Archives mensuelles : mars 2017

Rebecca SAPPINO et Stéphanie PUJOL
Deux gazelles six-fournaises à l’assaut des dunes marocaines

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Deux six-fournaises, deux complices. L’une a une agence immobilière à Ollioules. L’autre travaille au Palais des Congrès de Toulon. Elle se sont connues par le mari de la seconde qui travaille à TPM. Et elles se sont trouvé très vite plein de points communs et surtout le goût de l’aventure. Au point qu’elle ont décidé de former le duo N°199 du Rallye des Gazelles qui partira d’Elfoud au Maroc via Nice, Barcelone, Tanger, Mekness, le vendredi 17 mars pour arriver à Essaouira le 1er avril… Et ce n’est pas une farce !
Séance photos sur la plage du Cros, au restaurant la Spiaggia où on les a rencontrées et où elles nous ont présenté leur 4×4 qui durant 15 jours sera leur habitacle de 6 heures du matin à 19 heures !

Comment vous est venue idée de partie au rallye ?
Stéphanie
: En 2002, je me suis retrouvée en touriste au Maroc durant ce rallye. Et je me suis dit qu’un jour je le ferais ! Lorsque j’en ai parlé à Rébecca, l’envie n’était pas loin. On a décidé de le tenter ensemble.
Rebecca: Je suis une grande voyageuse, j’adore les grands espaces, j’ai parcouru la Hongrie, l’Australie, le Chili mais je n’avais pas encore « rencontré » de vraies dunes, un vrai désert. Je vais donc à leur rencontre avec Stéphanie… de manière plus originale et sportive que touristique !
Je suppose quand même qu’il y a un certain temps de préparation ?
Stéphanie
: Oui, d’abord il faut une préparation mécanique et comme on voulait ne faire participer que des six-fournais, nous avons loué le 4×4 chez Hakken Raid et je dois dire que Bruno et Dominique, préparateurs de rallyes, nous ont beaucoup aidées.
Rebecca: Par contre, le plus dur a été de trouver de l’argent car faire un tel rallye coûte cher : il y a l’inscription qui coûte 15.000€, il y a 6.000€ de location du véhicule, l’achat de matériel, le stage de navigation, sans compter le flocage, les frais de voyage et d’hôtel… Le vrai parcours du combattant car il nous fallait trouver 30.000€ !
Stéphanie : Pour la communication, nous avons été aidées par Janet James qui est pilote et a déjà gagné le rallye trois fois. Par contre, nous avons été suivies par beaucoup de gens.
Comment se déroule ce rallye ?
Rebecca :
Lever à 4 heures du matin pour démarrer à 6h. On nous remet un chemin à suivre sans GPS, sans portable. On doit suivre le chemin et arriver à l’étape à 19h. Passé ce délai, si l’on n’a pas rejoint l’étape, on doit passer la nuit là où l’on est et bien sûr, on perd des points. Comme lorsqu’on se trompe de chemin. A chaque fois on est pénalisé. Il faut donc finir dans les temps !

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Combien y a-t-il de « gazelles » au départ ?
Il y a 160 équipages, ce qui fait 320 gazelles puisqu’il n’y a que des femmes. Il y a quinze nationalités représentées, les Françaises étant majoritaires.
Évidemment on va suivre votre aventure. Vous allez, je pense, faire des photos et les poster sur Face book ?
Stéphanie :
Il faut savoir qu’on n’a pas le droit d’avoir d’appareils photos ! Mais les organisateurs nous suivent, entre autre en hélicoptère et font des photos qu’ils mettent chaque soir sur le site. A la fin du rallye nous avons chacune un pack photo… qui vaut 900€ ! On a seulement le droit de recevoir des messages que l’on nous remet à chaque étape !
Même onéreuse, c’est une belle aventure !
Rebecca  :
Bien sûri mais on aime l’aventure, c’est un beau défi, une belle aventure humaine… et on verra si l’on peut se supporter 24 heures sur 24 ! Je crois qu’il faut qu’on reste sereine, ne pas avoir peur de se parler lorsque quelque chose ne va pas et savoir que c’est un challenge qu’on ne recommencera peut-être pas une seconde fois. Il faut donc l’aborder dans les meilleures conditions, avoir de l’énergie, en vouloir…
Pas de problème avec votre boulot, avec votre famille ?
Rebecca: non. Nous sommes deux sur l’agence donc ça ne pose pas de problème. Quant à mon mari et mes deux enfants, ils me soutiennent à 100% et sont fiers de moi.
Stéphanie : Je n’ai pas eu de problème car tout mon entourage est fier que nous tentions cette aventure et tous nous soutiennent. Je voudrais ajouter que nous nous sommes engagées avec l’institut Paoli Calmette qui traite du cancer. J’y ai été confrontée dans ma famille et nous avons décidé que s’il nous restait de l’argent nous le reverserions à l’institut.

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On ne peut que souhaiter bonne chance à nos deux gazelles six-fournaises et les suivre sur face book : juste gazelles Stéphanie Rebecca équipage 199.

Jacques Brachet

 

NOTES de LECTURES
Par les Plumes d’Azur

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Russel BANKS : Continents à la dérive (Ed Actes Sud)
Traduit de l’américain par Pierre Furlan

Bob un jeune père de famille trentenaire, ouvrier chauffagiste dans une petite ville du New Hampshire convainc sa femme de tout plaquer : leurs paysages, leurs habitudes et leurs amis pour rejoindre la Floride où son frère a fait fortune, où il espère échapper à sa modeste condition et rejoindre le mirage d’une nouvelle vie. Commence alors une espérance démesurée dans son nouveau job. C’est la course aux gains et à la quête de la respectabilité qu’il peine à acquérir parmi ces jeunes noirs tous voleurs et violeurs vivant armés, sans pour autant négliger l’amour brulant pour une femme noire. Menant une double vie, il trafique avec son meilleur ami dans des affaires de plus en plus louches et s’enfonce de plus en plus.
En parallèle, la jeune Venise, âgée de vingt et un ans, accablée par la misère, les catastrophes climatiques, la ségrégation, la violence, fuit Haïti avec son bébé sans père et son jeune neveu pour gagner à son tour la Floride en embarquant clandestinement et où les attend le père de son neveu
La vie et la tragédie feront se rencontrer ces deux personnages qui, espérant trouver le pays de cocagne, s’effondreront dans le drame de l’univers impitoyable réservé aux abandonnés de l’existence.
Ce roman âpre et bouleversant, écrit il y a plus de vingt ans et nouvellement traduit par Pierre Furlan n’a rien perdu de son actualité. Il nous entraine dans la dérive des populations sinon des continents et dresse un bilan bouleversant de l’échec du rêve américain. L’écriture imagée et colorée nous fait parcourir les continents et les mers à travers le désarroi de ses héros. Malgré certaines longueurs le roman de Russel Banks est une radioscopie d’un peuple en désarroi et d’une Amérique terre d’asile utopique.

Isabelle DESESQUELLES : Un jour on fera l’amour (Ed Belfond)
Si le titre du dernier livre d’Isabelle Desesquelles peut agacer, la lecture de ce roman reste touchante par sa sincérité et son écriture à la fois sensible et efficace.
La perspective dudit « jour » tient certes le lecteur en attente, mais au fil des pages, la relation sexuelle n’apparaît plus comme essentielle, c’est une étape en quelque sorte, « une escale, qui ne fait pas le voyage » !
Il s’agit bien alors de raconter l’émotion que provoque une rencontre entre deux personnes et la construction qui en résulte.
Elle, c’est Rosalie Sauvage, du type énergique, efficace et collectionneuse d’amants. Lui, c’est Alexandre, gentil rêveur sentimental, héritier d’une salle de cinéma, le Rosebud, et nostalgique des héros, amants inoubliables observés lors des projections de films alors qu’il était enfant.
La rencontre se fait par miroir interposé alors que Rosalie, de dos, essaie une robe en magasin; Alexandre, subjugué par « cette nuque dévoilée » n’a que vingt quatre heures pour en faire » la femme de sa mort parce que c’est ça, non, la femme d’une vie ? »
Le récit banal de cette quête devient alors prétexte à disserter sur le thème où le sentiment qu’il soit filial, amical ou amoureux, devient un but de recherche et d’exigence avec sincérité et désir d’absolu.
Des personnages fictifs mais un vrai sujet de réflexion.

dufresne Faye

Julien DUFRESNE-LAMY : Deux cigarettes dans le noir (Ed Belfond)
Ouvrière dans une usine de parfums dans le nord de la France, Clémentine vit seule dans une cité de la banlieue parisienne après avoir rompu avec le père de l’enfant qu’elle porte. Au moment d’accoucher elle part en voiture vers la maternité mais elle percute une ombre longiligne aux grands cheveux gris en train de fumer une cigarette dans la nuit. Elle ne s’arrête pas mais apprend quelques jours après que la célèbre danseuse Pina Bausch dont elle suit la carrière est morte. C’est elle qui l’a tuée. Clémentine va se laisser happer par l’univers de la danseuse, elle va vivre dans une réelle obsession. A travers les chorégraphies elle s’ouvre à la vie, s’échappe de sa cité lugubre. La maternité, la danse, la vie, la mort se côtoient. S’ensuit alors un roman à deux voix où elle va évoquer sa propre vie de fille adoptée, son ratage malgré toutes ses bonnes intentions de réussite, l’incompréhension dont elle est entourée, et la vie de la danseuse à la recherche de l’absolu et de la perfection des expressions parfaites du corps.
C’est une vraie découverte d’appréhender la danse à travers cette artiste idéalisée et l’échec de la petite ouvrière pétrie de fantasmes. Une histoire folle, touchante, fascinante, dont la fin est surprenante.
Magnifique petit roman à l’écriture brillante, simple et envoutante dont l’auteur n’a pas fini de faire parler de lui je pense.

Eric FAYE : Eclipses japonaises (Ed Le Seuil)
C’est une histoire d’espionnage entre Nord Coréens et Japonais, à partir de faits réels et peu connus, le Japon étant considéré comme l’ennemi numéro un de la Corée du Nord.
Des disparitions étranges d’hommes et de femmes, ont lieu dans les années 60 jusqu’à nos jours, capturés par la Corée du Nord pour « convertir » des espions coréens en parfaits japonais. Le but ayant été atteint, les capturés restent sous le joug du pouvoir coréen et demeurent en Corée contre leur gré.
Ce roman révèle quelques-uns des parcours de ces disparus qui s’entrecroisent, des petits récits qui restituent leur vie à des êtres oubliés. Telles ces deux japonaises Naoko Tabane, enlevée à treize ans et Setsuko Okada, qui voulait être infirmière, ou un archéologue qui n’a jamais pu envoyer sa thèse ayant été enlevé. On suit leur destin sur plusieurs années sous le régime dictatorial de la dynastie des Kim.
Combinant avec brio fiction et réalité l’auteur lève le voile sur ces pages particulièrement sombres de l’Histoire en donnant la parole à tous ces mystérieux volatilisés.
Fascinant dans sa forme ce roman au style sobre est construit comme un puzzle. Un roman bien documenté, au suspense digne des plus grands romans d’espionnage.

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Laurent GOUNELLE : Et tu trouveras le trésor qui dort en toi (Ed Kéro)
Elle est athée et conseillère en communication. Il est prêtre et son église est pratiquement vide. Ils sont amis d’enfance.
Elle lui suggère d’utiliser ses méthodes pour attirer les fidèles. D’abord réticent, il constate vite le bien fondé de ses conseils et son église se remplit. Quant à elle, cette décision l’amène à étudier différentes religions et cette plongée dans la spiritualité ne reste évidemment pas sans conséquences pour son égo.
On assiste aux réflexions engendrées par ce parcours sans que cela devienne fastidieux pour le lecteur, les réflexions en question étant toujours à la portée du lecteur lambda.
Une note d’humour est de temps en temps générée par les réactions des paroissiens.
Lecture facile sans plus.

Hubert HADDAD : Premières neiges sur Pondichéry (Ed Zulma)
Hochéa Meintzel décide de quitter Israël après l’attentat qui a coûté la vie à sa fille adoptive. Violoniste mondialement reconnu, il accepte l’invitation du festival de musique carnatique à Chennaï en Inde du Sud. Accompagné de la douce Mutsuwani, de confession Jaïniste, il traversera tout le sud de cet immense pays fort de contrastes, de personnages improbables, de couleurs, de sonorités et de surprises comme ces étonnants flocons de neige sur Pondichéry, triste phénomène dû à la pollution du phosphore sur la mer.
Hubert Haddad écrit sur la tradition juive mais surtout sur la musique, la richesse des sons, festival de la vie qui se perpétue à travers les quelques notes d’une musique oubliée et entendue derrière une cloison, des notes qui évoquent les douleurs enfouies du passé du vieil homme, rescapé du ghetto de Lodz.
Somptueux roman où musique, écriture et peinture sont intimement mêlés.

L.Nelson luka_novak

Jessica L.NELSON : Debout sur mes paupières (Ed Belfond)
Le titre du roman de Jessica L. Nelson, premier vers emprunté au poème « L’Amoureuse » de Paul Eluard, présage d’une lecture complexe puisque le lecteur va s’embarquer dans une réflexion sur l’obsession et la réalité qui s’imposent à l’artiste créateur.
Difficile donc de suivre ce récit, à la fois genèse de la création artistique, où narratrice, artiste, et modèle inspirant, se confrontent dans une proximité troublante entrecoupée d’échanges avec l’éditrice du livre en écriture !
Qui est réellement l’héroïne de ce roman ?
On hésite entre Elisabeth M, sculptrice illuminée retrouvée à moitié nue et endormie dans un parc parisien, son modèle référent Lee Miller, muse des surréalistes, ou tout simplement la création artistique.
S’ajoute à ces considérations, un état des lieux de la place de la femme artiste dans la création, ses combats pour se dédouaner de son rôle d’épouse et de mère génitrice mal assumé.
Le dernier chapitre du roman s’intitule « Une vraie fin ».
Ultime « aventure ahurissante » pour le lecteur !

Luka NOVAK : Le métro, inconscient urbain (Ed : Léo Scheer)
Pour Luka Novak fils d’un correspondant d’un grand journal slovaque à Paris, la découverte du métro parisien fut une révélation. Il raconte ses incursions dans des stations mythiques comme Passy et le grand bouleversement qui le chavire mêlant esthétisme, modernité, complexité. Il compare les différentes lignes aux synapses du cerveau, l’érotisme, la faille de Passy, la praticité : chaque station n’est pas éloignée de plus de cinq cents mètres de la suivante. Pluriel, il s’infiltre dans tous les quartiers.
Bref il le définit comme le « Best of » de tous les métros du monde, mieux que Londres, mieux que Tokyo.
Essai original et enlevé sur le rôle du développement de la capitale française en fonction de son métro, mêlant urbanisme, sémiologie, psychanalyse et philosophie et tout cela non sans humour.
Agréable à lire et très réconfortant… Cocorico !

 

 

 

 

 

 

 

Villeneuve-lès-Avignon
Cédric POLLET à l’Abbaye St André
L’homme qui murmure aux écorces des arbres

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C’est dans ce lieu magnifique et magique, l’Abbaye St André à Villeneuve lès Avignon, que Cédric Pollet a installé ses œuvres photographiques.
C’est un Niçois hors norme que Cédric Pollet, à la fois ingénieur paysagiste, botaniste et photographe qui a très vite été attiré, d’abord par les arbres de sa région et qui, très vite, est tombé amoureux de leurs écorces, en découvrant que, si l’on y prêtait attention et s’en approchait au plus près, la nature nous offrait de véritables oeuvres d’art. Après avoir fait le tour de celles-ci dans sa région, épris de voyages et passionné de photo (il est autodidacte), il est parti à travers le monde en « quête d’écorces », traversant 35 pays, découvrant et photographiant plus de 500 espèces.
C’est en Angleterre, où il est tombé amoureux d’un chêne plus que centenaire qu’il a photographié sous toutes les coutures, que sa double passion pour les arbres et la photographie a pris naissance, lui révélant le monde des écorces, ses richesses, ses formes, ses couleurs changeantes, véritables œuvres d’art à elles seules.

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Il en découvre les textures, les couleurs qui changent selon les saisons, l’hydrométrie, le sol, le climat, le soleil et la pluie, la chaleur et le froid…
Ainsi photographie-t-il au fil des mois, des saisons, des années et il nous offre aujourd’hui cette exposition éclatante de couleurs, de formes et de beauté qui, précise-t-il, ne sont ni retouchées ni « photoshopées » !
Depuis des années, il photographie, il récolte, il collectionne et répertorie bois et écorces regroupés dans un lieu aujourd’hui trop étroit pour contenir tous ses trésors qu’il a installés dans une pièce de la maison de sa mère et qui constitue une « phloiothèque », mot qu’il a inventé puisqu’il n’en existait pas pour ce genre de collection. Petit musée qu’il espère pouvoir bientôt installer dans un plus grand espace, regroupant tous ces échantillons par familles botaniques et y ajoutant quelque deux mille fruits et graines.

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Il possède des contacts dans le monde entier, le parcourant pour rencontrer, échanger, découvrir et bien évidemment photographiant ces étranges et multiples formes et couleurs qui aujourd’hui inspirent peintres, céramistes, designers tant est surprenant et magnifique le résultat. A noter qu’aujourd’hui il possède aussi une photothèque de quelque 20.000 clichés.
Il organise aussi des stages d’initiation avec la passion qui est la sienne et il est également l’auteur de trois livres formant un triptyque : « Ecorces, Voyage dans l’intimité des arbres du monde » – « Ecorces : galerie d’art à ciel ouvert » – « Jardins d’hiver, une saison réinventée », magnifique livres d’art qui nous font voyager dans la beauté des arbres du monde et où il vous conseille, pour le dernier, afin de créer un jardin où toutes les saisons sont prétextes à la découverte et l’émerveillement.
Sa passion et son talent, il nous les fait partager dans ce lieu ancestral qui met ses œuvres en valeur et que l’on peut admirer jusqu’au 26 avril.

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Un peu d’Histoire : L’abbaye St André
Installée au cœur du fort éponyme qui a été construit pour la protéger, cette abbaye bénédictine se situe au sommet du Mt Adaon, à Villeneuve-lès-Avignon, dans le Gard.
Commandité à la fin du XIIIe siècle par Philippe le Bel, le fort est réalisé dans les années 1360 sous Jean le Bon. Alors que l’abbaye est devenue une abbaye royale
C’est en 1916 que Gustave Fayet, ami de Gauguin, rachète le lieu tombé en désuétude et en ruine. Aidé de la poétesse Elsa Koeberlé, il la rénove peu à peu, y fait revivre ses jardins à l’italienne faisant, depuis 2014, partie des jardins remarquables. Ainsi rénovée et embellie, elle y retrouve son faste et y voit passer des noms illustres tels que Paul Claudel ou Robert Doisneau. C’est la petite-gille de Gustave Fayet, Roseline Bacou, qui prend la relève et va continuer le magnifique travail de reconstruction et d’embellissement. Et aujourd’hui, les nouveaux gestionnaires de la famille, Gustave et Marie Viennet, petits-neveux de Roseline Bacou, y continuent cette belle tradition, leur récompense étant les deux étoiles obtenues au guide vert Michelin.
L’abbaye est devenu, outre un lieu de promenade empreint de romantisme et de sérénité, un lieu où l’on découvre de multiples artistes grâce à ces expositions, des ateliers et à des concerts donnés dans les jardins.

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G

Jacques Brachet
Photos Monique Scaletta
Abbaye St André – Rue Montée du Fort – 30400 – Villeneuve lès Avignon
www.abbayesaintandre. fr www.cedric-pollet.com/photo

Il nous fait danser sous la pluie
Florent MOTHE, le nouveau romantique

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C’est le beau ténébreux romantique par excellence et pourtant son sourire est lumineux, limite carnassier.
Il l’a prouvé dans ce rôle de Salieri dans « Mozart, l’opéra rock », puis dans celui du « Roi Arthur » où il avait le rôle-titre.
Entre temps, il a été l’élégant danseur de « Danse avec les stars » auprès de sa coach et partenaire Candice Pascal et il nous offre enfin son nouvel album « Danser sous la pluie » (Warner).
Le voici donc en tournée promo avant de partir pour une grande tournée à travers la France.
C’est toujours un plaisir de retrouver ce garçon charmant, l’un des rares aujourd’hui à être toujours abordable, simple et éminemment sympathique.
Florent, lors de notre dernière rencontre à Toulon pour « Mozart symphonique », tu m’avais dit avoir tournée la page « comédie musicale » pour ne te consacrer qu’à ton second disque et…
Et me voilà dans « Le roi Arthur » ! Mais c’est Dove Attia qui est venu me chercher et c’est difficile de refuser la proposition, d’abord parce que grâce à lui j’ai fait « Mozart » et puis parce que c’est très flatteur d’être choisi par lui une seconde fois lorsqu’on sait qu’il préfère choisir de nouveaux talents. Donc, me rappeler après « Mozart » pour interpréter le rôle principal, comment refuser ?
Et du coup, ton disque a été reculé.
Oui, ça m’a permis de prendre plus de temps pour le faire. Tu sais, avant que le « Le Roi Arthur » soit sur scène il se passe beaucoup de temps de préparation. Ce temps m’a permis de continuer à écrire, pour moi, pour Lilian Renaud et pour Céline Dion.
Tu as fait fort, lorsqu’on sait le nombre de propositions que reçoit Céline Dion !
C’est vrai, c’est une grande chance, d’autant que je n’avais rien demandé. C’est son équipe, qui a entendu une maquette que j’avais faite pour moi avec Mutine, qui est venu me dire que c’est exactement ce qu’elle cherchait et m’a demandé de faire des propositions. Nous avons travaillé sur des textes de Grand Corps Malade, ce qui était déjà un plaisir extrême, et Céline a choisi trois chansons : « L’étoile », « Les yeux au ciel », « Le bonheur en face »
Ça a dû être un peu stressant ?
(Il sourit). Eh bien non, je ne me suis pas mis la pression car je pensais qu’il y avait peu de chances même si j’avais le rêve en tête ! Et c’est vrai que c’est un bonheur d’être chanté par une telle artiste. C’est très émouvant.
Revenons à ton nouvel opus.
J’ai travaillé sur tous les titres en compagnie de L.I.M, un rappeur assez underground et Renaud Robillaud qui a travaillé pour Maître Gims, Black Eyed Peas…
Ils semblent loin de ton monde !
Pas tant que ça. Avec L.I.M, nous avons une sensibilité proche. Chez Renaud, j’aime sa façon d’envisager la musique « commerciale », sans que ce soit péjoratif. En fait, ils sont un peu dark comme moi mais ils donnent des choses positives, ce que je recherche.
Tu es si dark que ça ?
(Il rit). Je suis un éternel rebelle ! J’écoute beaucoup de Heavy Metal, de hard rock ! C’est ce côté « dark » qui a fait que j’ai eu le rôle de Salieri. Je suis aussi très optimiste, très humaniste même si je suis un éternel indigné. Et puis, lorsqu’on est un peu dark comme moi, cela donne quelquefois des choses positives, solaires.
Tu es Indigné de quoi ?
Je m’indigne contre l’injustice, contre beaucoup de choses que l’on vit aujourd’hui dans ce monde qui devient difficile, même si ce n’est pas en France qu’on est le plus malheureux. Et puis, mon côté optimiste reprend le dessus et je me dis qu’il y aura toujours des Gandhi, des Simone Veil pour sauver quelque chose. Il faut y croire.

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Rencontre au Zénith de Toulon pour « Mozart symphonique »

Comment s’est passé ce travail à trois ?
On se l’est fait rock’n roll !
Nous nous sommes installés dans un studio et nous avons commencé à… manger et boire ! Etant donné qu’on se connaissait peu c’était un bon moyen de faire connaissance, de s’apprivoiser. On a beaucoup parlé de nous, de ce qu’on voulait faire et on a commencé à travailler, à chercher des mélodies, à écrire des phrases sur des mélodies, à trouver des thèmes. Nous avons fait beaucoup d’allers-retours dans ce studio.
Ta carrière a décollé à Toronto ?
J’ai commencé très jeune en France. Je jouais de la guitare, du piano, j’ai créé des groupes avec lesquels je tournais. Puis je suis parti à Toronto où je jouais dans des restaurants où l’on ne m’écoutait pas. Je suis allé chanter dans le club d’Emmy Winehouse, le Mod Club, où je passais avant le DJ qui animait la soirée. C’est une très bonne école. Là, je suis arrivé à me faire entendre et j’ai été repéré. C’est parti de là.
Question qui fâche… L’Eurovision. des bruits couraient que ce serait toi ?
Des bruits… Il n’y a rien à dire sinon qu’un journaliste m’a demandé si j’aimerais faire l’Eurovision. J’ai répondu : « Pourquoi pas ? Ce serait une belle expérience ». De là est parti le bruit que j’allais le faire alors que je savais déjà qu’Alma avait été choisie !
Parlons donc d’autre chose de plus agréable : « Danse avec les stars ».
Ça a été une merveilleuse expérience, tant la compétition que la tournée. On me l’avait proposé il y a trois, quatre ans mais je ne me sentais pas capable de m’exprimer avec mon corps. Puis j’ai fait « Le roi Arthur » où je chantais, jouais et je bougeais. En plus, en jouant Arthur j’ai perdu 15 kg et je me sentais beaucoup mieux. J’avais pris assez d’assurance pour accepter, lorsqu’on me l’a re-proposé. J’avoue que je me suis lâché, je me suis éclaté, il y avait une super ambiance avec tout le monde et une belle complicité avec ma coach Candice Pascal. Et ça a continué avec la tournée où cette fois, il y avait moins de stress puisque la compet’ comptait pour du beurre !
Te voilà donc prêt pour ta tournée. Que va-t-il s’y passer ?
D’abord je démarre avec un concert à la Cigale le 23 mars puis je pars en tournée jusqu’à la fin de l’année. Nous serons quatre sur scène, trois musicien et moi qui jouerai de la basse et du piano. Et je vais raconter mon histoire, de Toronto à aujourd’hui, en mêlant les chansons de mes deux albums, celles des deux comédies musicales et quelques chansons qui ont compté dans ma vie. Tout ça sous forme de flash back.
Et j’ai hâte d’y être !

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Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Christian Servandier

Toulon – Le Liberté
Vu du pont

Le Théâtre Liberté de Toulon accueille du 28 février au 12 mars la pièce d’Arthur Miller « Vu du pont », dont la première version fut donnée en 1965.
Grand choc, avec des acteurs fabuleux dont un Charles Berling au sommet, magnifique tragédien qui n’est pas sans faire penser à Raimu : boule de sentiments contenus, enfouis, refoulés, qui peut exploser tout en laissant transparaître de la bonté, de la tendresse.
Rappelons tout d’abord ce que raconte la pièce, pièce qui fut jouée de nombreuses fois à travers le monde, et fut mise en film par Sydney Lumet en 1962. C’est une histoire d’immigrés italiens aux Etats-Unis, pas vraiment bien accueillis ; on voit tout de suite le rapport avec notre siècle. Eddie Carbone est un docker sur le port de Red Hook, c’est un gars solide, sérieux et travailleur. Il vit avec sa femme Béatrice et sa nièce Catherine. Ils habitent dans le voisinage du pont de Brooklyn. Débarquent deux clandestins, des cousins de Béatrice, Rodolfo et Marco, auxquels ils offrent gite et sécurité par solidarité familiale. Rodolfo est jeune, blond, beau garçon, charmeur ; il s’ensuit une idylle avec Katie qui va avoir 18 ans. Eddie qui l’a élevée comme sa fille est en fait amoureux fou d’elle, sans le savoir, ou sans se l’avouer ; il va s’en prendre à Rodolfo, et tenter de le déconsidérer avec de multiples raisonnements qui lui sont soufflés par sa jalousie. Tout est en place pour le drame, comme dans l’Andalousie de Garcia Lorca. Eddie va dénoncer les clandestins qu’il est censé protéger, et Marco le tuera.

C B

Eddie c’est Charles Berling, un bloc de souffrances contenues, qui éclatent avec de plus en plus de violence. Tout son corps traduit ce qui se joue en lui, le désir, l’amour pour la nièce, la honte devant sa femme à laquelle il ne fait plus l’amour, sa haine pour Rodolfo le rival, le sentiment de l’honneur viril, de la force du nom, qu’il clame devant Marco, homme droit, intransigeant, et plutôt borné. On est dans le fatum de la tragédie, alea jacta est, il faudra la mort pour qu’on revienne à la vie. Caroline Proust est Béatrice qui porte sur ses épaules la marche du foyer, elle a compris ce qui se passe dans la tête d’Eddie, elle essaie d’être le rempart, elle doit aussi assumer ses deux cousins et le fait que son mari la délaisse. Chez elle aussi le corps parle, elle est à la fois forte et touchante, elle est la sagesse. Catherine (Pauline Cheviller, merveille d’allant) est une jeune fille limpide, joyeuse, sans arrière pensée, ignorante du mal ; quand elle prendra conscience qu’il est là, elle va devenir grave : finie la joie, l’insouciance de l’adolescence. Rodolfo (Nicolas Avinée) joue très bien l’ambiguïté, il semble un bon garçon obéissant, puis on découvre qu’il est farceur, qu’il a de l’humour, qu’il danse et qu’il chante : est-il sincère avec Katie ? Il y a l’avocat (Alain Fromager, imposant) dans la fonction du chœur antique, mais aussi d’avocat ami d’Eddie et qui essaie, en vain, de le raisonner. Tous les comédiens sont absolument fabuleux, ils jouent avec une gestuelle d’aujourd’hui telle qu’on la trouve dans la classe sociale présentée. A noter la nouvelle traduction due à Daniel Loayza, dans une langue simple, plutôt classique, bien en bouche, qui ne cède pas au tics de langage à la mode Et la mise en scène et la direction d’acteurs du Belge Ivo van Hove sont d’une clarté, d’une précision, avec un à propos rares. Mise en scène toute de simplicité mais avec un choix des costumes, des lumières, des placements absolument dignes des plus grands éloges, dans une scénographie de Jan Versweyveld qui fait place à la beauté.
Le public entoure un parallélépipède noir qui va s’élever et laisser apparaître la scène, comme un ring sur lequel va se dérouler le combat psychologique, et finalement physique. Eddie et un copain de travail sont en train de se laver, l’eau coule réellement depuis les cintres, eau purificatrice. Ils s’habillent, le copain s’en va, et le drame peut se nouer. Une fois le sacrifice cathartique exécuté, le sang du malheur tombe des cintres sur les protagonistes figés au sol les uns sur les autres, et le couvercle se referme lentement comme une pierre tombale.

D E

C’est un moment sublime qui offre ce que le théâtre peut faire de plus beau.
Rappelons que Charles Berling fut le lauréat des Molières 2016, justement pour « Vu du pont », preuve que parfois les récompenses sont méritées.

Serge Baudot
Renseignements : www.theatre-liberte.fr – 04 98 00 56 76