C’est ce qui s’appelle prendre un virage à 160° !
En effet, de ses multiples voyages dans les pays lointains, Sylvie de la Fuente ramenait des images, ses sensations, des impressions, des émotions qui alimentaient à la fois son esprit, son imaginaire et son travail sur la toile, voyages auxquels elle nous faisait participer avec beaucoup de poésie et de sérénité, de mysticisme parfois aussi.
Et voilà qu’on la retrouve sur un chemin aussi inattendu qu’original et passionnant, une oeuvre en trois D, à la fois philosophique et révoltée mais jamais sans humour, intitulée « Transhum’Art ».
Explication
« Chaque année – nous confie-t-elle – je partais en voyage pour faire le plein d’émotions, d’images que je traduisais sur la toile. Cette année, suite à un problème personnel, je n’ai pas pu partir. Ce qui m’a beaucoup frustrée mais qui m’a amenée à me poser et à réfléchir sur de grands sujets universels qui me préoccupent, comme la disparition d’espèces animales qui me rend malade, la déshumanisation de l’homme à cause de la technique, de la machine, ce qu’on appelle le progrès et qui est en train de prendre le pas sur l’humain et qui m’angoisse beaucoup.
J’ai dû remonter dans le passé pour aller vers le présent et le futur en me posant la simple question : qu’est-ce qu’on est en train de devenir ?
Dans le passé, le Moyen Âge est une civilisation où s’est développé la culture et où la femme avait une grande influence. Ce qui n’est plus vraiment le cas. J’ai donc cogité longtemps et l’idée m’est venue de mêler passé et futur, humain et machine qui le déshumanise et fait peu à peu disparaître l’animal ».
Ainsi la voici dans un mode de création tout à fait différent de son passé à elle, pas si lointain mais très loin de ce que son esprit créatif nous donne aujourd’hui à voir, c’est-à-dire des toiles conçues comme des puzzles, mêlant la peinture, le collage de plein de choses, sinon hétéroclites car elle ne sont jamais là pour rien, du moins originales et symboliques, cernant ses personnages issus d’histoires anciennes.
C’est un inventaire à la Prévert où l’on retrouve des papiers peints, des papiers précieux, des dentelles, des tissus, des clefs rouillées, des poignées de tiroirs, des rouages de montres et des pièces récoltées dans des ordinateurs qu’elle a fait voler en éclats. Tout cela bien sûr avec des intentions précises, une imagination débordante, une originalité folle et une forte symbolique sur le questionnement de l’avenir de l’homme.
Ce n’est pas toujours réjouissant, c’est beaucoup moins serein que ses toiles « d’avant », ça pose question mais on trouve malgré tout un fond d’optimisme sur le fait que si la machine gagne sur l’Homme, en fait c’est l’Homme qui un jour reprendra le dessus et ne disparaîtra pas. Du moins, elle ose le croire et l’espérer.
A l’inverse de ses anciennes toiles éclatant de jaune, d’oranges, de rouge, d’or, nous sommes là devant des tons plus froids car déshumanisés par les machines et les ordinateurs, mais avec toujours un fourmillement de détails que l’on découvre au fur et à mesure qu’on entre dans la toile, car tout ne nous saute pas aux yeux sur l’instant et chaque toile a une histoire.
Ainsi, par exemple, ces « Troubad’ours », couple apparaissant dans une scène baroque, issu d’une photographie qu’elle a prise en revêtant se couple d’amis dans des costumes moyenâgeux mais où des têtes d’animaux ont remplacé leurs visages cernés d’éléments d’ordinateurs. Comme encore « La légende de la fille du roi d’Ys », évocation de cette égérie féminine, qui fut certainement la première féministe, à qui l’on donnait des pouvoirs surnaturels et condamnée par l’église.
« Chat-man » est on ne peut plus symbolique, la toile disant que le jour ou l’homme et l’animal se réconcilieront, ils vaincront la machine qui nous asservit.
Bien sûr la femme est omniprésente dans son oeuvre, qui est plus que l’avenir de l’Homme mais l’avenir de l’humain. Ainsi ces trois femmes semblant sortir d’un roman du XVIIIème siècle (Peut-être les trois grâces), entourées de livres, de poésie, d’art, de musique, les clefs du savoir issues d’une éducation qui « si elles ne l’ont pas, elles sont foutues » ajoute Sylvie en riant.
Derrière toutes ces toiles, plein de questionnements sur le devenir de l’humain, sur la liberté de vivre et de penser, sur la mémoire artificielle qui nous enveloppe de plus en plus… Une vraie réflexion philosophique qui nous pose des questions : Où va le monde ? Où le futur nous mènera-t-il ?
C’est installée dans la nature, du côté de Solliès-Pont que, durant près de six mois, après avoir beaucoup cogité, que Sylvie s’est lancé ce nouveau défi, a pris un grand tournant, presque une révolution plus qu’une évolution dans son cheminement d’artiste qui se remet en question et sa pensée de femme qui s’interroge sur le futur de l’Homme.
Jacques Brachet
Photos Monique Scaletta
Pour découvrir ces nouvelles oeuvres de Sylvie de la Fuente :
– Foire de Paris, Porte de Versailles,du 27 avril au 8 mai.
– Sm’ar’Aix, Parc Jourdan, Aix-en-Provence, du 17 au 21 mai.