout de suite « tilt » entre elles et elles nous ont toutes deux offert une soirée faite de jolies ballades et de poésie.
On a eu la joie de rencontrer deux femmes simples, joyeuses, passionnées. Ce fut un grand moment de charme.
VANILLE : La pêche et l’énergie
Elle est grande, belle, souriante et volubile. Un vrai bonheur que de parler avec elle, chanson ou littérature. Malgré les moustiques, ce fut un vrai moment de plaisir !
« Vanille… Vous avez failli ne pas vous appeler Vanille !
Et malgré tout on m’a toujours appelée Vanille ! Lorsque je suis née et que mon père a voulu déclarer ce prénom, il lui a été refusé. Du coup il est inscrit en second après Elisa ! Mais jamais personne ne m’a appelée ainsi. Plus tard, j’ai pu récupérer mon vrai prénom… Je suis bien Vanille !
Grâce à votre père, vous avez été baignée de musique et puis il y a eu la découverte de la littérature…
C’est arrivé un peu plus tard, vers mes 22/23 ans, lorsque j’ai découvert Françoise Sagan. C’est elle qui m’a donné envie, d’abord de lire puis d’écrire des textes. J’ai ainsi découvert la littérature française, anglaise, russe (pas dans leur langue, je précise !), Tolstoï, Alberto Moravia, Steinbeck… et j’ai commencé à lire tous les classiques. Puis je me suis mise à la littérature contemporaine en découvrant Nicolas Mathieu et d’autres auteurs.
Dans un autre genre, il y a eu Marguerite Duras !
Oui, c’est vrai que c’est plus ardu que Sagan et que je comprends qu’on puisse s’ennuyer mais je crois que toutes deux se rejoignent par la voix, la manière de s’exprimer. Lorsque j’ai lu « Barrage contre le Pacifique », j’ai totalement été habitée par cet aller-retour de la mer à la mère. J’ai eu des sensations extrêmes en lisant aussi « Les petits chevaux de Taquinia », cette ambiance étouffante, mystérieuse…
Du coup, la lecture devenu une passion ?
Totalement et un entraînement dont je ne me lasse pas. Je suis capable de « m’envoyer » un roman en un seul jet !
Et la chanson alors ?
J’ai commencé à m’entraîner dans mon coin sur ma guitare, à écrire des mots et surtout à rencontrer des gens comme le rappeur Lomepal. Mes textes viennent de ma vie de tous les jours, de mes émotions vécues, de mon ressenti, des faits dont je suis témoin.
Beaucoup de textes parlent de la femme aussi…
Je vis à Bordeaux avec ma mère et je suis entourée de femmes. Je connais leurs joies, leurs problèmes, j’ai été soutenu par elles, elles me font du bien, je suis devenue naturellement féministe et il y a entre toutes ces femmes qui m’entourent, un naturel, une sororité. Mais, vivant à la campagne, je suis aussi très concernée par l’écologie. C’est un choix que de m’installer au bord de la Dordogne. Je suis entourée de potagers, d’arbres fruitiers, de poules. La manière de consommer est différente qu’à Paris !
Comment composez-vous vos chansons ?
Il y a d’abord la musique. Partout où je vais, il y a ma guitare et je compose souvent, un peu partout. Pour les paroles, c’est différent car c’est un travail de solitaire. Il me faut absolument m’isoler. Mon inspiration me vient de l’humanité sentimentale ! J’ai envie de toucher les gens, être avec eux la plus honnête possible. A la source, il y a un travail d’introspection, sur mes propres failles que j’essaie d’expliquer. Et puis, pour finaliser mes chansons, j’ai besoin d’un endroit.
Comment votre père a-t-il pris le fait que vous vouliez chanter ?
Il a d’abord été très inquiet ! Il a débuté dans les années 68, c’était une période où il y avait beaucoup moins de chanteurs qu’aujourd’hui. Il m’a mise en garde mais il a très vite compris qu’il n’y avait plus rien à faire… sinon que d’accepter ce fait !
Vous avez même chanté en duo avec lui !
Oui, ça s’est passé durant le confinement. Il avait décidé de faire un disque de duos et il m’a proposé d’en faire un. On a choisi « Fais-moi une place », en hommage à ma grand-mère maternelle. De plus j’étais enceinte de mon fils… C’était une histoire de transmission.
Pourriez-vous composer avec lui ?
Rien n’est impossible mais jusqu’ici ça ne s’est pas fait. Mais j’aime beaucoup co-composer avec d’autres artistes, comparer et mêler nos univers car beaucoup de choses passent par les mots et par les rencontres.
Comme avec Gaël Faye que vous aimez beaucoup ?
Oui c’est vrai, j’adore ce qu’il écrit et j’aimerais travailler avec des gens comme lui. Il suffirait peut-être d’une rencontre car à ce jour ça ne s’est pas fait. Et je ne vais pas spontanément vers ces gens.
Alors, aujourd’hui, heureuse ?
Oui, très heureuse car j’aime ce que je fais. Et vivre de son art, même modestement, c’est une bénédiction ! »
ENZO ENZO : Juste une femme bien !
Elle est toute menue derrière ses lunettes rondes qui fait penser à une institutrice qu’on aimait bien et avec qui on a envie de faire un bout de chemin.
Question incontournable, Enzo Enzo… Pourquoi ce pseudo ?
Evidemment, je ne peux y couper ! D’abord, je trouve que c’est joli, et puis, je ne me voyais pas chanter avec mon nom (Körin Ternovtzell) difficile à prononcer. Enfin, ce nom englobe tous les gens avec qui je vis, auteurs, compositeurs, musiciens, techniciens. C’est pour leur rendre hommage et leur dire qu’ils sont indispensables à ma vie.
Vous avez démarré avec « Juste quelqu’un de bien » tiré d’une œuvre de Brahms (Le 3ème mouvement de la symphonie N°3)*
C’est vrai mais avant tout, cette chanson faite avec Kent a plu aux gens plus par les paroles que par la musique. C’est un hommage à tous ces gens inconnus, simples, qui ne sont pas des héros mais des gens comme tout le monde. Des gens bien et qui le sont sans tapage. J’avoue qu’au départ c’est le texte que j’ai entendu. Et puis il y a eu ces arrangements un peu jazzy, intimistes, qui ont plus aux gens. Savez-vous que pas tout le monde connaît Brahms et qu’on m’a beaucoup dit que la chanson faisait penser à celle de Montand « A bicyclette ». C’est du même ordre d’intimité. Le public s’est retrouvé dans ces propos et chacun peut s’y voir. D’ailleurs, cette chanson, qui date de 94, traverse le temps. C’est pour cela que je l’ai reprise dans mon dernier album « Eau calme », qui est sorti il y a quelques mois.
Elle vous colle à la peau ?
Oui, c’est vrai, depuis le départ je la chante toujours, elle colle à mon atmosphère musicale, c’est net, sobre, simple, elle a pris plu de profondeur car aujourd’hui je la chante avec la voix d’une femme de 60 ans, qui a vécu des joies et des tempêtes. Dans un climat plus lent, plus latin. Dans un cheminement plus personnel, j’ai appris à mieux me comporter. J’ai aujourd’hui une aptitude à la joie. A force d’avancer, il n’y a plus de temps à perdre. Je me sens plus joyeuse, plus calme, plus sereine.
Il y a quelque temps, vous avez fait un spectacle musical autour de Marie Nimier. Pourquoi elle ?
Tout d’abord parce qu’on me l’a demandé et que j’ai adoré découvrir à la fois ses chansons et la femme. J’ai pu la rencontrer et si j’aime ce qu’elle écrit, que ce soient ses romans ou ses chansons, d’une manière tellement simple, j’ai pu aussi apprécier la femme formidable qu’elle est. Art Mengo s’est rapproché de moi puis des gens comme Alain Lantier et Daniel Lavoie avec qui j’ai collaboré.
Ce sont des gens dont je me sens proche, comme Allain Leprest, Romain Didier, Kent..
Kent avec qui vous collaborez toujours ?
Nous nous sommes perdus de vue mais nous retrouvons toujours avec plaisir, comme avec toutes ces personnes que je vous ai citées.
Qu’on retrouve sur « Eau calme »
« Eau calme » est un disque qui m’a donné envie de me poser. C’est un disque enveloppant, doux, rassurant, porté à ce sentiment de sérénité et on y retrouve plusieurs chansons justes portées par ma voix et deux guitares. C’étaient des chansons que je n’avais pas osé enregistrer. Et j’ai sauté le pas. On peut penser que c’est osé ou courageux que d’arriver sur scène avec juste deux guitaristes mais je voulais des textes poétiques porteurs de sens, sans une grande orchestration. Je trouve qu’aujourd’hui on a besoin de choses qui reposent, de choses limpides, logiques.
Et il se trouve que, que ce soit dans un théâtre ou en plein air, ça marche. Les gens apprécient cette simplicité, cette intimité que l’on a tendance à perdre et qui est propice à l’écoute
L’été, il y a beaucoup de musiques festives, au demeurant très honorables mais ce n’est pas si mal que l’on puisse aussi entendre des musiques propices à être écoutées. Et chaque soir je sens le public captif de ces mots, de ces petites musiques, de cette légèreté, de cette joie qu’ils ont à écouter et pas seulement entendre.
C’est une musique qui rend apte au bonheur ».
Propos recueillis par Jacques Brachet
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