François CÉRÈSA : L’une et l’autre (Éd du Rocher – 220 pages)
« Le couple : mode d’emploi », pourrait être l’autre titre du dernier livre de François Cérésa.
A partir de l’analyse subtile d’une dépression programmée et l’étude des sentiments d’un héros narrateur, la lecture de ce texte incite, en effet, à une réflexion sur l’usure des relations amoureuses.
Le point de vue est essentiellement masculin.
Le héros, Marc Mourier, marié depuis trente cinq ans à Mélinda, porte un regard désabusé sur les six derniers mois qu’il vient de vivre, lorsque le lecteur le rencontre.
Autrefois éperdument amoureux, il reproche à sa femme, trente ans après, de mal vieillir ; elle s’empâte, se laisse aller, fait preuve de désinvolture, nous laisse-t-il entendre. Lui, toujours fringant et désirable, sans nul doute, porte un regard cynique et détaché sur leur relation.
Le couple s’ennuie.
Un soir de Saint Sylvestre cependant, à la faveur d’un bon repas, « l’autre », l’ancienne Mélinda, la jeune serveuse jadis rencontrée dans un Courte Paille sur la Nationale 7, réapparait comme dans un rêve.
Magique, magnifique, irrésistible… l’homme retrouve ses ardeurs ! Mais la métamorphose est de courte durée.
Des projets s’ensuivent néanmoins autours d’une idée commune : réaliser un document sur le thème : » Lieux géographiques et Production littéraire ou cinématographique »
Sept grands voyages dans l’Europe des Arts, s’imposent : à Capri pour Malaparte, Cabourg pour Proust, Annecy pour Modiano, Bruxelles pour Brel et Hergé, Vienne pour Zweig.
Nous irons aussi en Andalousie et en Belgique sur le tournage de quelque « westerns spaghetti », guidés par les musiques de films d’Ennio Morricone. Sensations enthousiasmantes !
Les Mélinda, » l’une et l’autre » alternent alors plus régulièrement à la manière d’une gentille farce. Le dépaysement aura eu raison de l’engourdissement du couple. Marc a enfin repris ses esprits. Il dit « Dans un couple, on parle de manque. Le manque, c’était moi. »…
jusqu’à la surprise finale.
Dans ce texte, nous sommes soumis à un déferlement de références culturelles racontées avec humour et espiègleries.
Le style est rythmé certes, l’écriture naturelle mais c’est un roman pour cinéphiles !
Jean d’AILLON: Le grand incendie (ED Plon – 447 pages)
Une nouvelle enquête de Louis Fronsac notaire à Paris, enquêteur au service des grands du Royaume de France sous Louis XIV
L’auteur reprend ici son personnage principal dont nous avons déjà connu les mésaventures à travers une quinzaine de romans.
1666 Lla France vient de déclarer la guerre à L’Angleterre quand Louis Fronsac est sollicité par une éminence grise de Londres afin de retrouver le célèbre saphir bleu appartenant aux Stuart. Doit-il accepter ? Doit-il refuser par crainte d’un piège ? Il va accepter aidé de son fidèle Gaston de Tilly, rejoindre Londres où l’attendent de terribles adversaires, sans compter la peste qui fait rage et le terrible incendie qui stoppera le fléau.
Ce roman très documenté, très vivant au vu des détails historiques, des figures emblématiques, des scènes de combats, est une véritable fresque historique agréable à lire à qui aime l’histoire. On apprend à toutes les pages, on en revoit des pans et on vibre toujours au rythme des aléas réservés à notre héros récurent Louis Fronsac.
Tout en restant très respectueux de l’Histoire il nous fait quand même revivre des détails qu’il aménage un peu à la sauce de ses personnages tel que les causes du départ du grand incendie mais il fallait bien sauvegarder la valeur de son héro principal
Marc TREVIDIC : Le magasin jaune (ED jc Lattès- 324 pages)
En 1929, Gustave et Valentine rachètent un magasin de jouets qui vient de faire faillite, à côté de Pigalle. « Le magasin jaune », tel est son nom, car peint aux couleurs du mimosa, doit rendre le sourire aux enfants.
Hélas le monde change, la guerre est déclarée. Les Allemands sont à Paris. Le magasin jaune sera-t-il préservé de la violence ? Gustave s’y enferme et garde ses secrets. Valentine veut s’en échapper. Et Quinze, leur fille, la mascotte du quartier, s’occupe de la jeunesse.
Leur magasin sera le reflet de leur époque. Ceux qui vont tenter de résister, ceux qui vont se ranger du côté de l’ennemi et ceux qui restent passifs.
C’est le scond roman de l’auteur, ancien juge antiterroriste. Histoire simple, prenante, aux personnages attachants. écrite dans un style limpide pour décrire les caractères des personnages et faire revivre une époque dont l’innocence fut brisée par le retour de la guerre.
Bernard GACHET : Regards dessinés sur le monde (Ed Actes Sud – 205 pages)
Bernard Gachet est architecte et professeur à l’école polytechnique de Lausanne.
Mais il a d’autres passions : les voyages et les dessins à l’encre. Ses voyages, il les fait en fonction de l’architecture, de l’Histoire, des cultures des pays qu’il traverse. Et comme tous les artistes-voyageurs d’antan, à une époque où n’existaient ni appareils photos, ni caméras, encore moins de tablettes, à chacun de ses voyages, il part avec papiers et crayons, il fait des croquis, dessine tout ce qui l’intéresse et ça donne de merveilleux carnets de route dont il dit : « Je dessine pour tenter de saisir le monde qui m’entoure, à défaut de le comprendre toujours ».
Ainsi nous offre-t-il de belles leçons d’Histoire et d’art, grâce à ses commentaires et à ses croquis de paysages, de villes, de monuments, de scènes de vie et même des plans qu’il redessine, d’églises, de temples, de palais, de chapelles…
Ce sont, ce qu’il appelle « des regards dessinés sur le monde »
Ses dessins à l’encre nous font rêver, ses commentaires sont pleins d’enseignements et d’intérêt.
Cet album, véritable livre d’art et d’histoire, nous fait faire de beaux voyages à travers le monde qu’il a décidé de nous décrire. Et nous le suivons dans ses pérégrination avec un plaisir extrême.
Philippe DELERM : Entrées libres – nouvelles (ED le rocher – 123 pages)
Petit livre de cent vingt et une pages pour trois courtes nouvelles écrites bien avant la publication de « La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules ».
L’envol . Un homme prend son envol après avoir contemplé une aquarelle……
Quiproquo. Un journaliste, installé dans le Nord où il s’est acclimaté vaille que vaille, est envoyé dans le Sud-Ouest. Il y découvre la chaleur de ses habitants, les paysages du Tarn et Garonne Avec ce changement de rythme , de vie, il appréciera la douceur de vivre auprès de gens simples et chaleureux en s’impliquant dans une troupe de théâtre.
Panier de fruits. Peinant sur deux romans inachevés, le narrateur devient écrivain publiciste grâce à une trouvaille jalousée par l’ensemble de la concurrence. En trois mots : « panier de fruits » il lance une campagne pour des yaourts, puis des fromages à pâte molle, des vins d’Alsace… bien sûr accompagnées de gros cachets. Devenu gourmand et débonnaire, enclin à la mansuétude, l’auteur va souffrir d’aigreurs à l’estomac. Drogué du langage concentré, il passe du slogan commercial au journalisme sportif. Lors d’un match de foot à Bastia, avec Faye comme milieu de terrain, il lance une contrepèterie facile mais fort appréciée du rédacteur en chef : » Bastia en tête, un feu de paille ou un peu de Faye ».
Le fait de passer du roman pur à la compromission alimentaire, malgré tous ces avantages pécuniaires, ne satisfait pas notre homme. Devenu riche, il s’achète un château romantique et essaie d’écrire son deuxième roman sur les bancs esseulés de son domaine.
Aura-t-il au moins un lecteur ?
Dans un style alerte et réaliste, l’auteur nous offre de rès belles descriptions du Tarn et Garonne. »Panier de fruits » est une parodie pleine d’humour sur la notoriété qui laisse présager « La première gorgée de bière ».
Adelaïde BON- La petite fille sur la banquise (Ed Grasset – 252 pages)
Dans ce récit autobiographique, écrit à la troisième personne, l’auteur raconte sa vie après l’agression sexuelle dont elle a été victime à neuf ans dans la cage d’escalier de son immeuble. Bien que soutenue par ses parents elle va vivre des années d’angoisse, des accès de boulimie. Elle parle des défenses qu’elle a érigées pour lutter contre les méduses qui l’envahissent.
Aidée par l’alcool et les drogues elle montre une fausse joie de vivre, jouant à la femme libertine.
Puis elle prend conscience qu’elle a subi un véritable viol et non pas un simple attouchement, lorsqu’après vingt ans de silence on lui annonce que l’homme arrêté et qui l’a violée a fait soixante-douze victimes mineures.
Vient alors le procès aux assises.
C’est un livre qui comporte des passages très durs et qui aidera, sans doute, les milliers de petites filles et femmes violées dans le monde. L’auteur retrace un parcours terrifiant.
C’est un témoignage bouleversant.
Julien SANDREL : La chambre des merveilles (Ed Calmann Levy – 265 pages)
Un samedi matin, un gamin file, heureux, sur son skate avec sa mère obligée de répondre à un coup de téléphone toujours urgent de son patron. Et c’est la minute terrible où Thomas, sûr de lui et de son parcours heurte violemment un camion. Accident extrêmement grave, opération en urgence, le pronostic est plus que réservé, Thomas est plongé dans un coma profond.
La désespérance de la mère n’a d’égale sa volonté de ramener à la vie ce qu’elle a de plus cher. Elle découvre, caché sous son lit, le carnet de Thomas où est consignée une liste bien étrange d’expériences assez folles à faire absolument. C’est le défi que s’impose cette mère ; elle va vivre la vie de son fils et la lui raconter dans le délai trop court que lui a donné le corps médical peu optimiste. Qu’importe, elle fonce. Aidée de sa mère qui s’impose avec sa forte personnalité de soixante-huitarde, elle va réaliser chacun de ces rêves complètement déjantés de ce fils de douze ans aujourd’hui muet mais qu’elle veut réentendre rire. Ses pas la conduiront ainsi à Tokyo, à Londres, sur un terrain de football pour un stage.
C’est un conte merveilleux, plein de bonheur, de rire sur une toile de fond très grave. Les optimistes y verront de très bonnes raisons d’espérer envers et contre tout; les pessimistes ne verront que les obstacles évidents, mais à choisir, on préfère la version optimiste. Rien n’est jamais simple dans les cas extrêmes, mais l’auteur dont c’est le premier roman dépasse volontairement les invraisemblances pour laisser dominer la joie, l’espoir, le bonheur de vivre et le sourire d’un enfant.
Claire CHAZAL : Puisque tout passe (Ed Grasset – 196 pages)
On ne présente plus Claire Chazal, journaliste emblématique qui, durant près de 15 ans sur TF1 nous présenta avec classe le fameux journal suivi par des millions de téléspectateurs. Jusqu’au moment où, du jour au lendemain, elle en fut évincée sans tambour ni trompette et surtout sans ménagement et sans élégance.
Retombée sur ses pieds, étant donné son parcours, son talent et son professionnalisme, elle fut vite « recasée » et la voici présentant chaque jour « Entrée libre » sur France 5 où elle excelle pour nous parler de culture et nous offrir de belles interviewes. Nous la verrons aussi bientôt sur France 3 en tant que comédienne dans « Meurtres à Omaha Beach », après s’y être essayée, voici quelques années, chez « Les Cordier père et fils ».
A noter qu’on a aujourd’hui la joie de la voir promue présidente du théâtre Liberté de Toulon.
Et voilà qu’elle nous offre un livre « Puisque tout passe » chez Grasset, titre inspiré d’une phrase de Guillaume Apollinaire.
Ce n’est pas vraiment une bio, même si elle aborde des moments de sa propre vie, mais plutôt des témoignages et des réflexions sur la vie, la mort, l’amour, sous toutes ses formes : de fille, de mère, de femme, du public…
Elle parle aussi beaucoup de la solitude qui lui est autant nécessaire quelquefois que pesante d’autres fois. Celle entre autres que lui a apporté la notoriété, seule parmi tant de gens, cette notoriété faite de joies et de plaisir mais qui peut être aussi pesante. La solitude de la femme en général aussi – car elle passe souvent du personnel au général – la femme bafouée, humiliée, frappée, violée… Etre une femme, qui peut être un atout comme un handicap. Car elle écrit toujours sur le fil du rasoir, dans l’ambiguïté, le paradoxe, pratiquant le yin et le yang (La solitude c’est la liberté mais la liberté c’est être seule).
Très cultivée, elle s’appuie sur des phrases, des réflexions de personnalités politiques ou artistiques, nous parlant de l’âge car elle accepte difficilement de vieillir inéluctablement, d’autant plus lorsqu’on est une femme dont l’image compte et qu’elle imagine le moment où on ne la voudra plus.
Elle nous parle de ses amours, de ses relations compliquées avec l’Amour, avec entre autre de belles pages sur Patrick Poivre d’Arvor et des pages émouvantes sur sa rupture avec Xavier Couture.
De très belles pages aussi sur son fils, l’amour de sa vie, de ses silences, partagés entre un père et une mère séparés. De ces silences qu’elle avait déjà avec son père comme si elle n’osait pas leur dire « Je t’aime ». De ses angoisses lorsqu’il est loin, de sa fierté aussi de le voir se réaliser.
Elle est souvent dans la contradiction , à la fois vaillante et craintive, forte et fragile, battante et pourtant souvent dans le doute. Elle est en fait tout simplement un être humain, une femme mais une femme célèbre, ce qui complique un peu la vie.
Ce livre est écrit avec une grande sincérité, une grande sensibilité et ne peut que nous émouvoir et nous faire mieux comprendre et aimer cette belle femme (malgré ses 60 ans qui la révulsent !) que l’on a pris l’habitude de voir à travers un écran, qui nous est à la fois si familière et pourtant peu connue.
Patrick GRAINVILLE : Falaise des fous (Ed le Seuil – 643 pages)
En suivant la vie de ce rescapé de la guerre coloniale en Algérie, Patrick Grainville brosse un tableau très complet de la vie sur les côtes de Normandie où sont installés de nombreux peintres séduits par les changements si rapides des couleurs du ciel ou de la mer. La persévérance de Monet face aux falaises de l’Aval et de l’Amont à Etretat, persévérance qu’il ne démentira pas lorsqu’il s’échinera sur les déclinaisons de lumière sur la cathédrale de Rouen, ou les meules ou encore les nymphéas qui l’obséderont jusqu’à sa mort.
Mais si Monet est le champion de l’impressionnisme, le grand Courbet a aussi posé son chevalet en Normandie. Gigantesque figure, c’est l’ogre qui peint les vagues, la tempête sous un ciel violet, sombre, c’est lui qui peint la viande païenne de la vérité, c’est lui qui peint l’Origine du monde, un certain nu profond… sans visage, et c’est lui qui s’engage politiquement dans la Commune et ira faire un tour en prison alors que Monet aspire à dissoudre le monde dans une brume de lumière . Et c’est aussi en Normandie que Boudin peint à l’infini des marines sous le ciel du Havre.
Et si les peintres poursuivent leur tâche infinie, l’Histoire se déroule avec la défaite de Sedan entraînant une revanche à prendre : la mort de Victor Hugo, dont le cercueil sera suivi par plus d’un million et demi de personnes, les foudres oratoires et politiques de Barrès et de Clémenceau, l’affaire Dreyfus faisant l’unité de la France anti-juive, le grand incendie du Bazar de la Charité, l’exposition universelle de Paris avec la marche du progrès comprenant le téléphone, l’aéroplane, l’automobile, le phonographe, le cinématographe, la grande catastrophe minière dans le Nord qui fera plus de mille morts mais réunira sauveteurs français et allemands. Avec le nouveau siècle, côté peinture, Matisse, Derain exposent leurs séjours à Collioure et à St Tropez, Cézanne, ce sauvage génie de la matière qui bâtissait sa montagne sacrée meurt mais pointe le pinceau révolutionnaire de Picasso et de Braque.
L’Histoire ne tarde pas à gronder avec l’assassinat de l’archiduc d’Autriche et le déclenchement de la première guerre mondiale, véritable boucherie de millions de morts, l’arrivée des troupes américaines accélérant la fin de cette hécatombe, mais aussi la chute du tsar de Russie et une révolution menée par un certain Lénine. La paix trop lourde à payer sera signée sur la destruction, une paix que déjà des généraux allemands refusent et qui s’allient avec un petit caporal Adolf Hitler et d’autres nostalgiques prêts à la reconquête du sang social.
Heureusement Monet a pu être opéré de l’œil et finir ses nymphéas, sceller son amitié avec Clémenceau. Lindbergh a fait l’exploit de traverser l’Atlantique en avion.
Le narrateur a lui aussi eu une longue et belle vie et vu de près ce monde des peintres et des modernités.
Quelle magnifique fresque picturale et historique !
Cependant, la surabondance de détails, de vocabulaire, une syntaxe martelante dans l’évocation de la pulsion créatrice peuvent lasser le lecteur.
Roman énorme, gargantuesque qui donne l’envie d’une visite au musée d’Orsay.
Mylène DEMONGEOT : La vie, c’est génial ! (Ed l’Archipel – 236 pages)
On ne présente plus Mylène Demongeot, grande actrice aux multiples rôles qui, à 80 ans passés, continue à avoir bon pied, bon œil, franc parler et caractère bien trempé. Et je l’affirme pour avoir eu à la côtoyer dans tous ses états car quand elle n’est pas décidé… ça se sait très vite !
Ceci dit elle a un charme indéniable, un bel humour et bien sûr un beau talent, sinon il y a longtemps qu’on n’en parlerait plus car, depuis « Les sorcières de Salem » qui l’a faite connaître, à « camping » qui l’a faite découvrir par la jeune génération, elle a été de toutes les aventures cinématographiques de décennie en décennie;
Un jour, tout en tournant, elle a découvert l’écriture et nous a offert de beaux livres comme « Les lilas de Kharkov », « Tiroirs secrets », « Mémoires de cinéma », quelques livres aussi sur les animaux qui ont toujours partagé sa vie.
Cette fois, elle nous offre « La vie, c’est génial » avec pour sous-titre « vieillir sans oublier d’être heureux ».
Évidemment, si elle est toujours belle et dynamique, elle n’est pas dupe que, l’âge aidant, ça ne s’arrange pas et ça n’arrange personne. Surtout, lorsqu’on a comme elle, croqué la vie avec un plaisir non dissimulé, qu’elle n’a pas toujours fait attention à sa santé, aimant boire et manger et se contentant de se préoccuper de son visage et de ses cheveux car lorsqu’on est en gros plan sur l’écran, il faut être belle; et elle l’a prouvé.
Comme beaucoup de femmes, à la quarantaine elle a commencé à grossir et ont démarré les régimes tout azimut pour perdre les kilos en trop… et les reprendre dès le régime arrêté.
Il n’y a hélas pas de potion magique, regrette-t-elle, il n’y a que des docteurs sérieux ou de joyeux zozos !
Du coup, elle part en guerre contre ces régimes inutiles, contre la viande pleine d’eau ou le poisson plein de mercure qu’on nous fait manger, aux aliments bio qui ne le sont pas toujours et qui plus est, sont très chers; elle avoue que les nutritionnistes ont assassiné son plaisir de manger. Jean-Pierre Coffe aurait aimé ce livre !
Et puis elle parle de la drogue, de l’alcool, de l’arthrose, du sexe, des pieds, des dents, des animaux, de la solitude, avec lucidité car « à son âge » on ne se fait plus beaucoup d’illusions et il faut accepter de vieillir tout en gardant énergie et optimisme.
Et en essayant de garder le cap et de ne pas penser au dénouement final. Sans penser à se regarder dans le regard des autres. En vivant pour le plaisir et les petites joies de tous les jours.
C’est un livre qui vous donne la pêche… Et l’envie de continuer à vivre malgré les petits bobos inhérents à la vieillesse… et qui vous disent que vous êtes toujours là et qu’il faut en profiter !
Olivier BOURDEAUT : Pactum Salis (Ed Finitude- 253 pages)
Dans ce second roman, l’auteur nous conte une histoire d’hommes, une rencontre tirée par les cheveux, entre un paludier au caractère bien trempé et un agent immobilier. Une amitié entre deux hommes que tout oppose. Jean, ancien parisien, devenu paludier, simple, aimant la nature. Michel, citadin riche, arriviste. Cette rencontre va donner lieu à des situations mouvementées et improbables et des dialogues déconcertants. Ces deux personnages sont radicalement opposés, si ce n’est leur goût commun pour les alcools forts. Henri, le troisième personnage, ami de Jean à Paris est fantasque et lyrique.
A part la belle description des marais salants de Guérande et la description du métier de paludier, le ton du livre qui vire au thriller, est sombre et nous laisse quelque peu déconcerté.
Emmanuelle DELACOMPTÉE : La Soie du sanglier (Éd Jean Claude Lattès – 248 pages)
Forte du succès de » Molière à la campagne », Emmanuelle Delacomtée, nous livre un deuxième roman enchanteur ou nature rime avec ravissement et sérénité.
Ici, nous sommes en Dordogne, en compagnie de Bernard Merlo, le personnage principal de ce roman. L’homme, cinquante ans, célibataire est plutôt rustique. Il vit seul dans un hangar aménagé en résidence. Ses relations avec le village se résument aux parties de chasse aux sangliers qu’il organise, avec circonspection et dans le respect de la législation.
Mais les mauvaises langues vont bon train. Sa différence et sa sérénité dérangent. Certains le provoquent. Il a la sagesse de ne pas tomber dans le panneau.
En fait, Bernard vit au rythme de la nature, en accord avec ses convictions. On dit même qu’il la vénère « comme un Indien ou un Aborigène ». Sa mère, décédée trop tôt, lui a inculqué le respect de l’environnement. Nous apprendrons que c’est une des raisons de sa mésentente avec son père, riche paysan, pratiquant l’agriculture intensive.
Toutes ces qualités ont plu à Isabelle, une jeune infirmière suisse dont il était amoureux. Trop sauvage, trop sensible, trop négligé dans sa tenue abusant de l’alcool et sans vrai projet, il n’a, malheureusement, pas su la retenir.
Les saisons se suivent dans ce roman rural avec des descriptions apaisantes de la nature en Périgord. Avec le chasseur, « nous nous enfonçons dans le règne animal » pour notre plus grand plaisir, jusqu’à cette battue, où Bernard va rencontrer Madame Desfort, veuve, aristocrate, habitant un pavillon de chasse du XVIIIème siècle.
Celle-ci, a retrouvé les lieux de son enfance et s’installe souvent avec un chevalet pour rendre la magie environnante sur ses toiles, avec ses pinceaux en soie de sanglier. Elle est sensible au discours du paysan, à la poésie de son regard, au magnétisme des ses grandes mains masculines. La rencontre est très pudique mais bientôt Madame Desfort, de vingt cinq ans son aînée, deviendra Marie…
L’histoire est jolie, le style subtil, le récit prend son temps, tout comme la Dordogne. Les descriptions nous ravissent ; le lecteur entend le loriot, le coucou, il sent le bolet au milieu des fougères, les vesses de loup sous les genêts.
C’est un bain de ruralité, pour notre plus grand plaisir.
Jean TEULE : Entrez dans la danse (Ed Julliard – 154 pages)
Transport dans le temps avec l’immersion du lecteur au cœur d’une sarabande dans la cité strasbourgeoise au XVIème siècle. Le peuple, saisi d’une véritable crise de gesticulations, parcourt la ville et la campagne dans une danse effrénée où se perpétuent moult actes de folie : Infanticide, copulation débridée, tout et tous y passent. L’occasion pour l’auteur de critiquer les médecins, le clergé, les édiles, les commerçants ou le petit peuple ne sachant plus se contenir, profitant de cette danse pour relâcher leurs instincts les plus bas, les actes les plus vils. Tout est bas, sale, grotesque et raconté d’un ton paillard, débridé et moderne à la fois, incluant des apports très modernes contribuant à déconcerter le lecteur.
Dans cet intermède historiquement véridique l’auteur s’est amusé, c’est certain, on y ressent une jubilation mais le lecteur perd un peu pied parfois tellement il est malmené. Des avis très partagés certainement car le talent de conteur de jean Teulé n’est plus à démontrer
Yasmina KHADRA : Ce que le mirage doit à l’oasis. (Ed Flammarion – 192 pages)
Illustré d’œuvres de Lassaâd METOUI.
Yasmina Khadra se fait conteur en dialoguant avec le désert pour lui déclarer sa flamme, lui raconter son enfance, sa famille, sa vie et ses débuts d’écrivain de façon très poétique.
Héritier d’une lignée de poètes et de théologiens implantée au nord-ouest du Sahara algérien, l’écrivain est né aux portes du désert à Kenadsa. Enfant il entend raconter sa légende par sa mère analphabète et poète. A neuf ans, il est ravi à celle-ci pour être formé à la redoutable école militaire des cadets. Adulte, il arpente en treillis cet univers aride pour des manœuvres puis pour traquer les terroristes du G.I.A. (Groupe Islamique Armé). Entre deux missions, il fait retraite sous les rochers cathédrales pour trouver la paix et l’énergie d’écrire ses premiers romans clandestins.
Dans la nudité des lieux, en suivant ses règles strictes, l’homme apprend à « décoder de quoi habiller son âme et à épurer son esprit » en posant des questions de simples mortels vaniteux et cruels. Car ils sont en train de le massacrer ce désert, don du ciel !
D’une écriture fluide, poétique et philosophique, l’auteur mêle sa plume orientale aux magnifiques calligraphies de Lassaâd Metoui.
Superbe livre à offrir.
(carte et lexique des mots du désert).