Quoi de plus évident qu’un coup de chaud en plein été ?
Mais ce « Coup de chaud » nous vient du cinéma puisque c’est le titre du nouveau film de Raphaël Jacoulot et que celui-ci, accompagné de deux de ses comédiens, Karim Leklou et Jean-Pierre Darroussin est venu le présenter en avant-première au Six n’étoiles de Six-Fours les Plages. Il sortira le 12 août.
Nous sommes dans un petit village du Lot-et-Garonne où la canicule sévit, où la sécheresse est en train de faire souffrir les récoltes et les animaux.
Déjà cet état de fait inquiète les villageois mais, par-dessus cette inquiétude, un jeune garçon, Josef, vient perturber tout le monde.
Josef est ce qu’on appelle en Provence « Le fada du village ». Naïf, pas très évolué, se baladant de maison en maison, il vient semer le désordre parmi tous ces habitants dont l’esprit est déjà exacerbé par la sécheresse.
L’atmosphère est donc lourde, dans tous le sens du terme. Josef est de plus en plus omniprésent dans le les préoccupations du village, jusqu’à ce qu’un drame arrive : il est assassiné.
Raphaël traite ce fait divers qui remonte à 2008, par petites touches, installant dès le début du film une intensité, une oppression, un peu à la manière d’Hitchcock où, même lorsqu’il se passe des événements anodins, l’on est sans cesse sur le qui-vive.
Raphaël maîtrise son film de bout en bout avec des acteurs remarquables : Karim Leklou qui est Joseph, personnage ambigu, ange ou démon qu’il joue sur le fil du rasoir. Incroyable interprétation. Jean-Pierre Darroussin, est le maire du village, débonnaire et ne voyant pas arriver le drame et Grégory Gadebois, est un nouveau-venu dans le village, un peu paumé et quelque peu inquiétant.
Mais tous sont parfaits dans ce film choral qui nous tient en haleine d’un bout à l’autre.
Rencontre
Raphaël Jacoulot, vous avez tiré ce scénario d’un fait divers ?
Effectivement. Cette histoire m’a tout de suite interpellé et j’ai voulu en savoir plus en suivant les deux procès d’assise qui se sont déroulés en 2011 et 2012. Je me suis documenté, j’ai rencontré les protagonistes, les avocats, lu les dépositions, je me suis intéressé à cette famille de Roms dont était issu le jeune homme assassiné. J’ai trouvé que c’était une véritable tragédie grecque d’aujourd’hui, à l’instar de « Manon des Sources » de Pagnol ou « Le corbeau » de Clouzot. La dimension intime de chaque personnage m’intéressait.
Les comédiens sont tous magnifiques mais assez peu connus, à part Darroussin bien sûr.
C’était voulu. Je ne voulais pas de comédiens trop connus afin qu’ils soient tous les plus crédibles possibles dans leurs rôles. Après ça, il y a le côté économique qui fait que, si vous n’avez pas un comédien connu au générique, vous avez des difficultés à monter le film.
Et pour le maire, j’ai très vite pensé à Jean-Pierre Darroussin. Je trouvais que le rôle lui irait parfaitement.
Le rôle de Josef est un rôle majeur. Comment avez-vous pensé à Karim Leklou ?
Je n’ai pas pensé à lui car je ne le connaissais pas. Ca a donc été par casting et très vite, ça a été une évidence. Il a lu le scénario et nous avons aussitôt commencé des séances de travail et la décision a été rapide, de part et d’autre.
Karim, comment définiriez-vous votre personnage ?
C’est un garçon qui, à l’évidence, a une déficience mentale. Mais d’abord, c’est quelqu’un de libre, qui fait ce qu’il veut et surtout c’est un garçon en manque d’affection. Il cherche à se rapprocher des autres mais il est toujours rejeté. Chacun se moque ou se méfie de lui.
J’ai dû beaucoup travailler en amont avec Raphaël mais aussi avec les autres comédiens. Un travail à la fois physique et psychologique et nous avons étudié le personnage en profondeur. Ce travail m’a beaucoup aidé, d’autant que nous avons noué des relations fortes qui m’ont rassuré et donné confiance.
Quelle sorte de réalisateur est Raphaël ?
Il y a beaucoup de précision dans ce qu’il fait, dans ce qu’il veut, dans ce qu’il attend de nous et en même temps, il nous laisse beaucoup de liberté sur le tournage, un bel espace de création. Il est toujours attentif aux autres, il est très proche de nous. Il voulait qu’on oublie l’artifice d’un tournage afin d’être au plus près de la vérité.
Jean-Pierre, dans ce film, vous semblez être le seul à avoir une certaine sérénité, presque une naïveté par rapport aux problèmes que pose Josef.
En apparence seulement . C’est vrai que ce maire a toujours vécu dans ce village paisible sans vraiment de gros problèmes, dans une atmosphère bon enfant où tout le monde se connaît. Il est resté dans cette idée là quand survient une crise, d’abord par le manque d’eau dû à la sécheresse, l’eau étant cruciale dans ces villages agricoles., puis par le trouble, l’exaspération que cause Josef « l’étranger », créant des tensions jusqu’au drame final. Et il n’était pas préparé à être confronté à ce genre de problème car il ne se sentait pas en danger. Du coup, il va essayer de ménager la chèvre et le chou et ça n’est jamais la bonne solution !
Raphaël, la mort de Josef semble une délivrance pour tous…
C’est vrai au départ mais ce n’est pas du tout le cas car cette libération laisse très vite la place à la culpabilité de tous. Chacun pense que c’est à cause de lui que ce drame est arrivé. Ils se sentent tous fautifs de l’avoir évincé, de lui crier dessus chaque fois qu’il faisait une bêtise. Ils sont allés très loin dans cette dérive et du coup, chacun est confronté à ses propres problèmes car ce drame a changé quelque chose chez chacun d’eux.
C’est en fait un sujet universel ?
Raphaël : Oui, nous sommes tout à fait dans une histoire à la fois singulière et universelle car c’est un microcosme refermé sur lui-même et qui est en quelque sorte notre monde en réduction : la peur de la différence, les non-dits, la méfiance des autres… Ce sont des sujets éternels et universels.
Jean-Pierre : Ce village est une sorte de parabole de la France d’aujourd’hui où tout le monde se méfie de tout le monde et surtout de l’étranger. Alors chacun se replie sur son identité, il n’y a plus d’écoute et peu à peu tous les éléments se mettent en place pour faire monter une angoisse latente et faire éclater le drame.
Raphaël, en fait, il pourrait même y avoir une suite !
Au cinéma je ne sais pas mais c’est ce qui s’est passé après le procès où l’assassin a dû payer une forte indemnité et que, ne le pouvant pas, tout le village l’a aidé.
Ont-ils vu le film ?
Non, pas encore . Nous irons le présenter en septembre en essayant de le faire de la façon la plus respectueuse possible.
Les projets de chacun :
Karim : En novembre sortira le film d’Elie Wajeman « Les anarchistes » avec une belle équipe de jeunes comédiens dont je fais partie. Je viens de terminer en Grèce « Voir du pays » de deux sœurs Bretonnes, Delphine et Muriel Coulin, là encore avec plein de jeunes comédiens. Je vais tourner « Toril » de Laurent Teyssier avec Vincent Rottier (qui était dans le premier film de Raphaël). Mais pour l’instant, je suis focalisé sur la sortie de « Coup de chaud » le 12 août !
Jean-Pierre : Je vais tourner une adaptation de « Une vie » de Maupassant, réalisé par Stéphane Brizé, avec Yolande Moreau. Je vais donc me retrouver en 1819 dans des costumes d’époque !
Et les Guédéguian ?
Ils vont bien, merci ! Je vais les voir la semaine prochaine et je sais que Robert termine un scénario. Mais je n’en sais pas plus.
Raphaël : Je suis en train d’adapter un roman sur le thème du couple. Mais je ne vous dirai pas lequel !
Propos recueillis par Jacques Brachet