ROMANS
Isabelle AUTISSIER : Soudain, seuls ( Ed Stock)
Un couple de trentenaires, elle alpiniste chevronnée et lui marin aguerri, décident de vivre une aventure exceptionnelle Départ à la voile de Cherbourg sur le Jason pour les Canaries, les Antilles, le Brésil, l’Argentine jusqu’aux cinquantièmes sud. Après quelques mois idylliques ces nouveaux argonautes sont attirés par une île déserte australe, ancienne base baleinière entourée d’icebergs et devenue réserve naturelle. Dès lors tout bascule, une tempête les surprend et leur voilier disparaît. Ils se retrouvent « soudain, seuls », sans contact avec l’extérieur et désormais réduits à leurs seules forces. La lutte pour la vie ou plutôt la survie va les révéler à eux-mêmes.
Survivront-ils ? Leur couple tiendra t-il le choc ? Et s’il y avait un retour possible comment le vivre ?
Ce roman très bien écrit tient le lecteur en haleine. De nombreuses questions se posent : comment survivre dans un univers hostile ? Le couple peut-il résister à pareille situation ? Mais au-delà de l’histoire de ces nouveaux Robinsons, Isabelle Autissier veut nous rappeler que notre société confortable nous a fait oublier « que la bonne santé de la nature est la donnée de bases de toute humanité »
Or, comme nous, face à cette nature sauvage, Louise et Ludovic « n’ont plus les codes ».
Enfin c’’est aussi un roman d’apprentissage : l’héroïne baptisée « la petite » par ses parents va évoluer, découvrir au fond d’elle-même ce qu’elle est vraiment et s’accepter. En un mot, grandir.
En résumé des personnages attachants, des interrogations sur notre rapport à la nature, une réflexion sur notre part obscure en font un excellent roman qui se lit d’une traite.
Grégoire DELACOURT : Les quatre saisons de l’amour (Ed J.C.Lattès)
Comment raconter des histoires d’amour sans paraitre mièvre ? C’est le pari gagné du roman de Grégoire Delacourt sous ce titre d’une grande banalité.
Nous sommes au Touquet, sur la plage, au cours de l’été 1999 alors que Nostradamus a annoncé la fin du monde. On écoute « Hors saison » de Francis Cabrel et on rêve d’aimer pour toujours.
Quatre couples, aux quatre âges de la vie, quinze, trente-cinq, cinquante-cinq, et soixante-quinze ans, sans jamais se rencontrer, vont vivre une histoire d’amour dans laquelle chacun déterminera le destin des autres.
Roman choral donc, construit autour d’une unité de temps et de lieu.
De cette construction savante jailliront les questions que nous nous posons sur les rencontres, ce que nous en faisons ainsi que sur les hasards de nos destinées.
A chaque âge de la vie, Grégoire Delacourt examine et décortique le sentiment amoureux avec justesse et délicatesse. Dans l’ordre, avec ses personnages, il nous fait revivre les chagrins, les déceptions, les lassitudes et les renaissances.
En amour, toutes les étapes sont possibles. Il laisse la part belle au langage des fleurs, ces fleurs que l’on choisit pour qu’elles parlent à notre place.
L’auscultation est brillante, l’écriture belle, les mots justes et efficaces; le roman nous touche par son humanité et son harmonie avec l’environnement et l’époque choisis.
Encore une réussite !
Ron RASH : Incandescences (Ed Seuil)
Traduction : Isabelle Reinhard.
Particulièrement à l’aise dans l’écriture de ces douze nouvelles, Ron Rash nous livre ici une formidable vision d’un des états les plus pauvres des États Unis d’Amérique : la Caroline du Sud.
Conçu en deux parties égales, le recueil raconte d’abord les gestes de survie et la solitude désespérante ainsi que les exigences morales des habitants de cet état, puis il relate ce qui subsiste de cet esprit confronté au monde actuel. Que reste-t-il du sens de la famille, de la pugnacité au travail, de la compassion, de l’orgueil et la dignité des hommes ?
Les histoires rapportées sont celles d’un pays de neige et d’hiver, les Appalaches.
Que les personnages surgissent de la guerre de sécession, qu’ils soient préteurs sur gage, rescapés de la guerre du Pacifique, consommateurs de Galax, simples paysans ou porteurs de superstitions, tous sont ancrés dans leur terroir à l’écoute du monde végétal ; ils véhiculent mythes et croyances.
Les tranches de vie qui nous sont proposées reflètent la misère et le désespoir rural. Le texte est incisif, l’humour noir. La violence y est de règle, banalisée par la pauvreté. La contrée est imperméable au progrès, la modernité n’a fait qu’accentuer le délitement des valeurs morales.
Une écriture touchante, une lecture fascinante, celle d’une Amérique aux décors sauvages, loin des poncifs du capitalisme, où seules les lumières d’un poêle à gaz, d’une cigarette, ou des phares de voiture sont « Incandescences ».
Un auteur à suivre résolument !
BIOS
Helmut BERGER : Autoportrait (Ed Séguier)
C’est un artiste hors du commun, aussi célèbre pour sa beauté que pour son talent et ses frasques.
Car si l’artiste a joué avec les plus grands avec un talent indéniable, il était plus connu pour le personnage sulfureux qu’il représentait et la vie dissolue qu’il menait entre sexe de tous bords, drogue, rock’n roll…
Que pouvait-on attendre de cet autoportrait ? Une bio cinématographique riche évidemment mais en fait, s’il parcourt sa carrière, ou plutôt la survole, il est surtout question de ses histoires de fesses, du fric qu’il a dépensé à foison, des maisons qu’il a décorées comme un château, de ragots de coulisses car tous « ses amis » y passent !
Il a pu s’offrir ce qu’il y a de plus cher, c’est tout juste s’il nous en donne pas les prix exorbitants, il nous parle de son histoire d’amour avec Lucchino Visconti qu’il a trompé mille fois avec un mépris éhonté et nous apprend même l’affrontement entre lui et Delon pour avoir les faveurs du maître.
Ce n’est qu’un tissu d’histoires aussi superficielles qu’ambiguës et malsaines, car il a tout essayé, étant « jusqu’auboutiste » et n’épargne personne, même pas ses amis et amies.
Grand acteur à la beauté du Diable (et le Diable ne s’habille pas qu’en Prada ! ), personnage trouble, il est à la fois mégalo, égocentrique, suffisant. pervers et d’un certain côté pathétique car cette vie découle d’une enfance malmenée.
Sera-t-il « damné » pour ça, nul ne peut le dire mais il est difficile d’aller jusqu’au bout de cet étalement d’une vie à la fois décadente et flamboyante.
On aurait préféré en savoir un peu plus sur son métier, sa carrière plutôt que sur ses rapports sexuels qui ne regardent que lui.
Michel DELPECH : Vivre (Ed Plon)
Alors que Michel Drucker a annoncé la fin prochaine de ce magnifique chanteur qu’est Michel Delpech, celui-ci nous offre un livre à la fois sombre et lumineux, pour nous parler de sa récidive, du cancer qui le ronge et le fait souffrir mais qu’il espère toujours vaincre.
Michel est passé dans sa vie, des plus grands succès aux plus grandes turpitudes.
Il a su tout vaincre mais le cancer peu à peu l’a rattrapé et de plus, quoi de plus injuste pour un chanteur que d’être atteint dans un organe indispensable pour chanter : la langue.
Je l’avais vu lors de la dernière tournée « Age Tendre » alors que le premier cancer s’annonçait, ce que personne ne savait. Mais il voulait l’oublier, continuer à faire ce pour quoi il vivait : chanter, être devant un public.
La religion l’a beaucoup aidé et d’ailleurs continue de l’aider malgré ce qui semble aujourd’hui inexorable. Il prie, il espère, il souffre avec un courage formidable et nous raconte cette vie loin des projecteurs, dans une chambre d’hôpital où chaque jour nouveau est un jour de gagné, un jour d’espoir.
On ne peut s’empêcher, en le lisant, d’avoir une grande émotion monter en nous et on aimerait l’aider, le soutenir, malgré cette force qu’il a en lui pour lutter et espérer.
C’est un magnifique et poignant témoignage et l’on ne peut être que de tout cœur avec lui dans ce combat qui pourrait être le dernier.
Ingrid CHAUVIN : A cœur ouvert (Plon)
En ce moment, les témoignages ne sont pas d’une gaîté folle puisque la belle Ingrid Chauvin nous fait partager le chemin de croix qu’elle a vécu avec son mari, autour de sa petite Jade qui a disparu comme on le sait.
Quoi de pire que de perdre un enfant ? On ne s’en remet jamais et Ingrid veut faire revivre sa petite fille par ce livre qui est un témoignage on ne peut plus poignant du combat qu’ils ont mené jusqu’au bout pour préserver et sauver leur enfant.
C’est dur, très dur à lire mais là encore, c’est une grande et belle leçon de courage qui peut être aussi pour elle une façon de pouvoir évacuer cette immense peine qu’elle porte en elle.
On suit jour après jour tout ce que ce couple a pu vivre, passant de l’espoir au désespoir, de la joie au plus profond désarroi car devant la maladie, on ne peut qu’espérer.
Très vite elle a repris son travail comme une thérapie mais on imagine mal comment elle a pu donner cette énergie dans une comédie en vivant un drame intime.
Ce livre est bouleversant et quand on aime la comédienne, on ne peut qu’aimer encore plus et admirer la femme, la mère, blessée à tout jamais dans sa chair et son cœur.
Puisse la vie lui offrir la chance d’une autre maternité qui pourrait quelque peu apaiser cette immense douleur.