Nathacha APPANAH : Le ciel par-dessus le toit (Ed. Gallimard – 128 pages)
«Il était une fois… un garçon que sa mère avait appelé Loup. Elle pensait que ce prénom lui donnerait des forces, de la chance, une autorité naturelle, mais comment pouvait elle savoir que ce garçon allait être le plus doux et le plus étrange des fils et que, telle une bête sauvage, il finirait par être attrapé et c’est dans le fourgon de police qu’il est là maintenant ?….»
Ainsi commence le dernier roman de Nathacha Appanah.
Il n’a rien d’un conte de fée, mais nous ne lâcherons plus le livre, emportés par la magnifique écriture de l’auteure résolue à faire d’un fait divers, une bouleversante histoire de famille.
Loup est donc en prison ; le lecteur va s’attacher à cet adolescent et à la famille dont il est issu.
Les chapitres succincts se suivent. Intitulés «Lundi matin, mais ceci n’est pas le début», «Dimanche, la mère», «Dimanche soir la sœur», «Des années auparavant, peut être le début» «Le grand père, quand il est trop tard, déjà»…, tous sont constitués de «bouts de souvenirs accolés les uns aux autres» et déjà le lecteur se prend d’affection pour cette généalogie.
Au début, il y a la mère, Eliette, petite Lolita des quartiers pavillonnaires que ses parents vouent à la célébrité. Révoltée à l’adolescence et devenue Phénix, elle aura deux enfants. Viennent alors Paloma et son petit frère Loup. Trois personnages fragiles à la sensibilité à fleur de peau. Abimés par la vie, ils se battent bien pour survivre. S’ils ne sombrent pas, c’est qu’ils s’aiment même si ils ne savent pas le dire.
Touchante, l’écriture de Nathacha Appanah nous oblige à beaucoup de bienveillance à leur égard et nous rêvons avec eux d’un rapprochement, un vrai, sincère, inaltérable, fait de la solidité des liens familiaux.
«C’est un beau roman, c’est une belle histoire»
Elisabet BENAVENT : Dans les pas de Valeria (Ed L’archipel – 400 pages)
Il y a des livres pour tous publics, celui-ci s’adresse principalement aux filles.
Un quatuor de filles très sympathiques, la trentaine ou presque, ont l’habitude de tout se raconter de leur vie intime, ça se termine en partie de rigolade, elles se soutiennent en cas de détresse amoureuse, les hommes et leurs performances sexuelles sont leurs sujets de conversation préférés.
Valeria, en panne d’inspiration après un gros succès de librairie, se laisse aller et bien que mariée à un photographe beau comme un astre mais distant, elle regarde avec intérêt un certain Victor.
Il y aura trois autres romans avec Valeria, si vous aimez le premier pourquoi pas, sinon s’abstenir !
Pierre BORDAGE : inKARMAtions (Ed LEHA – 451 pages)
Dans ce roman de science-fiction Pierre Bordage met en scène trois forces de la pensée indienne : la création, la destruction et l’équilibre, et ce, sans notion de morale.
Pour cela il nous fait pénétrer dans le Vimana, un endroit hors du temps où les seigneurs du Karma observent la trame karmique de la Création. En effet celle-ci est menacée par le Souverain des Ténèbres qui envoie ses serviteurs, les rachkas, se mêler aux humains pour précipiter leur perte.
Les Seigneurs du Karma qui veillent à l’intégrité de la trame karmique, disposent d’agents, les karmacharis,qui parcourent le temps et l’histoire humaine pour lutter contre les rachkas et les empêcher de nuire.
Les karmacharis sont aidés par les ciodras qui préparent les missions en créant vêtements, monnaies, outils ou documents correspondant à l’époque d’intervention dont ils trouvent la description dans les annales intemporelles.
Nous suivons les aventures des karmacharis, dont la belle Alyane,son ami Alakim et le rouquin Djegou ainsi que celles des ciodras, Lumik, Belfo, Sijkes et Abbadon. Nous partons en Autriche en 1910 pendant la préhistoire, sur le siège de Jérusalem, à Paris pendant le procès des Templiers, dans les colonies spatiales, dans le monde de 2173 après la guerre des blocs.
Mais cet équilibre du monde humain recherché par les êtres du Vimana ne va-t-il pas être définitivement compromis alors que certains d’entre eux semblent devenir la proie du Souverain des abîmes ?
Habilement coupé en chapitres nous entrainant dans les courses échevelées des héros, ce roman sur le thème classique de la lutte entre anges et démons, se lit avec plaisir et ravira las amateurs du genre.
Mazarine PINGEOT : Se taire (Ed Julliard – 279 pages)
Le dernier roman de Mazarine Pingeot décrit avec délicatesse un crime vieux comme le monde : le viol. Chaque cas est un drame, dans ce livre c’est celui de Mathilde, jeune photographe envoyée auprès du prix Nobel de la paix pour la une du magazine. Et c’est, meurtrie dans sa chair et dans son âme qu’elle sortira de l’hôtel particulier de celui qu’elle aura toutefois photographié. Elle se tait, puis se confie à sa sœur Clem, une sœur championne de roller derby, que rien n’arrête et qui crie vengeance ; mais la famille connue des médias par la notoriété du père chanteur populaire, du grand-père académicien et portant un nom d’aristocrate, démontre les dégâts d’une médiatisation de ce crime et c’est le silence le plus total qui devient le quotidien de Mathilde. Oui, se taire à tout prix pour ne pas faire d’éclaboussures, avec les meilleures intentions du monde, se taire et passer à autre chose, entreprendre des études d’architecte, rencontrer un homme différent, d’un monde différent, un égyptien avec lequel le silence devient moins lourd. Mais c’est toujours en silence qu’elle subit les humeurs de ce compagnon Fouad, un homme jaloux, dominateur, menteur mais charmeur. Et quand Mathilde fuira à nouveau, mais enceinte, c’est auprès de sa famille et surtout de sa sœur qu’elle trouvera un semblant de repos. La fuite, toujours la fuite, une fuite qui n’aura de fin que si elle affronte son passé, et quel en sera le prix ?
L’auteure connait bien le poids du secret, elle-même fille longtemps cachée d’un président de la république, un secret qui empêche de vivre, un secret qui mine, qui tue petit à petit même si la vie continue, un secret enfoui dans le silence mortel. Ce n’est pas ça la vie, et Mathilde meurt en silence depuis ses vingt ans, avec sa famille trop brillante, trop connue, une famille pourtant aimante.
Il y aura un déclic qui lui permettra d’affronter sa vérité et sa survie, la seule façon de se regarder en face et surtout de regarder devant.
Depuis les affaires Weinstein et Epstein, les affaires de viol remplissent les journaux, les films et les livres, c’est la libération de la parole enfin. Ici, l’auteur a choisi le parti de se taire, d’autres iront au tribunal, mais comment une sentence peut elle réparer le mal destructeur du viol ? Admirablement écrit, avec émotion et pudeur, ce livre est bouleversant.
Karine TUIL : Les choses humaines (Ed Gallimard – 342 pages)
Présent parmi tant d’autres en cette rentrée littéraire, le roman de Karine Tuil se remarque par l’intelligence, la subtilité et la violence de son récit. Comme nous, les héros ont organisé leurs vies, ils en maîtrisent les codes et le suivi. Ainsi, Alexandre, jeune diplômé de polytechnique poursuivant ses études à Stanford en Californie est accusé de viol. Fils d’un chroniqueur de télévision réputé et d’une psychanalyste féministe, il emmène un soir la fille du compagnon de sa mère et c’est le drame. Une plainte pour viol sera déposée au commissariat dès le lendemain matin. Le roman de Karine Tuil prend une tournure très concrète, le lecteur pourrait croire assister aux audiences du tribunal et sous la plume de cette auteure devient tour à tour l’accusé, l’avocat général ou l’avocat de la défense, les parents, les amis, jusqu’au verdict final.
Écrit à une époque où la parole est donnée aux femmes victimes de harcèlement sexuel au travail ou dans la vie courante, ce roman est d’une actualité brûlante, il traduit avec mesure les deux parties confrontées. La bascule serait aisée de faire pencher le lecteur pour tel ou tel protagoniste, ce n’est jamais le cas. Le rythme du roman s’emballe, c’est douloureux, c’est saisissant d’impudeur, de cruauté, de complexité, orchestré par les avocats, mais ce n’est jamais «que le cours invariable des choses humaines».
Ce roman retrace une tragédie, nul ne peut le lire sans réfléchir aux actes et aux conséquences du viol, un crime. C’est également un constat douloureux de la domination du plus fort, du plus riche, du plus instruit sur ceux qui n’ont pas pu atteindre leur niveau. Serait-ce un problème d’éducation, du respect de l’autre ?
Vraiment un problème à débattre le plus vite possible pour éviter qu’ainsi aillent les choses humaines.
Monica SABOLO : Eden (Ed. Gallimard – 240 pages)
Dans le sixième roman de Monica Sabolo, des adolescents disparaissent au cœur d’une forêt mystérieuse d’ Amérique du Nord où se côtoie une faune étrange de personnages : Amérindiens, forestiers, adolescents déboussolé .C’est l’une d’entre eux, Nita, qui rêve d’ailleurs, qui raconte l’étrange aventure du viol d’une jeune ado mystérieuse et déjantée élevée par un père mystique.et qui disparait pendant deux jours. On la retrouve au pied d’un arbre, nue, inconsciente, violée. Nita va remuer ciel et terre pour comprendre et démasquer le coupable puisque Lucy mutique et prostrée ne révèle rien On baigne dans l’étrange et le malaise tout au long de ce récit pendant lequel Nita va tenter de nous faire comprendre qui sont les prédateurs, qui sont les victimes
Un profond malaise règne en présence du comportement de ces ados déboussolés, de leur éveil à une sexualité, malsaine à l’image de la confusion qui règne au sein d’une société décadente.
Eden ? ,je n’ai pas compris le titre Je l’aurais plutôt appelé «Enfer» tant je me suis sentie mal à l’aise à la lecture, un peu comme un voyeur.
Très bien écrit, très lyrique et fantomatique mais… «Br ».
Nathalie RHEIMS : Les reins et les cœurs (Ed Léo Scheer – 206 pages)
Dans ce vingtième livre, Nathalie Rheims fait le récit de la lutte qu’elle a dû mener pendant un an contre la maladie rénale génétique qui frappe toutes les femmes de sa famille.
Bien qu’elle ait vu sa mère en souffrir des années et en mourir, Nathalie elle n’a jamais pu admettre qu’elle pouvait en être également atteinte.
Conséquence de ce déni et d’une totale absence de suivi médical, le 23 aout 2017, à 58 ans, Nathalie entre à l’hôpital en urgence. Ses fonctions vitales sont atteintes par une gravissime insuffisance rénale.
Par petits chapitres d’une belle écriture, l’auteure nous relate ses souffrances physiques et morales depuis ce premier jour d’apocalypse jusqu’au jour de sa résurrection près d’un an après.
Sans pathos, ce livre est un hommage à la vertu d’espérance, au personnel soignant dont la douceur et l’opiniâtreté rassurent sur notre corps médical, et au «don absolu» qu’est la greffe d’organe.
Anaïs Vanel : Tout quitter (Ed Flammarion – 188 Pages)
Petit roman graphique où le texte est présenté en courts chapitres d’une page parfois et découpé en saison et qui redessine le destin d’une jeune battante parisienne qui du jour au lendemain liquide sa vie, ferme son appartement et file vers le sud, vers le soleil et la mer, vers la liberté, les vagues qu’elle va surfer et le bonheur qu’elle va trouver en laissant libre cours à ses envies, son élan et qui vont déboucher sur sa réconciliation avec elle-même.
Un roman tel un rêve, une route vers le bonheur parfaitement exposé par cette jeune auteure pleine de désir et de rêves.
Belle écriture vive et gaie comme les vagues qu’elle chevauche