Malgré la tragédie du 14 juillet à Nice, le Festival d’Avignon a fait le plein cette année, 95% contre 93% en 2015.
Le directeur du festival, Olivier Py, parle d’un « public engagé qui est devenu un public résistant »
Cette soixante-dixième édition ( du 6 au 24 juillet), malgré l’horreur de l’attentat commis à Nice, a présenté 63 spectacles au In : 120 000 spectateurs sur 126 000 billets mis en vente soit 4 941 de plus qu’en 2015.
Une nouveauté pertinente est à signaler cette année:
Au jardin Ceccano, spectacle gratuit -l’histoire du festival -de 1947 à …2086 par la compagnie de Thomas Jolly, « La Piccola Familia ».
C’est intelligent, vif, humoristique. 47 000 personnes ont écouté cette création joyeuse et foutraque: « Le ciel, la nuit et la pierre glorieuse »
Coups de griffe et coups de cœur, de l’énergie à revendre.
La fréquentation totale du Festival qui comptait pourtant trois jours de moins que l’an dernier, s’établit à 167 000 entrées contre 161457 en 2015, soit une augmentation de 6,5%.
« Avignon n’est pas un festival de divertissement, on y va pour y mettre plus exacte l’horloge de la conscience » a dit Olivier Py lors d’une conférence de presse.
Je ne passerai pas sous silence que le 16 juillet, j’ai été choquée qu’il n’y ait aucune phrase de compassion pour les victimes de Nice, lors d’un spectacle, au texte sulfureux, « 20 November » de Lars Noren : Comment comprendre un gamin qui s’empare d’une arme pour transformer les salles de cours de son école en un champ de massacre ?
L’auteur s’est inspiré d’une histoire vraie d’un jeune homme ayant commis une tuerie en 2006 dans son lycée à Emstetten en Westphalie. Compréhension « psychologisante » de la mentalité de ce tueur: « C’est la faute à maman; c’est la faute à papa; c’est la faute à l’école; c’est la faute à la société »
Tout en connaissant le travail documentaire de l’auteur, je ne puis m’empêcher de penser que, au vu des évènements niçois, ce spectacle aurait pu être déprogrammé.
A titre d’information, je tiens à dire que, suite au tragique évènement niçois, le festival de Jazz à Nice et celui de Juan les Pins, ont été annulés, malgré les engagements d’artistes internationaux et l’espérance de recettes non négligeables.
50 ans de Off – Le Off change de visage
Pour trois ans, un nouveau président a été nommé : Raymond Yama.
Du 7 au 30 juillet, le Off, 123 théâtres ont accueilli 1416 spectacles dont 1042 pour la première fois à Avignon, 292 spectacles non francophones, 135 venus de l’étranger, 8 d’Outre-mer et 1273 de France Métropolitaine dont 604 d’Ile de France! Que la Fête commence!
Le tri sélectif s’impose car le Off n’est pas un festival: il n’y a pas de programmateur.
Si vous avez mon âge (je ne vous le dirai pas!, mais vous saurez le déduire au vu de mes commentaires) vous ne serez pas tentés par la nième version de Molière, Racine, Corneille, (étudiée, rabâchée au collège, au lycée, à la fac), par les spectacles de marionnettes, de cirque, etc., puisque vous serez sans vos petits enfants…
Alors, quel choix ferez-vous? Et comment?
Pour ne pas vous égarer dans les 400 pages d’un programme du Off qui finit par avoir autant de conscience artistique que les Pages Jaunes; quand des jeunes continuent d’y perdre des sommes folles au profit d’investisseurs que l’argent étouffe plus que la honte, utilisez votre GPS culturel en repérant auteurs, dramaturges et théâtres permanents.
Et là vous aurez le plaisir de découvrir quelques pépites qui valent le détour!
Car l’art est toujours plus fort que l’institution.
CA VA, CA VA le MONDE 2016 – Quand RFI fait se croiser les imaginaires
Avec cette exclamation, ce salut, RFI invite spectateurs et auditeurs à appréhender l’actualité du monde par les mots du théâtre.
Du 15 au 20 juillet, cycle de lectures au jardin de la rue de Mons.
L’entrée est libre. Ce lieu a été réaménagé, offrant plus d’espace. Une disposition harmonieuse de la scène permet au public d’écouter avec un maximum de sérénité des textes à l’actualité brûlante. Les auteurs contemporains francophones sont issus d’Afrique, du Proche-Orient et de l’Océan Indien.
Du programme, j’ai pu écouter :
Le 15 juillet:
« TAIS-TOI ET CREUSE » de Hala Moughanie (Liban), lauréate Prix RFI du théâtre 2015; Publié aux Editions Arcane.
C’était le lendemain de l’attentat de Nice. Je n’oublierai pas la délicatesse de l’équipe dans l’hommage aux victimes.
« Tais-toi et creuse »: cette injonction est d’une telle violence qu’on imagine sans peine le contexte dans lequel elle a pu être dite: Guerre au Liban.
Dans ce pays, une bombe tombe dans la mer, les survivants dansent à la montagne. « Tais-toi et creuse » est le premier texte de théâtre d’Hala Moughanie. Il s’inspire des situations humaines dont elle a été témoin en juillet 2006 et qui font écho à sa propre expérience de la guerre, celle de 2006 et la « guerre civile » qu’elle a vécues enfant.
Le ton est donné: autodérision, mise à distance. Texte culotté, cruauté et humour. La pièce est mordante. Envoyée à la face de la tradition de l’oralité. Et si le monde arabe arrêtait de parler et allait chercher ce qui est à l’œuvre au-delà de la résilience qu’imposent la guerre, la violence, la souffrance toujours là?
Et si la réflexion s’articulait autour de la mémoire?
Le 16 juillet:
« A LA GUERRE COMME A LA GAME BOY » d’Edouard Elvis Bvouma (Cameroun)
Le caporal Boy Killer se réveille et apprend par la radio que la guerre est finie.
Du camp, la nuit, dans les herbes, il ne reste que lui sa « Kalache » et une jeune fille qui a été violée par le commandant., .
Pour la décider à la suivre, il lui raconte sa vie, cette vie qui n’est pour lui, que jeu vidéo où chacun est un personnage de BD ou de film. Au fil du discours de celui qui parle comme il tire, on saisit qu’il a mué en redoutable « Révolo »
Ce texte est à paraître à l’automne chez Lansman. Le fil est tendu de manière répétitive, exacerbée, entre des souvenirs de jeunesse riches en supports intellectuels (BD, cinéma, vidéo), et une logorrhée excessive signifiant une mutation qui fait froid dans le dos.
En raison de la fin de ma semaine avignonnaise, je n’ai pas pu hélas terminer ce cycle de lectures. Ils seront diffusés sur les antennes de RFI, tous les dimanches du 24 juillet au 28 août à 12h10 (rediffusion le lendemain à 00h10), et à retrouver en vidéo sur rfi.fr.
Au programme:
« Parfois le vide » de Jean Luc Raharimanana (Madagascar)
« e.passeur.com » de Sedef Ecer (Turquie)
« Si tu sors, je sors. Si je sors, tu sors » de Gustave Akakpo (Togo)
« Sank ou la patience des morts » de Thristide Tarnagda (Burkina Faso)
Par ailleurs, le prix théâtre RFI 2016 sera remis à Limoges dimanche 25 septembre dans le cadre du Festival « Les Francophones en Limousin ».
Soyez attentifs à ce théâtre, tel qu’il s’écrit sous les latitudes des pays cités précédemment: Les auteurs ont décidé de faire face au monde ou d’être tangents avec l’actualité. Théâtre qui n’est jamais loin de la vie, du combat pour la justice, la démocratie ou la dignité.
SPECTACLES du IN
LES DAMNES –
LES DAMNES d’après le scénario de Luchino Visconti – Mise en scène Ivo Van Love. Spectacle évènement du Festival 2016
Come-back de la troupe de la Comédie Française, après vingt-cinq ans d’absence. Jeu épuré, affûté, resserré. Epoustouflante fluidité du bal des techniciens sur scène.
Propos sulfureux de Visconti dont le film et son esthétique encombrent certainement les spectateurs qui ont vu le film.
L’enjeu n’est pas ici d’adapter le film culte. Van Love déclare vouloir « revenir au scénario pour le mettre en scène au théâtre ».
Y est-il parvenu? Manifestement oui, car le dramaturge utilise ce qui est connu mais dans une ordonnance première.
Objet essentiel de son travail : l’éloignement du sens, des sens, jusqu’à l’universalité.
Les Damnés ne sont pas seulement cette famille particulière, les soldats d’une cause monstrueuse ou ce peuple malheureusement fasciné, non: la damnation est bien plus vaste. On est ramené aux tragédies antiques, à l’origine de la violence. Ce sont les enfers que nous voyons. C’est la célébration du Mal.
L’histoire
Celle de la famille Essenbeck à l’heure du triomphe des nazis en Allemagne. Pour protéger leurs intérêts, ces maîtres de la sidérurgie ne voient d’autre alternative que de s’allier au nouveau régime et assassinent leur patriarche que cette idée répugne. Je vous laisse deviner la suite…
Ivo Van Love dit : « Comment ne pas penser à ces hommes tous jeunes qui, aujourd’hui, commettent des massacres parce qu’ils ne sont pas inspirés mais instrumentalisés par une idéologie ? »
Le monde des Damnés est absolument noir ! La fin de la pièce est terrible. Il n’y a presque pas d’espoir sauf, chez Herbert, l’humaniste. Il est le seul à ne pas accepter ce qui se passe, à dire qu’il est contre. A la fin, après l’assassinat de sa femme à Dachau, il revient parce que ses enfants sont menacés mais aussi pour dire qu’il faut que quelqu’un sache.
C’est là, que réside l’espoir, si mince soit-il, de la pièce.
ALORS QUE J’ATTENDAIS de Mohamed Al Atlar – Mise en scène: Omar Abusaada
Ce spectacle créé le 21 mai 2016 au Kunsten Festival des Arts à Bruxelles est une pièce engagée.
La pièce : Arrêté à un check point à quelques kilomètres de Damas, un homme jeune, 30ans, est battu par des militaires et se trouve dans un coma profond.
Il entend le chagrin, les secrets, les déchirures, les silences et les espoirs de ses proches qui composent avec la guerre.
Si la pièce a le mérite de dépeindre le quotidien damascène, ses faiblesses dramaturgiques sont hélas évidentes. Le spectacle manque d’ampleur poétique.
TRISTESSES
La Wallonne Anne-Cécile Vandalem a écrit, mis en scène et joue une pièce policière sur la montée de l’extrême-droite.
Comme le titre le laisse entendre, il n’y a pas qu’une seule tristesse, pas juste cette île où le politique change le cœur de chacun. Non, ce sont différents états de ce sentiment dévastateur, à l’ombre d’une jeunesse sacrifiée. Les humiliations du passé et du présent lui cèdent la place. Le cynisme s’efface devant l’émotion. Anne Cécile Vandalem cherche avec force à bousculer les consciences. Dans « Tristesses », elle joue une femme qui dirige le Parti du Réveil Populaire à Copenhague et se rend sur l’île où sa mère vient d’être retrouvée pendue.
Une île en plein déclin depuis la fermeture de ses abattoirs. Il reste huit habitants liés par un secret que Martha manipule…
La pièce mêle très intelligemment tous les genres: théâtre et cinéma. Les scènes qui se déroulent dans des maisons sont filmées et projetées sur un écran. On se croirait dans un film d’Aki Karismaki. Les pièces policières sont rares au théâtre. « Tristesses » en est une. Comédie, polar, film d’horreur, impressionnante. Essentiellement, parce que ces personnages incroyablement cruels sont paradoxalement très drôles.Son titre doit beaucoup à Gilles Deleuze pour qui « La tristesse, c’est « la diminution de la puissance d’agir ».
Le questionnement de la dramaturge est celui-ci: Comment faire pour l’empêcher dans le contexte de l’Europe d’aujourd’hui ? A.C.V. concrétise cette sensation, celle qui fait dire que l’extrême droite se nourrit de la misère qu’elle sème, répand et attise au sein des populations.
Ce thriller théâtral à partir d’une histoire vraie s’impose comme un réel coup de cœur. La destruction d’une communauté où la mort est vue comme l’apothéose de l’humiliation et de la culpabilité est glaçante. Les rapports extrêmes sont poussés à leur paroxysme et la pièce cruelle n’est cependant pas dépourvue d’humour.
« Tristesses » est une vraie réussite dramaturgique au goût de coup de maître qui marquera durablement cette 70° édition du Festival d’Avignon.
Deux heures de théâtre brillant, à l’humour froid, méchant et aux acteurs impeccables. La réalisation est formellement convaincante. A l’aide d’un dispositif musical et surtout vidéo; avec un beau travail sur la photographie, elle souligne la tragédie humaine qui se joue en individualisant le malaise collectif et en utilisant les gros plans comme un outil de direction des perversions.
A.C.V. est résolument une artiste à suivre dans les mois et les années à venir
KARAMAZOV
KARAMAZOV, d’après « Les frères Karamazov » de Dostoïevski – Mise en scène Jean Bellorini – Durée 5h30
Argument : « On compare parfois la cruauté de l’homme à celle des fauves, c’est faire injure à ces derniers. » (Dostoïevski) Roman fleuve et spectacle au long cours par un metteur en scène talentueux d’un théâtre exigeant et populaire sachant conjuguer le terrible et le joyeux, adaptation réalisée avec Camille de la Guillonnière, acteur, intronisé commère, récitante sur scène.
« Les Frères Karamazov » est un roman à tiroirs, réunissant intrigue policière, histoires d’amour et exposés métaphysiques. Les personnages inoubliables, déchirés par leurs conflits intérieurs recherchent une vérité qui n’a rien à voir avec une quête de la raison.. Quatorze comédiens dont un enfant souffre-douleur de ses petits camarades, pour camper cette fresque dans l’espace grandiose de la Carrière de Boulbon.
Il y a des rails, des chariots, des cabines de verre, datcha ou prison. Elles matérialisent l’enfermement et en même temps, donnent tout à voir, par effet de loupe. Entouré de sa troupe de comédiens-musiciens-chanteurs, le dramaturge souhaite rendre toute la force poétique et lyrique de l’œuvre.
Dans le roman, l’auteur condense sa conception du monde autour de la nécessité du Bien et du Mal. Dostoïevski pose la question de la nécessité de Dieu. Pourquoi invente-t-on Dieu: pour tenir debout et donner un sens à tout?
C’est l’obsession de Bellorini qui pense que l’homme croit par essence. Sa question est: « -Pourquoi a-t-il besoin de s’inventer ces figures pour se façonner? »
Le spectacle s’ouvre sur un magnifique chant russe en sourdine qui introduit d’emblée une notion de sacré. Il y a les fils légitimes, brillants de passion et de questions: Dimitri l’amoureux passionné, Ivan le philosophe, Aliocha le mystique. Face à eux, le bâtard, Smerdiakov, cynique et haineux, dégoûté par sa condition de domestique.
Au hasard de la vie, ces quatre frères se retrouvent dans la villa paternelle et se construisent tant bien que mal entre amour et abjection filiale. Les confrontations des frères à partir d’un enjeu financier concret génèrent une quête de la compréhension de l’autre et de soi.
Ils se heurtent à un père bouffon et jouisseur, face auquel aucune de leur ligne de vie ne tient. Le meurtre qui fait vriller le roman philosophique en roman policier met cette fratrie tourmentée face à la question de la responsabilité et de la culpabilité.
L’abandon de Dieu, le libre arbitre, les mécanismes de haine ordinaire sont questionnés. Pourquoi l’homme a-t-il besoin de s’inventer Dieu pour vivre et s’élever? Question plus que jamais prégnante. Jean Bellorini se dit fasciné par les questions et contradictions que l’auteur soulève.
Dans Karamazov, « il n’y a ni justice morale, ni justice divine, ni justice citoyenne. C’est un grand chaos ». Les personnages sont loin d’être des archétypes! Il est d’ailleurs troublant de penser que le roman devait être suivi par un second Opus où Aliocha revient en terroriste fanatique afin de renverser l’Empire. L’enquête policière est noyée dans la réflexion métaphysique. Les longs monologues où les personnages débattent à l’infini du péché, de la rédemption, de la morale, de l’injustice et de l’ordre du monde ont aujourd’hui du mal à passer la rampe.
Cependant je ne puis passer sous silence que ce spectacle se différencie de la sophistication géniale, mais sans émotion des « Damnés » dans la cour d’Honneur car il se joue sans écrans témoins, sans cinéma, à mains nues, face aux spectateurs: formidable spectacle prolétaire.
SPECTACLES du Off
MA FOLLE OTARIE. Texte -Mise en scène – chansons: Pierre Notte, avec Brice Hillairet
Épopée en forme de monologue: exercice statique difficile déjoué par la véritable aventure dite par un seul comédien dans l’espace réduit d’un appartement, entouré de spectateurs à l’imaginaire prêt à s’envoler pour plusieurs raisons:
Originalité de l’histoire, finesse du propos, humour pince-sans-rire, personnalité du comédien.
Une heure dix de bonheur.
L’histoire n’est pas banale. « Ma folle otarie » dresse le portrait d’un homme ordinaire transparent qui n’a jamais rien vécu dont soudain les fesses vont tripler de volume. Je vous laisse imaginer toutes les situations de la vie courante auxquelles il va être confronté et incompris. Alors que jusqu’alors il n’avait jamais ni accepté ni refusé quelque chose, qu’il n’avait jamais connu l’indignation, ni la révolte, ni l’enthousiasme, ni la passion, un homme en deuil de sa propre vie, sans comprendre, sans savoir: il fuira la ville, le monde et rencontrera au milieu de l’océan une otarie qui le sauvera peut-être de sa situation mais pas que…
Récit cocasse, au rythme soutenu. « Ma folle otarie » est donc cette épopée fantastique, cette folie douce. Récit monstrueux à la fois très tendre et malicieux, plein de charme et de poésie.
C’est un conte. -façon Topor -admirablement servi par la richesse interprétative de ce grand comédien, délicat et remarquable par la candeur qu’il dégage.
« -Le salut, c’est toujours l’autre, fut-il une otarie… » Pierre Notte
EVITA, AMOUR, GLOIRE,ETC… de Stephan Druet, avec Sébastien Galcota
Eva Duarte quitte sa province natale et arrive à Buenos Aires.
Avant de devenir Eva Perón, elle sera comédienne à la radio puis au cinéma et gravira les marches du succès après avoir rencontré plusieurs hommes dont Juan Perón. Vient sa vie de femme publique, de femme politique, de femme à part entière, jusqu’à sa mort précoce. Adulée par certains, haïe par d’autres, aujourd’hui encore Eva Perón (1919 -1952) divise les Argentins.
Qui était-elle en fait ? Pour essayer de le comprendre, Stephan Druet imagine les propos du coiffeur et confident d’Eva. Femme fascinante jusque dans ses contradictions. La maladie, la mort sont révélées avec une qualité d’écriture indéniable.
Le texte est souvent drôle, parfois grave, toujours riche et original.
C’est éblouissant. Dans une immense et magnifique robe blanche (créée par Franck Sorbier) , chignon blond tiré au cordeau, maquillage raffiné Sébastian Galcota , artiste argentin, réalise une performance remarquable: le comédien ne bouge pas. Seuls le visage, le regard, les mains, les bras peuvent jouer.
La robe monumentale, la robe sculpture, illumine la pièce et recevra au cours du spectacle les projections des évènements argentins. Je n’oublierai pas, vous l’avez saisi, cette robe mais aussi la voix de ce comédien qui n’en est pas à sa première composition féminine! Avec lui on oublie totalement le masculin, on n’entend à aucun moment un homme contrefaire le timbre d’ne femme. Il ne joue pas Eva Perón: il est Eva Peron
LES TROIS SŒURS d’Anton Tchekhov. Joué et mis en scène par la Cie Hayal Perdesi
La compagnie Hayal Perdes a été fondée par la comédienne Selin Iscan en 2013 dans le but de créer un espace alternatif pour la création contemporaine turque et internationale. La compagnie est dotée de sa propre scène de théâtre située à Taksim, dans le cœur d’Istanbul.
« Les trois sœurs » est la dernière production de la compagnie,; (La première a eu lieu à Istanbul en Mai 2016.)
C’est une lecture ô combien contemporaine d’un des grands classiques du théâtre.: Trois filles bloquées à la frontière. Elles attendent de quitter L’Est pour l’Ouest dans l’espoir d’une vie meilleure. Trois actrices qui rêvent d’aller à Berlin pour y jouer « Les trois sœurs ». En attendant, là, à la frontière, elles se mettent à interpréter des extraits de la pièce de Tchékhov…
La maestria des actrices et la foi en leur création ont établi une pièce pour laquelle j’ai été frustrée de n’avoir que les sur titrages car les propos en turc des comédiennes ne laissaient passer que la souffrance, le manque, aujourd’hui toujours d’actualité, les mêmes que ceux exprimés dans la pièce. Les réfugiés qui arrivent en Europe ne s’expriment-ils pas au travers des personnages de Tchekhov, en partageant avec eux leurs mots remplis d’angoisse, de fragilité et de rêves?
D’UN RETOURNEMENT L’AUTRE, de Frédéric Lordon, Cie « Ultima chamada »
En quatre actes, dix scènes et en alexandrins, cette farce pétillante pertinente, à la précision jubilatoire est très jouissive.
Avec un humour féroce, est évoqué l’enchaînement des faits qui ont plongé la France dans la CRISE : puissants ressorts de la magnifique histoire d’amour entre le monde de la finance et la sphère politique.
Création très originale avec sept comédiens, une chanteuse lyrique Carlita – non plutôt Carla Bruni, en potiche plante verte!… et son alter égo, le Président de la République qui ne joue pas Sarko: -il est Sarko! (belle performance! Bravo…) et un piano, portent à la scène la virtuosité, l’intelligence, l’humour du texte de l’économiste Frédéric Lordon.
Celui-ci, lors de trois émissions avec Daniel Mermet, sur France Inter, avait rapporté que le fameux « On ne peut rien contre ce système mondialisé » était un formidable mensonge fabriqué par une partie des classes dirigeantes pour s’accaparer la richesse.
Le texte, qu’a écrit ensuite Lordon pour la scène, rend compte de l’art de rendre les agences de notation, la dette souveraine et les mécanismes de crédit aussi simples qu’un jeu d’enfant!
Tous les comédiens, très bons lecteurs, donnent vie à ce texte: c’est un acte militant qui a fait suite à des réunions dont le thème était: la place de la Société Civile dans l’élection présidentielle à venir .
Contribution dans le plaisir de l’intelligence pour mieux saisir cette économie aux ordres de la finance mondiale dont les actuels soubresauts ont des répercutions multiples sur l’existence des uns et des autres.