Archives mensuelles : novembre 2015

TOULON – Musique tout azimut

Christian Zacharias, Pianist und Dirigent / 07.02.2010 / Koelner Philharmonie

Christian Zacharias, Pianist und Dirigent / 07.02.2010 / Koelner Philharmonie

Mardi 10 novembre / 20h30 / Palais Neptune
« Grand piano » avec Christian Zacharias
(Scarlatti, Ravel, Soler, Chopin)

Christian Zacharias
Pianiste renommé, chef reconnu, mais aussi directeur de festival, musicologue, écrivain, producteur : Christian Zacharias est de ces hommes intègres et charismatiques aux talents multiples.
Son destin est lié depuis douze ans à celui de l’Orchestre de Chambre de Lausanne, dont il est chef principal et directeur artistique. A la clé, des invitations dans les salles les plus prestigieuses et de nombreux enregistrements pour le label allemand MDG. Parmi ceux-ci, une intégrale des Concertos pour piano de Mozart qui a reçu le Diapason d’Or, Choc du Monde de la Musique, Echo Klassik Price. Le dernier enregistrement est consacré aux quatre Symphonies de Robert Schumann.
Christian Zacharias est également chef principal de l’Orchestre Symphonique de Göteborg depuis de nombreuses années et partenaire artistique du Saint-Paul Chamber Orchestra depuis 2009, ainsi que le Philharmonique de Los Angeles, l’Orchestre symphonique de la Radio Bavaroise, le Bamberg Symphonic Orchestra, l’Orchestre de la Radio de Cologne
Citons les concerts avec l’Orchestre Symphonique de Boston, le Hallé Orchestra de Manchester, le Deutsches Symphonie-Orchester de Berlin, l’Orchestre National d’Espagne et l’Orchestre National de France, l’Orchestre National de Lyon, en tant que chef et pianiste.
Christian Zacharias a également abordé l’opéra en dirigeant La Clémence de Titus, La Belle Hélène et Les Noces de Figaro.
Il a également participé à trois films : « Domenico Scarlatti à Séville », « Robert Schumann, le Poète chante » et « Entre scène et loge ».
En 2013 / 2014 il a dirigé le MDR Sinfonieorchestra Leipzig, l’Orchestre Philharmonique de Hambourg, le Scottish Chamber Orchestra, le Royal Northern Sinfonia et l’Orchestre de la Suisse Italienne.
Il est professeur à l’Académie de Musique et de Théâtre de Göteborg depuis 2011.
Se produisant avec les plus grands chefs du monde et dirigeant les orchestres les plus renommés, Christian Zacharias est également un partenaire de musique de chambre très recherché et apprécié.
Mardi 10 novembre / 18h / Hôtel Ibis Styles : « Une heure avec Scarlatti » animée par Monique Dautemer

Cosi fan Tutte -®F Berthon

Dimanche 22 novembre 14h30, mardi 24, vendredi 27 novembre 29h
« Cosi fan tutte », opéra bouffe de Mozart – Livret de Lorenzo da Ponte
Direction : Darrel Ang – Mise en scène Gilles Bouillon – Dramaturgie Bernard Pico – Décors Nathalie Holt – Costumes Marc Anselmi – Lumières Marc Delamézière
Avec : Marie-Adeline Henry – Marie Gautrot – Anna Kasyan – Leonardo Ferrando – Alexandre Duhamel – Riccardo Novaro
Orchestre et chœur de l’Opéra de Toulon

Cosi fan Tutte : Ecole des amants ou école des amantes ?
Une maison d’enfance au bord du lac de Côme. La villégiature, construite à la fin du XVIIIe siècle, garderait l’usure du temps qui a passé, le souvenir de l’enfance et de ses verts paradis, malgré les transformations du bâti jusqu’aux années 1950 : moment sensible entre la guerre et la révolution des années 60. Ici on vit sans contraintes, avec le sentiment d’une libération qu’on pressent déjà. Vivre selon son désir est encore une aventure et une provocation. Comme une mise à distance, pour laisser plus crûment encore, dans la musique et dans le chant, circuler le désir, s’exposer la suavité comme la cruauté, les flammes comme les clairs obscurs de cet étrange amour qui, selon Lacan, consisterait à offrir quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas.
Deux soeurs dans la maison, Fiordiligi et Dorabella, l’une plus romantique, l’autre plus sensuelle, toutes deux amoureuses de deux garçons rencontrés sur le court de tennis ou à la baignade. Eux aussi sont amoureux. Guglielmo de Fiordiligi, Ferrando de Dorabella. L’un plus batailleur, l’autre plus sensible. Une jeunesse dorée qui a le temps de prendre le temps, de jouer aux jeux du théâtre, de l’amour et de la vanité, d’enchanter son ennui en se projetant dans l’imaginaire, le romanesque de la passion et de ses tourments. Et puis un matin, après une nuit de fête : on n’a pas dormi, on a beaucoup bu, fumé, joué au billard, on s’échauffe.
C’est d’abord une fanfaronnade. Un pari : parier sur la fidélité ou l’infidélité de la femme aimée. Contre l’enthousiasme et la vanité des deux amoureux persuadés que leur fiancée leur sera toujours fidèle (et elles le sont réellement, farouchement… jusque là), Alfonso, un vieil ami de la maison, prétend leur prouver le contraire : toutes les femmes sont infidèles.
Sous ses airs de philosophe revenu de tout, c’est un joueur – et c’est au théâtre qu’il va emprunter ses protocoles expérimentaux. Avec la complicité de Despina, cousine éloignée des deux sœurs et sans doute ancienne conquête qu’il poursuit de ses assauts déguisés.
Mettre les femmes à l’épreuve, leur jouer une comédie destinée à prouver qu’elles sont comme toutes les autres, capables d’infidélité, forcer leur résistance, créer s’il le faut la preuve de leur inconstance. Avec les moyens du théâtre, déguisements, jeux de rôles, faux départs, morts simulées, chassés croisés amoureux, inversion des couples… Pour faire triompher la vérité à travers les masques : co-si-fan-tu-tte ! Le rire cible d’abord l’enthousiasme et la sottise masculines : vanité d’idéaliser naïvement leur amante, sottise de vouloir les mettre à l’épreuve. C’est la leçon de « l’école des amants ». Mais les sentiments des deux femmes s’expriment avec une telle flamme (une folie propre à la jeunesse et à la naissance du désir) et des poses tellement hors de mesure qu’on en vient à les soupçonner de jouer elles aussi une comédie de l’amour. La littérature du XVIIIe siècle a inventé l’amour-passion, lié à l’absence : sa revendication de fidélité absolue rejoint la sentimentalité chevaleresque. La prétendue sincérité ne serait-elle que conformité à ce modèle emprunté, un rôle, une fiction qui aurait la force d’un sur-moi ?

Cosi2

Sur ce plan la musique amène des couleurs inattendues, tantôt ironique, tantôt d’une tonalité plus ambiguë, plus grave qui finit par brouiller les cartes. Les acteurs se laissent-ils finalement prendre au jeu ? Au deuxième acte de l’opéra, Dorabella et Fiordiligi choisissent, pour finir, un autre objet d’amour et on se demande si les couples « joués » ne sont pas plus en harmonie que les couples réels, avant que « l’heureux dénouement » ne laisse au contraire un goût amer : blessures mal cicatrisées, désillusion, perte de soi : « Mozart partage avec son temps l’angoisse de l’identité instable, mais il est plus que d’autres attiré par son mystère, il en aime le vertige, il est passé maître dans son expression esthétique : sa musique instrumentale est foncièrement expressive de l’expérience du devenir en ses métamorphoses fluentes et ses mutations imprévues. » (Jean Massin). La focalisation de la musique et du livret sur la question du désir au féminin et les intermittences du cœur ; le pathétique lié à la situation initiale de « victimes » conférée par l’intrigue aux deux femmes ; l’intérêt particulier suscité par leur parcours dramatique, notamment de celui du personnage peut-être le plus complexe psychologiquement : Fiordiligi ; l’initiation amoureuse, enfin, que constitue ce double parcours avec ses péripéties (une carte du sensuel, une carte du cruel, plus qu’une carte du tendre !), tout cela fait de Così fan tutte non seulement une école des amants, mais surtout une école des amantes. Et une comédie douce-amère.
Mozart n’a sans doute pas choisi le sujet de son opéra mais il sait qu’avec ce livret il est sur un terrain où sa maestria ne connaît pas de limites : celui des émotions et de l’intimité.
Il y a tout un versant de Così fan tutte qui n’échappe pas à une sorte d’insaisissable mélancolie. Sous le jeu du théâtre, le pressentiment d’une gravité liée au désir en ses métamorphoses, de souffrances liées à l’amour. Suavité et supplice sur le dernier mot du trio Soave sia il vento : désir.
Bernard Pico, dramaturge

Conférence « Cosi fan Tutte » par Pierre Michot,
mardi 17 novembre 18h30 – Foyer Campra

Hugo Gonzalz-Pioli…
Le retour de l’enfant prodigue à Toulon

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Tout a commencé pour ce Seynois, par un baccalauréat de technologie hôtelière au lycée hôtelier de Toulon vers 2007.
Mais c’est vers un autre piano qu’il se dirige : loin des poêles et des cocottes, on le retrouve sur un vrai piano de concert car en fait, la musique c’est sa vie. Et tout particulièrement la musique de films tant il admire les Francis Lai, Michel Legrand, Maurice Jarre, les plus grands qui ont réussi aux Etats-Unis.
Il décide de les suivre et, bardé de diplômes et de prix glanés à Toulon, Marseille, Lyon et Paris, il s’envole vers l’Eldorado du cinéma, admis à l’USC Thronton School of Music de Los Angeles.
Il y travaillera, on lui fera confiance, il reviendra en France plein d’usage et raison et va rencontrer deux grands musiciens qui lui feront confiance : Alexandre Desplats et surtout Armand Amar avec qui il collabore sur de nombreux films et va lui permettre de voler de ses propres ailes..
A noter qu’avant sa période américaine, il a été premier trompette dans l’orchestre de l’Opéra de Toulon. Lieu qu’il a déjà retrouvé deux fois et qui va l’accueillir une troisième fois.

« En effet, pour la troisième fois je vais me retrouver à l’Opéra de Toulon, invité par Claude-Henri Bonnet et le Fimé pour un ciné-concert autour de films de Charlie Chaplin.
Toujours avec Chaplin, donc. Tu crées tes propres musiques ?
Non, sauf la première fois où j’ai en effet créé des musiques sur deux courts-métrages de Chaplin, « Charlot fait une cure » et « Charlot Policeman ». J’ai eu la chance de travailler avec le compositeur Timothy Brock et ça a été un grand moment.
Pour le second ciné-concert, j’ai orchestré la musique du film « Les lumières de la ville » et cette fois je viens en tant que chef invité pour jouer avec l’orchestre symphonique de l’Opéra les musiques de deux films : « The Kid » et « Le masque de fer ».*
Comment travailles-tu sur ces musiques qui ne sont pas de toi ?
Je dois synchroniser la musique avec les images et diriger l’orchestre en regardant les images, accompagnant les actions et les émotions, retraduisant les sentiments tout en restant proche de la musique écrite par Chaplin C’est à la fois un travail de musicien et de chef d’orchestre puisque la musique est déjà écrite et qu’il faut la traduire à l’identique.

The Kid_Cin+®-concert-1

Toulon – les USA – Paris… Où vis-tu aujourd’hui ?
Aujourd’hui je vis à Paris, je continue à composer, et je travaille avec Armand Amar qui a écrit la musique de films tels que « Belle et Sébastien », « Indigènes », « caricaturistes »…
Et tu interviens comment ?
J’écris les musiques additionnelles et je suis arrangeur. Je viens de travailler sur « Human », « L’odeur de la mandarine », le second volet de « Belle et Sébastien » qui sortira en décembre et la série télé « Une chance de trop » avec Alexandra Lamy qu’on vient de voir.
N’est-ce pas frustrant de ne faire que de la musique additionnelle ?
Non car j’apprends beaucoup auprès d’Armand, j’ai accès à de belles productions et à un métier de haut niveau avec lui. C’est un bon apprentissage. Ca ne m’empêche pas de composer ma propre musique et Armand m’a fait un beau cadeau : il m’a présenté à Diane Kurys et j’ai signé la musique de son prochain film « Arrête ton cinéma » qui sort le 13 janvier !
Comment ça s’est passé ?
Merveilleusement bien. Nous avons eu beaucoup d’échanges, il y a eu beaucoup de fluidité entre nous, ça a vraiment été une belle collaboration. J’ai travaillé sur le film terminé, j’apposais ma musique sur des scènes que je lui montrais et faisais entendre et nous avons ainsi avancé peu à peu. C’était formidable.
A côté de ça, que fais-tu de ta propre musique ?
je compose et orchestre toujours et sans arrêt, je fais des concerts avec mes propres musiques.
J’en ai fait un aux Invalides avec l’Orchestre d’Harmonie de la Troupe de Marine. J’ai aussi donné un concert en direct à la BBC à Londres avec le compositeur Neil Brand.
J’aime varier les plaisir… même si je sais qu’un jour je devrai choisir.

Propos recueillis par Jacques Brachet
*Ciné-concert à l’Opéra de Toulon : « The Kid » et « Le masque de fer », de Charlie Chaplin, par l’Orchestre Symphonique de l’Opéra de Toulon, dirigé par Hugo Gonzalez-Pioli.
Samedi 7 novembre à 20h – dimanche 8 novembre à 14h30 à l’Opéra de Toulon.

NOTES DE LECTURES
Par les Plumes d’Azur

Calberac Majdalani

Ivan CALBERAC : Venise n’est pas en Italie (Ed Flammarion)
Prix des Lecteurs du Var 2015
Il y a fort longtemps que je n’avais lu une si jolie histoire.
Celle d’un adolescent de 15 ans, Emile, qui va découvrir l’amour lors d’un road movie particulièrement éprouvant mais aussi fort original, à la fois drôle et touchant.
Il va, durant ce voyage vers Venisee, passer par des sentiments contraires de l’euphorie à la tristesse, de la joie à la peur. Mais il découvrira l’amour dans tous ses états.
Il est affublé d’une famille à la fois aimante mais souvent encombrante, qu’il aime mais dont il a souvent honte, qui a décrété qu’avec son physique ordinaire, il serait plus beau en blond. Il traîne cette blondeur surnaturelle comme un boulet avec toujours cette peur que l’on s’en aperçoive.
Enfant doué, intelligent, timide mais non sans humour, il a déjà beaucoup de recul sur la vie.
Sa vie, il la raconte dans ce journal qu’il tient au jour le jour.
Tombé amoureux d’une jeune musicienne, celle-ci l’invite à un concert qu’elle donnera à Venise. Mais ses parents décident de l’accompagner en caravane (qui leur sert aussi de maison en attendant que celle-ci soit construite).
Ainsi commence un périple qui va le faire grandir, assumer sa vie et lui ouvrir les yeux sur la nature humaine.
C’est écrit à la fois avec justesse, avec émotion, dans un style à la fois simple et subtil et pour son coup d’essai, ce jeune réalisateur qui a été primé à la Ciotat pour son film « Irène », primé en tant qu’auteur par le grand prix de l’Académie Française-Théâtre pour sa pièce « L’étudiante et M Henri » dont il a fait le film, vient d’obtenir le prix des lecteurs du Var pour ce roman… dont il va tirer un film !
Ivan Calbérac a tous les talents !
Charif MAJDALANI : Villa des Femmes (Ed du Seuil)
Prix Jean Giono 2015
Le 14 Octobre, à l’hôtel du Louvre à Paris, en présence de Sylvie Giono-Durbet, de Pierre Bergé et de quelques membres du jury, dont Paule Constant, Gilles Lapouge et Tahar Ben Jelloun entre autres, le prix a été décerné à Charif Majdalani pour son dernier livre « Villa des femmes ». C’est comme toujours Pierre Bergé qui a présenté l’écrivain et son livre
On se souvient que cet écrivain nous avait régalé en 2013 avec un livre magnifique « Le dernier seigneur de Marsad » Ce nouveau roman est aussi situé au Liban en pleine guerre civile et met en scène deux belles sœurs qui ne s’entendent pas très bien mais s’unissent pour sauver le domaine familial en ces périodes difficiles que vit leur pays .
Charif Majdalani a fait un discours élégant où l’œuvre de Giono tenait bien sûr une place importante. Le tout dans une ambiance conviviale où circulaient champagne, amuse-bouche et petits fours.

jarry Gautier

Isabelle JARRY : Magique aujourd’hui (Ed Gallimard)
Nous sommes vers la fin du XXIème siècle.
Tim est un jeune chercheur qui vit une relation d’amitié fusionnelle avec son robot, androïde ultra perfectionné. Le gouvernement l’envoie en cure de désintoxication c’est-à-dire de déconnection, en lui imposant un séjour à la campagne dans une famille d’accueil.
D’abord exaspéré par cette punition qu’il juge tout à fait injuste il va découvrir les joies de la nature et la possibilité de vivre sans être connecté en permanence. Quant au robot, livré à lui-même pour la première fois, il va s’essayer à l’autonomie en développant une forme. d’indépendance face à la convoitise d’autrui.
Beaucoup d’imagination dans cette fable douce amère, les personnages principaux, le chercheur et son androïde, sont sympathiques et souvent émouvants, les personnages secondaires bien campés et très réalistes. L’auteur se cantonne prudemment aux quelques humains qui gravitent autour des deux héros et ce qu’elle imagine parait tout à fait vraisemblable, épargnant au lecteur un haussement d’épaule quant au devenir de notre société quand tout sera informatisé à l’extrême …
Un humour prudent ne gâche rien à l’affaire dans ce roman d’anticipation bien rédigé.
Pascale GAUTIER : La clef sous la porte (Ed Joelle Losfeld)
Des quinquas ou pas loin revus par Pascale Gautier dans une bourgade du sud assez France profonde où se rejoignent toutes les caricatures et les clichés.
Il y a Augustin enfermé dans sa réussite matérielle, scotché devant sa télévision à vivre par procuration sa déconvenue face à une France hostile qu’il ne comprend plus, entouré d’une épouse stupide et volage et d’une ado imbuvable. Et puis il y a José petit prof de banlieue martyrisé par ses parents vieillissants et qui se servent de son célibat pour leur servir de bâton de vieillesse. Et enfin Agnès toujours amoureuse de qui il ne faut pas et seule, exploitée par ses frères et sœurs pour s’occuper de sa mère toujours mourante.
Sauf que… Un jour c’est le coup de pied dans la fourmilière et le grand ménage !
Tout cela un peu tristounet et convenu et réveillé par l’humour de l’auteur. De son œil tendre et caustique elle rhabille ses personnages et envoie valser les conventions à l’aide de remarques qui sonnent souvent comme la sagesse et remballe à l’emporte-pièce.
Un peu d’humour dans la brume du quotidien.

martin SEKSIK_Laurent_1_2

Marie MARTIN : L’ombre de l’errant (Ed Elan Sud)
Un petit gitan de cinq ans s’avance dans les immondices jusqu’aux genoux pour trouver soit
un réveil matin foutu, soit deux fourchettes édentées soit peut-être une merveille…
A son grand étonnement c’est un nouveau né qu’il rapporte au camp qui décide, après conciliabules très partagés, de le garder. Bien que très choyé par cette famille d’adoption dont il épouse les us et coutumes un jour, il est volontairement oublié sur le marché, la faim ayant fait craquer la famille dont la survie va bien au-delà des sentiments.
Il a douze ans et commence le grand apprentissage de la vie , son seul examen réussi avec mention. Malgré les petits boulots, la vie de marin, les femmes qu’il aime et qu’il a aimées, les amis qui l’ont accompagné un moment, il essaie de faire ses propres choix. Néanmoins il se sent toujours au milieu de nulle part.
Il ira jusqu’à la mer, aux Saintes Maries, là où les gitans viennent honorer la vierge noire,
pour savoir, pour entendre une réponse à ce « comment on peut s’en sortir ».
Et il trouvera »sa » réponse.
A chacun la sienne!
La construction de ce livre est bien menée le rythme est rapide, l’écriture agréable est très belle. Ce dialogue entre deux voix: celle de l’érrant au présent qui cherche une réponse et celle de son ombre qui représente ses souvenirs d’enfance est très réussi.
C’est magnifique et cependant c’est une histoire qui aurait gagné à être narrée avec plus de force, d’énergie d’autant qu’elle est courte. Mais peut-être est-ce voulu par l’auteure
Laurent SEKSIK : L’exercice de la médecine (Ed Flammarion)
Très belle histoire d’une famille juive qui commence au temps des tsars et se poursuit de nos jours sous les traits de Léna Kotev, jeune cancérologue parisienne. Elle évoque dans ce roman son fabuleux arrière- grand-père qui a dédié sa vie aux soins des plus démunis sous un régime de répressions anti sémites qui verra sa perte ainsi que celle de sa famille. Par chance le fils de douze ans s’est enfuit à Berlin pour poursuivre ses études de médecine et que sa sœur Nathalia est placée dans une famille d’accueil. C’est donc Léna , l’arrière petite fille qui dénouera les fils de ce lourd passé de sacerdoce et de persécutions.
Récit émouvant de la survie face aux persécutions et de la foi en l’autre à travers la médecine. C’est parce qu’elle a su évoquer avec une grande sensibilité le partage et l’espoir que l’auteur déclenche une énorme empathie envers ces héros. Récit intéressant aussi par l’alternance des chapitres familiaux avec ceux d’actualité de Léna qui nous incitent à nous demander si nous sommes « prisonniers » ou « héritiers » de l’histoire familiale.

A Nathan

 Alice ZENITER : Juste avant l’oubli (Ed Flammarion )
L’héroïne de ce petit roman de 285 pages fait une thèse sur un auteur célèbre . Son compagnon, infirmier, l’accompagne à des journées littéraires organisées dans l’île où l’auteur a terminé sa vie .Le milieu universitaire et l’ambiance des participations aux colloques, sont bien décrits Elle est passionnée par les intervenants comme par les interventions tandis que lui est peu intéressé par les prestations qui se succèdent .Il va se lier avec le seul habitant de l’île, son gardien. C’est la fin d’un amour, fin qui comme souvent est plus difficile à vivre pour l’un que pour l’autre . Le livre nous plonge dans une ambiance ambiguë qui, si elle parait inattendue au départ, s’avère tout à fait plausible au fil des pages . Quant à l’histoire ce n’est jamais que celle d’une rupture dont on ne peut s’empêcher de penser qu’elle est inévitable compte tenu de la disparité intellectuelle des deux personnages.
Tobie NATHAN : Ce pays qui te ressemble (Ed Stock)
C’est dans le ghetto juif du Caire que commence l’histoire d’Esther et de Motty en 1952, c’est aussi l’histoire de l’amour fusionnel et interdit de Zohar leur fils et sa sœur de lait Masreya, mais également celle de Joé et de Nino Cohen. A travers ces jeunes gens c’est l’histoire du Caire du début du XX °siècle Joe, jeune homme de la haute société rêve de rejoindre Israël, et Nino Cohen, se convertit à l’islam, après avoir été enfermé et torturé dans les prisons gouvernementales.
Grâce à ces personnages on découvre l’Egypte qui se libère de la domination anglaise puis devient hostile à ces juifs égyptiens nés dans le ghetto dont la langue natale était l’arabe et qui doivent quitter l’Egypte pour devenir des apatrides
Mais ce roman est aussi un conte oriental avec des personnages féminins fascinants, sorcières et danseuses, ensorcelant les puissants comme le roi Farouk lui-même l’écriture est poétique quand l’auteur décrit ces femmes et elle devient truculente quand elle peint les juifs du ghetto et surtout leurs épouses qui se rient des préceptes du rabbin lorsqu’elles les trouvent absurdes.
C’est ce mélange de réalité et de fiction qui fait tout le charme de ce roman.