
Ils sont beaux comme des dieux, un regard bleu à faire tomber par terre et ils forment un couple d’aujourd’hui, avec leurs certitudes d’avoir réussi leur couple, leur carrière. Ils sont riches, ont une belle auto, une belle maison, de belles fringues, une belle piscine… Bref tous les signes extérieurs de réussite…
Vous avez dit réussite ? Une soirée avec un copain qu’ils ont décidé de ne plus revoir va mettre le feu aux poudre, soulevés tous les mal être et les non-dits. Tout cela dans une folle exubérance, avec des situations scabreuses, des mots crus, mais toujours au second degré et le tout avec une grande élégance. Ce sont des scènes de la vie mises montées comme des sketches à part qu’à chaque noir la situation évolue. Au début tout cela surprend, déstabilise et puis on se fait à ce style venu du Québec, inhabituel pour nous.Les quatre comédiens, Christiana Réali, Philippe Caroit, Pierre Cassignard et Lison Pennec y sont formidables. Et même si l’on en prend plein la tête, on rit beaucoup… On réfléchit après et l’on se dit qu’au fond, c’est la vie d’aujourd’hui et qu’on connait nombre de couples qui leur ressemblent.
On a rencontré Christiana Réali et Philippe Caroit pour vous car les voici donc en tournée avec « La société des loisirs », pièce que nous avons découverte au Théâtre du Jeu de Paume à Aix-en-Provence où ils joueront jusqu’au 8 novembre et que vous pourrez découvrir le mardi 9 décembre à 20h30, au Théâtre Galli de Sanary.

Christiana REALI : Varier les plaisirs…
On sait de cette belle actrice aux yeux d’azur qu’elle est brésilienne, qu’elle a rencontré Francis Huster au cours Florent, qu’elle a beaucoup joué avec lui, qu’il onts en commun deux filles dont l’une est la copie-conforme de la maman et que toutes deux sont déjà montées sur les planches.
Peu de films à son actif, beaucoup de télé-films dont « Terre Indigo » de qui tout est parti, et encore plus de théâtre car c’est là qu’elle s’épanouit le mieux.
Et, de Molière à Musset en passant par Corneille et Rostand, elle a joué tous les grands classiques, ce qui ne l’a pas empêchée d’interpréter aussi Woddy Allen, Giraudoux, Guitry, Feydeau, Tennessee Williams, Gurney, ce dernier avec « Love Letters » auprès de son ex, Francis Huster, que j’ai eu la chance de voir cet été à Marseille pour l’unique représentation donnée en province.
C’est toujours un plaisir que de retrouver cette pétillante comédienne, si volubile et si passionnée :
« C’est une comédie de mœurs très originale avec cet humour grinçant et cette façon d’oser dire les choses très nord-américaine. Ce peut être très cru, très osé, quelquefois choquant mais toujours sous-tendu par le rire et d’une belle élégance.
Ce couple a tout pour réussir : beauté, argent, maison, enfants. ils ont tout fait pour ça en occultant quelque peu leur vie personnelle : il semble qu’il ait été plus important qu’ils réussissent dans la vie que de réussir leur vie. Et ils s’en rendent compte au cours d’un dîner avec un copain qui, comme eux, va vers la cinquantaine, divorcé, vivant avec une fille très jeune et faisant un peu n’importe quoi pour continuer à rester jeune. Ce qui les énerve et les met au pied du mur de leur propre vie. Chacun semble être passé à côté de quelque chose.
En fait, c’est un sombre drame…
Ce pourrait l’être mais vu par Archambault, et, ce qui est typique du théâtre ou du cinéma nord-américain, c’est à la fois très noir et très drôle, très cynique aussi car cette génération, dont je fais partie, a tendance à jouer sur les apparences, à tout banaliser et passer ainsi à côté de l’essentiel. Ils disent des horreurs, qui sont devenus des lieux communs, sans sourciller, sans sentiment, sans se rendre compte qu’ils sont à côté de la plaque.
On est loin de « Love letters » !!!
Et c’est ce que j’aime car ça me change totalement de tout ce que j’ai pu jouer jusqu’à aujourd’hui. C’est assez cru dans le propos, c’est de l’humour noir où toute énormité semble entrer dans la banalité, où les choses importantes comme l’avortement, l’adoption, la sexualité débridée, paraissent anodines et se font parce que c’est dans l’air du temps et qu’on le fait parce que des gens « bien » les font !
Et c’est ce genre de surprise que j’aime qu’on me propose car je suis comédienne avant tout, j’aime changer de registre, surprendre le public mais me surprendre moi aussi, afin de ne pas entrer dans la routine, d’être excitée de jouer un rôle nouveau.
De « Love letters » à « Marie Tudor » de Victor Hugo, que je jouerai en janvier, en passant par « La rose tatouée » que j’ai jouée la saison dernière, je joue dans des registres différents et c’est ce que j’aime dans ce métier, varier les plaisirs.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire ce métier ?
D’abord, je suis issue d’une famille brésilienne qui n’est pas du tout dans ce domaine là puisque tourné vers le journalisme et la politique. Je suis arrivée en France sans parler un mot de français et j’ai découvert cette langue. Alors, à douze ans, plutôt que d’aller vers un cours de danse, je me suis inscrite au cours de théâtre de mon collège nommé… Molière ! Mais plus tard, tout en continuant à aimer le théâtre, j’ai suivi des cours de droit. Jusqu’à ce que je découvre le cours Florent… et Francis Huster. Je ne suis pas rentrée au Brésil, je suis restée en France et je n’ai plus arrêté de jouer.
Quand vous dites aimer varier les plaisirs, voici qu’on vous retrouve dans l’émission de Ruquier, « Les grosses têtes » !
Ou mais ça n’a été qu’occasionnel… pour le moment ! Ruquier, voulant élargir son équipe de gens venus de tous horizons, m’a proposé d’y participer et j’avoue que cela m’a beaucoup amusée et je ne dis pas que, s’il me rappelle, je ne repiquerai pas au jeu ! C’est un exercice qui m’amuse, qui me permet de découvrir des gens, des mondes différents. C’est aussi un défi car là, je n’ai pas de texte, je joue sur la surprise des sujets, sur la spontanéité et avec des gens différents.
Autre clin d’œil : votre apparition dans la série « Scènes de ménages » !
Ca aussi, ça a été très sympathique et très drôle à faire : je jouais auprès de Valérie Karsenti et Frédéric Bouraly une cousine belge. Qu’est-ce qu’on a pu rire. Et ça encore, c’est différent, tout comme le film que je viens de tourner avec Charlotte de Turkheim « Qui c’est les plus forts ? » où je joue une mère qui est restée une femme-enfant un peu déjantée. C’est très amusant à jouer ».
Décidément, « jouer » est vraiment le verbe que Christiana Réali aime conjuguer à tous les temps et dans tous les sens du terme et je vous conseille de ne pas rater cette « Société des loisirs », une pièce noire, drôle et décapante où le couple aux yeux bleus, Christiana et son complice Philippe Caroit, font merveille !

Philippe CAROIT : « Je suis un artisan… »
Philippe Caroit c’est ce beau comédien au regard bleu dont Nathalie Baye tombait amoureuse dans le film d’Alain Jessua « En toute innocence ».
Mais c’est aussi un comédien éclectique que l’on voit au théâtre, au cinéma, à la télévision et qui de plus, s’exporte beaucoup puisque travaillant en Angleterre, en Allemagne, en Italie et parlant toutes ces langues.
Pour l’instant c’est le théâtre qui est son centre d’intérêt en partant en tournée avec Christiana Réali et la pièce de Francis Archambault « La société des loisirs », pièce qu’il a découverte à Montréal en 2007 et qu’il a décidé d’importer en France.
Alors qu’il a fait une petite escale-vacances à Toulon, il nous en parle :
« C’est un ami comédien qui m’a fait découvrir cette pièce à Montréal, qui a été un gros succès.
Du coup j’ai décidé de la ramener en France en l’adaptant, avec l’accord de l’auteur car la langue et la culture québécoises sont quelque peu différents en France. Comme toujours, il y a eu un long processus de production mais j’ai été aidé par mon ami Pierre Cassignard qui joue d’ailleurs dans cette pièce. Nous l’avons enfin jouée au Théâtre de Paris où nous avons eu un beau succès.
Le choix de Christiana Réali ?
C’est Pierre Cassignard, encore, qui m’a fait penser à elle. Dans la pièce nous sommes un couple qui a l’air BCBG, bien sous tous rapports, bien propres sur eux Je suis ravi qu’elle joue ma femme car nous formons à nous deux une vraie publicité du couple idéal. Ce qui n’est bien sûr pas le cas et les apparences peuvent être trompeuses. Je trouve que nous nous ressemblons beaucoup tous les deux car sous ces apparences, nous avons un petit grain de folie, nous sommes un peu « dézingués » et bien évidemment, nous avons nos failles.
C’est une comédie ?
oui, une comédie drôle et grinçante à la fois, c’est un théâtre qui gratouille un peu comme seuls les nord-américains savent le faire. Ils osent aller beaucoup plus loin que les auteurs français et mélanger les genres. C’est très anglo-saxon. Ce sont des personnages qui sont pleins de certitudes mais qui ont aussi un côté pathétique car au-delà de ces apparences de réussites, ils sont un peu perdus.

Alors Philippe, on vous retrouve sur nombre de fronts internationaux puisque, en alternance, vous jouez en France, en Angleterre, en Italie et en Allemagne, ce qui est rare pour un comédien français.
Peut-être mais c’est ce que j’ai toujours voulu faire dès le départ : ne pas dépendre d’un seul marché. On sait combien ce métier est fluctuant, on vous encense puis, on ne sait trop pourquoi, on ne veut plus entendre parler de vous. Je n’ai pas voulu avoir à aller gratter aux portes et j’ai donc très vite voulu élargir mon champ d’action. Je parle Anglais et Italien et je me suis mis à l’Allemand afin de multiplier mes terrains de jeux, puisque par définition, je joue. J’aime en plus aller travailler ailleurs, partir en tournée puis changer de pays. M’aérer en permanence.
Votre actualité 2014 est impressionnante et internationale !
Oui, mais c’est au coup par coup, par coups de cœur et au vu des propositions que l’on me fait. J’ai donc fait un film en Italie « Sei mai stato sulla luna » de Paolo Genovese, qui devrait sortir en France. J’ai tourné « pour la télévision allemande « Die Staatsaffäre » de Michaël Rowitz avec Veronika Ferrer (photo) qui a été un gros succès. Ca n’est pas sorti sur les écrans français mais comme je sujet se rapproche de l’affaire Hollande-Trierweiller, par ricochet ça a eu un retentissement en France. »
Pour l’Angleterre, j’ai tourné pour le cinéma « Talking to the trees » d’Ilaria Borelli et pour la France « Crime et botanique » de Bruno Garcia…

Et « La maison du Lys Tigré » de Pascal Thomas ?
Oui mais c’est un petit rôle que j’ai fait par amitié pour Pascal. On se connaît depuis longtemps et c’est un clin d’œil qui a été agréable à faire. Ca sortira cet hiver.
Au niveau cinématographique, dès le départ vous avez fait le grand écart en tournant avec Rohmer « La femme de l’aviateur » et en vous retrouvant avec Philippe Clair et Max Pecas, ce qui n’est pas vraiment du cinéma d’auteur !!!
Oui et on me l’a d’ailleurs beaucoup reproché. C’est peut-être aussi pour ça que les portes du cinéma se sont un peu fermées pour moi, et c’est ce que je reproche justement à la France : de nous mettre des étiquettes. Je le regrette mais j’assume et même, je revendique car je suis comédien avant tout, que ce soit de théâtre, de cinéma, de télé et même de pub, qui joue du drame ou de la comédie, pourquoi pas ?
Je suis un artisan comme n’importe quel artisan. Si on demande à un ébéniste de faire un meuble de cuisine, il le fait, tout comme il fera une bibliothèque.
En France, on est asphyxiés par ces cloisonnements, par ces chapelles où on ne peut entrer…
Alors, je pars quand il le faut, quand j’ai des propositions qui me donnent envie d’exercer mon métier ailleurs. Et si je reviens toujours à Paris, je peux me permettre de refuser des choses qui ne me conviennent pas.
Par contre, vous faites peu de théâtre…
C’est vrai et c’est pourtant la base, la réalité de notre métier. J’adore monter sur scène et j’essaie d’y revenir tous les deux, trois ans, toujours avec un grand plaisir. Mais c’est compliqué car le théâtre prend beaucoup de temps : les répétitions, les prolongations à Paris si ça marche, la tournée qui suit… Pour faire du théâtre, il faut refuser beaucoup de choses. Pour cette pièce, qui est un peu mon bébé, j’ai refusé un film canadien avec Monica Bellucci ! Mais après, c’est un choix.
Alors, cette escale à Toulon ?
C’est toujours un grand plaisir de revenir dans le Var. C’est une région que j’adore, j’en suis amoureux. J’y ai des attaches et j’y reviens dès que je le peux. en plus, je suis venu à Sanary en 2004 pour jouer justement au Théâtre Galli, une pièce avec la mère de ma fille : Caroline Tresca. C’était « Accord parfait ».
J’aime beaucoup cette salle qui est à la fois belle et intime et où l’on est bien reçu. C’est donc aussi un plaisir de la revoir et d’y rejouer.

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Christian Servandier et Jacques Brachet