Pour ce nouveau Théma qui va durer de Décembre à janvier le Liberté, scène nationale, s’est mis aux couleurs de l’Afrique avec un hommage appuyé à Jean Rouch, ingénieur au Niger, puis photographe, cinéaste, ethnologue, dont le titre d’un de ses films « La Pyramide Humaine » sert d’intitulé à ce Théma#.
Présentation dans le Hall du théâtre par Pascale Boeglin-Rodier co-directrice avec Charles Berling du Liberté, scène nationale, en compagnie de Thiefaine Samson responsable des programmations thématiques, et des artistes invités : Catherine Ruelle, grand reporter et critique de cinéma, présidente de l’association Centenaire Jean Rouch 2017 ; Andrea Paganini, philosophe, anthropologue chercheur dans les archives de Jean Rouch, également délégué général de l’association ; et René Giraud organisateur des expositions de L’ « Atelier Avant Seize » en divers lieux de la ville.
D’entrée Le Liberté pose la question : « Que seraient les hommes sans les hommes ? Certainement que la plus belle de toutes les pyramides du monde est bien celle que forme l’humanité elle-même. » Chercher et trouver des réponses tout au long de ses deux mois.
Catherine Ruelle nous rappelle que Jean Rouch (1917-2004) fut dès le départ un révolutionnaire dans l’art de filmer, avec une petite caméra légère qui lui permettait de tourner autour des personnage, de filmer d’une façon très fluide. Ajoutons qu’il est avec Edgar Morin, fondateur du cinéma-vérité, mouvement qu’il a théorisé dans son film manifeste « Chronique d’un été » en 1961, et qu’il influença les cinéastes de la « Nouvelle Vague » dont Jean-Luc Godard, et au théâtre Jean Genêt et Peter Brook. Il réalise 120 films (on vient d’en redécouvrir 26), plus de 30 000 photos. Il mourut dans un accident de voiture au Niger ; il est enterré près de Niamey. Il reçut les plus grandes récompenses pour ses différentes œuvres.
René Giraud présente des photos prises par des Africaines qui allaient de village en village, y vivant, assistant et participant aux diverses cérémonies. Résultat, environ 5000 photos desquelles René Giraud en a extrait une sélection présentée dans quelques boutiques de Toulon.
Après cette présentation on pouvait assister au film « La Pyramide Humaine » phrase qui vient d’un poème assez obscur de Paul Eluard. On est au lycée d’Abidjan en classe de première en 1959. Noirs et Blancs, filles et garçons, sont dans la même classe, ils sont copains, les Noirs plus travailleurs aident parfois les Blancs, assez paresseux, dans leurs devoirs. Une jeune fille, Nadine, arrive de Paris, elle trouve bizarre qu’ils ne se fréquentent pas en dehors de la classe. Jean Rouch va les faire jouer, improviser, cet essai de mixité.
Après bien des réticences des deux côtés, on tente l’aventure et ça marche, malgré quelques troubles, surtout à cause de Nadine, belle, qui enflamme les garçons et leur donne des espoirs par sa coquetterie inconsciente. Elle ne connaît pas tous les problèmes inhérents à la colonisation. Le film se termine par un drame, un garçon se noie, Nadine rentre à Paris. Le groupe reste soudé. Jean Rouch dit alors que le film, qui existe maintenant, a créé une réalité. Hélas l’Histoire nous a montré que ce n’était qu’un rêve.
Outre le naturel des acteurs amateurs, ce qui frappe c’est qu’il n’y a aucune différence physique, hors la couleur de peau, entre ces jeunes gens. Même élégance, même façon de s’habiller (ah ! les jupes vichy !), de se coiffer, de bouger ; même goûts, même lectures, amour des mêmes poèmes, de la musique, mêmes réactions devant l’amour, les choses de la vie, même morale. L’intégration était réussie, et pourtant chaque groupe avait une grande lucidité sur les différences de conditions entre Blanc et Noirs, mais ils avaient réussi à les surmonter. C’est là qu’on se dit que la décolonisation a été un dramatique ratage.
Après la projection un débat fut animé par Catherine Ruelle et Andrea Paganini.
Pendant ces deux mois on pourra voir l’exposition des photos de Jean Rouch dans le hall, l’exposition hors les murs, des films, assister à des conférences, des rencontres, des chorégraphies, des concerts, une nuit de la lecture, une nuit liberté danse/DJ Set, participer à des ateliers, et les enfants ne sont pas oubliés. De quoi finir cette année et commencer la suivante en beauté.
Serge Baudot
Programme détaillé et renseignements www.theatre-liberte.fr et dans les lieux habituels.
Tel : 04 98 00 56 76