Archives mensuelles : avril 2021

NOTES de LECTURES

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Alain ARNAUD : Un balcon en retraite (Ed BOD – 256 pages)
Dans ce quatrième roman Alain Arnaud nous invite à Hyères petite ville du Sud de la France où il accueille Léon nouveau retraité qui a passé sa vie entière dans le Nord et qui se retrouve un peu vide d’avenir à la suite du décès de son épouse. Suivant le souhait de sa fille Jeanne, il se rapproche d’elle et de sa jeune famille afin de donner un peu de sens à sa vie. Mais ce n’est pas simple de tirer un trait sur son passé ! C’est donc Léon que nous allons retrouver sur le balcon de la nouvelle résidence en spectateur de son entourage.
Et que faire sur un balcon sinon regarder le paysage et les personnages qui l’habitent ? Il devient donc le spectateur depuis son mirador de cette campagne où vont et viennent des habitants actifs et des voisins curieux ou étranges dont sa voisine lui a parlés. Il est là, il observe, il interprète de même qu’il se promène dans sa nouvelle ville liant quelques connaissances avec des promeneurs solitaires qui s’attendrissent sur ces beaux paysages ou sur le comportement des animaux du jardin public. Léon parle peu, observe, médite et soudain il devient le metteur en scène de la pièce qui s’anime. Chacun se met à vivre. La pièce commence pleine d’actions et de rebondissements.
D’une écriture très imagée l’auteur plante un décor plein de contrastes et de chaleur où se meuvent des personnages attachants. En phrases courtes et percutantes il nous offre un intermède plein d’espoir et de quiétude.
Celle que Léon a peut être trouvée dans son ancrage dans cette nouvelle vie.
Hugo MARCHAND : Danser (Ed Arthaud – 219 pages)
En collaboration avec Caroline Bodinat
Hugo Marchand est l’un des plus beaux et des plus talentueux danseur étoile que l’Opéra de Paris ait jamais eu, Noureev excepté.
A la demande des éditions Arthaud qui lui ont proposé de parler de son expérience, il a choisi d’écrire ce livre, tout simplement intitulé «Danser», en collaboration avec la journaliste  Caroline Bodinat qui lui avait déjà consacré un portrait pour le journal «Libération».
C’est ainsi que ce magnifique danseur remonte jusqu’à ses neuf ans, époque où il décide de devenir danseur étoile, déjà !
Du conservatoire de Nantes à l’école de danse de l’Opéra de Paris, danseur atypique étant donné sa grandeur, le voilà dans la place à 17 ans où il va parcourir un long chemin fait de passion, de courage, de travail, d’abnégation, de sacrifices, de questionnements car arriver au faîte de la gloire est loin d’être un long fleuve tranquille. Il faut beaucoup de rigueur et d’exigence pour approcher l’excellence.
Eternel insatisfait, Hugo va lutter comme on ne peut le faire que lorsqu’on a un vrai but, une vraie passion. Si le public voit la grâce, la facilité apparente, la performance, la virtuosité, ce n’est qu’au prix d’une lutte de tous les jours, d’une somme énorme de travail… Il faut souffrir pour être le premier
Il nous parle de cette souffrance à la recherche de la perfection, de ses doutes à y arriver, de ses déceptions lorsqu’il n’est pas choisi, de cette solitude aussi qui est un passage obligé entre le travail qu’il doit fournir, l’attente d’être remarqué et, arrivé au but, l’isolement par rapport aux autres danseurs qui n’osent plus l’approcher.
Il nous parle aussi de cette ambiguïté de l’obsession du culte de lui-même, de l’égo qu’il a pu avoir par rapport à l’humilité qui est l’essence de la réussite. Car un danseur passe sa vie devant une glace.
Une étoile de la danse n’est pas une star de cinéma. Ça ne gagne pas des fortunes et la carrière s’arrête assez rapidement. Sans compter les risques d’accidents qui planent chaque jour, comme tout sportif qui se respecte… Alors, les doutes s’insinuent : travailler, souffrir autant, est-ce que ça vaut le coup ?
Oui, lorsque la passion est là, que des publics, de France ou du Japon ou d’ailleurs, vous applaudissent, vous adulent et que votre performance a été à la hauteur de leur attente.
Hugo, épaulé par ses parents et son frère aîné qui ont toujours cru en lui (il y a de très grands moments d’émotion lorsqu’il en parle), a mené un combat de tous les jours pour en arriver là, à être le héros des plus grands ballets partagés avec les plus grandes étoiles.
Même si, au jour le jour, il se partage avec  la peur à en être malade et la joie d’avoir réussi à surmonter tous les obstacles, entre plaisir et souffrance,
Dans ce livre, il partage avec nous ses moments d’intense émotion et nous vibrons avec lui.
C’est une belle leçon d’amour, d’abnégation, de courage qu’Hugo Marchand nous offre.
Néhémy PIERRE-DAHOMEY : Combats (Ed du Seuil-207p)
Ce deuxième roman de cet auteur haïtien né en 1982 à Port au Prince est une belle surprise.
L’histoire se passe à Haïti en 1842.Le pays est devenu une république il y a 16 ans après avoir consenti à la France une dette, dite « dette de l’indépendance », de 150 millions de franc-or. Le président à vie de l’île, taxe durement les habitants et leur impose des corvées, journées de travail gratuit au profit de l’État. Pour augmenter le rendement de ces corvées, il ordonne des recensements.
Mais à Boen, dans la plaine du Cul de Sac, le caporal Saurel tombe d’un cocotier avant d’avoir pu compter les habitants de ce bourg rural. Cela trouble peu Ludovic Possible, vieux mulâtre et grand propriétaire, qui est devenu notaire, tenant les cahiers de compte de la plaine et qui souhaite ouvrir une école sur ses terres où il voudrait voir aller Aida, fillette de 13 ans, qui ne parle pas. Dans le village, Ludovic bénéficie de l’aide de Timoléon Jean-Baptiste, fils d’un vétéran de la guerre d’indépendance, qui défend les intérêts des paysans. Par contre il se heurte à l’hostilité de son demi-frère Balthazar Possible qui voudrait prendre sa place de notaire.
L’auteur va mettre en scène les luttes entre ces hommes et la découverte des mots par Aida, utilisant une écriture colorée, avec des termes créoles, avec des noms inventifs et imagés tant pour les noms de famille des humains que pour les animaux.
Un roman proche du conte, avec beaucoup de poésie et une belle réflexion sur le pouvoir de la parole.

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Annabelle COMBES : Baisers de collection (Ed Héloïse d’Ormesson – 362 pages)
Quel titre évocateur, baisers de collection !
En effet, il y en a de toutes les couleurs, de forme, d’imagination car Annabelle Combes offre au lecteur un beau roman d’amour intergénérationnel en naviguant entre prose, poésie et peinture.
Etrange roman où Tosca qui n’a jamais pu mener à terme ses grossesses fuit pour la première destination disponible  à l’aéroport et c’est là que la plume experte de l’auteur crée le personnage merveilleux de Ferdinand, un roman à lui tout seul, qui la guidera vers un univers du possible.
Pendant ce temps, Jean, auteur de romans policiers attend Tosca en déambulant dans Paris, mais sa course le guidera par des chemins détournés à nouveau vers Tosca, l’amour de sa vie, son soleil, sa raison d’être, et toujours ponctué de baisers donnés ou à donner, des baisers à suivre pour que ces deux êtres se retrouvent. Oui, ils se retrouvent avec désormais une famille nombreuse et extraordinaire, une famille où les rêves sont comme le baiser de Chagall, une œuvre à lire de gauche à droite, un chemin buissonnier, du grand art.
Cependant, les longues énumérations de couleurs des baisers peuvent lasser le lecteur !
Annabelle Combes  puise dans les musées les plus beaux baisers du monde, elle les offre au lecteur en analysant les gammes chromatiques, c’est un voyage merveilleux qui donne envie de bien vite retourner dans les musées et y admirer à nouveau la magie de la peinture.
Audrey GAILLARD : Justaucorps (Ed. Seuil – 168 page)
Premier roman d’une jeune écrivaine qui a pour objet une adolescente de seize ans – peut être elle-même – patineuse sur glace, dans ses rapports avec son entraineur, un jeune homme d’une trentaine années qui recherche la perfection auprès de ses jeunes adeptes jusqu’à en faire des professionnelles de haut niveau. C’est une histoire banale de nos jours  où pas mal de sportives avérées se sont mises à dévoiler les secrets de leurs performances et entre autre les abus qu’elles ont subi aux prises avec des coaches malsains ou pervers. Le justaucorps c’est ce vêtement qui colle au corps, qui cache ou qui dévoile, consenti, admis. Tout se brouille dans la tête d’une jeune fille de seize ans qui doute, s’émeut s’alarme et se détruit.
Oui c’est un livre actuel, cru, sur le consentement ou la sidération, ou la terreur qui empêche la parole. Toute l’émotion de la jeune femme est perceptible, les limites du non-dit et le prix à payer : Non Laurence ne deviendra pas une une grande patineuse mais une femme brisée. Livre touchant et plein de pudeur malgré la réalité des faits

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Alain MISSOFFE – Philippe FRANCHINI : Femmes de fer (Ed Taillandier – 328 pages)
Ce livre est une plongée dans le monde industriel de la fabrication de la fonte puis de l’acier à travers les rôles des femmes de toute la lignée des Wendel, anoblis en 1722, par le seigneur de Hayange à condition d’assurer la charge de maître des forges.
La position géographique de Hayange à la frontière de l’Allemagne, autrefois la Prusse, bouleversera le développement des forges dès la défaite de la bataille de Sedan perdue par Napoléon III, puis la première et enfin la seconde guerre mondiale. La tâche des héritiers sera de continuer à gérer et essayer de maintenir dans le giron familial le travail et l’investissement financier de leurs ancêtres. Des ancêtres bien secondés par leurs femmes qui comme Marguerite d’Hausen (1720-1802), Joséphine de Fisher de Dicourt (1784-1872), et Berthe de Valserre (1849-1918) continueront l’œuvre de leur mari, institueront des mesures concernant les salaires des ouvriers, les soins gratuits, le statut du personnel, des écoles, un système « maternaliste » pour une population allant jusqu’à 40.000 personnes.
Plus tard Marguerite de Mitry très engagée dans les œuvres catholiques créera l’Union lorraine en suivant l’exemple de sa grand-mère Berthe.
Pendant la seconde guerre mondiale, les femmes Wendel se caractériseront par leur engagement dans la résistance comme Elisabeth de la Panouse ou ses filles Bertanne, Nicole et Oriane.
A noter Hélène de Mitry qui ayant épousé François Missoffe sera plusieurs fois  réélue comme députée, et participera au gouvernement de Raymond Barre.
Des femmes fortes, élevées toutes dans la foi catholique, profondément investies malgré les aléas de l’Histoire, généreuses de leur temps et de leur argent, discrètes malgré leur nom, courageuses en temps de guerre et recevant des distinctions honorifiques du gouvernement français mais aussi anglais et américain.
Une famille magnifique qui a partagé sa vie entre la Lorraine et Paris, côtoyé le Gotha.
Un livre qui lève le voile sur une de ces grandes familles d’industriels français et le rôle très important de leurs femmes.
William SHELLER : William (Ed Equateurs – 493 pages))
Voilà une biographie qui sort des sentiers battus, aussi originale que ce chanteur, l’un des plus talentueux de sa génération.
Né à Paris où il a vécu peu d’années enfant, il part aux Etats-Unis avec sa mère où il a vécu sans le savoir à quelques centaines de kilomètres de son vrai père. William porte le nom de sa mère, Desboeuf, qui lui a caché le nom de son père Mc Leod jusqu’à la mort de sa grand-mère. Ce petit blond aux yeux bleus alors, va apprendre que son père est américain. Trop tard pour le rencontrer car, après bien des recherches, lorsqu’il retrouve sa trace, il est décédé mais retrouve sa famille américaine.
Ainsi se partagera-t-il entre ses deux familles et un beau-père pas très recommandable, pas plus que sa mère d’ailleurs, lui ayant fait de la tôle et elle vivant de menus larcins, d’arnaques, de combines pas très honnêtes, allant jusqu’ à voler son fils.
Arrivé dans les années 70, il nous offre une messe pour un mariage «Lux Aeterna» qui le fera connaître alors qu’il est barbu et chevelu ! Il a alors 26 ans… Comme moi puisque nous sommes presque jumeaux. Il est du 9 juillet 46, moi du 17 juin. Parti pour des études classiques, il va découvrir les Beatles qui vont tout changer.
Mais ce ne sont pas les seules surprises qu’il nous offre en nous racontant sa vie d’homme et de musicien, lui que l’on croyait discret, voire secret, puisqu’il nous déballe avec talent et une plume alerte, sa vie d’artiste mais aussi sa vie d’homme plutôt débridée entre la drogue, une vie sexuelle très mouvement. Il aura deux enfants d’une première femme, vivra avec une autre et partagera sa vie entre elle et son homme de cœur et de lit…
Faut suivre !
Sa carrière est tout aussi mouvementée, prenant de nombreux chemins de traverse, se partageant entre rock et pop, musique classique et musique de films, tubes et symphonies, Arrangements et orchestrations qui l’ont fait travailler avec nombre d’artistes, de Françoise Hardy à Marie-Paule Belle en passant par Barbara avec qui il a été longtemps complice et le quatuor infernal, Catherine Lara, Do, la compagne de celle-ci, Peter son compagnon, Patrick Juvet, et Nicoletta venue se raccrocher avec ces quatre mousquetaires avec qui il a vécu une vie mouvementée, sexe, alcool et rock’n roll !
Il cachait bien son jeu le petit blondinet romantique !
De par ses multi-casquettes il remplira les scènes, de Bobino à l’Olympia, de l’Opéra Garnier au théâtre des champs Elysées.
Il écrira nombre de tubes pour lui et les autres dont celui-ci qui a fait le tour du monde «My year is a day» pour le groupe The Irresistibles, que Dalida a chanté en français et en italien.
Allant souvent où le vent le menait, suivant son instinct, ses rencontres, il a mené une carrière cahotante mais très riche et semée de succès et de quelques ratages.
Il nous raconte tout ça un peu à l’emporte-pièce car il est fâché avec les dates. Il traverse ses deux vies truffées d’anecdotes, d’une belle écriture de véritable auteur. On ne s’ennuie pas une seconde, on attend toujours la suite de ses aventures qui sont un vrai roman. Et il nous parle de sa bisexualité comme une évidence, sans tabou. Et a même à ce sujet beaucoup de recul.
Par contre, il a une manie et deux tics : A chacune de ses maisons (et Dieu sait s’il a déménagé !) il nous en décrit le décor dans les moindres détails, comme pour nous les faire visiter. Et ses phrases sont ponctuées de «bisous» et de «Hum», avec des scènes, elles aussi parsemées de dialogues, ce qui en fait un livre vivant, plein d’humour. Sa vie est un roman !
A la fois dilettante et travailleur, passionné et créatif, William est un être à part dans ce milieu de la musique des années 70 jusqu’aux dernières décennies.
Il y a longtemps que je n’avais pas lu une biographie aussi riche et brillante. Sans compter que j’y ai retrouvé une époque où l’on se partageait les mêmes amis : Juvet, Nicoletta, Catherine  Lara et Do sa compagne d’alors, Annie Cordy, Marie-Paule Belle, Claudine Coster et même son attaché de presse, Jean-Pierre Domboy, avec qui j’ai travaillé en tant que journaliste.
De jolis souvenirs d’un métier où, à l’inverse d’aujourd’hui, on savait s’amuser et on ne se prenait pas la tête !
Nancy HUSTON : Arbre de l’oubli. (Ed Actes Sud – 308 pages)
Le roman commence en 2016.
Shayna Rabestein arrive à Ouagadougou. Elle a un petit carnet noir où tout ce qu’elle va écrire le sera en lettres majuscules car, dit l’auteur, des cris se déchainent désormais en elle.
Elle est la fille de Joël Rabestein, juif new-yorkais, professeur d’anthropologie et de Lili Rose Darrington, professeur de littérature dont la famille protestante vivant à Boston, est d’origine irlandaise.
A travers le récit de la vie de ces trois personnages, on va comprendre d’où vient la souffrance de Shayna, enfant de parents présentant eux même de nombreuses fêlures. On l’écoutera dans ces pages écrites en majuscules qui viennent s’intercaler dans les divers chapitres de périodes différentes dans lesquels l’histoire de cette famille se tisse.
On la suivra dans sa quête de ses origines et dans sa douleur face au sort des femmes africaines emmenées en esclavage au-delà de l’Océan Atlantique.
Un roman de facture classique qui se lit agréablement.

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Edna O’BRIEN : James et Nora (Ed Sabine Wespieser – 92 pages)
Suivi d’une postface de Pierre-Emmanuel DAUZAT : Le yiddish de Joyce
Ce petit livre est un hommage d’Edna O’Brien et de Pierre-Emmanuel Dauzat à James Joyce. Ils se sont tous deux attaqué à la traduction d’ »Ulysse » non sans mal, mais avec beaucoup de recherche et de bonheur.
Un être comme James Joyce n’est pas le commun des mortels, il dort peu, écrit dans dix-sept langues plus les quarante qu’il ne connait pas ! D’où la difficulté du traducteur.
Edna O’Brien fait le portrait du couple que James forme avec Nora, une pulpeuse irlandaise de Galway, un couple lié par le sexe, malheureusement éternellement fauché et fuyant pour échapper aux dettes. C’est surtout la personnalité de Joyce qui stupéfie le lecteur car sa perception de la langue est  déroutante, le sens du son et le son du sens  étant à la base de son écriture !
Jean-Pierre Dauzat propose un vers de Finnegans Wake  en six versions différentes, quelle est la bonne ? Il insiste sur la complexité du yiddish, langue formée de toutes les langues tout comme l’écriture de Joyce où chaque mot est créé à neuf.
Petit livre intéressant, difficile à suivre et qui n’incitera certainement pas le lecteur à se lancer dans la lecture de Joyce.
Sébastien VIDAL : Ça restera comme une lumière. (Ed : Le mot et le reste – 318 pages)
Beau roman d’hommes, de force et de puissance.
Dès le début, la couverture nous plonge dans un cratère étincelant ou peut être dans le cratère d’un volcan. Le héros, militaire au Mali rentre au pays après avoir repris la vie active, ayant perdu un œil au combat, un ami de cœur et beaucoup d’illusions.
Traversant le Morvan de nuit en voiture, il heurte un chevreuil et se retrouve dans le fossé avec  sa voiture hors d’usage et ne sachant que faire. Advienne que pourra il avance dans la nuit guidé par une lueur. Auprès de cette lumière il va trouver un homme solitaire, forgeron de son métier, meurtri lui aussi par la vie et qu’il va apprivoiser, estimer pour son art du feu et sa détresse, dont il va partager la vie jusqu’à nouer des liens très forts en vivant le drame qu’il traverse. Ce qui va le plonger dans des aventures extraordinaires qui vont le sortir de son marasme et de sa solitude .
Il redonnera un sens à sa vie  en découvrant à la fois l’art du feu et du fer et l’amour.
Bon roman très âpre, très fort,  qui nous entraine dans monde de bassesse et de haine mais qui nous donne aussi la recette du bonheur

 




Porquerolles – Fondation Carmignac : La Mer imaginaire À partir du 20 mai 2021
Date soumise aux annonces gouvernementales

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La Fondation Carmignac, créée en 2000 à l’initiative d’Édouard Carmignac, est une fondation d’entreprise qui s’articule autour de deux axes :
Une collection qui comprend près de 300 oeuvres et le Prix du Photojournalisme remis annuellement. En partenariat avec la Fondation Carmignac, un lieu d’exposition accessible au public, la Villa Carmignac a été créée sur le site de
Porquerolles afin d’y exposer la collection et organiser des actions culturelles et artistiques.

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Charles Carmignac, Directeur
Créée en l’an 2000 avec en son coeur sa collection d’art contemporain, la Fondation s’articule aujourd’hui autour de deux axes complémentaires :
– Raconter le monde en soutenant les photojournalistes
– Questionner et réinventer en soutenant les artistes et en partageant leurs œuvres avec le public.
L’île de Porquerolles, forêt en pleine mer, est un lieu rêvé pour un tel partage. Après deux premières expositions construites à partir de la collection, une troisième mettant en avant le 10e anniversaire du Prix Carmignac du photojournalisme, cette quatrième édition puise son inspiration dans l’esprit du lieu.
L’architecture tout d’abord, nous sommes immergés sous la surface.
Le jardin ensuite, où l’homme interagit avec la nature.
Le Parc national tout autour, lieu du questionnement environnemental.
L’île enfin, espace mental, spirituel et terre de fictions.
C’est précisément avec cette dernière dimension en tête, celle de l’imaginaire, que nous avons invité l’écrivain et commissaire américain Chris Sharp. De lui, nous connaissions des expositions dans des lieux voisins (à Monaco ou à Marseille) ainsi que des textes de catalogue marquants (celui écrit pour l’exposition « Silence, une fiction » – Nouveau Musée National de Monaco)… Lors de notre rencontre à Venise, Chris Sharp était assis sous un palmier sonore qui énumérait des éléments disparus (modèle de voiture, espèce végétale ou animale…). Dans cette installation de l’artiste Dane Mitchell pour le pavillon néo-zélandais dont il assurait le co-commissariat, nous apprenions l’existence d’une chose et simultanément sa perte.
Un sentiment ambigu, lumineux et mélancolique à la fois.
D’une île à l’autre, Chris Sharp a accepté notre invitation de concevoir une exposition inspirée du lieu. Une fois dans les espaces, sous le plafond d’eau et entre les œuvres aquatiques de Bruce Nauman ou Miquel Barceló, la vision d’un musée d’histoire naturelle sous-marin s’impose à lui rapidement. L’idée résonne en nous car un musée d’histoire naturelle expose les interactions entre notre espèce et le vivant.
Ici, ce sera le vivant sous-marin à travers le prisme de l’art.

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L’exposition s’appelle La Mer imaginaire, un titre qui évoque à la fois une mer rêvée, enchantée et, d’une manière plus inquiète, une mer qui disparaît pour n’exister que dans notre imagination. La Mer imaginaire est profondément magique. Elle célèbre la puissance poétique des océans, questionne notre rapport au monde et aux animaux, et distille une étrange nostalgie pour quelque chose qui n’a pas encore disparu.
Parcourant les espaces, le visiteur aura la sensation d’être frôlé par des fantômes de créatures qui pourtant existent encore.
La mer est peut-être déjà hantée par ces rôdeurs, certains identifiés par la science mais la plupart inconnus, disparus sous les coups de l’acidification et de la montée des températures avant même qu’on ait pu leur donner un nom.
En remontant à la surface, à l’étage supérieur de la Villa, le visiteur se perd à nouveau, immergé dans une installation « neptunesque » et inédite de Miquel Barceló.
Encore un peu plus haut sur les hauteurs de l’île, dans un fort du XVe siècle, l’exposition Invisible/Parallèle de Nicolas Floc’h plonge le visiteur dans d’autres eaux bien réelles. En partenariat avec le Parc National de Port-Cros et la Villa Noailles, le photographe transforme les fonds marins en paysage et rend compte de leur inquiétante évolution.
On dit souvent que nous réalisons la valeur de quelque chose une fois que nous l’avons perdue. Cette exposition offre cette projection dans le temps.

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Pour la quatrième saison de la Villa Carmignac, l’exposition transforme ses espaces en un muséum d’histoire naturelle sous-marin interrogeant les interactions entre notre civilisation et le monde subaquatique.
Conçue par le commissaire américain vivant à Los Angeles, Chris Sharp, elle puise son inspiration aussi bien dans l’architecture du lieu – les espaces immergés sous la villa et son plafond d’eau – que dans les œuvres de la collection : la fontaine aux cent poissons de Bruce Nauman, la fresque sous-marine de Miquel Barceló ou encore le homard perché sur une chaise de Jeff Koons.
L’exposition se prolonge cette année dans le Fort Sainte Agathe et à la Villa Noailles, avec une commande photographique de Nicolas Floc’h sur les fonds marins de Porquerolles et de ses îles voisines, grâce à un partenariat avec le Parc National de Port-Cros.
À travers des œuvres aussi bien modernes que contemporaines, l’exposition entend célébrer la mer comme une ressource précieuse et évocatrice, grouillant de vie connue et inconnue, mais aussi, d’une manière plus mélancolique, un monde sous-marin qui disparaît pour, peut-être un jour, ne plus exister qu’à travers notre imagination et celle des artistes.

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Les artistes de l’exposition
Yuji AgematsuGilles AillaudJean-Marie AppriouMiquel BarcelóBianca BondiCosima von BoninLeidy ChurchmanJulien DiscritHubert DupratNicolas Floc’hCamille HenrotAdam HigginsDavid HorvitzAllison KatzPaul KleeYves KleinMichael E. SmithJeff KoonsJennifer J. LeeJochen LempertMicha LauryDora MaarHenri MatisseMathieu MercierBruce NaumanKate NewbyMelik OhanianAlex OlsonGabriel OrozcoJean PainlevéBruno PelassyLin May SaeedShimabuku

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CD NEWS

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LAUGHING SEABIRD «The transformation place» (L’autre)
Sous le nom de Laughing Seabird, se cache Céline Mauge, chanteuse, auteure, compositrice, comédienne, et Emmanuel Heyner, musicien et arrangeur.
Ravissante et lumineuse jeune femme issue de Bretagne et aux airs de Sharlene Spiteri du groupe Texas, elle ne renie pas ses origines franco-celtiques et cela se ressent dans sa voix de cristal et les rythmes de ses chansons, de belles mélodies, des ballades intimistes accentuées par le violon et le violoncelle.
Elle chante en français et en anglais, deux langues qu’elle maîtrise parfaitement… of course !
Mais elle n’a pas que le chant comme corde à son arc, elle est également comédienne, ce qui lui a valu, au théâtre, un Molière du théâtre public en 2015 pour «Les coquelicots des tranchées» de Georges-Marie Loridon, mis en scène par Xavier Lemaître.
Elle vient de tourner pour le cinéma dans «Ça tourne à St Pierre et Miquelon», un film déjanté de Christian Monnier auprès de Patrick Bouchitey, Philippe Rebbot, Jules Sitruck, Claire Nadeau, Valérie Mairesse et quelque autres pointures.
Mais ce n’est pas tout : pour ceux qui suivent la série «Grey’s Anatomy», elle est la voix française de Mérédith.
Ah… ne pas oublier qu’en 2006 elle fait partie de la comédie musicale de Boris Bergman «La nuit du rat» ! Avec deux versions : française et anglaise.
Elle sait varier les plaisirs, sait tout faire et tout bien faire.
Voici donc ce second album (Le premier s’intitulait «And I become») aux sons pop-folk, dont les racines s’enfoncent tout au fond du pays celtique qui l’a vue naître.
C’est à la fois beau, mélodique, élégant, avec un rien de mélancolie et de mystère. C’est tout simplement beau.

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ROUGE «Derrière les paupières»(Laborie)
Rouge est la couleur de l’amour et de la sensualité, de la colère et du courage, du danger et de l’interdit. Mélange de magenta, représentant le piano de Madeleine Cazenave,  du jaune, qui serait la contrebasse de Sylvain Didou, du bleu, représentant  la batterie de Boris Louvet.
Ainsi se mêlent les sons et les couleurs de ce trio magnifique qui nous offre des étincelles, des flagrances, des vibrations jazzistiques légères, évaporées ou appuyées bien tempérées, des mélodies qui s’envolent comme des bulles de savon lancinantes, enivrantes, des rythmiques scintillantes.
Une musique intimiste.
Le trio navigue entre classique, jazz et moderne et nous fait penser par moments aux Gymnopédies de Satie
Ils se sont bien trouvés ces trois-là, Madeleine arrivant du conservatoire classique de la Rochelle, Sylvain le Breton, rechercheur de sons acoustiques, passionné par l’improvisation et essaimant dans des projets et des mondes différents comme le cirque, le théâtre, le cinéma, et Boris qui nous vient des percussions classiques, qui s’est aussi approché de métal, des musiques électroniques, des musiques coréennes, ayant travaillé avec le chanteur traditionnel Heemon-Lee et des musiques asiatiques, ayant travaillé avec le musicien indonésien Mo-Hong.
Cet album est à la fois très original et très abouti où chacun se mêle à l’univers de l’autre et à la musique de  Madeleine Cazenave.
A écouter avec les oreilles… et les paupières fermées car il dégage beaucoup de sérénité et de plaisir.

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Simon DENIZART + Elli MILLER MABOUNGOU «Nomad» (Laborie)
Et nous revoilà avec du jazz. Un jazz plus énergique, plus brut, avec de très beaux passages mélodiques que nous offrent Simon Denizart, pianiste parisien qui s’est fait remarquer par le public du Québec où il a enregistré trois disques et fut nommé révélation de l’année en 2016/2017. Il a parcouru, autre le Québec, la Belgique, l’Allemagne, la république Tchèque, la Pologne et évidemment la France, avant de retourner au Québec pour recevoir de l’Adisq le trophée de l’album jazz de l’année.
Elli Miller Maboungou rejoint son complice au Québe où il reçoit en 2017 le prix Stingray de la meilleure composition au festival International de Montréal.
C’est un batteur original puisque batteur… de tambour qu’il a appris dans la compagnie de dance Nyata Nyata, dirigée par Zab… Maboungou (tiens, tiens !). C’est tout petit qu’il a appris en famille  à battre le tambour. Il a travaillé avec les grands maîtres tambourinaires et a par la suite créé son groupe afro-jazz Jazzamboka avec lequel il a remporté son prix. Il joue également de la calebasse.
S’ils ont nommé cet album «Nomad» c’est qu’ensemble ils en sont devenus puisque durant plus d’un an, ils ont sillonné le Texas, la Californie, le Canada, le Maroc et la France.
Rencontre musicale, amicale et évidente entre nos deux musiciens que des épreuves ont soudé avec un troisième larron Michel Médrano Brindis rencontré au Québec, même s’il n’a pu être présent sur ce disque.
Un jazz fluide, optimiste qui est un peu une renaissance, que ces arpèges légers qui se baladent dans ces huit morceaux très inspirés et joyeux.

Jacques Brachet


Du nouveau dans le rock : GUT GUT

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Les amateurs de rock se souviennent certainement des groupes mythiques emmenés par Serge Gonnet, alias Markis Sarkis : Madame Rose, Kissing Jane (3 albums), MAAM qui produira en 2003 l’album Trans-Hôtel et fera partie du spectacle du même nom, trois groupes qui enflammèrent la scène rock, et particulièrement celle du Sud.
Depuis, Serge Gonnet toujours avide de nouveau, a tenté diverses aventures musicales, avec toujours la production d’albums concepts, c’est à dire qu’ils sont une œuvre globale et non pas une juxtaposition de titres, bien qu’on puisse écouter les morceaux dans l’ordre qu’on veut.
Serge Gonnet est compositeur, chanteur et multi instrumentiste, son instrument de prédilection étant la guitare. Pour chanter il s’est inventé une langue étrange avec son vocabulaire et sa syntaxe.
Et voilà que durant le premier confinement en mars-avril 2020 Serge Gonnet a concocté un nouvel opus « Delice M », en homme orchestre, en jouant de tous les instruments. Citons l’auteur : « J’ai écrit cet album dans une solitude forcée, entouré de fantômes et je dois dire que leur compagnie fut plutôt délicieuse . . . Je les écoutais très attentivement, je parvenais alors à capter leur souffle qui me suggérait quoi jouer ; quels fantastiques moments nous avons eus ! Comme possédé par leur présence magique, j’ai ainsi pu jouer tous les instruments, aidé tout de même par quelques programmations. » Rien de tel que les fantômes pur créer de la musique et se laisser emporter par une imagination sœur du rêve. Ainsi en est-il des vidéos.
L’album a été enregistré à L’Imagerie Musicale Mobil Studio, qui est sa roulotte de gitans (my Gypsy Caravan, dit-il), transformée en « studio mobil » ; c’est dans cet antre que furent tournées les images de « Bi Nental » qui accompagnent la musique.

thumbnail_4-GUT GUT Art-Rock

Des gens de radio en Angleterre ont créé leur label « Dr Johns Surgery Records » et « Surgery Records Radio » qui anime une émission dédiée essentiellement à ses artistes, dont « Gut Gut » fait partie ; cette émission est reliée par Radio Shepton et Radiobeatz au Bengladesh. « Gut Gut » y est également programmé et passe sur Radio Las Vegas Rock aux USA, Power Plant Radio au Canada, ainsi que sur une autre fréquence en Australie. « Gut Gut » a ainsi acquis une envergure internationale, juste récompense de tant d’années de travail et de persévérance ; plusieurs centaines de milliers d’amateurs. Le mérite de cette réussite en revient pour une part non négligeable à Isabelle Singer, maître de conférence à l’université Aix-Marseille, créatrice de vidéos et de court métrages parmi lesquels on note un film pour l’exposition Roland Barthes au Centre Pompidou à Paris. Elle a réalisé ou pris part à la plupart des vidéos qui accompagnent « Delice’ M ».
Pour Serge Gonnet les vidéos sont la suite artistique logique de son travail en musique car dès l’étape de composition musicale il a déjà des images en tête. C’est aussi une sorte d’extension à sa passion de peindre (car la peinture est sa seconde activité artistique). Et de citer Paul Valéry : « le peintre est amené à ressentir sa peinture et le musicien à voir sa musique. »
Dans ses vidéos il fait preuve d’une imagination délirante, riche et onirique, parfois surréaliste, très proche de la facture de ses tableaux. Ce sont des images sans logiques apparentes qui collent parfaitement à la musique, et pourtant on peut regarder la vidéo sans musique, ou écouter la musique sans vidéo.

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Le nouvel opus « Delice’ M » se compose de 10 titres, tous très mystérieux, dans la langue Markis-Sarkis. Règne dans ce disque une atmosphère envoûtante, lancinante, captivante, assez « Space Rock », qui n’est pas sans évoquer celle du dernier disque de David Bowie (Blackstar), influence bénéfique pour « Gut Gut », mais dans une tout autre construction où se mêlent les influences des grands, tels Frank Zappa, David Gilmore, Pink Floyd, Santana, cela dit simplement pour essayer de situer cette musique. C’est avant tout du « Gut Gut ».
Une rythmique béton, du groove plein les neurones, on renoue avec la grande époque du rock électrique. « Bi-Mental » en est un bon exemple, ça chauffe, entre Bowie et les Rolling Stones, et un solo de guitare digne de Santana. Ou encore le très prenant « Al Delase » avec une belle partie chantée sur un arrangement de petits motifs et des plaintes de guitare sous jacentes ou affleurantes, et « L’Menta » ou la guitare en majesté.
Après cela il ne reste plus qu’à écouter les dix morceaux, dans l’ordre, puis dans le désordre, ou le contraire.

Serge Baudot
Faites vous une idée en allant sur : www.markis-sarkis.com



Patrick JUVET… La musica s’est arrêtée

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Nous partagions, Patrick Juvet et moi, quelques souvenirs du temps où, avec « l’équipe à Barcaly », on se quittait rarement, lui, moi, Nicoletta, Léo Missir, Patricia Carli, Annie Markhan, des noms qui nous relient à une époque où les tournées étaient une récréation, où l’on passait de folles nuits blanches chez Eddie, où le MIDEM était un lieu de rendez-vous de fêtes, où Johnny venait nous rejoindre et où nous passions de joyeuses soirées car toutes les occasions étaient bonnes pour faire la «nouba».
On se rencontrait pour chaque occasion, pour fêter un anniversaire, un disque d’or, l’arrivée du printemps, la signature d’un petit nouveau dans l’écurie Barclay, un festival,… Bref, tout était prétexte à faire des fêtes et je me souviens d’une spaghetti-party organisée sur la plage face au martinez, pour la remise d’un disque d’or à Patrick Juvet. Car il y avait là, outre les personnes citées, Sardou, Salvador, Delpech, Vassiliu, Jean-Pierre Savelli, Daniel Seff et même Jean Sablon… Nicoletta faisait la maîtresse de maison et l’on rentrait le soir avec quelques beaux coups de soleil ! Patrick fêtait, je m’en souviens, le disque d’or pour son titre « La musica » et à ce moment-là, lorsqu’on donnait un disque d’or, ça n’était pas pour une poignée de disques vendus, comme aujourd’hui, mais pour un million de disques…
A notre époque, on en est loin !!!
Il venait aussi de triompher à l’Olympia où il avait monté un spectacle fort original où il arrivait, le visage maquillé et couvert de strass du plus bel effet ! Cela avait bien sûr fait couler beaucoup d’encre car en France, un mec maquillé sur scène, c’était nouveau !
« Je ne vois pas pourquoi – m’avait-il dit – le maquillage serait réservé aux filles sans compter que ce que je fais se rapproche plus d’un masque que d’un maquillage. De toute façon, j’en avais envie depuis longtemps mais je ne trouvais pas le maquilleur qu’il fallait. Jusqu’au jour où j’ai rencontré celui de David Bowie qui a accepté de s’occuper de moi. Et j’ai pu ainsi faire ce Musicorama avec ce maquillage…  »
Patrick était un artiste très original et fut ainsi un précurseur dans ce domaine. Il avait d’ailleurs à l’époque un autre projet fou : partie en tournée avec un cirque !
« Pourquoi pas ? J’ai fait des photos dans un cirque et j’ai véritablement eu le coup de foudre… J’ai envie de chanter au milieu de lions, de tigres, de léopards, avec autour de moi des clowns, des équilibristes, des trapézistes… J’ai envie de me sortir de mon public de minettes et, par ce genre de spectacle, attirer d’autres personnes… Le danger fait partie de mes maîtres-mots. J’aime me mettre en danger… »
Et il s’y est d’ailleurs mis souvent, et pas seulement pour des spectacles ou même en moto, mais en allant très loin avec drogue et alcool, chose dont il parle dans sa biographie  » Les bleus au cœur  » (Ed Flammarion).
Mais à l’époque, les chansons qu’il chantait, étaient alors très en vogue grâce à CloClo – rappelons que c’est lui qui lui a écrit « Le lundi au soleil » – mais il en avait un peu marre, d’autant qu’il aimait beaucoup le rock’n roll, chose qu’il n’avait pu faire chez Barclay car dans ce métier, on ne change pas facilement les étiquettes…
« Ma période romantique, j’en ai un peu marre… Je veux montrer que je peux faire autre chos « .
Il l’a prouvé plus tard en devenant l’un des rois incontesté du Disco.
Je le retrouvai donc sur la tournée « Age Tendre » et, le soir où nous étions à Toulon, il avait le souvenir de la région toulonnaise où de temps en temps, incognito, il posait ses valises à la Tour Blanche à Toulon où encore à Six-Fours où je vis.

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« Patrick, tout comme Catherine Lara, tu n’es pas de ces mythiques années « Age Tendre » puisque tu es plutôt des années  » Disco « … Alors, que fais-tu là ?!
Parce qu’on me l’a demandé !
Tu sais, j’ai quand même été baigné par ces fameuses années. Je suis né en 50, donc ado j’ai connu tout ça, « Age Tendr », « SLC » et cette musique a bercé ma jeunesse même si l’on m’a fait faire du piano classique ! J’adorais déjà la musique anglo-saxonne et c’est elle qui m’a attiré vers la chanson.
Et puis il y a eu dans ta vie la période CloClo avec « Le lundi au soleil » que tu a écrit pour lui.
Oui, au départ j’écrivais seulement des chansons et je lui ai proposé celle-ci qui a été un énorme succès et que je chante d’ailleurs aujourd’hui. Après ça, je lui ai proposé « Rappelle-toi minette » dont il n’a pas voulu, alors je l’ai enregistrée et ça a démarré comme ça, puis il y a eu  » La musica « .
Dur de travailler avec Claude ?
Non, car je n’étais pas attaché à lui par un contrat, je n’étais pas un de ses employés et je n’étais pas très ami avec lui.
On faisait quelques dîners ensemble mais j’ai toujours été plus près de Johnny
Je me contentais donc de lui proposer des chansons qu’il prenait ou pas, c’est tout. Je garde malgré tout un joli souvenir de lui car il avait dit de moi une chose très gentille : « Patrick Juvet c’est la perfection au masculin » !
Après, ma carrière a démarré et j’ai gardé mes chansons pour moi.
J’en ai écrit quelques-uns pour les autres comme  » L’amour qui venait du froid » pour Dalida, que j’ai reprise après sous le titre de « Sonia ». Je n’ai pas eu de chance car la face A du disque de Dalida était « 18 ans » !

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Comment te trouves-tu au milieu de tous ces chanteurs que tu ne devais pas tous connaître ?
Mais j’y suis très bien, tout le monde est heureux de vivre cette tournée.
Pour moi, c’est la première mais je m’y suis très vite incorporée et je m’y sens bien. Et puis c’est formidable de voir combien le public aime venir et revenir retrouver des succès, des standards qui ont marqué leur vie.
Je trouve l’idée formidable car on fait beaucoup de choses pour les jeunes et très peu de choses pour les autres. Donc tout le monde y trouve son compte et ça permet à nombre de chanteurs de chanter devant une foule énorme.
Toi tu leur offres du disco bien sûr !
Évidemment, c’est ce que le public attend et connaît de moi. C’est vrai que quinze minutes c’est court mais je chante les chansons que le public connaît et aime et le principal est de lui donner du bonheur.
Tu as longtemps disparu de la circulation !
Oui car il est arrivé un moment où j’en avais ras le bol et surtout, j’ai eu pas mal de problèmes dont la mort de mon amie et productrice Florence Aboulker. Alors j’ai beaucoup voyagé durant les années 90. Je suis allé très souvent aux États-Unis, je m’y suis presque installé et puis j’ai recommencé à chanter lorsque l’envie s’est faite sentir. J’ai aussi beaucoup travaillé avec d’autres artistes, des gens que j’aimais particulièrement, à qui je trouvais beaucoup de classe et c’était très flatteur pour moi que des gens comme Marc Lavoine, Françoise Hardy, Hélène Ségara fassent appel à moi.
Je me suis donc retrouvé dans ce milieu avec plaisir et sans aucune nostalgie pour le passé. Si j’ai plein de jolis souvenirs, j’aime vivre le moment présent. Vive dans la nostalgie, ça n’est pas mon truc et je pense que ça empêche d’avancer.
Je peux dire aujourd’hui, comme dans la chanson « Non, je ne regrette rien »… Je suis un romantique dans l’âme !
Alors aujourd’hui tu repars ?
Oui, après avoir travaillé pour les autres, je retravaille pour moi, je vais faire un nouveau disque. Il sera très « dance » et je vais le faire en collaboration avec un DJ célèbre… qui n’est pas David Guetta… Devine ! J’ai vraiment envie de faire quelque chose qui bouge… avant qu’il ne soit trop tard ! Je vais enregistrer en Andalousie. Mais tu sais, j’ai toujours été précurseur puisque «Où sont les femmes ?» je l’ai fait avec Jean-Michel Jarre ! Mais j’écris pour d’autres si on me le demande. La preuve : Annie Cordy m’a demandé de lui écrire une chanson… rigolote ! Pas facile mais je vais peut-être me piquer au jeu car ce sera nouveau pour moi même si ce n’est pas facile !

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Photos Christian Servandier

Mais le comique, tu connais ?
Tu sais, lorsqu’on a des amis qui s’appellent Muriel Robin ou Pierre Palmade, on est à la bonne école ! J’étais aussi très ami avec Thierry le Luron…
Tu as longtemps été « le chanteur à minettes ». Ça t’a gêné ?
Oui parce que c’était un peu réducteur mais c’est ma rencontre avec Jean-Michel qui m’a fait prendre un tournant et m’a classé dans une catégorie… « mec » !
Tu as eu un choriste célèbre !
Tu veux parler de Balavoine ? Effectivement, il avait une voix incroyable et je l’ai d’ailleurs fait chanter sur mon album  Chrysalide ». Je l’accompagnais au piano. Léo Missir l’a entendu, a été accroché par cette voix et l’a signé. Il lui a fait faire « Le chanteur » et tout a démarré pour lui.
Aujourd’hui tu vis toujours en Suisse ?
Non, il y a longtemps que je n’y vis plus. J’y vais seulement pour y voir ma famille mais après l’Angleterre, l’Amérique, Paris, aujourd’hui je vis en Espagne et j’y suis très bien. Je n’y suis pas beaucoup connu, j’y ai des amis mais comme je suis un solitaire, j’y suis très heureux, je vis dans l’anonymat. Je peux sortir comme je veux, l’Espagne est un pays joyeux et j’aime vivre en province.
Je suis un provincial à la basse puisque j’habitais Montreux !

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Première et dernière rencontre

J’y retourne pour le festival de jazz… Mais c’est tout « .
Et aujourd’hui… C’est tout. Je garde le souvenir d’un garçon charmant, délicat, assez solitaire même s’il était très socable et aimait s’amuser.
C’était un bel artiste et un adorable compagnon de fêtes.

Jacques Brachet