Claire HAJAJ : Le voleur d’eau (Ed Les escales – 400pages)
Traduit de l’anglais par Julie Groleau
Nick, jeune architecte anglais veut partir en Afrique dans le cadre du bénévolat alors que sa jeune fiancée règle les derniers préparatifs de leur mariage. Quels sont ces lourds secrets qui pèsent désagréablement sur la conscience de Nick pour envisager une telle démarche ?
L’image du père récemment décédé et le sentiment d’avoir failli lorsque son meilleur ami a eu besoin de lui sont certainement à l’origine de ce départ subit.
La rencontre avec un peuple vivant dans un petit village subsaharien, notamment avec le jeune Jojo passionné de mathématique et surtout avec Margaret la mère de celui-ci, pour laquelle il éprouve une terrible attirance, l’immerge peu à peu dans ce nouveau microcosme dont il ne connait pas les règles. C’est un territoire malheureusement éprouvé par la sècheresse, la maladie et les violences de chefs de bande. Un puits résoudrait le problème, Nick en est sûr, mais à quel prix ?
Prisonnier de ses sentiments, de sa subjectivité, Nick fait courir à ceux qu’il aime de graves dangers.
L’auteur offre une peinture objective de l’extrême difficulté de mêler bonne volonté et réalité du terrain. Claire Hajaj traduit avec justesse la vie des villageois, leurs croyances, la puissance des clans et la présence de la drogue et « la haine envers cette terre hostile, les forces cruelles qui punissent sans raison, qui conspirent avec des hommes cupides pour anéantir des vies humaines et briser leurs espoirs »
Car malgré les meilleures bonnes volontés, il faut voir ce qu’il y a de vraiment et non pas ce qu’on désire voir.
Murielle MAGELLAN : Changer le sens des rivières (Ed Julliard – 248 pages)
Une jeune fille a-t-elle le droit de rêver au prince charmant ? Surtout lorsque l’on gagne péniblement sa vie comme serveuse au Havre et qu’on a un père malade, hypocondriaque et exigeant.
Ce prince s’appelle Alexandre. C’est un habitué du bar de Marie. Lettré et beau parleur, il lui parle cinéma, metteurs en scène, pour elle un monde inconnu. Qu’importe, elle est amoureuse et voit la vie en rose ! Sauf qu’Alexandre a coupé les ponts sans explication. Humiliée et pleine de colère elle le harcèle un soir jusqu’à en venir aux mains. Il chute violemment… c’est l’accident.
Passée en comparution immédiate, elle se retrouve condamnée à des dommages et intérêts. Le juge qui a prononcé la sentence est un habitué du bar où travaille Marie. C’est un misanthrope bougon et taciturne. Il lui propose un marché qu’elle accepte : prive de permis de conduire, elle devra être son chauffeur avec sa propre voiture pendant quelques mois, le temps de combler son découvert. Lors de ces tête-à-tête, ces deux personnalités de milieux si différents, vont s’apprivoiser au fil du temps. Les barrières sociales vont tomber et timidement ils vont trouver un sens à leur vie : la découverte de la culture, de la musique classique et même celle du code civil pour Marie et, pour le vieux juge, la renaissance à la vie et plus d’ouverture aux autres.
C’est un roman facile et agréable à lire. La quantité d’invraisemblances gâche une trame sociale qui aurait pu être intéressante mais pourquoi ne pas rêver un peu comme Marie ?!
Madeleine de Place : Dis quand reviendras-tu ? (Ed. La Martinière – 253 pages)
L’histoire commence dans les années 60 pour se poursuivre jusqu’à nos jours et anticipe même jusqu’en 2024 ; Louise, une jeune ado de 14 ans élevée dans une famille bourgeoise très traditionnelle se retrouve enceinte suite à un viol perpétré par un ami de la famille. Honte, silence, les parents vont enfermer leur fille dans un couvent de religieuses où des jeunes filles cachent leur grossesse et accouchent sous X.. Désespérée elle parviendra à cacher un petit carnet dans les couches de son bébé avec l’espoir de le retrouver un jour
Ce bébé c’est Gabriel adopté très vite par une famille aimante dans l’impossibilité de procréer .mais qui tait ce secret. Jeune homme heureux Gabriel finit par rompre le silence et va essayer de comprendre le pourquoi de son abandon . Nous allons donc le découvrir à travers les huit femmes qui ont marqué son existence .Sa mère adoptive, sa première épouse, la seconde. sa maitresse, ses filles, toutes vont tenter de parler de lui et d’essayer de nous montrer le personnage complexe et torturé qu’il est devenu incapable d’aimer ou de donner de l’amour.
L’auteur prête une plume très douce et bienveillante à tous ces personnages bien campés et très touchants sans mélo et avec beaucoup de justesse.
Alain DAMASIO : Les furtifs (Ed La Volte – 704 pages)
Publié aux éditions La Volte, spécialisée en littérature de l’étrange, le dernier, dixième et conséquent roman d’Alain Damasio surprend par son volume et son imaginaire.
Nous sommes dans un futur proche, et pourtant décoiffant, en France, entre le Verdon, Moustiers Sainte marie, Canjuers, Hyères, la Presqu’île de Giens et l’Ile de Porquerolles, à l’écoute (car le roman est accompagné d’une bande son originale, musique et texte) d’une demi douzaine de personnages dont les discours alternent avec une narration des plus perturbantes.
En premier le couple Varèse ; Lorca et Sahar la quarantaine, en instance de séparation mais unis par l’espoir commun de retrouver leur fille Tishka enlevée à l’âge de quatre ans par les mystérieux « furtifs ». Puis Saskia Larsen, Hernan Aguero, Ner Arfet et Toni Tout Fou autres « vifs » impliqués dans la traque des créatures malveillantes, et soucieux de ramener l’enfant.
Rien de très original jusque là.
Le lecteur y perd cependant son latin ! Le monde est autre ; les villes sont achetées par des multinationales qui privatisent l’éducation et les espaces urbains, les habitants, monitorés à travers une bague électronique (prémium ou privilège selon le forfait !) sont vêtus de tissus bio réactifs ; tout est numérisé, interconnecté. Une géo-localisation s’avère ultra facile, qu’il s’agisse de lieux ou de personnes.
Alors ce qui reste d’humain chez les « vifs » se révolte. Sahar donne illégalement des cours d’instruction civique à des étudiants qui rêvent de reconquérir leur ville. Lorca intègre le ministère des Armées sachant que l’île de Porquerolles devient ZAG, zone auto-gouvernée, le refuge des insurgés. Et l’espoir renait !
Mais en même temps, il va falloir se prémunir contre les « furtifs » !
Sont-ils légende ou fantasme ?
Autour de cette organisation, des êtres entr’aperçus, non définis mais d’une vitalité hors norme semblent vivre et circuler parmi les habitants. Des expériences sont lancées par le centre de recherche de l’armée, le RECIF, qui annonce une réalité avérée et une menace potentielle. Les créatures invisibles à l’œil nu mais perceptibles à l’oreille, mutent sans cesse et cristallisent si on les entr’aperçoit.
L’enfant, la petite Tishka, enlevée, serait–elle devenue l’une d’elles ? S’agirait-il d’une hybridation forcée ?
Un récit décidément fort compliqué, peu accessible au lecteur lambda et dont la structure, la conception, le vocabulaire et la typographie relèvent du défi.
Oublions les longues considérations sur la création d’un langage et d’un alphabet nouveau, la réponse politique à une société de contrôle, la représentation graphique de la narration à plusieurs voix et chassons de notre esprit « les furtifs » !
Sabrina PHILIPPE : Et que nos âmes reviennent … (Ed Flammarion – 285 pages)
Psychologue, chroniqueuse de radio et de télévision, Sabrina Philippe publie son troisième roman dédicacé » à celle qui m’a tout donné ».
On comprend que ce récit est largement inspiré du vécu de l’auteur.
Il s’ouvre le jour de l’enterrement de la mère de la narratrice qui est psychologue et dont le cabinet se trouve sur le palier de l’appartement de sa maman avec laquelle elle avait une relation fusionnelle. Un homme est là auprès d’elle.
Au fil des chapitres qui s’ouvrent par des textes et poèmes, va se révéler la nature du lien entre la psychologue et cet homme. C’est une relation d’emprise car l’homme est un pervers narcissique.
L’auteur décrit parfaitement ce prince charmant qui devient persécuteur, destructeur de personnalité et le difficile processus de rupture que devra mener son héroïne pour s’en libérer.
Dans cette histoire, viennent s’intégrer des chapitres mettant en scène un homme en Floride qui se suicide sur son voilier, puis une femme nommée Krystiana vivant en 1920 ,puis la fille de celle-ci lors de sa déportation.
Il faudra poursuivre la lecture pour réaliser pourquoi ces personnages sont évoqués.
Un roman agréable à lire mais dont la partie ésotérique ne nous a pas convaincus.
Isalou REGEN et Sabchu RINPOCHE : Je voulais te dire … I Love You (Ed Rabsel – 211pages)
Après trois ans de vie commune et un an de mariage, Isalou Regen se retrouve le cœur brisé alors que son époux la quitte .
La voyant désespérée par la fin de cet amour fusionnel, un ami l’invite à suivre en Normandie une session d’enseignements donnée par Sabchu Rinpoché, un maître tibétain, de passage en France. Cet homme de 34 ans, qui a complété son éducation par un bachelor d’études cinématographiques obtenu au Canada, quitte régulièrement son monastère népalais pour dispenser dans le monde l’enseignement de Bouddha. Grâce au bain de compassion reçu de ce moine souriant et plein d’amour bienveillant, Isalou Regenretrouve sa capacité d’amour au fond d’elle-même. Elle lui propose de faire un livre avec lui sur l’amour. Il accepte en l’invitant en Inde.
L’auteur organise son livre autour de trois mots constituant la traditionnelle déclaration d’amour : « I Love You » qui vont être analysés au cours des divers entretiens entre ces deux personnes.
Qui est ce Je I ?
Quel est ce mystère que l’on appelle l’amour « Love » ?
Quel est cet autre, ce « You » et comment mieux l’aimer ?
En partant d’une observation méthodique du réel, le moine explique que nous sommes en constant changement et que la phase à venir est tout aussi belle que celle perdue. Dans le « Je », il y a le bien et le mal, à nous de choisir quelle partie développer.
L’amour, c’est prendre soin, vouloir le bonheur total de l’autre. On ne peut trouver le bonheur que si l’on accepte qu’il y ait des hauts et des bas.
Prendre soin de l’autre et en éprouver de la gratitude. Retrouver la compassion.
Ce livre pourra permettre à ceux qui le souhaitent d’amorcer une réflexion sur des principes de bon sens sur les secrets du bonheur que notre société individualiste et consumériste a totalement occultés.
Robert LITTELL : Koba ( Ed Baker Street – 266 pages)
Traduit de l’anglais par Martine Leroy-Battistelli
Quel est cet homme que le jeune Léon rencontre dans une partie reculée de la Maison du Quai à Moscou, maison où logent les apparatchiks du pouvoir ainsi qu’une bande de jeunes enfants ?
Un homme âgé, sans médaille, mais tout le monde se lève dès qu’il arrive, un homme à l’accent géorgien, qui dit s’appeler Koba et qui demande à Léon de lui écrire sa biographie. Soumis aux questions pertinentes et empreintes de fraîcheur de Léon, Koba se révèle comme l’homme chargé d’aider à diriger le pays, c’est lui l’assistant-tsar. Sa tâche est lourde puisque pour survivre, mieux vaut connaître ses ennemis et donc les éliminer, cela devient alors de la légitime défense. A la question « A quoi ressemble Staline ? » Koba répond : « à quelqu’un qui porte le poids du monde sur ses épaules ».
Ainsi, au fil de ce roman insolite, l’auteur amuse mais aussi glace le lecteur devant l’atrocité des crimes commis par Staline, l’indifférence face aux souffrances du peuple, l’élimination systématique des intellectuels, « en effet pour régner il faut organiser le désordre, séparer les bonnes pommes des pommes pourries ». Et Léon, fils du physicien qui découvrit la théorie quantique de l’interaction nucléaire poursuit son questionnaire, régulièrement récompensé par une délicieuse glace à la vanille couverte de chocolat. Un tyran a peut-être trouvé son maître face à ce jeune garçon, un jeune surdoué, innocent et courageux, mais encore un enfant à qui sa mère manque depuis qu’elle a été arrêtée dans le cadre du complot des médecins.
Robert Littell, grand spécialiste de l’Histoire de la Russie offre un regard inattendu de Staline, ses origines, ses contradictions, il n’excuse en rien les horreurs commises, c’est un monstre qui ose justifier ses purges sanglantes sans l’ombre d’un remord. Roman saisissant.
Cathy BONIDAN : Chambre 128 (Ed de la Martinière – 284 pages)
Une femme trouve dans un hôtel de Bretagne un manuscrit oublié par le précédent occupant de la chambre. Curieuse, elle le lit et s’aperçoit que la fin du roman n’a pas été écrit par la même personne . Intriguée, elle essaie de remonter la longue liste des personnes ayant pu être l’auteur de ce livre. Et de lettres en lettres, parfois des e mails, elle déplacera les montagnes pour se faire rencontrer de nombreuses personnes, parfois modifier radicalement leur vie, pour finalement résoudre l’énigme de la chambre 128.
Une technique utilisée par l’auteur qui peut amuser ou lasser, mais rend la chose peu crédible.
Frédéric LENORMAND : Au service secret de Marie-Antoinette
(Ed la Martinière – 352 pages)
L’auteur à reçu le prix Arsène Lupin du roman policier, le prix Historia du polar historique et le prix Montinorillon.
Ce roman est une comédie policière historique.
Marie-Antoinette s’ennuie et veut se démarquer de ses prédécesseurs; elle cherche à employer les meilleurs artisans du tout Paris. Mais avant de devenir les fournisseurs attitrés de la Reine, elle va les charger d’une mission particulière: retrouver les bijoux d’une valeur inestimable, de la comtesse Du Barry, maîtresse officielle de Louis XV, qui ont disparu quatre ans plus tôt .Elle met donc à l’épreuve son nouveau coiffeur et sa toute nouvelle modiste, tous deux excellents dans leur métier et pleins d’imagination. Mais cet improbable duo ne cesse de se chamailler car tout les oppose : la couturière, Rose Bertin, perfectionniste, ne supporte pas la désinvolture de son acolyte, Léonard Autier, véritable noceur qui compte bien remplir sa mission en dépit de son agaçante partenaire qu’on lui a imposée. Tous deux courent (en toute discrétion) entre Paris et Versailles, salons et boutiques populaires (rôtisseries, morgue ,horlogers etc…) à la recherche des fragments d’un tableau qui pourraient bien révéler l’endroit où sont dissimulés les bijoux.
C’est un récit léger et agréable que cette enquête loufoque, drôle, pleine de rebondissements (peut-être un peu trop parfois). Cependant l’auteur spécialiste du XVIIIème siècle fait découvrir au lecteur les petits métiers qui gravitent autour de la maison de la reine à Versailles, empruntant parfois le vocabulaire de l’époque. Étonnant!
A noter que les deux personnages principaux ont réellement existé comme l’attestent les notes historiques en fin de livre.