Muriel ROBIN ; « Fragile » (XO Ed)
C’est un grand coup de cœur que ces souvenirs que nous offre Muriel Robin, loin, très loin de l’image qu’on en a, de cette fille au visage carré, aux yeux ronds, qui vitupère, qui parle fort, boule d’énergie, grande gueule, limite sympa…
Je ne l’ai rencontrée qu’une seule fois, très brièvement, alors qu’elle passait à l’Opéra de Toulon et que j’étais reçu dans sa loge grâce à notre amie commune Catherine Lara.
Et moi qui venait lui dire que je l’avais adorée sur scène, elle me reçut comme un chien dans un jeu de quilles, ne se cachant pas pour me faire comprendre qu’elle n’en avait rien à foutre.
Je dus attendre cette année à la Rochelle, où elle était venue pour présenter le film sur Catherine Sauvage. Je l’avais trouvée toujours tonitruante mais plus détendue, toujours très drôle et surtout plus humaine.
Son livre m’a fait tout comprendre, sa vie étant un drame permanent avec déjà une enfance lourde entre une mère égocentrique, ne cessant d’humilier ses trois filles, un père fantôme, et à partir de là, elle alla de Charybde en Scylla malgré ce succès, qu’elle n’a jamais vraiment compris, prise entre une sexualité qu’elle ne maîtrise pas, une vie pleine de questionnements, d’ambiguïtés, entre amour et haine pour sa mère, ce qui la perturbe et la culpabilise, ne trouvant sa place nulle part. Nul ne guérit de son enfance et son vécu le prouve.
Jusqu’à 50 ans, elle vivra pour voler au secours des autres, sa mère, ses sœurs, ses amis, elle n’aura de relâche que grâce à quelques rencontres qui la tiendront en vie : Michel Bouquet, Line Renaud, son admiration pour Annie Girardot entre autres. Elle passera sa vie à refuser des choses tout simplement pour se punir d’être ce qu’elle est car elle ne s’est en fait jamais aimée : une pièce de Françoise Dorin, une tournée avec Bedos, une émission de radio et bien d’autres choses encore sans trop savoir pourquoi elle disait non à de belles propositions,.
Il lui faudra rencontrer Anne pour que tout s’apaise quelque peu, qu’elle prenne conscience de penser à elle, à son bonheur, à son équilibre. Ce n’est pas encore ça et ce n’est jamais fini, le livre se terminant sur un coup de théâtre, un coup de massue, auquel même un auteur n’aurait pas pensé.
J’avoue avoir lu ce livre de plus de 400 pages d’une seule traite, que j’ai souvent été ému aux larmes en me demandant si un jour Muriel Robin trouverait la paix.
Aujourd’hui je ne vois plus Muriel comme cet histrion qui nous faisait rire pendant qu’elle pleurait, et dont quelquefois l’agressivité revenait, peut-être pour évacuer un trop plein d’émotions et de drames.
Quelle « drôle » de vie, Mumu…
Thibault de MONTALEMBERT : « Et le verbe se fait chair » (Ed de l’Observatoire)
Là encore grand moment de lecture, très loin des sentiments que j’ai pu avoir en lisant Muriel Robin.
Par coïncidence, c’est encore au Festival Télé de la Rochelle que j’ai rencontré Thibault de Montalembert, que j’avais apprécié dans la série « Dix pour cent » dont il venait présenter la troisième saison. Je voulais le rencontrer, ce que je n’eus aucune difficulté à faire tant il est simple et avenant.
De la classe guindée de son rôle dans la série, je retrouvais une classe décontractée et naturelle et il m’avait parlé de ce livre qu’il m’avait donné envie de lire puisque, en dehors de sa vie d’homme et d’artiste, il parle littérature et théâtre avec délicatesse, avec amour, passion même et pour un homme qui dit ne pas maîtriser l’orthographe, il manie la langue française avec bonheur et est un puits de science littéraire. Du « Club des cinq » et la Comtesse de Ségur à Duras en passant par Pagnol, Dumas, la littérature russe, sans parler de tous les grands auteurs qu’il a joué, Molière, Shakespeare, Racine, Pinter, Tchekhov, il n’a fait que lire, se nourrir de l’écriture même s’il aime dire que l’écriture passe par la parole, ce qui est normal pour un comédien mais surtout parce que, son frère devenant aveugle, il passa beaucoup de temps à lui lire des histoires. Amenant sa bibliothèque dans chacune de ses maisons, il avoue qu’il a commencé à lire pour combler un silence familial pesant, ses parents n’étant pas des gens expansifs et attentifs.
Le déclic pour devenir comédien ? La lecture de « Arsène Lupin » dans lequel il voyait le charme, la classe, la liberté. Heureusement car, pour plaire à sa mère, il faillit être moine !
S’il est devenu comédien, ce n’est pas pour être célèbre mais simplement pour vivre une passion, vivre de sa passion. D’ailleurs, la célébrité, il l’a aujourd’hui avec cette série alors qu’il a multiplié les expériences au théâtre, depuis les cours Florent dont Huster était son professeur, avec les plus grands, ses maîtres que furent Jouvet, Cherreau, Bouquet et son passage à la Comédie Française.
La lecture, dit-il encore est le phare qui éclaire la nuit de ses doutes et de ses lassitudes.
C’est un tout petit livre et pourtant c’est un grand livre que nous offre ce beau comédien, plein de passion, d’émotion, d’intelligence… qui mérite 100% de lecteurs !
Christophe HAY : « Signature » (Ed Flammarion)
Les fêtes arrivant, il est d’actualité de parler cuisine.
Il sort tous les jours des bouquins de recettes et difficile d’en trouver sortant un peu de l’ordinaire.
Je vous en propose deux, le premier est celui de Christophe Hay « Signature », sous-titré « Un cuisinier à fleur de Loire » puisqu’il est né en Val de Loire. Très vite passionné par la cuisine et la gastronomie, il sera à bonne école avec Eric Reithler et Paul Boccuse, il a voyagé avant de revenir « plein d’usage et raison », là où il a ses racines.
Aujourd’hui il est le chef de « La Maison d’à côté » et de « Côté Bistrot » à Montlivault et de « La table d’à côté » près d’Orléans et il nous offre sa cuisine qui est faite de souvenirs qu’il garde de la ferme de sa famille maternelle. Après s’être expatrié en Floride, puis à Paris, il a le coup de foudre pour ce restaurant qui deviendra le sien à Montlivault. Le voici donc revenu sur ses terres où il va proposer une cuisine de terroir, simple et raffinée dont il utilise tous les produits locaux, les ingrédients, les viandes, le gibier, les poissons, ce qu’il appelle « La cuisine du respect », qui est en fait sa signature, son identité.
Dans ce très beau livre, on y apprend « sa vie, son œuvre », on découvre sa région, sa Loire, il nous présente ses restaurants, ses équipes, sa famille et nous offre des recettes fort appétissantes, d’autant qu’elles sont illustrées de photos qui vous mettent l’eau à la bouche.
Une ode à la gastronomie, à une région, à une passion qui ne vous donne qu’une envie : découvrir les bords de Loire, ses restos, sa cuisine qui fait démentir le proverbe « Il n’est de bon bec que de Paris »… Dans nos provinces aussi on découvre des trésors gastronomiques !
DAVE : « Cuisinez-moi » (Ed Cherche Midi)
Dans un tout autre genre, dans un tout autre pays et avec l’humour qu’on lui connaît, c’est l’ami Dave qui nous propose de combiner sa vie d’artiste, d’homme… et de cuisinier !
Né à Amsterdam, sa vie d’artiste commence à 14 ans. Il sera aventurier, beatnik, faisant la manche pour chanter, vivant sur un bateau. Petit, il vivait dans les tabliers de sa mère et c’est avec elle qu’il a appris à être gourmand, gourmet et cuisinier à ses heures perdues.
Avec tout ça il deviendra chanteur, avec le succès que l’on sait car il avait tous les atouts en main : un physique de lutin malin, un joli accent, toujours le sourire et le mot drôle aux lèvres, une voix ample et puissante et des chansons qui ont très vite grimpé dans les hits.
A travers sa vie de chanteur, il a connu nombre de pays et il a toujours aimé voyager, s’imprégner du lieu où il pose ses valises et où il découvre les différentes cuisines, passion qu’il gardera toujours car il est un épicurien pur jus. Et quand on aime manger, on aime aussi cuisiner, ce qu’il fait dès qu’il le peut.
Du coup, plutôt que de nous offrir une banale bio (il a déjà parlé de lui dans d’autres livres) il nous raconte des moments de sa vie d’enfant, d’ado, de chanteur, des anecdotes, le tout agrémenté de recettes de cuisine. Nombre de souvenirs d’ailleurs se mêlent à ses sensations premières des odeurs de la cuisine de sa mère.
Il raconte, il se raconte et il nous ouvre son livre de recettes, des croquettes de bœuf au paillasson de pommes de terre, des patates douces au carvi aux betteraves crapaudines de Mark’s, du granola tutti-frutti à la caponata… Des recettes prises et apprises à Marseille, en Italie, aux Pays-Bas bien sûr, en Martinique, en Irlande, souvent grâce à des chefs ou des cuisinières qu’il a rencontrés dans ses pérégrinations.
En fait, on parcours sa vie avec curiosité et avec l’eau à la bouche à chaque étape d’une recette qu’il nous propose, avec joie, avec humour… Un livre qui lui ressemble.
Patrick CARPENTER & Alain MOREL : « Inoubliable Johnny » (Ed de l’Archipel)
Un an déjà.
Et encore des dizaines de livres sur l’idole éternelle qu’est et restera Johnny Hallyday.
Evidemment, il faut trier car on y trouve tout et n’importe quoi.
Pourtant, les éditions de l’Archipel nous proposent deux livres, très différents et à mon avis, plus intéressants que d’autres.
Cet « Inoubliable Johnny » est un superbe album avec près de 300 photos inédites et présentées de façon originale, sous forme d’un index alphabétique : A comme Aznavour, H comme Harley, G comme guitares, R comme… Rock évidemment, Y comme Yéyé… etc…
Et c’est à chaque fois des photos se rapportant aux thèmes choisis par le photographe Patrick Carpentier qui, durant quarante ans, photographia notre idole dont il était fan et Alain Morel, mon ami journaliste qui a déjà à son actif quelques livres, dont celui de Michel berger et France Gall qu’il a rencontrés pour une interview le jour même où est décédé Michel à Ramatuelle. Ramatuelle où nous travaillions souvent de concert sur l’émission de radio journalière qui se déroulait en direct durant le festival alors dirigé par un autre ami : Jean-Claude Brialy. C’est d’ailleurs durant le festival qu’el est décédé.
Très beau livre, très belle présentation et des photos que les fans prendront plaisir et nostalgie à découvrir.
Armel MEHANI & Sébastien CATROUX : « Main basse sur Johnny » (Ed de L’Archipel)
Encore un duo mais pour un tout autre livre : celui de la saga Hallyday durant un an, depuis le décès de l’idole. Le sous-titre d’ailleurs annonce la couleur : « Les dessous de l’affaire de l’année ». Car, au cas où vous ne le sauriez pas, il y a une sacrée affaire autour de l’héritage du chanteur, de ses innombrables testaments, de ses affaires disséminées en Etats-Unis, Paris et St Barth et nos deux journalistes ont suivi l’affaire au jour le jour. Sébastien Catroux est journaliste à Gala, ce qui fera certainement grincer des dents certains lecteurs et Amel Mehani est auteur, réalisatrice et journaliste spécialisée dans les affaires de police judiciaire.
Donc entre le sensationnel et le judiciaire, la balance se fait au cours de ce livre qui raconte des faits réels, sans jamais prendre vraiment parti. Et qui prend à témoin nombre de gens qui ont tourné autour de Johnny, famille, amis, gens du milieu musical, gens du milieu tout court.
Car Johnny était très éclectique dans ses fréquentations et les témoins rencontrés sont dignes de foi.
C’est un livre qu’on lit comme un roman, presque un polar, tant il y a de rebondissements.
Ce qui en fait son intérêt.
Serge Elhaïk : « Les arrangeurs de la chanson, française » (Ed Textuel)
J’avais eu le plaisir de découvrir la vie et l’œuvre de Paul Mauriat, musicien, compositeur célèbre dans les années 60/70 (On lui doit le succès « L’amour est bleu » qui a fait le tour du monde et a été chanté par des dizaines de chanteuses), grâce au livre que Serge Elhaïk lui avait consacré « Une vie en bleu ».
Voilà qu’il offre aujourd’hui un livre, que dis-je un livre ? une Bible et je vous avertis tout de suite, ce ne sera pas votre livre de chevet tant il est lourd de ses 2158 pages à poser sur ventre !
Mais je précise que c’est un livre passionnant pour qui aime la musique et surtout découvrir les hommes de l’ombre de ce métier, les arrangeurs entre autres.
Serge Zlhaïk en a comptabilisé quelque 200 qu’il a tous rencontrés, chacun ayant composé et surtout fait les arrangements de chansons pour tous les chanteurs existant.
Parmi eux, bien sûr, certains sont sortis de l’ombre parce que compositeurs, chanteurs, musiciens tels Joss Basselli, Caravelli, Yvan Cassar, Rolland Romanelli, Gabriel Yared, Vladimir Cosma, Claude Bolling…
Un travail de Titan, porté par la passion de cet homme qui a collaboré à France Musique et qui est une encyclopédie, une anthologie de la chanson française à lui tout seul.
Evidemment, vu le pavé, c’est un livre qui ne se lit pas en un jour mais qu’on peut lire portrait après portrait, dans l’ordre que l’on veut et l’on y découvre une véritable mine d’or, pour peu qu’on se passionne pour ces grands musiciens, pour la plupart » discrets mais essentiel », comme me l’a écrit Serge Elhaïk, sans qui certaines chansons ne seraient que chansonnettes et d’autres sont devenant des succès incontournable et mondiaux.
Certains arrangeurs sont accolés à certains chanteurs et ont fait souvent ensemble tout ou partie de leur carrière. Je pense à Patachou et Joss Baselli, Françis Rauber et Jacques Brel, Jean Ferrat et Alain Coraguer, Jean-Claude Petit et Julien Clerc, Yvan Cassar et Florent Pagny ou Johnny Hallyday…
Deux très jolies préfaces sont signées Jean-Claude Petit et Charles Dumont.
Un livre à mettre à côté de son dictionnaire !
Jacques Brachet