Archives mensuelles : octobre 2014

Le Bec Fin… C’est toute la Provence !

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Si vous passez par Cogolin, il faut impérativement vous arrêter dans un lieu de délices : le Bec Fin.
C’est une conserverie qui vous offre toutes les saveurs de notre Provence, conjuguées à l’infini. grâce à des recettes ancestrales que l’on découvrait dans ces vieux livres de nos grands mères qui, de leur belle écriture à l’encre violette et à la plume Sergent Major, transcrivaient ce que leurs mères leur avaient confié.
Tous les produits du terroir et de la mer, alors pas encore abîmés par l’homme moderne, étaient alors à leur disposition pour concocter des repas à la fois simples et goûteux, pleins de saveurs et d’originalité et surtout réalisés avec des produits de saison et e cultivés en plein champ.
C’est ce qu’ont voulu retrouver Marie Franqueza et Michel Dallari, passionnés de gastronomie, en se lançant en 1991 dans cette aventure, en rachetant un traiteur à Cogolin et en créant la conserverie « Au Bec fin ».
Ces deux artisans fous de cuisine, ils ont uni leur vie et leur passion pour la cuisine et pour la Provence en créant des produits totalement méridionaux, partant de recettes qui ont fait leurs preuves comme l’aïoli, la tapenade, la soupe de poisson et bien d’autres mais « à leur façon » car ils ont tous deux une imagination débordante et ils revisitent les classiques avec plein d’imagination.
Petit à petit, la conserverie s’est agrandie et aujourd’hui elle tourne à plein rendement car lorsqu’il y a un savoir faire, très vite les clients d’abord, les entreprises ensuite viennent tester et adopter les produits comme les traiteurs, les poissonniers, les caves à vin et les domaines, les épiceries fines et même les grands restaurants car, si nos amis travaillent essentiellement sur la région, Paris a dû sentir leurs fumets et aujourd’hui les restaurants parisiens viennent à eux et leurs produits se vendent un peu partout dans le monde.
Vous trouvez chez eux toutes les sauces que l’on peut déguster à l’apéritif, sur une viande ou un poisson, on trouve même un ketchup provençal !
Bien évidemment, ils ont aussi leurs propres recettes, des exclusivités comme la ratatouille aux légumes de Provence ou le tartinable provençal qui n’est autre que le Saussoun Varois où les anchois se marient au fenouil, à l’ail, à la menthe, aux amandes… un vrai régal à manger à la cuillère, comme le caviar de pois-chiches au chèvre frais et au cumin, la sauce tomate au miel et aux pignons…

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Mais vous découvrez des recettes à l’infini, idées plaisir, idées cadeaux car si les fleurs sentent bon, elle sont, comme disait Brel, périssables et là vous pouvez partager des grands moments de gastronomie comme ces duos terre (soupe au pistou et velouté provençal), mer ( soupe de poissons de roche, soupe de moules au corail d’oursins), fraîcheur ( velouté de courgette à la menthe fraîche et gaspacho)… Choix difficile qui vous met l’eau à la bouche et sur lequel est écrit : « A partager… ou pas ! ». A vous de voir à quel niveau de gourmandise vous en êtes !
A noter qu’il n’entre dans leurs produits naturels aucun conservateur et qu’ils sont tous proposés dans des bocaux de verre pour en garder toutes les saveurs) et qu’à ce titre, en plus de leur originalité et de leur présentation, ils ont été sélectionnés au SIAL Innovation ce qui est un signe évident de qualité car c’est un concours où les gastronomies du monde entier sont présentées.
Pour les gourmands, l’on trouve aujourd’hui des seaux de 500 grammes d’aïoli, anchoïade, tapenade et rouille.
Bref, d’année en année, la gamme s’enrichit, les murs se poussent pour agrandir cette conserverie où travaillent aujourd’hui 19 employés et que l’on peut visiter, signe qu’il n’y a rien à cacher chez eux… sinon les recettes !
C’est invités au Domaine de la Baratonne à la Garde, que nous avons pu déguster toutes ces nouveautés au cours d’une rencontre fort sympathique.
Et l’on ne saurait trop vous recommander de prendre très vite le chemin de Cogolin afin de découvrir ce Bel Fin aux saveurs de chez nous.

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 Jacques Brachet

Au Bec Fin – 50, avenue de Valensole – Cogolin – 04 94 55 74 44
www.au-bec-fin.comconserverie@au-bec-fin.com

Toulon
BOUJENAH réinvente sa vie au Théâtre Liberté

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On connaît Boujenah, roi  de l’humour et de la drôlerie et lorsqu’on est catalogué « comique », on restreint toujours le périmètre des possibilités d’un artiste.
De Bourvil à Coluche, on a pu se rendre compte que de mettre des étiquettes sur des petites boîtes en y rangeant des comédiens, il n’y a plus qu’en France qu’on peut trouver ça.
Tout ça pour dire que lorsqu’on connaît un tant soit peu le bonhomme Boujenah, on sait qu’il est profond, inquiet, humain et que derrière cette bonhomie, se cache un être sensible et beau.
Et beau, il l’a été en cette soirée du Théâtre Liberté où il retrouvait à la fois un public fidèle et deux amis : Charles et Philippe Berling.
Alors évidemment, dans ce spectacle où le titre est déjà tout un programme : « Ma vie, c’est beau, c’est con, c’est compliqué », on y retrouve cette façon si savoureuse de mélanger le texte à l’improvisation, de jouer avec le public, de trépigner, de crier comme un enfant capricieux, de piquer des colères, de cligner des yeux en toute complicité avec les spectateurs qui, au premier rang, en prennent pour leur grade, postillons compris, car il a toujours une ou deux têtes de turc qu’il titille tout au long du spectacle.

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Mais derrière ce personnage tonitruant, on découvre la fêlure d’un enfant déraciné, on découvre tout l’amour qu’il a pour sa mère, qu’il cache derrière cette caricature irrésistible pleine de drôlerie et de tendresse. On découvre aussi le grand comédien qu’il est, qui nous fait rire mais qui, en un tournemain, nous donne des moments d’intenses émotions.
Sa vie, elle est ce qu’elle est, moins pire que pour certains mais pas toujours drôle, comme pour tout le monde. Alors il se prend à la rêver, à l’imaginer, à l’enjoliver et par petites touches, il nous y emporte et on y croit, et on le suit. Et on l’aime.
Comme il le dit, « tout est possible quand on invente sa vie ». Et en plus, tout devient crédible lorsqu’on a le talent qu’il a pour jouer, comme un funambule, sur le fil ténu du rire et des larmes.
Jamais de pathos, jamais de grosse gaudriole… Non, tout simplement comme dans la vraie vie, de la moquerie mêlée à la tendresse, du rire mêlé à l’émotion et quand celle-ci devient évidente, d’une pirouette il revient au rire.
C’est tout simplement du grand art et le public ne s’y est pas trompé, qui lui a fait une ovation.
Et, un moment intense : celui où il vient saluer, fatigué de cette heure et demi où il a donné toute son énergie mais tellement heureux de cet énorme « merci » que lui renvoie la salle.

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Je ne dirai pas de lui que c’est « un grand monsieur » car, le connaissant, je sais qu’il en serait gêné. Mais « un grand bonhomme » oui, tant artiste qu’humain.
Merci Michel pour ce beau cadeau dans ce théâtre qui n’a jamais si bien porté son nom.

Jacques Brachet

Toulon – Théâtre Liberté
Berling – Montanaro : L’un parle, l’autre joue…
et inversement !

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Miquéu Montanaro est notre chantre occitan, même si les « purs » occitans ne le considèrent pas comme tel, dans la mesure où il n’est pas assez « militant », me dit-il en riant !
Mais pour nous il reste ce magnifique musicien qui chante en provençal, s’accompagnant d’instruments ancestraux à qui il donne une nouvelle jeunesse puisqu’il mélange à l’envi les genres de musiques, les rythmes, les voix, ses concerts étant toujours multilingues, multimusiques.
« Je suis un artiste éclectique, pour ne pas dire… iconoclaste ! » ajoute-t-il.
Et s’il est apprécié dans toutes nos régions occitanes et languedociennes, il l’est encore plus à l’étranger : le Maroc, la Hongrie, la Roumanie, le Burkina Fasso où il a joué devant quatre mille personnes !
D’ailleurs, il prépare une tournée qui l’emmènera à New York, Toronto, Montréal, Québec.
« C’est un spectacle qui mêle poésie, musiques traditionnelles et symphoniques, duos et improvisation, duquel je tire des performances, ce qui donne à chaque fois des spectacles différents.
J’aime rassembler des gens venus d’univers différents, chantant des langues différentes, des orchestres qui jouent diverses musiques. Je mêle tout ça et j’essaie d’en faire quelque chose de logique. C’est une œuvre qui se construit de divers éléments ».
Dans le cadre du premier « Thema » de l’année « Je suis un animal », Miquéu était l’invité du premier déjeuner-concert « Les Mardis Liberté » au Théâtre Liberté et il a partagé la vedette avec Philippe Berling avec, en « guest star », le comédien Antoine Simon, pour un concert intitulé « Pan ! », dans un spectacle mêlant des textes en provençal et en français, textes d’Édouard Glissant, Pablo Neruda, l’étymologiste Jean-Henri Fabre, le poète macédonien Vlada Urosevic, Fernando Pessoa, Nathalie Pratts, Tikos Patikrios et René Char, ce dernier ayant été traduit en provençal.

Jacques Brachet

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Le concert
Le Maître des flûtes et des tambourins en personne, Miquèu Montanaro, en compagnie de l’acteur-metteur en scène, Philippe Berling, pour une lecture en musique, voilà un menu de fête pour la reprise des Mardis Liberté en ce mois d’octobre. « Pan ! c’est le titre du spectacle. Référence au dieu pan, l’inventeur de la flûte pour se débarrasser de la diabolique nymphe Syrinx, et au panpan du tambourin.
Dans le fond du hall, une petite scène pour les deux artistes, une panoplie de flûtes posées sur l’étui de cuir du grand tambourin, un petit tambourin et un tambour de marche avec ses deux baguettes accrochées à la bretelle à même le sol; et les deux intervenants viendront se placer chacun derrière son micro.
Le galoubet égrène ses notes cristallines sur l’accompagnement rythmique du tambourin, puis Miquèu Montanaro lit un texte en provençal, repris en français par Philippe Berling. Des textes d’auteurs divers, ayant tous un rapport avec l’animal, puisque le Théma# actuel est « Je suis un animal ».
Les deux artistes jouent en osmose. Miquèu possède toutes les techniques des flûtes à bec, jouant même de deux à la fois, émettant des sons, des mots, des borborygmes saisissant tout en délivrant des mélodies et des rythmes, en véritable homme orchestre. Il a sorti ces instruments du simple folklore pour les mener à travers le monde dans toutes sortes de complexes musicaux. Et les mots dits par Philipe Berling coulent comme l’eau de la rivière entre ces berges sonores. Miquèu jouera aussi d’une flûte à deux corps avec un son magnifique, prenant et lyrique, la « dvojnica » issue de Pologne.
Dans la deuxième partie on verra Philippe Berling se vêtir du tambour de marche et jouer avec maestria en compagnie de Miquèu ; il faut dire que Philippe est aussi batteur.
Et en plein milieu de cette prestation une voix tonitruante hurla par trois fois: « Je suis un animal », puis « Je suis l’homme-totem du singe ».

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C’était le poète Antoine Simon, grand performeur. A ce moment Miquèu quitta la scène et vint l’entourer des méandres de son galoubet. Antoine Simon se déclara ainsi l’homme-totem de divers animaux, parsemant son texte de citations de poètes et de philosophes. Texte qui dramatise les relations de l’homme et de l’animal, et qui se termine ainsi :
 » …Il ferait volontiers de la terre un débris
Et dans un bâillement avalerait le monde ;
« C’est l’ennui ! » dit Baudelaire. Au contraire je dis : c’est vous, c’est nous, c’est moi, c’est l’homme, oui, c’est l’homme, le pire animal… »
Bigre ! Il serait temps de devenir meilleurs, frères humains qui avec nous vivez, et avec les autres animaux.
Puis, selon la tradition des Mardis Liberté, après le spectacle l’animal-homme était invité à se sustenter par un délicieux buffet servi par les accortes demoiselles du Liberté.

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Serge Baudot

Sanary – Théâtre Galli
Stone, une jolie veuve et son clan !

Après avoir chanté tous les étés avec Charden, Stone durant des décennies, aujourd’hui, Stone, ou plutôt Annie Stone revient au théâtre avec une pièce qui a fait ses preuves : « Le clan des veuves » de Ginette Garcin.
On pourra l’applaudir aux côtés de sa complice des tournées « Age Tendre », Sophie Darel et de Claudine Barjol, le samedi 8 novembre au Théâtre Galli.

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« Alors Annie, aujourd’hui nous parlons théâtre. Comment tout ça a démarré ?
A la base, Mario et Roger Mirmont écrivent une pièce « On vous écrira », qui raconte les tribulations et les infortunes de deux apprentis comédiens. Ca a été un gros succès qu’ils ont joué un an. Avec Charlotte Jullian,, amie de longue date, on s’est dit : « Et pourquoi pas nous ? ». On s’est donc écrit une pièce « Le plus beau métier du monde », avatars de deux chanteuses, qu’on a joué un an et demi d’abord au Théâtre des 400 coups puis au Splendid St Martin. Ca a été un succès et un régal !
Tu as donc récidivé ?
A partir de là, on a commencé à nous faire des propositions. On a pu voir Charlotte dans « P.R.O.F.S », j’ai fait un petit rôle dans « Le téléphone sonne toujours deux fois » auprès des Inconnus. Et puis il y a eu la rencontre avec Eliane Boéri qui, avec sa sœur Martine, avait créé « Les Jeanne » avec un énorme succès. Jusqu’à ce que Martine décède.  En 2002, Eliane a décidé de remonter le spectacle avec moi et Marthe-Hélène Rollin. Nous avons fait Paris, une tournée, le festival d’Avignon. C’était formidable.
Finalement, tout s’est enchaîné ?
Exactement puisque, après « Les Jeanne » on m’a demandé de jouer « Les monologues du vagin », que j’ai joué à Paris et à Avignon, puis j’ai joué une pièce de et avec Mario : « Le Phénix », avec mon fils Martin et Patrick Topaloff.
Topaloff que tu as retrouvé sur la tournée Age Tendre…
Oui… Il revenait de loin car il avait été SDF et c’est grâce à Ginette Garcin qui l’a trouvé errant dans la gare de l’Est, qu’il s’en est sorti. Elle l’a engagé dans une pièce.
Ginette Garcin qui va indirectement jouer un rôle dans ta vie !
Oui, puisque l’on vient de me proposer de reprendre le rôle qu’elle jouait dans la pièce dont elle est l’auteur : « Le clan des veuves ». Je la jouerai donc d’abord en tournée, dès la rentrée et peut-être à Paris si ça marche. Auprès de moi il y aura Sophie Darel et Claudine Barjol.
Connaissais-tu la pièce ?
Oui bien sûr, il y a plus de vingt ans car en plus, il y avait Jackie Sardou qui est la mère de Michel, Michel étant le parrain de mon fils Baptiste.
N’es-tu pas un peu jeune pour reprendre ce rôle ?
Mais pas du tout ! Figure-toi que lorsque Jackie, Ginette et Mony Dalmès jouaient cette pièce elles avaient notre âge… même si c’est difficilement crédible parce qu’elles faisaient peut-être plus vieilles que nous ! Mais, après elles et avant nous, Claudine Barjol avait déjà repris la pièce avec Grâce de Capitani et Julie Arnold… qui sont plus jeunes que nous !
Alors, chanson, théâtre… Que préfères-tu ?
C’est tellement différent ! Chanter a toujours été pour moi plus un plaisir qu’un métier. C’est de la rigolade par rapport au théâtre qui est plus structuré, plus rigoureux… et plus exaltant ! »

JB – Photo Christian Servandier

Toulon – Théâtre Liberté
Boujenah nous raconte sa vie rêvée

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le 16 octobre au Théâtre Liberté, Michel Boujenah revient avec son spectacle dont le titre est tout un programme : « Ma vie c’est beau, c’est con… c’est compliqué ».
Il nous explique :
C’est mon autobiographie… En fait c’est ma fausse biographie, c’est ma vie rêvée à la sauce autobiographique où rien n’est vrai ! Car je préfère rêver ou inventer ma vie plutôt que de vivre la mienne.

Pourquoi ? Elle est pas belle, ta vie ?
Oui, mais je trouve que celle que j’invente est plus belle, plus drôle, plus intéressante.
Ce n’est pas une création ?
Non, puisque ça fait déjà un an que je tourne avec. Je la jouerai à Paris à partir du 18 novembre au Théâtre Edouard VII puis je repartirai sur les routes.
Tu fais les choses à l’envers : province puis Paris au lieu du contraire !
Mais tu sais, je n’ai jamais confiance en moi, de ce que j’écris. J’ai toujours des doutes, des insatisfactions. D’abord, lorsque je décide d’écrire un spectacle, j’en écris au moins trois et j’en jette deux… Et même, je ne suis pas sûr du troisième avant de l’avoir testé. Je suis incapable de jouer un spectacle si je n’en suis pas satisfait. Je pense que tout le monde devrait faire comme moi car il faut être fou pour jouer un spectacle que l’on n’aime pas.
Alors, ça met beaucoup de temps pour que je me décide. Et lorsque je suis décidé, c’est la course pour trouver un théâtre à Paris. Je rends fou mon entourage !
Toulon est devenu pour toi une halte incontournable ?
Oui, d’abord parce que j’adore ce Théâtre Liberté et surtout parce que Charles Berling est un ami de longue date et, en tournant « Père et fils »,  ça a encore resserré nos liens, des liens très forts. J’ai aussi eu beaucoup de bonheur à jouer avec lui « Inconnu à cette adresse ». C’est donc toujours un grand plaisir que de revenir au Théâtre Liberté.

JB

NOTES DE LECTURES
Par les Plumes d’Azur

Chavassieux Christian -® F-Rizzi ClaraDupont-Monod

Christian CHAVASSIEUX  : L’Affaire des vivants (Phébus Collection Littérature française)
Dernier livre et premier roman de Christian Chavassieux, » l’Affaire des vivants » est une saga familiale sur fond de fin de siècle et de révolution industrielle.
Né sous la Troisième République, le héros, fils aîné d’un couple de paysans, les Persants se voit affublé par son grand père du prénom « Charlemagne ». Un lourd héritage qui le guidera tout au long de son ambitieuse destinée.
Très vite considéré comme différent par ses trois frères et ses parents « le Grand »va, en effet, se  forger une mentalité de battant. Doté d’un caractère fort, d’un sens aigu du commerce et d’une ambition farouche, Charlemagne va constituer en empire industriel autour d’une idée de toile caoutchoutée. Rien ne lui résiste : « les affaires, les femmes, les relations, tout se plie comme le noisetier entre ses poings ».
La première partie du livre raconte son ascension ; son charisme fait plier le monde. Fort de sa réussite financière, il pénétrera la bourgeoisie lyonnaise et épousera la femme qu’il souhaite. Aucune place n’est faite aux sentiments, à l’empathie.
Inévitablement alors, la deuxième partie du livre annoncera sa chute. Ses frères méprisés se rebellent, son fils Ernest vit en dilettante, oisif et dépourvu de la virilité de son père. Charlemagne finira sa vie tragiquement et son empire s’effondrera.
Le contexte historique partout présent, fait de cette saga un roman digne de Zola ou d’Hugo. On retrouve la peinture de la société de la fin du XIXème siècle, avec l’émergence du mouvement ouvrier, des formulations racistes et des propos homophobes. L’écriture est belle et forte, le vocabulaire précis, le rythme impose une lecture rapide
En résumé un roman de terroir comme on les aime, foisonnant, riche de péripéties et propice à l’évasion, même si l’auteur s’immisce parfois (procédé sympathique) et d’un clin d’œil nous ramène à la réalité : il s’agit bien d’une fiction!

Clara DUPONT-MONOD : Le Roi disait que j’étais diable (Ed Grasset)
L’auteur donne  la parole à Aliénor d’Aquitaine  et à son époux Louis VII, afin d’évoquer la vie et le destin de cette reine rebelle. Cette adolescente de quinze ans, libre, ambitieuse et violente détonne dans ce XIIème siècle où les femmes n’avaient aucun rôle à jouer. Elle déplaît à la cour.
Cette enfant du Sud aux tenues voyantes défie sans cesse l’Eglise, mais aussi son mari, héritier non préparé de ce Royaume de France, souverain très fragile, homme pieux et timide. Pour la conquérir il s’empare de Poitiers, incendie Vitry en Pertois avant de s’engager dans la seconde croisade,  Aliénor à ses côtés. Il l’aime et souffre. Deux vies que tout oppose, un mariage sans amour où le pouvoir est convoité par l’un et l’autre.
Elle fera annuler leur mariage pour épouser un autre roi, Henri Plantagenêt d’Angleterre.
L’auteur nous transporte au cœur d’un Moyen Age en pleine mutation dans ce roman vif au style tranchant, qui réinvente les premières années d’Aliénor, comme Reine de France, au milieu des chants des  troubadours  et du fracas des armes.

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Florence BREMIER – Le signe de Dédale (Ed Oskar)
Comme lors de ses précédents romans, « De mémoire d’assassins » et « Les héros sont fatigants ! », sans compter un nombre incalculable de nouvelles, ce nouveau roman est un polar.
Mais un polar un peu spécial puisque ses héros – pas si fatigants que ça ! – se nomment Macidon, Lycomède; Gréséis, Nikolidès…
Ca y est, vous pigez ? Nous sommes à Athènes et il faut remonter à 438 avant Jésus-Christ pour s’installer dans ce véritable imbroglio qui a pour but de – peut-être ! – découvrir le trésor de Dédale, cet architecte qui a créé le labyrinthe afin d’y enfermer le Minotaure et qui donna la solution à Ariane pour en sortir.
Alors voilà, il va falloir garder ce fil en main pour ne pas se perdre dans… les dédales de cette poursuite semée de cadavres, de mystères, de chasse au trésor.
Indéniablement, Florence Bremier a un style et quelle originalité de mêler Polar et mythologie, suspense et humour car si elle nous emmène dans un sombre drame, elle le fait avec le rire qui déconnecte les situations, et l’on y apprend plein de choses même si quelquefois les astérisques nous font un peu perdre… le fil !
Il faut se concentrer sur l’histoire et aussi s’acclimater aux noms des personnages qui ne s’appellent par Roger ou Gontran et quelquefois on s’emmêle les pinceaux !
Mais c’est pour mieux nous séduire et surtout nous donner envie d’aller jusqu’ au dénouement final.
En fait, il est très marrant de se perdre dans son histoire à rebondissements multiples et ça nous change du policier pur et dur qui traverse un dédale de rues sombres et pluvieuses pour retrouver l’assassin !

Kaoutaz HARCHI : A l’origine, notre père obscur. ( Actes Sud)
Divisé en quinze chapitres d’une dizaine de pages chacun, tous précédés d’une citation biblique, ce curieux livre de Kaoutar Harchi explore la violence des rapports hommes/femmes dans une société où la culture traditionnelle répressive laisse peu de place aux sentiments.
Peu importe l’époque ou le pays ; nous sommes dans « une maison singulière, aux frontières du réel ». Dans cet endroit, seules se retrouvent des femmes essentiellement accusées d’adultère par leur entourage hypocrite. L’honneur des hommes bafoué, elles ont été éloignées de leurs familles.
Parmi elles, une jeune fille née dans cette maison, et sa mère tentent d’exister. Autrefois mariée à un veuf, répudiée sur la dénonciation calomnieuse du fils de ce dernier, la mère n’exprime ni révolte, ni espoir ; elle-même gardienne des traditions, elle accepte son sort entourée de « tous ces autres corps maternels flamboyants. ». La vie dans ce lieu clos, sans intimité, fait d’une promiscuité continuelle, ne nous est pas présenté comme hostile. Les corps se côtoient, se frôlent, apparaissent « comme le seul lieu fixe du bonheur ».
La jeune fille vit proche de sa mère, sans aucun déploiement de sentiments, privée de l’existence de son père. La mort de La mère la délivrera et elle se mettra donc en quête du père. Mal reçue par sa famille retrouvée, face au machiavélisme de son demi-frère, elle sera abusée par son père et repartira….
L’intérêt de ce roman ne se situe cependant pas dans l’intrigue, mais plutôt dans ce qu’il nous est donné de comprendre du cheminement de cette jeune fille. Élevée sans amour, elle s’émancipera au contact du monde et va apprendre à s’aimer elle-même pour trouver sa voie
Écrit dans une langue recherchée d’où jaillissent les images d’un monde qui nous est étranger, ce roman est d’une grande qualité littéraire. Le rythme rappelle celui des battements du cœur, le style, haché, lancinant ressemble à une plainte.
Un texte rare. Un roman différent et enrichissant.

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Fouad  LAROUI : Le dernier des Sijilmassi ( Ed Julliard )
Un brillant ingénieur décide un jour de quitter le poste important qu’il occupe pour retrouver un rythme de vie plus paisible et conforme à celui de ses père et grand-père. Il démissionne et part à pied pour son village où il espère « faire le point » en toute quiétude mais il n’en aura guère le loisir parce qu’il est vite confronté aux mentalités rétrogrades qui perdurent dans sa famille comme chez les voisins ou la plupart des habitants de la petite ville.
Dans un style agréable, avec un humour réjouissant, l’auteur traite de sujets très sérieux comme le malaise des Marocains instruits dans des langues occidentales et la difficulté qu’ils peuvent éprouver à communiquer avec la langue de leurs ancêtres . Il est question de l’Islam, des différentes façons de le comprendre ou de le vivre. Les anecdotes sont savoureuses et feraient presque oublier la gravité de la situation que génèrent dans une même population l’ignorance et l’obscurantisme des uns face à l’évolution intellectuelle des autres . C ’est le XXIème siècle face au Moyen-Âge et c’est difficile à vivre !

Romain SLOCOMBE : Avis à mon exécuteur (Ed Robert Laffont)
L’auteur écrit depuis plus de 35 ans , il est aussi photographe , cinéaste,  peintre ou auteur de polars (« Mortelle résidence », « Première station avant l’abattoir »…) .
Il a obtenu un grand succès avec « Monsieur le commandant » en 2011  .
Dans les années 30, le héros de ce livre est un communiste convaincu. Il fait parti des agents  de renseignements soviétiques qui travaillent à l’étranger. Quand il découvre  les machinations anti-révolutionnaires de Staline pendant la guerre d’Espagne ou les purges en URSS, il est trop tard pour quitter les rangs. Il travaillera pour le NKVD à son corps défendant, pour sauver sa peau et celle de sa famille !
Rattrapé par la folie meurtrière du régime stalinien il finira « suicidé » dans un hôtel de Washington
Ce livre bien écrit et très documenté, mélange fiction et réalité. Il révèle après bien d’autres ouvrages, la folie meurtrière du maître du Kremlin avant la deuxième guerre mondiale, les purges, les procès. Les assassinats des premiers bolcheviques dépassèrent la folie meurtrière de Hitler.
L’auteur  met en évidence la situation inconfortable de tous les serviteurs du régime, proches du sommet ainsi que la mauvaise foi des intellectuels français ou autres qui ont fait abstraction de toutes ces monstruosités pour continuer à encenser l’indétrônable « petit père des peuples ».  Tout ce que ce roman révèle n’est pas nouveau, à quelques détails près, et de nombreux auteurs ont récemment traité le même sujet, mais il faut reconnaître à celui-ci une excessive minutie dans les détails et les comptes-rendus des opérations, ce qui pourra être considéré comme un défaut ou une qualité suivant ce que recherche le lecteur.

Mathias Menegoz Paris avril 2014 Biancarelli_Marco_c_Diane_Egault_8

Mathias MENEGOZ : Karpathia (Ed : P.O.L)
En 1833, le jeune capitaine de l’armée impériale d’Autriche-Hongrie, le comte hongrois  Alexander Korvanyi, quitte l’armée pour épouser Cara von Amprecht, autrichienne qui préfère la vie à la campagne plutôt qu’à Vienne et refuse la vie de garnison.
Ils partent s’installer en Transylvanie, sur les terres du comte d’où la famille Korvanyi s’est enfuie il y a cinquante ans après une révolte de ses serfs qui ont tué leur maître.  Ceux-ci sont de trois nationalités : Hongrois, Saxons et Valaques, ils se jalousent mais haïssent tous profondément le comte. Tout ce que ce dernier entreprend sur ses propriétés, ils le considèrent comme une brimade.
Pour fêter leur retour au pays, les Korvanyi organisent pour leurs voisins une chasse aux loups, ces animaux étant sensés leur tuer des moutons et avoir dévoré un enfant. Rapidement, la chasse va prendre des allures de guérilla et se transformer en chasse à l’homme.
Pour écrire son roman, l’auteur a passé plusieurs mois en recherche à la Bibliothèque Nationale autrichienne. Il a  voulu retranscrire son savoir tout neuf dans son roman et noie le lecteur dans une multitude de détails qui embrouillent le récit et l’alourdissent de passages fastidieux.
La vie, oh combien difficile, des serfs et les difficultés du comte à se faire accepter finissent par y perdre tout leur intérêt.

Marc BIANCARELLI  : Les orphelins de Dieu ( Ed Actes Sud) 
Ce roman se déroule dans les montagnes corses au XIXème siècle. Il relate une traque organisée par une jeune fille qui veut venger son frère que des brutes ont défiguré après lui avoir coupé la langue pour s’assurer de son silence , et un vieil homme sur le déclin, tueur à gages de son état et réputé pour sa sauvagerie « l’Infernu ». Ce voyage est aussi pour l’Infernu un retour vers un passé émaillé de violence et d’horreurs qui ont construit sa personnalité. Une sorte de complicité nait également entre les deux personnages pourtant si différents. Paradoxalement ce dernier contrat amène le vieil homme vers une sorte de rédemption.
Un roman très violent qui retrace des épisodes sanglants des guerres d’indépendance en Corse au XIXème siècle, des personnages excessifs auxquels il est difficile de s’identifier mais ce qui est intéressant c’est cette alternance de passé et de présent qu, peu à peu, donne les clés de la personnalité du vieil homme et annonce une sorte de rédemption.
Ce roman est intéressant, dense, la langue est riche, la construction originale mais l’accès en est difficile.

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Eric Vuillard : Tristesse de la terre ( Ed Actes Sud)
Ce récit retrace, à travers la vie de Buffalo Bill, le bien triste destin des indiens d’Amérique et tout particulièrement la tribu des Sioux. Eric Vuillard appuie son histoire sur une sélection de photographies d’indiens en grand apparat ou humiliés, de Buffalo Bill triomphant, de colonels  satisfaits de leur tristes victoires. Des victoires sur un peuple manipulé, précipité par un hiver rigoureux vers une mort certaine, soit de faim et de froid, soit sur le champ de bataille.
Buffalo Bill a utilisé les derniers indiens valides  en créant le premier grand show à travers l’Europe de 1900 à 1913. Même la reine Victoria  a assisté et applaudi les cascades de ces indiens réduits à n’être que des animaux de cirque. Pauvre Sitting Bull, que faisait-il dans ces tournées loin de ses prairies du Wyoming ? Pour malheureusement être lâchement assassiné de retour chez lui. Buffalo Bill est désormais riche, même très riche, « l’indianomania » de l’époque provoque la ruée vers tout objet ayant appartenu à un indien, parfois même un bébé adopté pour finalement mourir  dans la plus grande tristesse.
Avec son Wild West Show, Buffalo Bill a créé le concept du grand spectacle, il est le précurseur de Luna Park, il a aussi créé sa propre ville selon son nom, Cody, actuellement  visitée par les touristes amateurs de rodéos !
Eric Vuillard traduit l’infinie tristesse d’un peuple à qui l’identité a été volée, il ne lui reste que le folklore. Récit émouvant sur un peuple fier anéanti par le mépris, l’insolence, l’inhumanité de généraux grossiers et veules.
Eric Vuillard aimerait que le lecteur envisage une autre version des faits, celle qui donne la victoire aux indiens et leur enlèverait ce voile de tristesse permanent.
Oui, pensons-y, l’histoire aurait pu être autre.

Pauline DREYFUS : Ce sont des choses qui arrivent (Ed Grasset)   
La vie mondaine parisienne du gratin aristocratique français pendant la deuxième guerre mondiale, est décrite à travers un couple :
Lui, duc d’empire, très conventionnel, ne considère un être humain que par son « pedigree ».
Elle, descendante des rois de France, ravissante mondaine, ne fréquente que les personnes de renom tels Cocteau, Arletty, Guitry, Paul Valérie, Karajan, Flora Goult, Marie-Laure de Noailles… les grands couturiers et modistes tels Worth, Paquin…s ans oublier les restaurants à la mode tel Maxim’s….
La guerre ne les concerne pas car elle n’est pas trop cruelle pour ceux qui ont les moyens d’en contourner les rudesses.
« Réfugiés » sur la Riviera française où l’on maintient les usages au milieu du chaos, des amis juifs de Proust cherchent auprès du couple des sauf-conduits. Ces visites ébranlent la jeune femme qui, de retour à Paris, en mauvaise santé traitée à la morphine, cherche, au début, à comprendre, par curiosité. Puis son regard change sur les évènements loçrsqu’elle découvre, à la mort de sa mère, que son père biologique était juif. Secret bien gardé !
Ses préjugés volent en éclats; les brimades infligées aux  juifs se mettent à l’offenser. Elle devient provocatrice…
Très bien documenté, dans un style précis, ce livre décrit la vie mondaine de cette époque. Un régal !
Dans ce contexte, y introduire avec beaucoup d’ironie, le drame d’une filiation qui tourne au naufrage est un tour de force .
Bravo pour ce second roman !

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Pierre VENS : La nuit Grecque (Ed Albin Michel)
Vincent aurait tout pour être heureux : une belle situation, une femme aimante un fils qu’il adore.
Mais tout va se détériorer lorsque son entreprise décline, qu’il fait tout pour rester à flot sans vouloir en parler à sa femme mais peu à peu l’entreprise sombre et lui avec.
C’est au cours d’un voyage à Athènes que sa vie va complètement basculer. Un soir qu’il en prise avec tous ses problèmes, il entre dans une boîte gay alors que jusque là il n’a eu aucun penchant homosexuel et son regard croise Théo, un jeune grec vers lequel il est irrésistiblement attiré. Cela semble  réciproque et il se laisse aller à cette aventure qu’il pense être d’un jour, par dépit, par tristesse, pour oublier ses problèmes…
Mais très vite cette rencontre devient passionnelle. Il découvre son homosexualité, il tombe fou amoureux de ce jeune garçon très ambigu quant aux sentiments qu’il semble partager mais non dénués d’intérêt,  qui va l’entraîner dans une passion dévorante, une spirale infernale de sexe et d’alcool.
Malgré tout l’amour qu’il continue à porter à sa femme et la compréhension de celle-ci, le couple évidemment va éclater. Quant à lui, il prendra le chemin d’une fatale et sordide déchéance jusqu’à la rupture avec ce garçon qu’il a du mal à comprendre et qu’il a dans la peau.
Sept ans plus tard, Vincent s’est reconstruit tant bien que mal. Il n’a plus eu de nouvelles de Théo, jusqu’au jour où il reçoit la lettre d’un avocat qui lui annonce que son fils devient propriétaire d’une maison en Grèce léguée par Théo. Il va retourner sur le chemin de ce qui fut pour lui le paradis et l’enfer et va découvrir des choses…
Ce livre, qui est un premier roman, est bouleversant et vous prend très vite aux tripes. Pour écrire des pages aussi belles et touchantes, il semblerait qu’il y ait du vécu là-dessous tant les sentiments contraires évoqués sont à la fois réalistes et poignants. L’on suit cet homme à la dérive avec toujours l’espoir qu’il va s’en sortir. Pierre Vens écrit avec délicatesse, décrit avec tendresse et violence ces sentiments contraires que vit son héros et l’on se prend alors à les partager : que ferait-on si cela nous arrivait ?
Rarement ce délicat sujet a été abordé avec tant de rigueur, d’évidente vérité. C’est en quelque sorte un rite, une passerelle entre deux vies, un passage sur une autre rive qui ne peut se réaliser que dans le tumulte. On ne tombe jamais dans le pathos ni dans le graveleux. C’est un grand roman écrit avec une belle plume prometteuse, qui ne peut vous laisser indifférent.

Dominique BONA : Je suis fou de toi – Le grand amour de Paul Valéry (Ed Grasset )
Défendant toujours sa famille et son écriture, malgré de nombreuses maîtresses, personne n’a su prendre possession de Paul Valéry même pas cette encombrante mais brillante Catherine Pozzi dont l’exigence intellectuelle n’avait d’égale que son physique ingrat.
Alors qu’il était au bout du rouleau – soixante-dix ans et une mélancolie chronique – il rencontre Jeanne Loviton-Voilier. Jeune femme moderne, pleine de santé et de dynamisme, ambitieuse, divorcée, elle est avocate et chef d’entreprise.  Lui a besoin de tendresse ce qui le rend vulnérable et amoureux comme un ado plein de sensualité. Elle devient « la muse, le public, le modèle, le thème et ….la récompense ». C’est sa drogue!  Elle cherche une épaule et  est éblouie par ce grand esprit, plein de charme et d’humour. Pour la jeune fille humiliée qui vivait chichement avec sa mère, d’avoir séduit un académicien français, docteur Honoris Causa de plusieurs universités étrangères, professeur de poétique au collège de France, adulé et couvert d’honneurs, quelle revanche éclatante, bien que ce soit une liaison cachée.
Mais Paul Valéry ignore le territoire encombré de cette femme fascinante qui, sans remords, dans la plus grande discrétion, parallèlement collectionne des amants illustres ( Giraudoux, Saint John Perse, Malaparte, une femme très brillante, Yvonne, Robert Denoël etc.)
Ce dernier était le seul prêt à divorcer pour elle. A l’annonce de ce futur mariage Paul Valery se laisse mourir
Dans un très beau style classique, c’est une somptueuse biographie, écrite par une spécialiste du genre qui plonge le lecteur dans la vie intellectuelle de 1937 à 1945. Avec beaucoup de délicatesse, l’auteur fait un portrait sensible et touchant de ce grand homme célèbre et vieillissant, dont elle dissèque les tourments à travers ses nombreuses lettres bien sélectionnées ( quatre cent cinquante deux au total)
C’est la victoire du cœur sur la raison. Tandis que son idole, jeune femme ambitieuse et moderne, a su charmer sans remords nombre d’hommes célèbres dont Paul Valérie pour qui elle a eu un vrai penchant.

TOULON
Une convention entre le Festival de Musique de Toulon et sa région, l’Opéra et TPM

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Le festival de la Tour Royale créé en 1951 s’est mué en 1968, sous la présidence d’Henri Tiscornia, en un festival estival, puis en 1996 sous la houlette de Claude-Henri Bonnet le festival s’est déroulé pendant la saison d’hiver, pour devenir « Les concerts classiques » sous la direction de Daniel Bizien. On voit qu’il s’est agi d’une lente évolution pour en arriver à la formule actuelle. Eh bien l’évolution continue et une nouvelle ère commence pour le Festival de Musique de Toulon et sa région comme l’annonçait le président Henri Tiscornia, en place depuis 46 ans, puisque vient d’être signée une convention de collaboration entre TPM, l’Opéra et le Festival de Toulon. Le Président devait affirmer que cette collaboration entre le Festival et l’Opéra permettrait « une manifestation commune de leur diversité, chaque structure gardant ses particularités, et que ceci permettra également une « substantielle économie budgétaire dans un paysage musical harmonieux ». Puis le Président remercia l’ex-directeur Alain Guérin, absent, pour son travail de programmation, sans nous dire ce qu’il est advenu de celui-ci. C’est Claude-Henry Bonnet, directeur de l’Opéra de Toulon, qui assurera bénévolement la direction artistique du festival. Etaient présents sur scène en plus du Président : Claude Pinet, l’administrateur/trésorier du Festival, l’Amiral Yann Tainguy adjoint à la culture à la mairie de Toulon, Jean-Sébastien Vialatte député-maire de Six-Fours, et le député Philippe Vittel.
La présentation de la saison fut assurée par Monique Dautemer, musicologue du Festival ; ce qu’elle fit avec la compétence et la passion qu’on lui connaît.
A l’issue de cette présentation Monique Dautemer donna une conférence sur « La fantastique histoire du piano ». Histoire réellement fantastique de cet instrument qui est un orchestre à lui tout seul, et l’incontournable de la musique, du moins de la musique occidentale. Elle nous montra avec images et sons à l’appui qu’on pouvait situer l’origine de cet instrument dès l’antiquité avec des instruments à cordes frappées. Mais c’est surtout à partir du XVII° siècle que le piano, tel que nous le connaissons, commence son ascension. A partir du Tympanon ou cymbalum naît le clavicorde, qui au XVIII° siècle, sous l’égide de Bartolomeo Crostofori, entre autres, deviendra le « pianoforte » car il peut jouer piano et forte. Il aura fallu faire progresser les mécanismes, le clavier, bref toute une subtile mécanique. La conférence se termina par l’audition de « Caravane » par Michel Petrucciani.
La soirée s’est terminée autour de l’apéritif offert par « Les Amis du Festivals », association ô combien nécessaire à la bonne marche du festival.

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Revue de quelques détails :
– L’accent est mis sur le grand piano avec Adam Laloum, Claire Désert, Anaït Sérékian, Bertrand Chamayou, François-Frédéric Guy.
– Un « Mozart célèbre Noël » à l’église Saint-Paul
– Un « Concerto d’extrême Oural »
– « La Fanfare a une étincelle » avec le quintette à cuivre de l’Azur Symphonic Orchestra ;
– Deux prestations de l’Orchestre Régional Provence-Alpes-Côte d’azur.
– Et des concertos et grandes œuvres de différents compositeurs.
– Le concert éSauce rubato clarinette » après la résidence au lycée Dumont d’Urville de Anaït Sérékian (piano), et Arnaud Pairier (clarinette).
Les concerts auront lieu essentiellement au Palais Neptune, mais aussi au Théâtre Liberté, au Lycée Dumont d’Urville, à l’église Saint-Paul, et à la Maison des services publics.
Avant les concerts au Palais Neptune Monique Dautemer donnera une conférence en relation avec le concert de la soirée dans les salons de l’hôtel Ibis Styles (Place Besagne à Toulon)

Serge Baudot
www.festivalmusiquetoulon.com

TOULON
Ibrahim MAALOUF au théâtre Liberté : A star is born.

Sur la scène, des cônes de lumière matérialisés par la fumée et tournant lentement sur eux-mêmes. Un à un les musiciens vont venir les habiter tout en jouant, et lorsqu’ils sont tous en scène une musique tonitruante, un brin pompeuse, envahit la salle. Ce n’était que présentation, tant Ibrahim Maalouf aime le spectacle, lui même étant un excellent showman. Il faut dire que la présentation scénique est belle, impeccable, pleine « d’illusions » ; Illusions étant le nom du concert et du dernier CD du groupe. Ce soir c’était la reprise de la tournée après deux mois d’arrêt. Reprise en grande pompe avec un groupe soudé, joyeux, manifestement heureux d’être là et de jouer ensemble, devant un public de fan totalement acquis.

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L’orchestre se compose d’un guitariste, François Delporte, quelque peu disciple de Jimmy Page, d’ailleurs Ibrahim Maalouf mentionnera plusieurs fois Led Zeppelin : un bassiste, Laurent David, très rock ; un claviériste, Frank Woeste, le plus jazz de la bande ; un batteur, Stéphane Galland, la technique Billy Cobbam mâtinée hard rock, et trois excellents trompettiste dans le rôle du chœur : Youenn Le Cam, Martin Saccardy, et Yann Martin. A plusieurs reprises il s’établit un dialogue musical entre les trois trompettes et celle du leader, et je dois dire que c’étaient des moments assez jouissifs. Pour moi les meilleurs moments, parfois très beaux et très prenants, furent ceux pendant lesquels Ibrahim jouaient ses mélodies inspirées de son pays et de sa musique, comme par exemple ce « True Sorry », image de la déambulation du père dans les rues de Beyrouth. Les morceaux plus explosifs, à grands renforts d’effets, me semblaient plus gratuits, moins inspirés, plus banals en somme, même s’ils sont joués avec une mise en place parfaite, une conviction et un engagement absolus. A retenir tout de même que le background des trois trompettes, ça déménage ! Musique extrêmement sensuelle et dispensatrice d’illusions à tous les sens du mot ; en ce sens le titre est bien choisi. Ces musiciens sont jeunes, l’avenir leur appartient.
Ibrahim Maalouf a souvent présenté sa trompette à quatre pistons inventée par son père, quatrième piston qui permet de jouer les quarts de ton et les mélismes de la musique orientale, qu’on ne pratique pas dans la gamme tempérée. Il en joue magnifiquement, doué d’une technique époustouflante, avec un phrasé doux et limpide, tant et si bien que lorsqu’il joue des mélodies de type oriental on a l’impression d’entendre un Ney, cette flûte persane, turc ou arabe. Mais il est capable de jouer staccato et avec une puissance formidable. Il est plus qu’à l’aise dans tous les registres, et se joue de toutes les difficultés.
Ibrahim Maalouf a rappelé que pour la première fois les victoires de la Musique avait récompensé un disque instrumental, le sien en 2014, « Illusions » justement, dans la catégorie « Musiques du Monde ». C’est bien de cela qu’il s’agit. Même si Ibrahim Maalouf tourne dans la sphère du jazz, est invité dans les festivals de jazz, cette musique n’est pas du jazz selon les critères traditionnels. D’ailleurs lui même le reconnaît dans ses interviews, et il se moque des classements. Ce qui l’intéresse c’est de créer et jouer sa musique, ce qu’il réussit parfaitement. Il mène également une carrière de compositeur puisqu’il a signé la bande originale du biopic de Jalil Lespert sur Yves Saint Laurent, ainsi que les B.O. de Red Rose de l’iranienne Sepideh Farsi et de La Crème de la crème, de Kim Chapiron, et qu’il a bien d’autres projets très ambitieux.

Serge Baudot

Théatre Liberté – Toulon
Théma # 14 « Je suis un animal » 1er octobre au 30 novembre

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Reprise de la saison au Liberté avec ce « Théma # 14 » ayant pour base l’animal, c’est à dire quelle est la part de l’animal en nous, et la part de l’humain chez l’animal. Pendant deux mois les spectacles tourneront autour de ce thème.
Ce Théma 14 fut présenté comme à l’accoutumée dans le hall du théâtre par  Pascale Boeglin-Rodier, Philippe Berling, Barbara Perraud, le triumvirat directorial, et Jean-Paul Fargier, critique de cinéma, vidéaste et cinéaste qui explicita les différentes expositions dans le hall, et qui devait présenter le soir la vidéo de 1986 « I do not know what it is I am like » du grand vidéaste Bill Viola.
Revue de détails des expositions :

– « Je suis un animal », photos en noir et blanc de Michel Vanden Eeckhoudt qui dit que « ses images voyagent sur les ailes du hasard et du doute ». Des animaux dans des situations inédites et souvent étranges qui font appel à notre imaginaire et racontent des histoires mieux que ne le font les mots, laissant toute la place à l’ambiguïté et aux connotations de chacun.

– « Reburrus » (une allusion à l’animal machine cher au XIIème siècle), une vidéo de 2012 de Sophie Mei Dalby qui présente une série de portraits d’animaux qui vivent dans de somptueux zoos en Suisse. Ces animaux sont mis en scène dans un décor quelque peu XVIII-XIX° siècle. Ces différents animaux sont filmés en longs plans fixes, ils semblent figés, taxidermés, mais soudain quelque chose bouge, un geste bref, et nous ne sommes plus devant un beau tableau en couleurs mais devant la réalité tragique du zoo, même de luxe.

– « Les Tempestaires », vidéo de 2009 de Laurent Millet. Visions étranges de papillons énervés derrière une vitre, et d’autres animaux dans des situations particulières en compagnie parfois d’humains qui se conduisent en bêtes. Chaque scène dégage une  émotion forte, et parfois est même dure à regarder telle celle où une meute de chiens se partagent un sanglier. Mais c’est du grand art.

– « ô gué ma vie ô gué », une autre vidéo de 2006 de Laurent Millet. Cette fois la caméra se fixe sur le squelette d’un oiseau balancé par les remous d’un cours d’eau. Ce squelette est complet, avec la tête et la queue et un reste d’aile. Flottant à la dérive, il vous regarde, ou semble voler sous l’eau, et prend des formes diverses. C’est un ballet, beau, fascinant, envoûtant, duquel il est difficile de se détacher.

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D’octobre à fin novembre, en plus des expositions on aura accès à :
– Des fims : Fish Tank d’Andrea Arnold – La marche de l’empereur de Luc Jacquet –  Je suis un animal avec Cédric de Veigy – Les enfants loups Ame et Yuki de Mamoru Hosoda (à partir de 6 ans)
– Une conférence: L’animal philosophique avec Etienne Bimbenet (philosophe) et Cyril Casmèze (comédien) qui feront part  de leur expérience singulière de l’animalité de l’homme.
Car ne l’oublions pas : Nous sommes avant tout des animaux, qui avons pris le pouvoir sur la terre, pour le meilleur et hélas trop souvent pour le pire…Pour combien de temps encore ?

Serge Baudot
Programme détaillé au Théâtre Liberté (04 98 00 56 76), sur evasionmag.com, et dans les lieux culturels.