Archives de catégorie : Musique

Christine MANGANARO, femme de musique et de passion

Cela fait 30 ans que nous nous connaissons.
Nous avons été voisins, nous promenions notre chien ensemble (Ça crée des liens !) puis en tant que journaliste j’ai suivi ses pérégrination musicales, un coup chanteuse, un coup responsable communication.
Elle a une pêche, une énergie folles, elle est belle et elle a une voix exceptionnelle, qu’elle chante Croisille ou Sanson, Scorpions ou Percy Sledge, France Gall ou Aretha Franklin, Amy Winehouse ou Santa… Et j’en passe.
Elle a une tessiture et une puissance incroyables dans la voix.
Elle était ces jours-ci en concert à la crêperie le Saint-Malo à Six-Fours où elle a fait le plein.
Une occasion de se retrouver et faire un portrait de cette femme qui aurait pu faire une belle carrière mais que ça n’intéressait pas particulièrement car sa vie c’est chanter donner et se donner du plaisir.

« La chanson… Comment ça a commencé ?
Très tôt. En fait, ça a commencé par la musique grâce à un papa mélomane qui touchait à n’importe quel instrument, petite j’ai bien sûr hérité de ça, dans la famille on adore chanter, danser… J’ai baigné dans cet esprit festif et musical et puis un jour, j’ai vu quelqu’un jouer de l’orgue Hammond comme Rhoda Scott, j’ai eu envie de jouer de cet instrument et ça m’a beaucoup plu. J’ai appris à en jouer sans faire de solfège, tout d’oreille et j’ai commencé à composer des chansons et à chanter mes textes. J’avais 12/13 ans et dans les fêtes de famille il fallait que je chante !
Mais bon, ça n’allait pas encore très loin ?
Un ami de la famille, qui était chanteur professionnel m’a écouté et m’a conseillé d’aller plus loin. Il m’a prise avec lui dans des spectacle et c’est comme ça que j’ai démarré « officiellement ».
Vers 16 ans je devais payer mes études, j’ai cherché un job au pub Saint-Michel à Paris, à côté de Notre-Dame. C’était un café-concert  à l’époque – on était en 85 – et les musiciens alors tournaient de cafés concert en cafés concert jouaient dix morceaux et changeaient de lieu, se faisaient rémunérer au chapeau.
Et toi dans ces lieux ?
Dans l’un deux j’étais serveuse, il y avait un pianiste et une chanteuse que j’admirais, je suis allée les voir, leur ai demandé si je pouvais chanter quelque chose. J’ai chanté du Véronique Sanson et j’ai commencé comme ça.  Les patrons qui m’ont entendue, m’ont proposé de chanter un quart d’heure chaque soir. A l’étage il y avait une brasserie et les gens descendaient pensant que c’était Véronique Sanson !

Et alors ?
Ça m’a donné de l’assurance, j’ai commencé à faire la tournée des piano bars, j’animais des karaokés et je prenais un plaisir énorme à chanter, à partager. J’ai toujours chanté pour le public, jamais en me regardant le nombril ou à me prendre pour une diva ! Je donne autant que je reçois, je reçois autant que je donne. C’est pour ça que je chante, c’est la communion du cœur.
Tu étais donc parisienne… Ça te gène, ça te gène ??
(Elle rit) Non mais je n’aimais pas la vie parisienne. J’étais mariée à un policier qui s’est fait muter dans le Sud à ma demande car j’en avais marre de Paris. J’étais alors journaliste à Paris pour le Parisien mais lorsque j’ai eu ma fille j’ai eu envie de quitter la capitale
Et te voilà à Six-Fours ! 
Oui. J’étais OK pour arrêter un temps le journalisme… mais pas la chanson.
J’ai écumé les petites annonces pour trouver un groupe et je suis tombée sur l’orchestre Eclipse, j’ai découvert ce qu’était le baloche et j’ai adoré. Nous étions une douzaine sur scène. Puis je suis passée chez Albert Jean où, avec l’autre chanteuse, on se changeait 17 fois dans la soirée ! Ça a été une très bonne école. J’ai rencontré le chanteur américain à la voix d’or, Rudy Wilburn, avec qui j’ai travaillé 5/6 ans avec lui et c’est ce qui m’a fait me lancer dans le r’n’b, la soul et ça, c’était ma tasse de thé.
Avec tout ça, n’as-tu jamais voulu te lancer dans une carrière de chanteuse ?
Non, parce que j’avais trouvé un métier de journaliste car entretemps j’étais entrée à RTL, j’ai travaillé pour France 3 et ce métier me passionnait. Je n’avais pas envie de le sacrifier pour une aléatoire carrière de chanteuse. Je ne voulais pas que ça devienne mon gagne-pain mais que ça reste une passion. Je n’avais pas envie d’avoir ce rapport à la musique, à l’argent. Ceci dit, aujourd’hui je viens d’avoir un bousculement dans ma vie et je me demande si je ne vais pas devenir intermittente. C’est peut-être fou mais je crois que c’est ce que je vais faire… Et je ne sais pas si je ne vais pas tenter le concours de « The Voice » !!! Je n’ai pas encore lancé ma carrière de chanteuse !

Tu composes et écrit des chansons ?
Oui, tu parles d’une autre vie. J’étais adolescente et je chantais « Je t’aime, je t’aimerai toute ma vie »… Tu vois, ça n’allait pas loin. Autant je suis une musicienne vocale, j’ai une très bonne oreille mais je ne suis pas une technicienne, je ne joue pas d’instrument de musique.
Mais aujourd’hui je suis en espèce d’état d’urgence et je veux prendre tout ce qui passe.
Tu as aussi été attachée de presse…
Oui, c’est un peu la logique de mon métier de journaliste. Lorsque j’étais à France 3, j’avais été repérée par le Président Bessudo de la Chambre de Commerce qui voyait que j’étais une journaliste qui posait des questions un peu sensées (même si ça peut paraître prétentieux !) J’étais alors la plus jeune journaliste titularisée à 19 ans lorsque j’ai démarré. J’ai appris mon métier avec de vrais grands journalistes. J’ai gardé un amour pour ce métier.
C’est donc le président Bessudo qui m’a proposé d’être attachée de presse. Étant des deux bords, je connais les attentes des journalistes et ça m’a beaucoup servi.
Aujourd’hui le métier de la presse a beaucoup changé hélas.
Tu as travaillé sur le festival de jazz à Toulon et aujourd’hui te voilà à celui de la Londe…
Pour la Londe, l’organisateur Christophe Dal Sasso avait entendu parler de moi par un ami commun avec qui j’avais collaboré chez Tandem. Le festival a 15 ans, il fait des choses étonnantes avec beaucoup de bénévoles, de petits moyens avec de grandes ambitions. Le festival est aujourd’hui à la fois professionnel et ambitieux. Ça a été ma première et une belle aventure humaine où tout le monde s’investit à fond et j’espère que ça va continuer ».

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Alain Lafon


Antraigues – La Maison Ferrat… En souvenir

La maison d’Antraigues, j’ai eu la chance d’y être invité par Jean Ferrat lui-même en 79, grâce à Gérard Meys, son producteur et compagnon d’Isabelle Aubret, qui sont des amis de longue date.
En 1991 sortant son album « Dans la jungle et dans le zoo » il ne voulait faire qu’une télévision : celle de Michel Drucker et que trois médias : le Dauphiné, la Montagne et… Evasion Mag car il avait appris par Gérard que j’étais mi-ardéchois, mi-varois. C’est ainsi que nous passâmes la journée à écouter chacune des chansons de ce nouveau disque  dont il nous expliquait la naissance et que tout se termina par un repas à la Remise. Inutile de dire la joie que nous avons eue de partager ce moment avec cet immense artiste.
Une fois disparu, je continuais à venir voir Colette, sa femme, avec qui je fis un reportage lorsqu’elle ouvrit ce lieu qu’est la Maison Ferrat, en souvenir de lui.
D’année en année, j’ai continué à venir saluer Colette qui s’affaiblissait, jusqu’à ce 9 mai où elle a rejoint son homme, à l’âge de 88 ans.
Il y a longtemps que je n’étais plus entré dans ce lieu du souvenir, cette année, je m’y décidai et c’est avec un merveilleux sourire que m’y accueillit Anja Wissman, chargée de mission dans ce qui n’est pas un musée mais où des centaines de gens font la queue pour retrouver avec nostalgie, le poète-chanteur qui nous a offert tant de belles chansons.

Coralie Nicolas à l’accueil
avec Anja Wissman
Sa bibliothèque, ses livres, sa guitare...

« Anja, quel est votre rôle dans cette maison ?
Je suis chargée de mission depuis une dizaine d’années mais le lieu est géré par une association, la directrice étant Valérie, la nièce de Colette qu’elle a élevée comme sa fille. La Maison Ferrat existe depuis le 13 mai 2013. On a d’ailleurs fêté ses dix ans l’an dernier.
Expliquez-moi ce qui s’y passe…
Lorsque Colette a créé cette maison, c’était pour offrir un lieu vivant qui ne soit pas seulement un musée statique mais pour qu’il s’y passe des choses. Durant ces années, nous avons accueilli des concerts, proposé des expositions dont celles de Pignon Ernest Pignon qui nous a offert ce magnifique portrait de Jean Ferrat, on a organisé des conférences, nombre de soirées sur la place, des projections, tous les ans nous organisons le Printemps des Poètes. Quant à l’exposition consacrée à Ferrat, on essaie de la renouveler, de ne pas toujours montrer la même chose, nous accueillons de jeunes artistes de l’Ardèche, des expos temporaires en été.
Et il y a  ce festival Jean Ferrat qui vient d’avoir lieu du 17 au 21 juillet
Ce festival a été créé avant la Maison Ferrat en 2011. Au départ c’était la Mairie qui avait initié ce festival puis une association a pris le relais pour le faire perdurer.
Ce sont toujours des concerts autour de Ferrat ?
Au début c’était pour lui rendre hommage. Puis ça s’est élargi au niveau de la durée. D’une journée, nous sommes passés à quatre. Le fil rouge reste bien entendu Ferrat, son esprit, on reste fidèle à ses engagements, on y invite des artistes pas forcément de la chanson française classique, on s’est ouvert à d’autres styles de musiques, le rap, le slam, on a fait aussi un peu de rock mais le point commun au niveau de ces artistes c’est que ça reste 100% francophone ancré dans la personnalité et les idées de Ferrat.

le magnifique portrait dessiné par Ernest Pinon Ernest

Dans ce lieu je reconnais du mobilier que j’avais vu chez Jean…
Lorsqu’il est décédé, il y avait énormément de gens qui erraient dans le village à la recherche de sa maison et du coup, il y avait besoin d’un lieu et c’est pour cela que Colette a eu cette idée de cette place symbolique où on pouvait le voir jouer aux boules. Le lieu, qui était un bar-restaurant – où d’ailleurs Philippe Noiret et Jean-Louis Trintignant venaient lorsqu’ils tournaient le film de Robert Enrico « Le secret » (On le voit d’ailleurs dans le film) – était en vente. Et Colette y a installé des meubles, le piano, sa guitare…
La maison a-t-elle été vendue ?
Non, elle est toujours dans la famille.
Que faisait Jean de ses journées ?
Il continuait à écrire, il passait beaucoup de temps à répondre au courrier qu’il recevait, on a des archives incroyables. Pour lui, c’était important de garder ce contact avec son public, il jouait aux cartes, aux boules avec ses amis, il allait à la pêche.
Est-ce que des artistes connus sont venus jouer ?
Oui, justement nous avons accueilli Jean-Louis Trintignant avec un spectacle libertain, Daniel Auteuil, Arthur H, Francesca Solleville avec qui on a fêté ses 90 ans, son ami Ernest Pignon Ernest, qu’on a accueilli deux fois pour des expositions…

Vous disiez que ce lieu était un bar mais il fut aussi, je crois, un lieu historique ?
Oui, le comédien Gabriel Monnet, né au Cheylard, était un grand résistant, il a inauguré la Maison de la Culture de Bourges en montant une pièce de Pierre Halet « La provocation » sur l’incendie du Reichstag. Pierre Halet, connaissant Jean Ferrat, lui a demandé d’en écrire la musique. Gaby Monnet connaissant Alexandre Calder et Jean Saussac, qui était décorateur de théâtre, leur a demandé d’en faire les décors. Tout ce petit monde s’est donc retrouvé à Bourges puis à Antraigues et c’est grâce à eux que, tous installés dans le village, celui-ci a commencé à être connu artistiquement ».

Il est évident que Ferrat installé, le monde artistique s’est développé autour de lui et aujourd’hui, lorsque vous venez à Antraigues, prenez votre mal en patience pour trouver une place pour vous garer. Mais, armé decourage, vous ne regretterez pas de découvrir la Maison Ferrat mais aussi ce petit village ardéchois tellement beau et vous pourrez vous rendre compte que Ferrat avait raison de dire que la montagne était belle !

Jacques Brachet
La Maison Ferrat – Place de la Résistance – Antraigues sur Volane – 04 75 94 73 49

Six-Fous – Villa Simone
Nicolas FOLMER… En hommage à Michel Legrand


Nicolas Folmer est un musicien de jazz reconnu, trompettiste, pianiste et chanteur… entre autres et « La Vague classique » a eu l’excellente idée de l’inviter pour une soirée dans ce cadre superbe qu’est la Villa Simone. Concert intitulé « Michel Legrand Story », qui sera toute la soirée accompagné du chant des cigales !
Accompagné de trois pointures, Tony Sgro, basse, Luc Fenoli, Guitare, Jérôme Achet, batterie, il nous a offert un Michel Legrand revu et corrigé où l’on reconnait toujours la pâte du compositeur, même dans la voix de Nicolas, plus basse mais dont les intonations sont similaires.
Des « Demoiselles de Rochefort » aux « Dons Juans » de Nougaro, en passant par des chansons moins connues comme « Les enfants qui pleurent » « How do you keep the music play », « Quand ça balance » ou « La belle au bois dormant » du même Nougaro, ou encore « Les moulins de mon cœur » joué en accéléré, ce ne sont que des envolée jazzy menées par quatre virtuoses, Nicolas, lui, passant du piano à la trompette, de la trompette à la voix lorsque ce n’est pas les trois à la fois !
Et comme bouquet final, « Un été 42 » joué en duo à la trompette avec Luc Fenoli… Un moment de grâce
Du grand, du beau jazz, à la fois maîtrisé et d’une grande originalité.
Quelle belle soirée !
Dans l’après-midi Nicolas Folmer m’accordait un moment d’entretien, moment magique avec un musicien hors pair à la carrière foisonnante.

Luc Fenoli
Tony Sgro
Jérôme Achat

« Nicolas, par quoi tout a commencé : musique ? Jazz ?
J’ai débuté dans un grand orchestre de jazz… J’avais 11 ans !
Ça a été formateur car j’étais avec des gens qui étaient plus âgés que moi. Ça a aussi été une aventure humaine qui a révélé chez moi l’envie de connaître et aimer cette musique.
Vous étiez une famille de musiciens ?
Pas spécialement mais mes parents m’emmenaient aux concerts et je m’y suis intéressé. Quant à ce jazz band dans lequel j’ai commencé à jouer, il m’a ouvert les oreilles ! J’ai commencé à jouer avec des copains et tout est parti de là.
Par la suite avez-vous fait des études musicales ?
Oui, j’ai fait le Conservatoire de Paris où j’ai étudié la trompette et la composition où j’ai plus tard enseigné de 2013 à 2016. Sorti de là j’ai eu  un prix de perfectionnement au conservatoire, classique et jazz et tout de suite après j’ai commencé à jouer.
Du jazz seulement ?
J’ai fait un peu de classique mais c’était surtout la musique de jazz et « ses cousines » comme la musique latine où j’ai beaucoup joué avec des musiciens latino-américains, ce qui a beaucoup complété la formation de jazz que je suivais.
Vous avez travaillé avec beaucoup de grands musiciens comme Manu Katché, Herbie Hancock, Richard Galliano, André Ceccarelli… Michel Legrand, c’est arrivé comment ?
Il m’a u jour appelé pour remplacer au pied levé un musicien de son orchestre. Il avait entendu parler de moi. La rencontre s’est très bien passée, on a eu un flash spontané. Dès le premier soir, on a eu du plaisir à jouer ensemble et on a eu l’idée de faire un disque. C’est ainsi qu’est né notre premier album ensemble. C’était en 2009. Après ça, il m’a invité à nouveau dans son orchestre.
Il est décédé en 2020 et en 2022 j’ai fait un album-hommage un peu différent du premier puisqu’il n’était plus là, avec une relecture de ses musiques, différentes de ce qu’on avait fait ensemble.

Vous connaissiez bien sa musique ?
Oui mais surtout ses musiques de films. Lorsqu’on a enregistré ensemble, je venais d’avoir les Victoires de la Musique et j’avais envie de faire un disque de standards mais pas de standards de Broadway car tout le monde le faisait et au moment où je commençais à réfléchir aux musiques que je voulais enregistrer, au moment où je me posais ces questions-là, Michel m’appelle et je me rends compte qu’il a fait de nombreux standards français. Lui était heureux que des musiciens plus jeunes reprennent ses musiques, avec tout le côté improvisations virtuoses qu’il y a dans le jazz. C’est comme ça que ça s’est fait.
Et pour ce second album hommage, le choix des musiques c’est fait comment ?
Dans ce disque, je chante aussi, ce que je ne faisais pas dans le premier opus et il y a à la fois le côté cinéma et chanson, et jazz bien sûr. Il y a un orchestre à cordes, un big band. Je venais de faire un hommage à Miles Davis et, sur le même principe, je croise son univers avec le mien, je ne rejoue pas sa musique texto mais je fais une relecture personnelle en mélangeant nos deux univers. Par contre, j’ai beaucoup tenu compte des beaux textes des chansons, en français, en anglais, notamment du couple Bergman avec qui il a beaucoup travaillé, des chansons de Nougaro dont les paroles sont magnifiques, ce qui rajoute une émotion.

Vous êtes trompettiste et pianiste, chanteur, compositeur, arrangeur, accompagnateur, chef d’orchestre … Que n’avez-vous pas fait ?
(Il rit) Oh, j’ai fait beaucoup de choses, c’est vrai. J’ai aussi travaillé avec des chanteurs comme Diana Krall, Nana Mouskouri, Henri Salvador, Nathalie Cole, Dee Dee Bridgwater, Claude Nougaro, Charles Aznavour… J’ai tourné avec Dee Dee Bridgewater pendant trois ans dans le monde entier, avec André Ceccarelli d’ailleurs. Une magnifique expérience. J’ai fait un album avec Nana Mouskouri. Elle avait fait un album avec Quincy Jones dans les années 60 et elle a voulu refaire un album avec des musiciens de jazz dans le même esprit.
Ces artistes, c’est vous qui allez les chercher ?
Non, en général ce sont eux qui me choisissent et mon travail est divers, Avec Nana j’étais invité comme soliste, avec Aznavour, c’est Yvan Cassar qui avait fait appel à moi, J’ai retravaillé avec lui pour Nougaro. J’étais plus dans le jazz que dans la variété mais souvent les chanteurs aiment « s’encanailler » avec des musiciens de jazz ! J’ai aussi fait des séances pour Laszlo Schiffrin, Nathalie Cole. C’est vrai, je faisais le job mais ce n’est pas ce qui m’éclatait le plus.
Qu’est-ce qui vous éclatait le plus ?
Ce que je voulais, c’était affirmer une pâte sonore personnalisée. Ce qui m’intéresse, c’est de participer en un morceau en  tant que soliste, d’emmener une improvisation qui va transcender ce morceau. C’est ce qui me plaît vraiment.
Vous êtes également compositeur. Pour qui avez-vous écrit ?
Pour moi d’abord ! J’ai sorti vingt albums personnels, mais j’ai fait pas mal de musiques pour l’image, des pubs, des séries pour Netflix, HPO. J’ai écrit des musiques pour des orchestres, notamment un big band que j’ai dirigé pendant treize ans avec un saxophoniste nommé Pierre Bertand avec qui on a fait dix albums. Le batteur était… André Ceccarelli.
Vous faites donc une carrière internationale !
Oui, même si je me suis un peu calmé. Je vis à Toulon depuis sept ans, j’ai vécu à Paris vingt et quelques années. Et je ne regrette pas d’être venu ici ! »


Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Alain Lafon & Kylian Markowiak


Fabienne THIBEAULT : Un disque de toutes les couleurs

Photo Christian Srvandier

Chaque fois que j’appelle ou rencontre mon amie Fabienne Thbeault, je lui pose l’éternelle question : Quand vas-tu nous offrir un nouveau disque ?
Eh bien, voilà qui est fait… Il aura fallu attendre 20 ans, avec entretemps la publication de son livre « Mon Starmania » dont on a longuement parlé.
Car, malgré une magnifique carrière, elle reste dans le cœur de milliers de fans, Marie-Jeanne, cette serveuse automate amoureuse en vain de Ziggy.
Entre Québec et Paris, elle n’a cessé de chanter partout où on l’appelait et durant ces décennies, nous n’avons cessé de nous voir, nous croiser, nous rencontrer, de nous « phoninger » !
Lors de notre dernière conversation elle avait « oublié » de me dire qu’elle préparait un album en secret, qui sortira dans quelques semaines : « Autour de Fabienne » où elle a réuni pleins d’amis communs sur des chansons qu’elle a composées avec son complice Ciramarios, Fabien Tessier arrangeur du studio tourangeau « Tram 28 » et de Christian Montagnac, de la Compagnie Créole et néanmoins son mari.
C’est un disque multicolore où se mêlent jeunes et moins jeunes amis, des gens venus de la région haute alpine, de Marseille, de Paris,  de Montmartre, de l’Ardèche, de Tunisie, de Guadeloupe…
Il n’en fallait pas plus pour qu’on se retrouve et qu’on en parle. On va donc disséquer ces 11 chansons dont le CD sortira dans quelques semaines :

Chanter… par-dessus tout
Duo avec Stéphan Orcière qui, petit, a été baigné par la voix de Marie-Jeanne qu’écoutaient ses parents. Chanteur, danseur, il accompagne Fabienne dans cette profession de foi qui est la vie de tous les deux en chansons.
Les fermes de France
On sait l’amour que Fabienne porte à la vie rurale, qui lui a fait remporter le titre de commandeur du Mérite Agricole. A tel point que je l’avais invitée à « Stars en cuisine » à St Raphaël pour faire avec elle une recette de l’agneau de Sisteron qu’elle défendait. Elle beaucoup chanté, elle m’a abandonné à mon piano mais je ne lui en veux pas. Là mon compatriote ardéchois Ciramarios qui l’accopagne, sait de quoi… il chante !
Toi et moi
Elle l’a écrit mais ne la chante pas. Elle l’offre à Mélissandre Azoulay qui fut sa « Princesse au pays des cinq rives » comédie musicale qu’elle a écrite, qui est accompagnée du Gadeloupéen Fédric Cortana. Ca respire de soleil et de sensualité !
Chanson pour Meryem
C’est à la jeune chanteuse tunisienne Kiona,  la voix d’une lauréate de « The Voice » que Fabienne a offert cette chanson émouvante  sur l’histoire de cette gamine échappée du séisme marocain en 2023
Nos 2 M
C’aurait pu être « Nos deux T » puisque Fabienne chante avec Alain Turban, ce montmartrois qui vit en partie en Ardèche et que je retrouve toujours avec plaisir. Mes 2 M sont Montmartre et Montréal, deux lieux très lointains l’un de l’autre mais que l’amitié des deux artistes réunit.

William, alias Zize, Alain Turban, Fabienne Thibeault… En Ardèche !

Les saltimbanques
Ils sont trois : Ciramarios, Ahmed Mouici l’un des trois Pow Wow et surtout vedette des « 10 Commandements » et le troisième Larron est Pierre Billon, le fils de Patachou, qui a écrit tant de belles chansons, entre autres pour Johnny et Sardou. Et bien sûr, tous trois savent de quoi ils parlent !
Au temps où on avait 20 ans
Et voilà notre amie Annie, plus connue sous le nom de Stone, avec qui, tous les trois en tournée, nous avons eu des parties de rire incroyables. Stone pour la créatrice du « Monde est stone », on ne pouvait pas rater ça et tant de souvenirs nous relient !
La petite fille au napalm
Rien de plus émouvant et déchirant que cette photo d’une petite fille brûlée par le napalm qui court à perdre haleine. Fabienne en a fait une chanson qui nous arrache les larmes et qu’elle a offerte à Kiona et Jonatan Cerrada, issu de « Nouvelle star » et représentant de la France à l’Eurovision 2004.
Méridionale
Et voilà qu’arrive encore une (un ?) amie commune, Thierry Wilson alias Zize du Panier, cette Marseillaise aussi tonitruante sur scène, que discret dans la vie.
Zize nous fait revivre les belles heures marseillaises de Fernandel, Alibert, Vincent Scotto. Du pur jus marseillais !
Fille des Antilles
On reste au soleil, mais celui des Antilles, avec la belle voix de cette belle chanteuse qu’est Joanna Bringtown, digne fille de sa mère Clémence de la Compagnie Créole. Et avec Christian Montagnac de la même compagnie et époux de Fabienne, on reste dans la famille !
Dis-moi mam’zelle
Pour clore dans le rire Fabienne propose à Sophie Darel un duo où de mêlent Dalida, Véronique Sanson et… Fabienne Thibeaut doublée. Encore de beaux souvenirs en commun avec les tournées Âge Tendre.

Voilà, vous savez tout de ce bel album aussi varié que possible, allant du Québec aux Antilles avec de belles mélodies qui voient le retour musical de ma belle amie.
Autour de Fabienne… Que des amis !

Photo Christian Servandier

Jacques Brachet

Françoise HARDY… Même sous la pluie…


Paris, hiver, fin des années 60.
Il fait froid.
On peut même dire qu’il gèle.
Une petite brise glaciale vient s’insinuer au travers de mon manteau.
Pour comble de bonheur, il pleut. Une de ces petites bruines parisiennes qui vous transperce jusqu’aux os. Le ciel, uniformément gris et bas, vient se confondre avec la Seine qui coule doucement, frileusement. Seule Notre- Dame a l’air de résister au temps maussade et hivernal, la tête dans les nuages. Elle en a vu d’autres. (Elle est encore loin du drame).
Et, si j’avais encore quelques doutes, je comprends pourquoi je n’ai pas tenu longtemps à Paris, pourquoi j’ai refusé d’y rester pour travailler !
Je traverse un pont. Lequel ? Je n’en sais rien.
Je suis fidèlement le plan que m’a donné Françoise Hardy.
Eh oui, je vais chez Françoise Hardy. Profitant de quelques journées parisiennes, j’ai pris contact avec la plus discrète de nos chanteuses afin de la rencontrer.
Très tôt, elle s’est éloignée de la scène et de ce fait, je n’ai jamais pu la rencontrer en province, sinon lors d’une folle journée au magasin Prisunic où elle est venue faire une animation. Pourquoi ? Elle ne veut plus s’en souvenir tant elle fut traumatisée par la folie des fans.
Alors, j’avais décidé que, si Françoise ne venait pas à moi, j’irais à elle.
Par l’intermédiaire d’une attachée de presse amie qui a fait l’entremetteuse, j’ai reçu une réponse positive.
Ça me réchauffe le cœur… et le corps qui commence à être transi !
Je prends une petite rue de l’île St Louis, calme, grise – mais en fait ici, tout est gris ! – longée d’anciennes et très belles maisons, très souvent transformées en hôtels particuliers. J’entre dans une cour pavée où l’on s’attendrait à voir se ruer une calèche. Je monte trois étages en colimaçon qui me font remonter le temps. Une porte sans nom : juste la tête d’un petit bonhomme dessiné en trois coups de crayon, sur un petit carton. C’est charmant.

1ère rencontre chez elle
2ème rencontre à Toulon en tournée

Je sonne.
Temps mort puis des pas. La porte s’ouvre sur une silhouette longiligne, reconnaissable entre toutes. Pantalon et pull noir, chemisier rosé. Je me présente :
« Vous êtes en avance d’un quart d’heure !« 
La phrase est jetée sans bonjour, sans méchanceté mais elle a tapé au but. C’est vrai que j’ai l’habitude, la qualité – le défaut, me dit ma femme ! – d’avoir tellement peur d’être en retard que je suis sempiternellement en avance. Après, selon les rendez-vous, j’attends l’heure. Mais j’ai une sainte horreur du retard, pour moi et pour les autres !
Là, vu le temps, j’avais pensé qu’à un quart d’heure près et m’attendant chez elle, Françoise n’y verrait pas d’inconvénient… Visiblement elle en voyait un !
Mais, le temps d’avoir grommelé cette phrase d’un air boudeur, un sourire – oh, très fugitif ! – s’esquisse sur ses lèvres pour me faire comprendre que, malgré tout, ça n’est pas un drame.
Tout de même, elle l’a dit et j’apprendrai très vite qu’elle est très directe et qu’elle peut être assassine !
Encore un escalier en colimaçon, tout moquetté.
Une douce chaleur m’envahit, qui fait du bien. Une musique, douce également, en sourdine, des lumières tamisées. Moquette noire, murs blancs immaculés, lampes oranges, meubles design en acier et cuir noir.
Une immense cheminée dans laquelle trône une chaîne hifi entourée de plein de disques.
Me voilà donc dans l’univers de Françoise. Un univers qui lui ressemble étrangement, à la fois sobre, mystérieux, racé, un peu froid mais plein de douceur. Tout y est si feutré qu’on a presque envie de parler bas.
Je découvre. Je me réchauffe.
Je me sens à la fois bien et un peu gêné de déranger la Belle au Bois Dormant.
Françoise, qui n’a plus parlé depuis sa petite phrase lapidaire, me demande, d’une voix aussi feutrée si j’aime.
J’aime. Je le luis dis. Oubliés le vent glacé, la pluie, le brouillard.
Elle me fait installer dans l’un des grands fauteuils noirs et, avant que je lui aie dit quoi que ce soit, elle pose un disque sur la platine. Dans un murmure elle m’invite à écouter des chansons qui feront partie de son prochain album.
Je suis quelque peu surpris car elle vient tout juste d’en sortir un :
« Dès qu’un disque est sorti, pour moi c’est terminé. Je pense au prochain même s’il ne sortira que dans un an ou plus. Je prends le temps de choisir les chansons, de les essayer, j’écris, je réécris, je cherche le style, la couleur que je vais lui donner.
Une année, ça passe vite. Il me faut encore chercher les orchestrations et donc, l’orchestrateur qui donnera la dernière touche et la couleur à l’album.
Je veux avoir tout mon temps pour ne pas me presser ni me tromper. Je sais en principe exactement où je veux aller… »
J’avoue que je découvre une Françoise Hardy différente de l’image que je m’en suis faite. Je la voyais quelque peu nonchalante et passive, faisant ce métier sans vraie passion, presque avec ennui. Je me rends compte alors que, ce qui l’ennuie c’est la promo, les télés, la scène et ce qui lui plaît, c’est d’écrire, de composer, de faire naître des chansons.

Troisième rencontre au Midem à Cannes

Et puis, je la croyais lointaine, inaccessible et la voilà qui me propose de m’installer à même la moquette avec elle et qui me confie ses idées, sa façon de voir le métier, d’y être sans vraiment y entrer, occupant une place à part dans ce show biz avec lequel elle prend beaucoup de recul.
Elle m’explique son horreur et son trac à se rendre malade chaque fois qu’il fallait monter sur scène dans des conditions quelquefois épouvantables : extérieurs, chaleur ou mauvais temps, chapiteaux pourris, sonos défectueuses, toilettes inexistantes et les kilomètres à avaler.
C’est vrai qu’à cette époque, rien n’est fait pour le confort de l’artiste. Aucun d’eux aujourd’hui n’accepterait de faire une tournée dans de telles situations. Les exigences sont loin d’être les mêmes… Très, très, très loin de là !
De tout cet inconfort elle a voulu se débarrasser pour avoir l’esprit libre, du temps devant elle.
Elle continue à faire des disques car c’est un besoin, une envie. La scène ? Terminé. La horde de fans ? Plus jamais.
Le « service après-vente », comme elle dit, elle le fait pour les besoins de la cause : faire connaître ses chansons, vendre son album pour pouvoir continuer à en faire d’autres. Mais c’est vrai que, même à la télé, elle ne fait que le strict nécessaire.
« Quand on m’invite, c’est afin de parler de l’album, je ne vois rien d’autre à raconter.
Je n’aime pas parler de moi. Donc, en dehors de la promo, on ne me voit pas et c’est très bien comme ça. Tant pis si ça ne plaît pas à certains esprits chagrins.
Je suis comme ça. Je suis moi, je ne cherche pas à plaire à tout prix« 
Ce qui ne l’empêche pas de se passionner pour la musique.
Elle écoute beaucoup de choses, se tient au courant des nouvelles tendances, des nouveaux artistes et surtout des auteurs et compositeurs qui pourraient travailler avec elle, faire un bout de chemin sur un disque.
Ainsi me parle-t-elle de Catherine Lara qu’elle a découverte très tôt et dont elle aurait même eu envie de produire son premier disque.
Mais elle sait que la production est quelque chose d’onéreux, d’aléatoire et, avec sa lucidité et sa rigueur, elle a préféré conseiller à Catherine d’entrer dans une maison de disques où elle aurait plus de soutien et de moyens que ce qu’elle aurait pu lui apporter.
Ce qui ne l’a pas empêchée d’enregistrer elle-même des chansons que Lara a écrites pour elle.

De plus, dans sa vie, il y a un sentiment qu’elle cultive particulièrement : l’amitié, dont elle a d’ailleurs fait une jolie chanson. C’est essentiel à sa façon de vivre
Elle a quelques amis, peu mais fiables, qui font partie de sa bulle de vie.
Tout en bavardant, nous avons rejoint les fauteuils.
Le thé qu’elle m’a offert a refroidi mais qu’importe. La musique a cessé sans qu’on s’en rende compte et l’on continue à parler.
Jusqu’au moment où sa voix se tait aussi.
Elle se lève, regarde par la fenêtre la pluie qui continue à ruisseler, se serre les bras en frissonnant rétrospectivement.
Sa longue silhouette est en ombre chinoise ou presque. La nuit est tombée et je sens qu’il est temps pour moi de partir.
Le temps de lui demander de poser pour une photo. Même si ça ne l’enchante pas elle dit oui mais me propose de très jolies photos de presse au cas où mes photos ne seraient pas réussies, et dans la mesure où elle ne peut pas les voir. Elle m’en signe d’ailleurs une avec ce curieux petit bonhomme vu sur la porte.
Je ne ferai que deux photos
Elle ne sourira pas.
Le sourire arrive enfin lorsqu’elle me dit au revoir et qu’elle redescend le petit escalier pour m’ouvrir la porte.
Me revoilà affrontant pluie, nuit, froid mais le cœur encore tout chaud de ces quelques heures passées aux côtés de cette artiste unique entre toutes.
Sauvage ? Peut-être, mais simple et directe.
Timide ? Certainement mais surtout secrète, pudique, jalouse de sa vie privée dont je me serai garder de parler tout au long de notre rencontre.
Je la rencontrerai quelque temps plus tard et par deux fois au MIDEM à Cannes et, se souvenant de moi, elle acceptera une petite séance photo sur la croisette et un court moment d’entretien pour évoquer les derniers événements de sa vie d’artiste.
Bien évidemment, il n’y aura plus cette magie que j’ai vécue un après-midi d’hiver dans cette jolie maison de l’île St Louis qu’elle a quitté depuis mais qui me rappelle une rencontre exceptionnelle que j’aurais aimé renouveler…
La sortie de son autobiographie m’a vraiment surpris car elle n’était pas habituée à des confidences et là, tout à coup, elle déballait tout. Sans compter que sa façon de raconter m’a laissé une drôle d’impression.

4ème rencontre, encore au MIDEM à Cannes où elle est devenue productrice

Revenue de beaucoup de choses, très souvent insatisfaite de son travail, perturbée par son enfance, pas faite pour un métier qu’elle a pourtant choisi, très critique sur son talent, sans beaucoup de compassion pour les chanteurs qui la chantent, elle paraît ainsi très abrupte et si elle ne se ménage pas, elle ne ménage personne.
Elle a pourtant tout eu : la beauté, le talent, la reconnaissance, elle fut une icône avant l’heure et a su le rester avec classe et beaucoup de mystère…
Malgré les énormes ennuis de santé qu’elle trimballait depuis des années et qu’elle vivait au jour le jour.
En fait, elle fut un OVNI dans ces années 60, elle, la romantique-pessimiste, débarquant dans un monde de rythme, de folie, de joie et d’optimisme… C’est peut-être ce total contrecourant qui en a fait ce qu’elle était : un être et une chanteuse à part qui, durant plus de 50 ans, a continué à passionner les gens.
Et malgré tout ça, j’avais gardé une furieuse envie de la rencontrer à nouveau !
Une pierre précieuse, une perle rare dans ce monde féroce de la chanson.

Jacques Brachet

Alexandre THARAUD : Barbara, mon idole


Alexandre Tharaud est l’un de nos plus grands pianiste français, qui fait le tour du monde en offrant au public des récitals où peuvent se mêler musique classique et musiques de films.
Trois Victoires de la musique, une vingtaine d’enregistrements éclectiques puisqu’entre de musique classique, il nous offre des musiques de films ou un hommage à Barbara.
Invité au Palais Neptune de Toulon par le Festival de Musique, il a eu la gentillesse, malgré la fatigue des tournées, de venir parler à des écoliers qui, dans un silence absolu, l’on écouté jouer, parler et a répondu à leurs questions. Il était accompagné par son complice de 25 ans, le violoncelliste Jean-Guihem Queyras, avant de nous proposer tous deux le soir même un récital magnifique, « réunissant, sous le titre « L’excellence française » des œuvres de Marin Marais, Debussy et Poulenc devant une salle pleine à craquer.
En prime, il a bien voulu nous accorder un peu de son temps – trop court à notre goût ! – avant d’aller se reposer.

« Alexandre, lorsqu’on a une mère danseuse et un père qui fait du théâtre, qu’est-ce qui vous amène à 5 ans au piano ?
La musique c’est du théâtre ! Lorsque je suis au piano, j’ai l’impression d’avoir un opéra sous mes doigts, dans  l’opéra, toutes les composantes du théâtre sont là, j’ai l’impression d’avoir avec moi un orchestre de quatre-vingts musiciens. Le piano est un instrument qui imite  plusieurs instruments, les cors, les percussions, l’orgue, les instruments à vent et puis j’ai également l’impression de créer une action, j’ai l’impression d’avoir sous mes doigts des personnages que je fais vivre et que je mets en scène et pourquoi pas, même un décor. C’est toute une histoire qu’on raconte avec la musique.
Mais pourquoi le piano très tôt, puisque vous le commencez à quatre ans ?
Vous savez, lorsqu’on commence la musique très tôt, le piano ce n’est pas vraiment votre choix, ce sont nos parents qui nous mettent à l’instrument et mon arrière-grand-mère avait légué à mes parents, un très vieux piano où il y avait, comme avant, des chandeliers de chaque côté. Ma mère était professeur de danse au conservatoire du XIVème arrondissement de Paris, et elle savait qu’il y avait un excellent professeur Carmen Taccon-Devenant et du coup, elle nous y a menés, ma sœur et moi, ma sœur qui, elle, est devenue professeur de piano.
Vous avez débuté les concerts… tôt ! Dès 14 ans, je crois ?
C’est difficile à dire car peut-on dire que les auditions d’élèves sont des concerts ? Je jouais mais ce n’étaient pas des concerts entiers. A l’adolescence c’étaient des concerts où je n’étais pas tout seul.


Vous avez donc fait le conservatoire, avec des prix à la clé, le premier à 14 ans d’ailleurs et plus tard, trois Victoires de la Musique, en 2012, 2013, 2021, ce qui est très rare.
(Il rit), j’avoue que je ne sais pas s’il y a d’autres musiciens ! Vous savez, il n’y a pas beaucoup de votants ! Pour les César, tous les corps de métiers, comédiens, réalisateurs, techniciens, costumiers, décorateurs, votent. Ce sont des centaines de personnes, de corps de métier. Pour les Victoires de la Musique, il y a à peu près deux cents personnes qui votent ! Ce n’est pas tout le milieu de la musique et je le regrette car ce serait plus équitable et ça nous ferait encore plus plaisir.
Votre carrière est faite de rencontres et j’aimerais parler de certaines de celles-ci. La première est Bartabas.
Oh, vous remontez à loin. C’était en 2006 et c’est vrai, j’ai fait quelques spectacles avec lui. C’était aux « Nuits de Fourvière » à Lyon. Il voulait faire un spectacle avec des chevaux et il écoutait alors tous les jours un disque de moi qui s’intitulait « Bach, concertos italiens ». Et il a dit « Je veux ça ! »
Vos autres rencontres sont en fait très éclectiques : le comédien François Morel, le réalisateur Michaël Haneke entre autres.
François Morel c’est aussi, il y a vingt ans, avec qui on a fait des trucs autour de la musique d’Erik Satie. C’est un acteur absolument incroyable. Michaël Haneke, c’est pour le film « Amour » avec Jean-Louis Trintignant, Emmanuelle Riva, Isabelle Huppert. Présenté au festival de Cannes. Là encore film incroyable, comédiens incroyables dans lequel je joue mon propre rôle. C’est un film extrêmement dur mais j’avais la chance d’être face à des acteurs superbes. J’ai d’ailleurs récidivé cette année, dix ans après, dans le film « Boléro » d’Anne Fontaine où je joue un critique musical épouvantable ! J’ai deux scènes mais ça m’a beaucoup plu. C’est mon deuxième rôle mais ce n’est vraiment pas une carrière extraordinaire !
Ça vous donné envie de continuer ?
(Il rit) Non, non, non, ce n’est pas du tout mon ambition. J’avoue que j’ai été heureux de le faire mais il y a tellement de bons acteurs qui font un travail magnifique que je le fais pour le plaisir. Et si ça se retrouve, il faudrait que ce soit lié à la musique. Anne Fontaine est une amie de plusieurs années, le film tourne autour de Ravel et c’était presque normal que j’y participe.

Il y a eu également Nathalie Dessay…
Ça a été un moment horrible et terrifiant pour moi car ça a été juste après les attentats en 2015 et on a chanté aux Invalides une chanson de Barbara « Perlimpinpin »
On arrive donc à Barbara, à qui vous avez consacré un double album…
C’est un hommage autour de ses chansons, avec plein de chanteurs que j’aime et que j’ai choisi. Je suis un grand fan de Barbara depuis mon adolescence. Ses photos parcourent les murs de mon appartement, j’en ai dans toutes les pièces et je pense à elle tout le temps. Plus de vingt-cinq ans après sa mort, elle m’accompagne dans ma vie de tous les jours, elle me console, elle me guide. Pour le vingtième anniversaire de sa mort j’ai voulu témoigner de ça de manière très différente. J’ai appelé tous les gens que j’aimais, des amis que je savais chanter Barbara avec des chemins détournés et surtout sans l’imiter : Jane Birkin, Camélia Jordana, Juliette, Vanessa Paradis, Jean-Louis Aubert, Bénabar, Luz Cazal et bien d’autres. Ce qui est incroyable c’est que ce disque-là- se vend dans de nombreux pays, ce qui n’est pas le cas des chanteurs francophones qui chantent Barbara. Or, lorsqu’on est musicien classique, on joue partout dans le monde. Il y a plein de pays où l’on ne parle pas français et où les gens me connaissent, achètent mes disques et grâce à cela, ils découvrent Barbara.
Quel effet cela fait d’entendre chanter Barbara par d’autres chanteurs ?
Barbara, c’est très difficile à chanter, ça n’est pas linéaire et sa voix est tellement liée à son œuvre car elle est une des rares chanteuses à parler de sa vie dans toutes ses chansons. C’est un autoportrait  de la première à la dernière. Sa voix était unique, nous transportait, on tombait en larmes. Chanter Barbara demande beaucoup de travail, de réflexion.


On n’a pas parlé de Juliette Binoche qui dit deux chansons de Barbara : « Vienne » et « Ô mes théâtres ». Belle rencontre encore !
Oui, elle participe à mon disque mais elle dit les textes, tout simplement. Nous avons fait une tournée qui était assez troublante car Juliette est une personne très fragile. Ses fragilités frôlent celles de Barbara. Nous étions sur scène, je jouais, nous disions des textes, seul avec elle. J’étais à l’intérieur du spectacle mais aussi spectateur  car je rendais hommage à mon idole et j’avais devant moi une immense actrice, une icône. C’était très émouvant et très impressionnant.
Dernière question : Il paraît qu’il n’y a pas de piano chez vous !
C’est vrai ! D’abord je suis très peu souvent chez moi et lorsque je suis à Paris, je travaille chez des amis ! Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Alain Lafon


Six-Fours… La Vague classique 11ème !

Fabiola Casagrande & Jean-Sébastien Vialatte

Si l’an dernier, entre la Maison du Cygne, la Collégiale,  la Maison du Patrimoine et le Parc de la Méditerranée, nous avons fêté avec faste les 10 ans de ce magnifique festival « La Vague Classique », Fabiola Casagrande, adjointe à la Culture et Jean-Sébastien Vialatte, Maire de Six-Fours, nous ont dévoilé cette semaine la onzième mouture qui, comme chaque année, sera encore exceptionnelle avec, cette année, un Parc de la Méditerranée repensé et encore plus beau et un rajout à tous ces rendez-vous : la Villa Simone devenue aujourd’hui un lieu de culture incontournable.
Si nos deux amis étaient heureux de nous dévoiler le programme, une petite ombre au tableau en l’absence de celle qui aurait dû être la marraine et qui, après avoir reporté sa venue l’a définitivement annulée. Il s’agit d’Eve Ruggieri.
Eh bien tant pis pour elle, elle ne sait pas ce qu’elle perd de snober ce festival qui fait aujourd’hui parti des plus grands festivals de musique classique.

Khatia Buniatisshvili
Lucas & Arthur Jussen
Renaud Capuçon

Par ailleurs, deux fidèles, qui sont un peu les parrains et qu’on a toujours plaisir à retrouver : les frères Capuçon qui, eux, ne rateraient pas ce rendez-vous.
Les trois coups seront frappés le 18 mai à la Maison du Cygne, par une immense pianiste géorgienne, aujourd’hui installée à Paris : Khatia Buniatishvili.
Un autre grand pianiste lui succèdera le 25 mai : l’Argentin Nelson Goerner.
Du piano toujours, le 31 mai, Alexandre Kantorow qui, comme son nom ne l’indique pas, est Français, né à Clermont Ferrand !
Piano toujours mais à quatre mains, le 1er juin : les jeunes virtuoses néerlandais Lucas & Arthur Jussen.
Avant de rejoindre les frères Capuçon, petit arrêt à la Collégiale le 2 juin avec le clarinettiste Pierre Genisson qui, avec le quatuor Métamorphoses, inaugurera les nouveaux et somptueux éclairages qui vont totalement changer l’atmosphère de ce lieu.
Et voici que le 5 juin arrive le premier frère : le violoniste Renaud Capuçon, qui sera accompagné de son complice pianistique, Guillaume Bellom mais aussi de Paul Zientara, alto et Yan Levionnois, violoncelliste.
Autre violoncelliste qui s’installera le 8 juin, accompagné au piano par Sélim Mazari dans les jardins du Cygne : Aurélien Pascal, révélation des Victoires de la Musique 2023.
Et voici qu’arrive Gautier Capuçon le 10 juin, accompagné de Lucas et Léo Ispir, respectivement violon et violoncelle, lauréats de sa fondation et bien sûr Jérôme Ducros, qui l’accompagne au piano depuis des années. Un concert particulier puisque, issu de son dernier album « Destination Paris », il mêlera musiques classique et populaire, Piaf et Ravel, Legrand et Brassens, Morricone et Renaud, Dassin et Lai, Cocciante et Brahms… Et quelques autres artistes issus de musiques et de styles différents.

Nicolas Folmer
Gautier Capuçon
Pierre Genisson


Le lendemain, on retrouve Gautier accompagné de deux pianistes : Frank Braley et Karen Kuronuma, lauréate de sa fondation : Au programme, les intégrales des sonates pour violon et piano de Beethoven.
Et voilà qu’on va faire une pose à la Villa Simone le 6 juillet, avec le pianiste couvert de prix, Paul Lay, qui sera accompagné par le contrebassiste Simon Tailleu  et le batteur Donald Kantomanou.
On y reviendra le 23 juillet avec le chanteur et trompettiste Nicolas Folmer pour un concer thommage à Michel Legrand, accompagné de Tony Sgro, bassiste, Luc Fenoli, guitariste et Jérôme Achat, batteur.
Et voilà qu’on rejoint la Collégiale Saint-Pierre où nous attend le maître de lieux Jean-Christophe Spinosi qui nous a encore concocté, avec l’ensemble Matheus, de magnifiques soirées :
Le 16 juillet accompagnant la mezzo-soprano Marina Viotti, Victoire de la musique 2023
Le 18 juillet, accompagnant le contre-ténor Rémy Bres-Feuillet
Le 20 juillet, avec son ensemble pour deux œuvres de Haendel « Watermusic » et « Fireworks »
Le dernier épisode de la saga musicale estivale, direction la Maison du Patrimoine, où nous pourrons découvrir le 31 août la pianiste Shani Dikula pour une soirée romantique, une autre jeune pianiste le 7 septembre, Nour Ayadi, lauréate de la fondation Gautier Capuçon et nommée aux Victoires de la musique. Et enfin l’ultime pianiste et non la moindre puisqu’elle est la plus jeune pianiste de la saison : Arielle Beck, prodige de 15 ans.
Et un autre grand moment de ce festival : l’inauguration de l’agrandissement et de l’embellissement du Parc de la Méditerranée le 8 septembre avec l’orchestre de l’Opéra de Toulon, dirigé par Victorien Vanoosten, Adriana Gonzàlez, soprano et Freddie de Tommaso, ténor qui nous offriront des duos d’opéras célèbres. Le spectacle sera suivi d’un feu d’artifice.
Feu d’artifice tout au long de cet été qui nous emmènera de vague en vague, à travers toutes les musiques, tous les pays et grâce à des artistes de haut niveau international.
Le dernier mot reste à Jean-Sébastien Vialatte : « La Culture, c’est le sel de la vie »
N’oublions pas l’exposition qui, du 6 juillet au 15 septembre, s’installera à la Villa Simone, en partenariat avec le festival de Ramatuelle : « L’âge d’or du Studio Harcourt »

Jean-Christophe Spinosi

Jacques Brachet
Pour tous renseignements inscriptions :
 https://www.sixfoursvagueclassique.fr/
Gérald Lerda, responsable de « La Vague Classique »
gerald.lerda@mairie-six-fours.fr – 04 94 34 93 69

ATEF : Marseille, une histoire d’amour…


Voilà 12 ans, l’on découvrait à la télé l’émission « TheVoice »
Voilà 12 ans, l’on découvrait ce lui qu’on allait appeler « Le chanteur à la voix d’ange ».
Voilà 10 ans, il sortait son premier album « Perfect stranger », enregistré à Londres.
Il y a dix ans enfin qu’on se rencontrait pas très loin de Toulon, sa ville natale : la Garde.
Et ça fait dix ans qu’on s’aime d’une belle amitié, que si l’on se voit peu on s’appelle souvent et qu’à chaque fois qu’il passe dans son nid d’aigle du Revest, on se revoit pour de longues conversations.
Le regard rieur, la simplicité et la sagesse font partie intégrante de ce garçon qui se partage entre le Var et Paris, le Revest étant son havre de paix où il retrouve ses trois enfants.
Et une fois de plus, nous revoilà dans ce qui est un peu devenu son village pour nous annoncer de bien belles choses.
Et d’abord, avant un album qui sortira en septembre, intitulé « Les mots qui unissent », qu’il est en train d’enregistrer et dont il est l’auteur, le compositeur, le producteur, avec en attendant, un single intitulé tout simplement « Marseille ».

« Atef, explique-moi : Toi qui es toulonnais, qui vit entre Paris et le Revest, pourquoi une chanson sur Marseille ?
En fait, d’abord, Marseille, c’était la sortie du week-end et c’est la ville où mon père est arrivé lorsqu’il a quitté la Tunisie. C’était en 56. Son arrivée a changé son destin… Et il a changé le mien aussi puisque je suis né à Toulon. Pour moi, Marseille est restée « la sortie du week-end ». De plus, j’ai fait mes études à Aix-en-Provence et j’y allais régulièrement. Les docks des Suds, le Théâtre du Moulin, tous ces endroits où passaient alors les grands artistes nationaux. Il n’y avait pas de Zénith à Toulon.
Qu’est ce qui t’attire à Marseille ?
C’est une ville qui a une activité culturelle incroyable et je voulais faire un hymne à cette ville et surtout la défendre car on nous vend tout le temps une ville qui fait peur. Et il n’y a pas que ça : c’est une ville où il y a un million d’habitants et pas un million de délinquants ! Il y a des gens, il y a des vies et c’est ce que je montre dans mon clip, des visages humains, souriants, vivants, amicaux, il y a de belles histoires, de beaux lieux. C’est une immense ville formée de plein de villages, de Cassis à Septèmes-les-Vallons. Bien sûr que, comme toutes les grandes villes, de France et du monde il y a des quartiers où il y a de la délinquance. Ça a toujours existé, les quartiers mal famés. C’est trop facile  de dénigrer une ville entière. Stop à ça ! Il y a plein de belles choses à Marseille.

Et Toulon dans tout ça ?
C’est une ville que j’aime, où je suis né. Mais en fait, j’ai plus vécu ailleurs dans le monde, j’ai beaucoup voyagé et je me suis aperçu que lorsque je parlais de Toulon, ça ne leur disait rien. Si j’ajoutais « à côté de Marseille », ils savaient !
Quand, dans ma chanson, je dis « Grande porte ouverte au Sud » c’est aussi le Nord d’une nouvelle vie et ça a toujours été le cas depuis la nuit des temps. On ne parle pas de l’émigration qui va de France en Afrique parce que celle-là rapporte des sous et du bien, toutes les richesses du sol africain. Cette émigration-là n’embête personne… à part les africains ! Il faut être juste.
Donc Marseille reste « ta » ville !
Non, ce n’est pas « ma «  ville mais ma vile de cœur.
J’aime autant Toulon, Paris, Londres où j’ai vécu et travaillé, New-York, Dakar, Tunis, Bizerte, New Delhi, de nombreuses villes où je suis allé. Je pourrais faire une chanson sur chaque ville que je t’ai cité.
Tu pourrais même en faire un album !
(Il rit) Justement, « Marseille entre dans le cadre de l’album que je vais sortir « Les mots qui unissent »
Pourquoi ce titre ?
Je trouve qu’on est trop tourné par les mots qui divisent. Lorsque je parle de Marseille multiculturelle avec des gens qui sont bien intégrés, et qu’on ne fait la pub que sur les problèmes, ça m’énerve ! Il y a plein de gens avec qui ça se passe très bien et c’est la majorité. Et j’avais besoin de parler de ça.
Alors, parle-moi de ton album.
C’est mon premier album en Français et chaque chanson a un arrangement des musiques du monde car pour moi celles-ci ont aussi importantes que ma propre culture. Lorsque j’écoute Césaria Evora, pour moi elle est aussi fondamentale que Mickaël Jackson, Jacques Brel, Stevie Wonder, Georges Brassens. Il ’y a pas de différence d’importance dans mon cœur. Ma musique est influencée par tous ces gens et leur culture. D’ailleurs l’arrangement de « Marseille » est un arrangement capverdien qui se rapproche de Césaria Evora. Mais chanté en Français.

Chanteur Atef

Alors, justement, pourquoi aujourd’hui chanter en Français ?
Tu étais là lorsque j’ai fait la première partie de Christophe Mae et dans le public, certains m’avaient reproché de chanter en Anglais. Ça m’avait un peu blessé mais je me suis rendu compte qu’ils avaient raison. A l’époque je n’avais pas « mon » son pour chanter en langue française. Je savais très bien utiliser l’anglais, les musiques du monde puisque j’avais créé un groupe M’Source dans le but de montrer l’unité dans la diversité. Puis je suis parti à Londres, il y a l’épisode Elton John que tu connais, puis je rentre en France… Et on m’inscrit à « The Voice » ! C’est là que je chante pour la première fois en Français « Lettre à France » de Polnareff. La « battle » est pour moi un mauvais souvenir car la chanson n’était pas dans mon style, j’ai eu du mal à me l’approprier. Je n’étais pas sûr de moi, à tel point que j’étais sûr qu’à partir de là je sortirais, j’étais sûr de perdre, d’autant que j’avais en face de moi la gagnante de l’Académie Marocaine. Pour moi, je m’en allais et du coup j’ai abordé la chanson très détendu mais j’ai mis trois semaines à trouver mon son ! Et j’ai continué !
Ce n’est qu’en 2019 que j’ai sorti ma première chanson en Français : « Le soleil se lève »… Sur un arrangement du Mali !
Alors qu’est-ce qu’on va trouver comme sons et comme arrangements dans cet album ?
Des arrangements de Nouvelle Calédonie, d’Afrique du Sud, d’Ouganda, mais ce sera de la chanson française, ce que j’ai voulu faire en tant que producteur. J’ai voulu montrer une fois de plus qu’on pouvait trouver l’unité dans la diversité, en musique.


Ce sera en fait un album universel chanté en français !
Exactement ! C’est un album qui est de la chanson française avec des arrangements venus de tous les coins du monde.
Il y aura d’ailleurs un autre single « Je le vois, je le sens, je le sais » qui a une belle histoire. C’est une chanson brésilienne de Vinicius de Moraes et Tom Jobbins que j’ai adaptée. J’ai donc contacté l’éditeur qui représentait les héritières des deux artistes et qui m’a dit qu’elles ne voudraient pas. Je l’ai supplié de la leur faire écouter… En fait elles ont trouvé ça super et nous ont donné l’autorisation. Je suis le seul et j’en suis très fier !
En tant que producteur, tu vas produire d’autres artistes ?
Oui, je vais m’y essayer, le prochain va être un trio, puis il y un chanteur que j’ai d’ailleurs repéré dans « The Voice ». C’est Goulam. Il est venu un mois ici et l’on a travaillé ensemble. Il vient de Nouvelle Calédonie ».

Il s’est mis à pleuvoir sur le Revest, pendant que sa fille fait la cuisine, que son fils arrive et que les chats se pelotonnent à l’intérieur. Au-dessus le lac du Revest, un aigle plane et notre conversation se fait feutrée, la voix d’ange d’Atef nous parle d’amour, d’amitié, de communion et de musique bien sûr, la passion de sa vie. On resterait bien calfeutré adns ce cocon face à une nature qui est si belle… Même si ce n’est pas Marseille !
Mais Atef nous fait voyager et on est bien

Jacques Brachet
Photos Alain Lafon

Fabienne THIBEAULT
La serveuse automate venue du grand froid


Fabienne Thibeault, malgré sa belle carrière franco-québécoise, reste et restera pour toujours la première serveuse automate travaillant à l’Underground Café de « Starmania ».
Et elle reste, depuis ce temps, mon amie, rencontrée juste après le succès de ce rock opéra qui a fait changer les mentalités du show biz français qui pensait qu’en France une comédie musicale ne marcherait jamais.
Ma rencontre avec Fabienne, donc, remonte quelques mois après « Starmania » alors qu’elle venait chanter à Chateauvallon.
Timide alors, derrière ses lunettes de vue et le visage mangé par de longs cheveux, tout de suite ça a collé entre nous et de ce jour, nous nous sommes souvent vus ou appelés, du Midem, ou elle présentait les contes musicaux « Martin de Touraine » écrits avec Jean-Pierre Debarbat, son compagnon d’alors, aux tournées « Age tendre », où elle rencontra son mari Christian Montagnac, alors régisseur de la Cie Créole, en passant par le théâtre, où elle vint jouer à Sanary  « Tout feu, tout femme » avec Pascale Petit et Claudine Coster, l’invitant sur « Stars en cuisine » la manifestation créée à St Raphaël par l’ami Gui Gedda, pour justement cuisiner avec moi, ce qu’elle ne fit pas car elle trouva plus sympa d’aller chanter avec Stone ou encore Julie Piétri que j’avais aussi invitées ! Elle y mit une ambiance de folie.
Je la retrouvai chez moi, à Vals les Bains, en Ardèche, où elle était invitée dans le jury de « Super Mamie » avec d’autres amis comme Alain Turban, Zize, Gilles Dreu…
Bref, avec Fabienne, c’est une longue amitié pleine de rires et d’un grain de folie car la timide Marie-Jeanne a depuis longtemps changé de look et de caractère !
« Starmania » a déjà près de 40 ans et reste une œuvre unique traduite et jouée dans le monde entier Et il y a eu pléthore de Marie-Jeanne. Mais Fabienne reste la première.
Et aujourd’hui elle nous raconte « son Starmania » (Ed Pigmalion) plein d’anecdotes, de souvenirs et nous replonge dans le monde de Monopolis avec délectation.

« Fabienne, qu’est-ce qui t’a donné l’envie d’écrire ce livre ?
Il y a eu beaucoup de livres parus sur « Starmania » mais la plupart, écrits par des journalistes qui parlaient de notre aventure de l’extérieur, avec quelques interviews. Mais personne ne l’a écrite de l’intérieur, personne n’a vécu ce que nous avons vécu de l’intérieur, l’envers du décor, nos rapports entre artistes, danseurs, techniciens, toutes les anecdotes, les problèmes, les joies que nous avons vécus « Les uns avec les autres » !
Aujourd’hui, alors que nombre d’entre nous ont quittés, que d’autres, comme Diane Dufresne ou Nanette Workman sont reparties au Québec, j’ai eu envie de retrouver quelques compagnons et évoquer notre vie durant ces semaines qui n’ont pas toujours été faciles mais que nous avons vécu intensément. J’ai voulu témoigner.
L’aventure, je pense, a été exceptionnelle ?
Evidemment, d’autant que, pour moi, tout a démarré avec « Starmania », grâce à Michel  Berger et Luc Plamondon. Nous avons vécu une aventure unique où se mêlaient Français, Québécois, Américains. Nous nous côtoyons sans toujours parler la langue de l’autre. Nous avons vécu des moments de joie, de stress, de doutes, de colères, de fous-rires  dans une ambiance souvent électrique car nous n’avions alors pas la technologie d’aujourd’hui, certaines choses étaient compliquées. Le système débrouille était journalier, par moments on ne savait pas où on allait ni si l’on pourrait aller jusqu’au bout.


Donc ce rôle de Marie-Jeanne a été important pour toi !
Je lui dois tout. Rends-toi compte que je chantais quatre chans qui sont devenus des tubes et que l’on chante encore aujourd’hui : « Le monde est stone, « « Les uns contre les autres », « La complainte de la serveuse automate », « Un garçon pas comme les autres (Ziggy)
Dans ton livre, il y a un flou avec ta rencontre avec Luc…
On est d’accord sur la première rencontre : elle a eu lieu à Montréal lors du festival «  chantAoût » en 75. Luc était là et est venu me voir avec Gilles Talbot qui allait être le producteur de « Starmania ». Et alors je suis sûre qu’il m’a proposé d’être de l’aventure alors que lui affirme qu’il n’était pas encore sur le projet. Cela me paraît illogique car en 77 « Starmania était prêt ». Ça n’aurait pas pu se faire si vite s’il n’en avait pas déjà été question !
Par contre avec Michel, pas de flou !
Michel est venu à Montréal en plein hiver, nous nous sommes retrouvés chez Luc et il m’a joué au piano « Le monde est stone ». Je l’ai écoutée deux ou trois fois, je l’ai chantée et tout de suite il a dit que ça allait.
Comment cela s’est passé avec les deux acolytes ?
Sans problème. Quoique stressé, Luc était toujours charmant, nous sommes devenus très proches. D’ailleurs, après « Starmania », il m’a écrit d’autres chansons dont « Ma mère chantait » qui a été un gros succès au Québec. Michel, lui, était un garçon très organisé, toujours dans sa bulle, partout à la fois mais très agréable et pudique. Il était tout autant compétant musicalement et en tant qu’organisateur.

Avec Stone à « Stars en cuisine »
Avec Julie Piétri à « Stars en cuisine »

Et avec France Gall ?
Elle était très particulière, très dirigiste avec tout le monde, remettait tout en question on l’appelait « Le petit caporal »
Tu dis dans ton livre ne pas avoir pleuré lorsqu’elle a disparu…
On perdait une belle chanteuse, ses fans étaient éplorés mais ce n’était pas une amie proche, nous n’avons pas eu vraiment d’atomes crochus. Elle pouvait être drôle et charmante mais elle était imprévisible et voulait s’occuper de tout. Mais tu sais, dans une telle aventure, on ne peut pas être proche de tout le monde même si l’on s’entendait bien.
A part toi qui a été tout de suite Marie-Jeanne, on a cherché des artistes entre autres pour Stella Spotlight et pour Cristal.
Pour Stella, il a été question d’Anna Prucnal mais on lui a trouvé un accent trop polonais. Puis il y a eu Armande Altaï mais elle avait une personnalité trop marquée.  Et pourtant elle était surprenante dans « Les adieux d’un sex-symbol ». Pour Cristal, on a pensé à Sabrina Lory mais sa maison de disques a refusé car elle venait de faire un tube et son producteur a voulu continuer sur ce succès Puis ils ont pensé à Patsy Gallant. C’est alors que j’ai suggéré que Diane et France étaient tout indiquées pour ces rôles.

Avec Chritian Montagnac, son mari

Pourquoi, malgré le succès, vous n’avez joué que 33 jours exactement, pas de tournée, pas de « live » ?
Parce que le Palais des Congrès n’était libre qu’un mois et que le décor monumental ne pouvait entrer nulle part ailleurs. Aujourd’hui c’aurait été sans problème. Du coup on n’a pu jouer qu’un mois, impossible de transporter les décors de ville en ville, donc pas de tournée et, à l’époque, on n’enregistrait pas les spectacles comme aujourd’hui. Voilà le fin mot de l’histoire.
Si France Gall, Diane Dufresne et Nanette Workman ont fait faire leurs costumes par leur couturier, rien n’était prévu pour toi !
A trois jours de la première, la production s’est rendu compte que rien n’était prévu pour m’habiller. On m’a proposé un carton où je devais sortir les bras, un tablier de plastique sous lequel l’air s’engouffre et l’on ne voyait plus ma tête… En fait, on trouvera une robe et un tablier chez Laura Ashley… Mon costume a coûté beaucoup moins cher que pour les autres !
Il y a également le problème de la chanson « Les uns contre les autres » que personne ne voulait chanter…
Et que j’ai finalement proposé de chanter sans savoir que c’étaient les radios qui allaient la choisir en premier !

Age Tendre
Avec les Charlots sur « Age Tendre »

Que penses-tu de la nouvelle version qui se joue en ce moment ?
Donne-moi 16 millions d’Euros et je te fais un spectacle ! Ceci dit, le spectacle est très impressionnant par la technique, les lumières, les effets spéciaux… Trop peut-être. Quant aux chanteurs, même s’ils ont de très belles voix, ils font du karaoké. A la note près, ils font exactement ce que nous faisions, même ce que nous avions inventé autour des chansons. Du coup, ils n’impriment pas leurs personnalités comme avait pu le faire la sublime Maurane et d’autres interprètes. Je devrais demande des droits d’auteur !!!
En dehors de ce livre, Fabienne, que nous réserves-tu ?
Je me remets d’un quadruple pontage mais rassure-toi, tout va bien. J’ai été opérée à Clermont Ferrand. Aujourd’hui je prépare un album de chansons qui sortira le 1er mars. Ce sont des chansons que j’ai écrite et j’ai fait appel à des amis : Zize, Alain Turban, Richard Bonnot et quelques autres. Je prépare le spectacle musical avec ces chansons et je pense qu’il tournera en France… Histoire qu’on se retrouve quelque part sur la route ! »

« Tout feu, tout femme » avec entre autre Pascale Petit et Claudine Coster
Stars en cuisine… Moi je cuisine… Elle chante

Propos recueillis par Jacques Brachet

SHEILA… 60 ans d’amour


Sheila est un cas dans ce métier…
Elle est l’une des recordwomans de ventes de disques de ces artistes nés dans les années 60. Le public l’a adulée et l’adule toujours autant, même si la presse n’a pas toujours été sympa – c’est un euphémisme ! – avec elle.
A une époque et durant des années elle fut la reine des hit-parades, du petit écran sans jamais faire une tournée.
Elle en fit une seule à ses débuts, en compagnie des Surfs et de Frank Alamo et ne la termina pas.
Après quoi, il fallut attendre quelques décennies pour qu’enfin elle monte sur scène, toujours avec le même succès et avec des fans toujours fidèles. Elle prit ainsi goût à cette scène dont elle fut privée durant des années et alors que tout lui souriait, la voici qui arrête tout… pour mieux repartir quelques années après.
Allers-retours chaque fois surprenants, entrecoupés de quelques livres qu’elle a écrits et de moments de solitude pour se consacrer à la sculpture…
Je ne la rencontrai donc que très tard par rapport à tous les autres artistes qui, tous, passaient leur temps sur des tournées qui duraient des mois.

Ma vraie première rencontre donc, fut en 95 à la sortie de son livre  » Et si c’était vrai ?  » (Ed Ramsay) où, sous couvert d’un nom d’emprunt, Annette Choubignac, petite fille de Français moyens devenue idole des jeunes, elle réglait ses comptes avec le show biz et quelques personnages qui gravitaient autour d’elle…Chacun y reconnaîtra les siens !
“J’ai trouvé marrant – me confiait-elle – de raconter les dessous du show biz dans les années 60 et de romancer le tout plutôt que de faire la fameuse bio que tout le monde fait. Je voulais parler de cette folie ambiante, cette joie de vivre dont on n’avait pas toujours conscience, du fric que l’on brassait… ou que d’autres brassaient pour nous ! Nous avions 16/18 ans, on voulait chanter, on vous prenait en main, on signait des contrats débiles… Aujourd’hui, les jeunes ont évolué et leurs avocats ne sont jamais très loin
Quelles étaient tes relations avec les autres artistes ?
Johnny, Sylvie, Françoise m’intimidaient un peu cars ils étaient déjà des vedettes. Avec Claude François, on a démarré ensemble donc c’était plus facile. Et on s’est très vite trouvé sur un pied d’égalité. C’est vrai qu’avec Claude il y avait en plus de la tendresse et de la complicité. Il était fidèle et sincère. J’étais aussi très amie avec Dalida qui était une femme intelligente, simple, sentimentale et sensible. Ce qui nous rapprochait c’est qu’elle en avait, comme moi, pris plein la tête. Françoise a été près de moi lorsqu’il y a eu mon « affaire » du Zénith. Sylvie Vartan est aussi restée quelqu’un que j’aime infiniment. Elle est très loin, très souvent mais je crois que lorsqu’on se voit, on a chacune du plaisir à se retrouver. Le problème est que notre entourage essayait souvent de nous monter les unes contre les autres. On nous voulait concurrentes alors que nous, nous n’en avions rien à faire. La preuve : On se retrouvait toujours avec plaisir chez les Carpentier.

As-tu connu la solitude des artistes ?
La vie d’artiste et une chose que, même très entourés par les gens du métier, la presse, les fans, nous vivons seuls. Nous sommes très exposés car nous vivons une histoire d’amour avec des milliers de gens et lorsque les lumières s’éteignent (Claude François l’a très bien chanté) nous nous retrouvons seuls.
Être entouré ne veut pas dire être aimé. Mais la solitude croise tout le monde un jour… « 
Malgré cela à l’époque, elle venait d’avoir 50 ans, avait une pèche d’enfer, plein d’envie et m’avait envoyé en boutade :
«J’ai 50 ans derrière moi et encore 50 ans à vivre»…
Lorsque tu as décidé d’arrêter la scène, le public ne t’a-t-il pas manqué ?
Bien sûr, terriblement mais la décision de m’arrêter, je l’avais prise toute seule et en toute connaissance de cause. J’avais décidé de prendre du recul, de faire autre chose et c’est ce que j’ai fait puisque je me suis mise à la sculpture et à l’écriture.
Donc, si le public me manquait, je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même ! Mais un jour ça a été plus fort que tout, il fallait que je revienne. Le manque était trop grand.
Et ce 28 septembre 1998 à l’Olympia ça a été des retrouvailles d’une force, d’une intensité inouïes… C’était au-delà de tout ce que j’avais pu rêver. Ce fut un grand moment d’amour et la tournée suivit, aussi intense. Tout ça restera l’un des plus grands moments de ma vie. En trente ans de carrière je n’avais jamais vécu ça…
Et je crois qu’il y avait trente ans que j’attendais ça !
Etais-tu inquiète ?
Pas vraiment car j’avais fait de la scène en 88 et je savais que le public serait là, comme il l’a toujours été. Mais je me disais que j’avais peut-être été imprudente de m’être arrêtée. Et je me rendais compte surtout que je m’étais privée de beaucoup de choses. Le public me manquait vraiment et c’est pour cela que je fais la fête avec lui tous les soirs ! La presse, les critiques, ça a été le bonus !
Des regrets ?
Non, pas vraiment puisque la décision venait de moi et de mon plein gré. De plus, j’ai également pris beaucoup de plaisir à sculpter et à écrire, même si c’étaient des plaisirs solitaires ! Mes livres se sont bien vendus, certains sont sortis à l’étranger et je suis très fière de cela».
Après avoir été tellement décriée, « la chanteuse populaire » chante à Ramatuelle et reçoit la légion d’honneur…Quel effet cela fait-il ?
Quelle fierté ! Quelle joie !
Être choisie par Jean-Claude Brialy pour passer sur cette scène mythique et faire partie des privilégiés qui pourront dire « J’y ai chanté », quel bonheur, quel honneur !…
Être décorée par Chirac, quelle reconnaissance ! On a beau se dire au départ qu’on s’en fout et que d’autres le méritent plus que toi, ça fait un drôle d’effet. Et surtout, après tant d’années, être enfin reconnue dans son pays, ça fait chaud au cœur.


C’est une belle revanche ?
Non, je ne prends pas ça pour une revanche. Je le prends tout simplement comme un grand bonheur.
Aujourd’hui, Sheila, c’est qui ?
Une personne qui a beaucoup d’amour à partager, à donner, à recevoir…
C’est une femme qui a une pêche d’enfer et énormément d’énergie…
Et de projets ! ! !
Qu’est-ce qui te gène encore aujourd’hui ?
Plus grand chose à vrai dire sinon, peut-être, certaines personnes qui continuent à me voir avec des couettes… Couettes que je n’ai gardées qu’une année même si aujourd’hui je ne les renie pas !
Quel est le secret de Sheila pour avoir une telle pêche ?
La plus belle machine qui existe, c’est le corps humain. Il faut savoir l’entretenir, avoir de la volonté, et l’énergie nécessaire pour l’entretenir, le faire travailler, pour qu’il réagisse à plein rendement. Il faut savoir souffrir, aimer avoir des courbatures.
La forme du corps est essentielle. Avec lui, le reste suit.
Penses-tu qu’aujourd’hui de jeunes chanteuses peuvent faire la carrière que tu as faite et que tu fais toujours ?
Pourquoi pas ? La chose essentielle est d’y croire très fort, d’avoir des dents qui rayent le parterre, une volonté de fer, une passion à toute épreuve car il faut vraiment y croire de l’intérieur et être vraiment persuadée qu’on est faite pour ça. On ne fait pas ce métier quand on ne sait pas trop quoi faire, qu’on veut tout simplement devenir célèbre ou qu’on veut « essayer ça »… Les producteurs et les maisons de disques vous considèrent avant tout comme un produit. Tous les salamalecs qu’ils font devant vous, ils le font tant que vous rapportez quelque chose. Mais ils partent aussi vite que ce qu’ils viennent. Il faut donc – et ça c’est essentiel – être entouré de gens sincères, qui croient en vous, qui ne vous lâcheront pas dès que ça va moins bien. Car nous, nous parlons musique et eux, ils parlent business. I
Il faut donc un bon entourage et avoir la foi.
Nombre de tes chansons sont  » relookées  » aujourd’hui !
Évidemment !
Je ne pourrais pas offrir aujourd’hui les chansons telles que je les chantais à l’époque ! « Les rois mages », je l’interprète en salsa, sinon, je ne pourrais plus la faire ! Les orchestrations ont été revisitées, les rythmes aussi et ce n’est pas pour rien que CloClo, Dalida ou moi faisons encore les beaux jours des boîtes de nuit. Ça marche toujours !

La remise en question, tu connais ?
Je crois que je l’ai prouvé ! Je fais le plus beau métier du monde, j’en vis et je n’ai pas le droit de m’asseoir en me disant, satisfaite : « Bon Dieu que tu es bonne ! ».
Mis à part ça, si j’existe encore après 60 ans de carrière, ce n’est pas anodin.
Après ça, je ne passe pas ma vie à regarder ce que j’ai fait et ce qui m’intéresse, c’est ce que je vais faire.
Tes espoirs, tes envies ?
Que certains me voient autrement… Sheila a évolué et j’aimerais qu’on me voie telle que je suis aujourd’hui et qu’on prenne cela en considération. Après ça, que veux-tu…. Je ne peux obliger personne à aimer Sheila et ceux qui m’aiment savent pourquoi. Et c’est pour eux que je continue.Je devais la retrouver sur les tournées «Age Tendre» mais là, fini la complicité. Pourquoi ? Je ne sais pas. Qu’elle ne me reconnaisse pas, je le conçois, elle en a vu des journalistes et je ne fais pas partie des intimes. Mais là, elle resta lointaine, froide, refusa plusieurs fois un entretien évoquant le manque de temps… et allant jouer aux cartes avec son équipe ! Pourtant, entre les deux spectacles, Dieu sait si les artistes avaient un quart d’heure à donner aux journalistes qui d’ailleurs n’étaient pas nombreux… Il fallut que j’insiste lourdement pour pouvoir faire une photo d’elle avec ses danseurs.
Mais bon, ce n’est pas grave. On se retrouvera peut-être un jour…

Jacques Brachet