Archives de catégorie : Festivals

Six-Fours – la collégiale
Margherita-Maria SALA : « Je ne me ferme aucune porte »


Une voix, une énergie… et un accent italien marivigiloso !
Elle dit parler « un po » en français, tout en s’excusant et,  avec cet accent chantant qui est déjà musique, on la comprend parfaitement.
Elle est toute joie, tout sourire et, à l’ombre de la Collégiale, elle nous parle de sa vie qui n’est que musique. « Je viens, comme vous l’avez compris d’Italie, née dans une famille musicienne, mon père étant pianiste et chanteur et ma mère musicologue. Donc difficile de ne pas aimer la musique et de ne pas chanter !
Je suis la quatrième de cinq enfants et les trois premiers sont aussi musiciens. Le cinquième viendra plus tard.
J’ai commencé à chanter à 5 ans, Avec mes frères nous avons joué dans des opéras en tant qu’enfants, dans « Tosca » et dans « Werther ». Chanter, c’était pour nous très naturel.. Nous avons même créé un groupe vocal où nous chantions du classique, du jazz, des variétés comme les Beatles. Ca dépendait du contexte !
Comment êtes-vous devenue soliste ?
Nous avons d’abord chanté comme choristes, entre autre dans les chœurs de la Fenice à Venise.
Puis, j’ai voulu devenir soliste. Je me suis présentée au concours de musique baroque d’Innsbruck où j’ai gagné le premier prix et le prix du public. L’on m’a engée au Concert House de Vienne.
Vous avez découvert la musique baroque ?
Oui, au départ j’étais alto et j’ai trouvé plus de choses à chanter en tant que contralto dans la musique baroque. C’était plus facile pour moi de trouver un répertoire qui s’adaptait à ma voix. Mais j’ai toujours aimé varier les plaisirs, je ne me ferme aucune porte et c’est ce qui me fait être en progrès continu. Je suis curieuse de savoir ce que l’avenir m’apportera.

Votre rencontre avec Jean-Christophe ?
Tout simplement parce qu’il a appelé mon agent car il cherchait une interprète pour un programme qu’il avait choisi. Je ne connaissais pas les œuvres qu’il voulait que je chante mais j’ai étudié son programme et ça a été le début d’une collaboration intense car depuis, nous avons fait beaucoup de choses ensemble dont, l’an passé, un concert dans un festival de jazz.
Vous êtes donc multiple !
(Elle rit) Oui car j’aime toutes les musiques. Bien sûr, le baroque est la musique de prédilection de Jean-Christophe et j’ai beaucoup chanté du Vivaldi, du Haendel… Nous nous sommes vraiment trouvés, nous sommes devenus complices et c’est toujours un grand plaisir de travailler avec lui.
Et en dehors de lui ?
Je chante lorsqu’on m’appelle et d’ailleurs plus en France qu’en Italie.
Pourquoi ?
Je travaille un peu en Italie mais pas comme en France, en Allemagne, en Autriche où la musique baroque est plus jouée qu’en Italie où elle reste un peu confidentielle, même si ça commence à changer. Les Italiens préfèrent les grands opéras classiques romantiques comme Verdi ou Puccini. C’est plus traditionnel.
Alors, votre prochaine aventure ?
Je suis rentrée ce matin d’Innsbruck  où je suis en pleine répétition de concerts qui auront lieu les 2, 4, 6, 8 août. C’est une nouvelle production. C’est difficile mais c’est très excitant. Et puis, je retrouve Innsbruck que j’adore, où tout a commencé, où j’ai trouvé une vraie famille, une vraie amitié avec les musiciens et je vais tous les ans avec plaisir y travailler
Mais vous reviendrez chez nous ?
Bien sûr, avec grand plaisir, si Jean-Christophe me le demande ! »

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Patrick Carpentier  

10ème anniversaire du festival de la Collégiale
Jean-Christophe SPINOSI :
« Un moment essentiel de ma vie d’artiste »


10 ans … Déjà 10 ans que Jean-Sébastien Vialatte (au prénom prémonitoire !) le maire de Six-Fours a décidé de créer ce festival dans un lieu magique : la Collégiale. Et Jean-Christophe Spinosi et son ensemble Matheus s’y est lové, y a fait sa maison, comme il aime à le dire, et chaque année nous avons la joie de l’y retrouver avec des concerts magnifiques.
Avec les années, nous sommes devenus amis et j’ai toujours un grand plaisir à retrouver ce grand musicien, aussi simple que talentueux, souriant, énergique, toujours tellement amical. Et très volubile tant il est passionné par son métier.
Il regarde le superbe panorama que nous avons de cette Collégiale qu’il aime :

« Lorsque j’arrive ici, je suis heureux. Je suis amoureux de ce lieu, de ce paysage et je ne remercierai jamais assez le maire de m’avoir offert « ça » ! Dans une vie de musicien, c’est tout simplement merveilleux.
Alors, Jean-Christophe, résume-moi ces 10 ans !
(Il rit) Ça ne nous rajeunit pas mais ça nous fait de beaux souvenirs !
Justement, quels souvenirs en as-tu gardés ?
Je ne pourrais pas vraiment dégager de meilleurs souvenirs, tant ils sont nombreux. Plus le temps passe, plus cela prend une valeur profonde à mes yeux. Chaque année est pour moi un moment essentiel, un privilège, tant sur le plan musical qu’amical, la joie de l’échange qui se fait avec les musiciens, le public, tous les gens qui travaillent à ce festival. J’ai l’impression de prendre chaque fois un peu plus de hauteur, d’être toujours un peu plus près du ciel à chaque année qui passe…
Avec les initiales de ton prénom, c’est évident !
(Il rit) Si, dans une autre vie, j’arrive à monter jusqu’au ciel, j’avoue que je suis de plus en plus profondément ému à l’idée de « monter » à la Collégiale. Cette ascension me fait monter de plus en plus haut et ça me rapproche de plus en plus des gens.
La musique est pour moi de plus en plus importante vu l’état du monde qui est compliqué en ce moment. Elle nous protège, elle nous défend, elle nous répare et nous lie les uns aux autres. Elle nous fait communier.
Et ça te rend heureux ?
Bien sûr et ce qui me rend aussi très heureux, c’est cette volonté de l’équipe municipale d’avoir voulu et pu offrir aux gens ces moments de convivialité, des concerts qui ne se ressemblent pas qui, je l’espère, sont pour moi et pour le public, des moments incroyables qui se font dans un esprit de simplicité. Les discussions que nous avons avec le public après le concert sont des moments de grâce et c’est pour moi le but ultime de la musique.
C’est peut-être aussi le lieu qui veut ça ?
Oui, c’est la spiritualité de ce lieu à la fois plein de gravité, de joie, de lumière. C’est pour moi un acte spirituel que de venir y jouer car c’est un lieu d’échange, un acte d’amour avec le public car plus les années passent plus il y a de proximité. C’est une profession de foi et rien que d’en parler ça m’émeut. La collégiale est pour moi l’un des plus beaux endroits du monde.

Tu as dû pourtant en voir, de beaux endroits !
Oui, c’est vrai, c’est le privilège du métier de musicien d’aller un peu partout dans le monde et de découvrir des lieux magnifiques. Mais je reviens à la collégiale comme si je revenais à la source. Il y a tout ce parcours avec le public, l’organisation, la mairie. C’est comme construire une œuvre d’art depuis dix ans. Dix ans, c’est peu de temps par rapport à celui qu’il a fallu pour construire la collégiale mais ça s’inscrit dans la temporalité. C’est un lieu apaisant qui apporte la sérénité et en même temps, il y a une grande énergie qui s’en dégage.
Le programme de cet anniversaire est-il particulier ?
Pour ces dix ans, j’ai souhaité offrir au public à la fois des pièces nouvelles mais aussi revenir sur des choses que nous avons faites car ces dix ans ont été des rencontres musicales qui ressemblent au lieu. Il me semblait tout à fait logique d’inviter Margherita Maria Sala avec qui j’ai beaucoup travaillé dans différents pays. Elle est la gentillesse, la simplicité, l’originalité, elle n’a pas peur d’aller dans l’impro. Elle est une des plus grandes chanteuses de sa génération de l’opéra baroque. C’est l’artiste « multi-genres » qu’il nous fallait pour représenter l’histoire de la musique traditionnelle, de l’opéra, de la musique populaire.
Mais je voulais aller au-delà et c’est pour ça que j’ai invité Mohamed Abozekry, qui joue de l’oud et John Samir qui jouer du ney. Deux musiciens que j’ai rencontrés en Egypte, avec qui j’ai joué. Nous allons donc remonter aux sources de la musique car on vient tous de là.
Les deux autres concerts sont un hymne à la nature !
Le 18  nous proposons « Les quatre saisons » de Vivaldi et le 19 « La symphonie pastorale » de Beethoven. Ce sont deux œuvres qui  m’ont toujours accompagné, deux œuvres qui se rapprochent de la nature, on pourrait dire deux œuvres qui parlent d’écologie avant l’heure à travers la musique, qui véhiculent l’émotion et sensibilisent les gens aux problèmes de la planète. On y voit la nature en cinémascope !
Ça me permettra également de présenter notre académie Haendel-Hendrix…

Raconte
C’est une académie que nous avons créée pour les jeunes musiciens venus de toute l’Europe, sortant du conservatoire, ce qui nous a permis d’aller jouer à Hambourg, à Amsterdam au Parlement Européen à Bruxelles. Elle a été créée pour aider les futurs musiciens qui sont prêts à être professionnels, afin de leur donner une plus grande fantaisie que ce qu’ils ont appris au conservatoire, un esprit d’aventure qu’ils apporteront partout dans des lieux différents, pas que dans des théâtres ou des festivals mais là où l’on peut faire de la musique, afin que la musique survive. Afin aussi de leur donner une autonomie, un sens de l’improvisation…
En fait, c’est la relève !
Exactement ! »

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Patrick Carpentier et Jacques Brachet

Bandol – Hôtel la Farandole
Lilya : Méditerranée my love


Des vagues qui viennent mourir sur la plage, dans un mélange bleu d’azur et sable aux camaïeux de beige. Des dentelles d’écumes qui viennent s’alanguir, portées par les vagues.
C’est ainsi que Lilya Pavlovic Dear voit cette Méditerranée qu’elle a découvert et dont elle est tombée amoureuse. Et elle nous l’offre dans ses reflets dorés, comme le chantait Trenet. C’est une peinture joyeuse, pleine de sérénité et l’on y sent tout l’amour qu’elle porte à cette mer qui, dit-elle, est la plus belle du monde.
Et pourtant Lilya en a vu des mers et des paysages, allant exposer un peu partout dans le monde, de Paris à Venise, de Washington à Xi’an en Chine, de Londres  à Belgrade, et à Paris, Strasbourg et Bandol.

Et la voici installée jusqu’au 13 août dans ce merveilleux cadre qu’est l’hôtel la Farandole de Bandol, face à la mer, reçue par Olesya Sudzhan, définitivement installée dans ce lieu idyllique.
Elle est toujours soutenue par Georges Klimoff, ce russo-seynois passionné par le cosmos, qui a vu cet hôtel sortir de terre et qui est toujours présent à l’appel d’Olesya. Celle-ci ayant dirigé une galerie en Russie, a décidé de continuer d’aider les artistes, de quelque endroit qu’ils viennent, en organisant des soirées musicales et des expositions.
« L’eau éternelle » est le thème de cette dernière exposition, qui ne pouvait que plaire à Georges lorsqu’il s’agit de terre, de mer, d’espace.
Quant à Lilya, elle nous offre tout ce qu’elle ressent devant cette mer qui l’a adoptée et qu’elle a adoptée.


« Lilya, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Je suis d’origine yougoslave, je suis née à Belgrade en Serbie, j’ai suivi des cours à l’Académie des Arts de Belgrade puis au Chelsea College of Art et Design de Londres.
Mon mari travaillant aux Etats-Unis, j’ai enseigné à l’Université de Los Angeles en Californie puis nous sommes rentrés à Paris en 1978.
A partir de là, j’ai continué à peindre et exposer un peu partout dans le monde en Allemagne, à la Biennale de Venise, j’ai été invitée quatre fois en Chine où l’on m’a remis le Golden Price. J’ai à mon actif une soixantaine d’expositions sans compter les expositions de groupe, entre autres au Grand Palais à Paris.
Votre rencontre avec la Provence ?
L’effet du hasard : Mon mari, qui travaillait dans une entreprise américaine, a été muté en France et nous nous sommes installés à Paris. Nous avons décidé de partir en vacances dans le Midi. Nous avons fait Paris-Marseille puis toute la côte, Sanary, Bandol… Je suis tombée amoureuse de la Méditerranée qui est pour moi la plus belle mer du monde ! Pourtant, nous en avons connu des mers, jusqu’en Indonésie, à Bali, qui est magnifique mais c’est moins beau et pittoresque qu’ici. Alors nous avons décidé de nous installer à Bandol.
Pour moi, ce n’est pas étonnant que toutes les grandes cultures soient issues de la Méditerranée.


Comment avez-vous découvert la Farandole ?
J’ai déjà fait trois expositions au centre culturel de Bandol, la troisième… avec les masques ! C’est une amie qui m’a amenée à une exposition à la Farandole. J’ai rencontré Olesya Sudzhan qui a voulu voir ce que je faisais et cela lui a plu. Elle m’a proposé de venir exposer là.
Pensez-vous encore exposer dans la région ?
Je voudrais bien mais d’abord je me partage entre Bandol et Paris, je ne connais pas les lieux d’exposition par ici, je manque donc de contact et monter une exposition est un long processus qui se fait sur la longueur.
Mais je ne désespère pas ! »
En attendant, la voici installée jusqu’au 13 août à la Farandole et je vous conseille d’aller découvrir « sa » Méditerranée joyeuse, poétique et belle.

Jacques Brachet

Six-Fours – Nuits du Cygne
Daniel FRAY-Chiara MUTI : Duo de charme franco-italien

Ils forment ; à la ville comme à la scène, un couple magnifique… le pianiste David Fray est Tarbais, la comédienne Chiara Muti est florentine.
Ce n’est que la deuxième fois qu’ils se retrouvent ensemble sur scène pour un « presque » duo piano voix, chacun jouant à son tour.
C’est donc une chance que tous deux viennent à Six-Fours dans le cadre des Nuits du Cygne avec un programme Schubert-Liszt pour lui et des extraits de « La divine comédie » de Dante, pour elle.
Après avoir ouvert avec Schubert (Klavierstrücke N°2) David Fray nous offre des extraits des « Années de pèlerinage » de Liszt.  Il s’agit de trois impromptus que Liszt a écrit durant ses voyages en compagnie de sa maîtresse, la femme de lettres Marie d’Agoult. Le premier voyage était en Suisse, le second en Italie, inspiré des œuvres de Pétrarque et de Dante.
Pétrarque dont Chiara Muti emprunte des extraits de « Pace non trovo et non o da  far guerre » et de Dante « La divine comédie » qu’elle nous offrira dans sa langue maternelle.
Ce n’est donc pas un vrai duo mais la musique de Liszt répond au texte de Dante et tous deux nous offrent un moment en suspens où l’amour, la mort se répondent dans une parfaite osmose.

Les rencontrer est une chance et un réel plaisir tant ils sont tous deux en symbiose, souriants, rieurs même, volubiles et parlant quelquefois ensemble, mariant le français de l’un, l’Italien de l’autre. On est sous le charme.
David, vous avez commencé à jouer du piano à quatre ans. Peut-être sous l’influence de votre mère qui enseignait la culture musicale allemande ?
Peut-être… C’est même certain car c’est cette musique qui m’a très vite attiré et que j’aime certainement le plus.
Vous avez très vite joué et reçu de nombreux prix…
C’est-à-dire que j’ai eu la chance de pouvoir jouer dès mes quatorze ans et de ne pas passer par une école ou un conservatoire. Donc les prix et les médailles je ne les ai pas obtenus en fin de classe.
Quant à vous, Chiara, vous avez un père, Riccardo Muti, qui a une impressionnante carrière de musicien et chef d’orchestre… Et vous partez dans le cinéma !
Il se trouve que, si j’ai joué du piano dès six ans, j’étais d’abord attirée par l’opéra car, au-delà de la musique, j’aimais les mots. Je suis allée à Milan à 18 ans où j’ai eu la chance d’avoir pour professeur Georges Strehler, puis j’ai débuté dans le cinéma.
Votre rencontre ?
David : j’ai joué sous la direction de Riccardo Muti et j’ai rencontré Chiara.
Chiara : Je suis venue en France pour quelques mois afin d’apprendre cette langue…
David : Et elle n’en ai jamais repartie !

C’est la première fois que vous jouez ensemble sur scène ?
David : C’est la seconde mais c’est vraiment la première fois que nous faisons un spectacle ensemble. Et vous en avez eu la primeur ! C’était une envie de le faire autour de la musique de Liszt et de l’écriture de Dante car le musicien a été obsédé par l’œuvre de Dante et nous avons eu l’idée de les réunir côte à côte. Ça nous semblait intéressant.
Chiara : La musique de Liszt est basée sur l’image et l’imaginaire de Dante et en tant que comédienne, ces images me viennent comme elles ont dû venir à Liszt. C’est pour cela que je dis le texte en italien. C’était pour moi une évidence.
David : On entre dans une spirale qui va de l’enfer au paradis en passant par le purgatoire. Les mythes de Minos, de Sémiramis… Mais Dante a étudié le terreau de la culture occidentale et il a été inspiré des troubadours qui chantaient en langue provençale. Les deux langues se rejoignent.
Chiara : la langue provençale a été le premier ralliement de toutes les langues des provinces italiennes.
David, vous êtes déjà venu à ce festival et vous, Chiara, vous le découvrez.
David :
Oui, et je suis heureux de le retrouver car l’accueil y est chaleureux.
Chiara : C’est vrai et le cadre est si beau ! Je m’y suis tout de suite trouvée comme en vacances et j’y ai retrouvé l’air de la  maison !

Propos recueillis par Jacques Brachet




On lirait le Sud

Du 2 au 30 juin 2023, « On lirait le Sud » revient pour sa troisième édition dans toute la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. À cette occasion, plus d’une centaine de librairies, éditeurs et médiathèques s’allient pour mettre à l’honneur les acteurs du livre de toute la région Sud autour de rencontres et d’animations gratuites.De nombreux événements sont ainsi organisés sous la bannière « On lirait le Sud »pour valoriser le travail des maisons d’édition et des auteurs en Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Des rendez-vous à ne pas manquer pour promouvoir le circuit court du livre et faire briller les talents littéraires du territoire de Marseille, Nice, Toulon, Antibes, à Grasse, Aix-en-Provence, Salon-de-Provence, en passant par Hyères, Avignon, Gap, Aubagne, Orange, Briançon…
Parmi les quelque 50 rendez-vous proposés, le public pourra rencontrer des auteurs et autrices de romans, de livres jeunesse, de textes engagés ou de poésie, comme Marcus Malte, Françoise Laurent, Dominique Sigaud-Rouff, Elsa Valentin, Erika Nomeni, Daphné Ticrizenis ou encore Monique Grande et Mo Abbas, ainsi que les illustratrices Maguelone Du Fou, Amélie Jackowski, les éditrices Juliette Grégoire et Mathilde Chèvre, l’explorateur Raphaël Sané, le plongeur Samuel Jeglot ou la journaliste œnologue Romy Ducoulombier….
En plus de ces nombreuses rencontres, ateliers et dédicaces, 50 libraires feront découvrir leurs coups de cœur parmi une sélection unique d’ouvrages « 100% local ».
Porté par Libraires du Sud, Éditeurs du Sud, Jedi Sud et l’Agence régionale du Livre Provence-Alpes-Côte d’Azur, ces temps forts littéraires entièrement gratuits sont réalisés sous l’égide de la Région Sud, avec le concours du dispositif Sofia/Fill Territoires du Livre.

Six-Fours – Nuits du Cygne
Ouverture en majeur avec Renaud Capuçon

Paul Zientara – Stéphanie Huang – Renaud Capuçon – Guillaume Bellom

On ne pouvait avoir meilleure ouverture et meilleure clôture du festival qu’avec les frères Capuçon. Ouverture avec Renaud les 27 et 28 mai, clôture avec Gautier les 17 et 18 juin, avant de passer au festival de la Collégiale avec le fidèle Jean-Christophe Spinosi.
Fidèles aussi les deux frères qui sont aujourd’hui devenus les parrains du festival et qu’on retrouve chaque année avec le même plaisir.
En cette ouverture, Renaud a choisi de nous offrir une soirée Mozart avec deux de ses quatuors.
Qui dit quatuor dit… quatre !

Il était donc cette année, accompagné par son pianiste et ami de longue date, Guillaume Bellom qui, longtemps, balança entre violon et piano. Et c’est le piano qui l’emporta en étant la révélation soliste aux Victoires de la Musique en 2017. Depuis, entre enregistrements et concert, il est souvent fidèle au poste, aux côtés de Renaud.
A leurs côtés, Stéphanie Huang, violoncelliste  qui, depuis ses débuts à 12 ans, le grand prix qu’elle a obtenu au concours national de violoncelle à Porto en 2015 et la révélation Adami en 2021, a déjà reçu de nombreux prix et suit une route magnifique, croisant ainsi Renaud Capuçon.
Enfin, Paul Zientara, violoniste  qui fit ses débuts à 7 ans, qui reçut le prix de la révélation classique Adami en 2021 et a rencontré Renaud Capuçon la même année, celui-ci faisant appel à lui pour interpréter, un an plus tard, « La symphonie concertante » de Mozart… déjà, avec l’Orchestre du Capitole de Toulouse.

A droite : Fabiola Casagrande, adjointe à la Culture et Stéphanie Guillaume, adjointe à la santé,
entourant Renaud Capuçon

Comme on le voit, notre ami violoniste a su s’entourer du fleuron de la musique classique pour cette soirée de fin de printemps, dans ce lieu idyllique (Si ce n’est la présence des moustiques !) qu’est le jardin de la Maison du Cygne.
Brillante soirée hélas trop courte (1 heure) car le public en aurait redemandé. Mais il pouvait se rattraper le lendemain  avec presque les mêmes musiciens Manon Galy , révélation des Victoires de la Musique 2022, remplaçant Paul Zientara et uissi Violaine Despeyroux, alto. Pour une soirée Brahms.
Belles soirées donc pour l’ouverture d’un festival aujourd’hui reconnu et de plus en plus couru.

Jacques Brachet

Une vague classique va déferler sur Six-Fours

Gérald Lerda, Fabiola Casagrande, Colette Gluck, Jean-Sébastien Vialatte

Foule des grands jours au Six N’Etoiles de Six-Fours. Non pas pour parler cinéma mais pour parler de la déferlante de musique classique qui va avoir lieu cet été dans trois lieux devenus aujourd’hui incontournables à Six-Fours : La Maison du Cygne, la Collégiale Saint-Pierre, la Maison du Patrimoine.
Le festival « La vague classique » se déroulera donc à la Maison du Cygne du 27 mai au 18 juin, puis la Collégiale prendra le relais du 1er au 19 juillet et enfin les concerts de la lagune se dérouleront à la Maison du Patrimoine du 2 au 16 juillet.
Ouverture en majeur le 2 avril à la collégiale St Pierre avec l’extraordinaire mezzo-soprano Cécilia Bartoli, qui sera accompagnée par l’ensemble Matheus dirigé par Jean-Christophe Spinosi. Cécilia Bartoli qui sera parmi nous grâce à Colette Gluck, conseillère municipale déléguée à la culture de la Mairie de Toulon, amie fidèle du festival, précise le maire.
« Le besoin de culture – nous confie Jean-Sébastien Vialatte – a été immense durant le confinement mais en même temps, ça été pour nous l’évidence de recevoir, durant cet enfermement, ces artistes qui ne pouvaient plus travailler et qui ont été heureux de découvrir la Maison du Cygne dans laquelle ils veulent tous revenir ! Malheureusement, nous ne pouvons pas toujours recevoir les mêmes artistes, hormis les frères Capuçon qui sont un peu devenus les parrains du festival ».

C’est ainsi que chacun viendra pour deux soirées : Renaud, le 27 mai accompagné de Paul Zientara, alto, Stéphanie Huang, violoncelle et Guillaume Bellom, piano pour une soirée Mozart. Le 28 mai nous retrouverons les mêmes sauf Paul Zientara, mais complété par Violaine Despeyroux et Manon gay, révélation des Victoires de la Musique Classique 2022, violons, pour une soirée Brahms.
Quant à Gautier, il sera parmi nous le samedi 17 juin, soirée consacrée aux jeunes talents de sa fondation qui l’accompagneront : Anastasia Rizikov, piano, Sarah Jégou, violon, Lisa Strauss violoncelle. On retrouvera au piano Frank Braley l’un des pianistes qui a très souvent accompagné Gautier. Un autre de ses complices, le pianiste Jérôme Ducros, sera à ses côtés le 18 juin, soirée où un mélange savant réunira des musiques de son dernier album « Sensations » de « Singing in the rain » en passant « le magicien d’Oz », « Les moulins de mon cœur » « Les parapluies de Cherbourg » de Michel Legrand, « Mission » d’Ennio Morricone, « Hallelujah » de Léonard Cohen, « Quand on n’a que l’amour » de Brel… Entre toutes ces musiques célèbres, s’immisceront Brahms, Dvoràk, Puccini, Prokofiev… De beaux moments en perspective.
Autour de ces deux frères amis du festival, nommons les pianistes David Kadouch, Alexander Malofeev jeune génie russe, David Fray et bien d’autres artistes de renom qui, aujourd’hui disent oui sans hésiter au trio six-fournais, le Maire, l’adjointe à la culture Fabiola Casagrande et Gérald Lerda, collaborateur du cabinet du Maire.

Fabiola qui nous annonce une saison enthousiasmante à la Collégiale  qui fêtera son dixième anniversaire avec son complice Jean-Christophe Spinosi. Dixième anniversaire qui sera fêté le 16 juillet avec un magnifique concert de l’ensemble Matheus, Jean-Christophe y invitant la sublime contralto Maria Sala où Monteverdi, Vivaldi seront entre autres au programme. Vivaldi dont Jean-Christophe nous offrira « Les quatre saisons » le 18 juillet. Quant à la symphonie N°6, dite « la Pastorale » de Beethoven, elle sera au programme de la clôture du festival le 19 juillet.
N’oublions pas l’invité exceptionnel du 1er juillet : le ténor Rolando Villazon.
On ne peut pas vous citer tous ces programmes si riches et si divers que vous pourrez retrouver sur le site sixfoursvagueclassique.fr dont les abonnements sont ouverts.
Les concerts de la Lagune, concerts gratuits, démarreront le 2 septembre avec le premier lauréat de la Fondation Gautier Capuçon, le pianiste Kim Bernard. Nous retrouverons Benoît Salmon, violon e Pierre Laïk, piano le 9 et l’ensemble Meliphages et l’accordéoniste Julien Beautemps le 16.
« La vague classique – ajoute le maire » est une vague de magie, de bonheur partagé, qui aujourd’hui fait rayonner notre ville et fait d’elle une terre de culture ».

Jacques Brachet

Six-Fours – Festival « Femmes ! »
Philippe Lioret : « 16 ans », un film bouleversant

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Nora 16 ans (Sabrina Levoye) et Léo 17 ans (Teïlo Azaïs) se rencontrent à l’école. Très vite ils se rapprochent et nait un amour d’adolescence.
Mais cette rencontre n’est pas sans problèmes : Léo est fils de bourgeois, son père est directeur d’un supermarché. Nora est française mais d’origine maghrébine. Son frère, qui travaille dans le supermarché du père de Léo, est suspecté de vol. Sur la foi d’un « collègue »  mal intentionné, le père le renvoie.
A partir de là tout va se compliquer : les copains du frère viennent tout casser dans le supermarché et le frère est arrêté. Et lorsqu’il apprend que Nora sort avec le fils du directeur, tout part en vrille : Il lui interdit de le revoir, la dénonce à son père qui l’enferme. Quant à Léo, son père lui interdit également de la revoir, d’autant qu’après la rixe celui-ci il est mis à pied.
C’est l’histoire d’une violence ordinaire, de la confrontation de deux communautés, d’un amour impossible, sorte de « Roméo et Juliette » revisité par un Philippe Lioret inspiré et investi qui dépeint ce drame avec beaucoup d’humanité, sans pathos, teinté d’un racisme latent.
Par ailleurs, Le réalisateur a formé un couple de comédiens lumineux et superbe, qui se retrouve dans cet imbroglio et aura du mal à s’en sortir face à des parents qui vivent chacun dans leur monde. A noter que les deux pères, Arsène Mosca et Jean-Pierre Lorit et le frère Nassim Lyess sont aussi très émouvants dans cette histoire qui les dépasse.
Un film âpre qui ne peut pas nous laisser indifférent.
On sort de celui-ci à la fois ému et oppressé et il est bien d’avoir vu le film avant que ne vienne Philippe Lioret car on a du mal à reprendre son souffle. De plus, il nous fait la surprise de venir avec ce magnifique couple qu’est Sabrina et Teïlo.
Heureux de retrouver Philippe Lioret que j’ai croisé plusieurs fois et, à l’abri du public avant la surprise, ravi de voir ce beau couple sirotant un coca, l’aventure terminée, car ils ont gardé une belle complicité.
J’avoue à Philippe Lioret que je suis heureux d’avoir vu le film deux jours avant sa venue tant il m’aurait été impossible d’en parler juste après la projection.

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Il sourit : « Je m’en suis rendu compte au long des avant-premières et c’est pour cela que j’arrive seul à la projection et que les comédiens arrivent après le film. Cela donne un effet de surprise qui donne le temps aux spectateurs de se remettre car ne s’attendant pas à les voir et se lèvent pour les applaudir.
« La genèse du film, Philippe ?
Le hasard. Durant plusieurs jours, j’ai découvert un jeune couple à l’arrêt d’un bus. Ils s’embrassaient tout en pleurant jusqu’à ce que le bus arrive et les sépare. J’ai commencé à cogiter une histoire autour d’eux qui m’a fait penser à « Roméo et Juliette », à cet amour impossible, à la guerre entre les Capulet et les Montaigu, en me disant que cela existait toujours, que c’était une histoire universelle. Il y avait eu « West Side Story » et pourquoi pas une histoire similaire aujourd’hui, partant de familles, deux mondes diamétralement opposées, deux extrêmes qui ne se rencontrent pas mais dont les enfants font les frais.
Le choix de ces deux magnifiques jeunes comédiens ?
Evidemment un casting ! J’ai vu 80 Nora et 50 Léo ! Petit à petit l’étau s’est resserré. Sabrina était l’une des trois restantes et j’ai failli passer à côté tant elle était stressée. Elle s’en est rendu compte et s’est mise à pleurer et c’est ce qui m’a décidé car j’ai tout de suite vu Nora.
Pour Léo, ça a été totalement différent car, au contraire de Sabrina, Teïlo était très décontracté, très à l’aise. Il a très vite compris le rôle. Avant cela, j’ai présenté plusieurs Nora à Léo et avec Sabrina, ça a tout de suite accroché. J’ai senti tout de suite qu’ils étaient faits l’un pour l’autre !
Ils sont d’ailleurs très vit devenus plus que ce que j’attendais. Il y avait une osmose entre les deux et je ne savais plus si j’avais Léo et Nora ou Taïlo et Sabrina face à moi ! Il me semblait que je tournais mon premier film !
Alors, Sabrina ?
C’est vrai que j’étais terriblement stressée. C’était mon premier casting, je prenais des cours de théâtre depuis seulement quelques mois. C’est ma mère qui m’a inscrite au casting. Lorsque j’ai appris le sujet du film, je me suis dit « pourquoi pas ? » J’avoue que devant Philippe, je me suis sentie scrutée et j’étais très mal à l’aise. J’ai tout de suite pensé que c’était raté et je me suis mise à pleurer. C’est ce qui lui a plu !

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Et toi Teïlo ?
J’avais un peu d’expérience. C’est aussi ma mère qui m’a inscrit un jour à un casting. J’étais très à l’aise même si je n’avais jamais pris de cours. Puis tout s’est enchaîné avec des petits rôles dans la trilogie « C’est quoi mamy, papy, la famille », « Louise Wimmer », « La vie pure » et la série « Un si grand soleil ».
Je me suis donc dit que c’était un casting comme les autres. Mais ma rencontre avec Philippe a été déterminante puisqu’il me donnait la chance d’avoir un premier rôle et en plus, un très beau rôle dramatique. Et avec Sabrina, ça a tout de suite collé, nous sommes devenus amis, nous nous voyons, nous envoyons des SMS…
Philippe, il y a aussi eu le casting pour les lycéens…
Oui. J’ai réuni trois classes et le choix a été difficile, d’autant que je savais que lorsqu’on fait ce genre de casting ont fait indubitablement des malheureux. Il y avait entre autre un garçon qui me suivait partout, qui ne me quittait pas des yeux, me regardait intensément. Je me suis demandé s’il n’était pas autiste et je me suis dit : pourquoi pas ?
Sabrina, Teïlo, connaissiez-vous l’histoire de Roméo et Juliette ?
Teïlo :
Je connaissais vaguement l’histoire mais je ne l’ai jamais lue
Sabrina : J’en connaissais quelques scènes que j’avais eu à jouer dans mon cours de théâtre, c’est tout.
Philippe : Pour moi c’est la plus grande histoire du monde, une histoire universelle et quand on pense que Shakespeare l’a écrite en 1580, ça laisse rêveur !

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Dans le film il y a d’ailleurs un clin d’œil à la scène du balcon !
(Philippe rit) Oui, lorsque Léo appelle Nora et qu’elle paraît à la fenêtre de son HLM ! Ça n’était pas un balcon mis c’était tout aussi romantique !
Combien de temps avez-vous tourné ?
Huit semaines sans compter les arrêts Covid. J’étais désespéré de laisser tomber mes comédiens. Le film aurait dû sortir bien avant mais avec tous ces événements il ne sortira que le 4 janvier.
Ce que je trouve réussi dans le film, c’est qu’il n’y a ni gentil ni méchant et que tous les personnages sont attachants.
Ce sont tous, avant tout, des êtres humains qui ont chacun leurs idées, leur convictions, leurs traditions. Chacun vit dans son monde, son sens de l’honneur. Chacun a ses raisons et elles sont défendables. Le frère de Nora, Tarek ( Nassim Lyess est magnifique) parce que renvoyé pour un vol qu’il n’a pas commis, peut-être parce qu’il est arabe. Et lorsqu’il apprend que sa sœur fréquente son fils, il devient fou de rage. Le père de Léo (Jean-Pierre Lorit), lui, a perdu sa place à cause de cette affaire. Il déteste Tarek et ne supporte pas qu’il fréquente sa sœur. Le père de Nora (Arsène Mosca) ne supporte pas que sa fille puisse fréquenter un garçon hors de sa communauté et surtout qu’elle ait des rapports avec lui tant il a le sens de l’honneur perdu. Chacun a quelque chose à défendre. Et c’est humain.
Alors, heureux que sorte enfin ce film ?
Philippe : Très heureux pour Sabrina et Teïlo car ils m’ont tellement apporté. Et c’est peut-être le film qui m’a le plus apporté.
Teïlo : C’est mon plus grand et plus beau rôle et je le dois à Philippe. Aujourd’hui, je continue les castings et la série « Un si grand soleil ».
Sabrina : Dans la mesure où je n’ai rien fait avant, j’attends beaucoup de la sortie du film car aujourd’hui, personne ne me connait. Donc… je patiente ! »

Propos recueillis par Jacques Brachet

Six-Fours – Festival « Femmes ! »
Andréa RAWLINS : Sept millions de victimes d’inceste

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Andréa Rawlins est journaliste d’investigation et réalisatrice depuis près de 25 ans. Elle travaille pour l’agence Kapa et réalise  des documentaires pour France Télévision. Elle s’est spécialisée depuis 15 ans dans les problèmes de société.
Invitée au festival « Femmes ! », elle est venue présenter un de ses reportages intitulé « Inceste », qu’on a pu voir sur France 3 et que vous pouvez encore voir en replay.
Durant de longs mois, elle a rencontré, entendu et, pour certains, filmé hommes et femmes qui ont été victimes d’incestes par des pères, des frères, des cousins…
Portraits poignants qui montrent à quel point, ces victimes ont longtemps gardé ce secret pour de multiples raisons mais qui, de plus en plus, osent évoquer l’impensable.

Andréa, je pense que ce sujet vous tenait particulièrement à cœur…
J’aime, depuis des années, rencontrer des personnes qui m’entourent, dans l’intimité et des situations qui sont en fait de l’ordre du sociétal et du politique.
J’en suis donc venue un jour à rencontrer des personnes de tous horizons, hommes et femmes, qui ont été victime d’inceste.
Facile ou pas facile ?
Plus facile aujourd’hui qu’il y a seulement dix ans où le sujet était totalement tabou. Il reste d’ailleurs encore tabou pour nombre de victimes mais aujourd’hui, malgré tout, la parole peu à peu se libère et il est important que ces personnes soient entendues.
Avez-vous rencontré beaucoup de victimes pour réaliser ce film ?
J’ai bien rencontré une centaine de personnes mais pas seulement des victimes : des psychologues, des associations, des médecins…
Avez-vous eu beaucoup de refus ?
Oui, bien sûr, car nombre de victimes n’osent toujours pas parler, essaient d’oublier et même en ont honte. Elles n’ont pas encore atteint le bout du chemin qui pourrait les amener à parler. Bien évidemment, elles ne peuvent oublier mais arrivera un moment où elles pourront faire avec, chacune  trouvant un chemin différent.

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Corinne Masiéro : « C’est la famille, alors ferme ta gueule » (son entourage).
Guillaume : « C’est normal entre un père et son fils. Mais c’est un secret » (son père)

Dans ce film, il y a des personnes inconnues et quelques – mais peu ! – de personnes connues…
Oui mais c’est un peu normal car pour beaucoup, révéler qu’on a eu des rapports incestueux, avec un père ou un frère, ce n’est pas quelque chose d’anodin. Le traumatisme est et sera toujours là et les personnes qui en parlent comme la comédienne Corinne Masiero ou la femme politique Loubna Méliane sont des femmes qui ont déjà avancé dans leur vie en se réalisant dans leur métier et ont pu passer à autre chose même s’il n’est pas question d’oubli mais de résilience.
Certaines femmes dans un processus psychique, par exemple lorsqu’elles se retrouvent un jour enceintes ou dans une situation qui leur permet d’entrouvrir la porte…
Comment s’est fait votre rapprochement.
Par exemple, j’ai rencontré Corinne Masiéro grâce à une amie commune, la comédienne et réalisatrice Andréa Bescond. Corinne a commencé à se remémorer son histoire durant le Covid, en triant des photos. Certaines lui ont parlé et fait se souvenir de certaines choses. Peu à peu elle s’est rendu compte que c’est à cause de ça qu’elle a fait pas de bêtises, allant jusqu’à la prostitution.
Après en avoir parlé, elle a reçu plein de messages aussi bien d’insultes que d’amour. Et elle avoue que les « Je t’aime » qu’elle a reçus, elle les a reçu comme une agression, tout signal d’amour, pour elle, étant reçu comme un danger. Elle m’a dit oui tout de suite.
Beaucoup sont devenus des militants…
Oui. Il y a plein de manières différentes pour se reconstruire.

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Ce qui est fou c’est que, très souvent, l’entourage ne s’en rend pas compte…
Certains ne s’en aperçoivent pas ou ne veulent pas s’en apercevoir. Il y a un déni total. Sans compter qu’une mère ne peut pas imaginer que son mari ou l’un de ces enfants puissent faire une chose pareille. Même si la victime n’ose pas en parler, on imagine difficilement que personne autour ne s’en aperçoive.
On compte aujourd’hui sept millions de victimes et encore c’est un chiffre estimé, ce qui est démentiel. C’est pour cela que c’est un sujet dont il faut qu’on parle et c’est pour cela qu’en sous-titre du film il y a : « On l’a vécu, vous pouvez l’entendre »

Propos recueillis par Jacques Brachet

Six-Fours – Festival « Femmes ! »
Cinq femmes, cinq cultures, une histoire

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Dans le cadre du festival « Femmes ! » organisé par les Chantiers du Cinéma présidé par Luc Patentreger, avait lieu un film-débat ce mardi au Six N’Etoiles.
Le sujet : la femme et le plaisir. Le film : « Female pleasure » de Barbara Miller.
C’est le portrait de cinq femmes, de cinq cultures et chacune vit ou a vécu le sexe de différentes manières et le plus souvent de cruelle manière : Doris Wagner, une jeune novice européenne violée par un prêtre. Deborah Feldman, une juive  orthodoxe qu’on a obligé d’épouser un homme qu’elle ne connaissait pas. Rokudena Shiko, une artiste asiatique emprisonnée pour avoir eu « l’outrecuidance » de faire de sa vulve une œuvre d’art en 3 D. Leyla Hussen, une somalienne qui a été excisée encore enfant.  Vithika Yaoki, une indienne qui dénonce un violent patriarcat dans son pays.
Chacune raconte leurs expériences, leurs odieuses maltraitances qui a mis leur vie en danger .
Le film démarre sur des photos publicitaires (pour entre autres la marque Dolce & Gabana) de femmes nues ou demi-nues dans des poses on ne peut plus suggestives et vulgaires, pour passer à des processions de sœurs ou de femmes voilées. Après la préhistoire, le Moyen âge est encore sous nos yeux, dans le monde. Les deux comportements sont aussi choquants, le premier donnant une image vulgaire de la femme, les autres montrant à quel point, dans certains pays, les femmes sont avilies.
Les femmes soumises, violées, battues, blessées dans leur chair, les mariages arrangés… On en est encore à l’ère du machisme, du patriarcat, les plus aberrants,  les plus sauvages.
Et on voit dans ce film terrifiant combien la femme reste malgré tout courageuse, certaines d’elles risquant leur vie pour combattre toute cette férocité machiste et ancestrale.
Le film est poignant et l’on ne peut qu’admirer ces femmes qui luttent pour leur liberté de vivre, de faire l’amour avec qui elles veulent, de simplement être maîtresses de leur corps. Le patriarcat, dit l’une d’elle, est la religion universelle  et les femmes, même si elles sont indispensables à l’homme pour de mauvaises raisons, en sont les ennemies.
On est encore loin de l’égalité homme-femmes, le chemin est encore long.

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Béatrice Metayer – Larissa Agnemby-Mbina – Corinne Jean-Elie Logodin
Agathe Monot – Dr Stéphanie Guillaume – Dr Francis Maurique

A la suite de ce film remarquable mais oh combien bouleversant, Béatrice Métayer, ambassadrice du festival, avait la dure tâche de prendre le relais pour animer le débat.
Elle était entourée Du Dr Stéphanie Guillaume, médecin généraliste et sexologue très engagée, Corinne Jean-Elie Logodin, thérapeute du sexe, spécialiste de l’épanouissement du couple, Agathe Monot, sage-femme libérale qui a grandi dans une fratrie de filles. Larissa Agnemby-Mbina, née au Gabon et ayant vécu une enfance et une adolescence coincées entre coutumes, traditions et religion.
Enfin, « the last but not the least », le seul homme de ce débat, le Docteur Francis Maurique, chirurgien gynécologue.
Pour le Dr Guillaume, qui voit nombre de cas dramatiques, l’important est le dialogue, aller vers le patient. Mais l’entourage la famille, les amis sont aussi importants pour expliquer très tôt les règles de la vie sexuelle, accompagner la découverte du corps, le désir. La sexualité doit s’exprimer dans le respect de l’autre – dit-elle – Il faut savoir aborder la sexualité dans les différents cas que sont la grossesse, la ménopause, le cancer, la vieillesse. « Nous devons, nous médecins, être les premiers à l’écoute du patient » dit-elle.
Corinne, qui est sexothérapeute est aussi coach et elle est là pour aider les patients à comprendre leurs problèmes, leurs désirs, ce qu’ils vivent sans pouvoir le dire car malgré tout, le sexe a encore ses tabous. Bizarrement, si elle reçoit des femmes et des couples, la majorité de ses patients sont des hommes qui ont souvent du mal à s’exprimer, ils ont honte d’avouer leurs faiblesses.
Larissa est l’avant-dernière d’une fratrie de 12 enfants. Dans sa famille, la femme n’a toujours été que l’objet de reproduction, la femme doit tout faire pour le plaisir et la satisfaction de « son homme » Elle avoue qu’avoir été « la onzième », lui a permis de vivre une autre vie que ses sœurs. Elle a pu étudier, voyager et a choisi de vivre avec qui elle voulait. Même si cela n’a pas été facile. Et en voyageant elle a pu se rendre compte à quel point dans certains pays, les femmes avaient du mal à s’imposer.
Agathe est sage-femme, c’est avec elle que tout commence puisque c’est elle qui délivre la femme et met la vie au monde. Elle accompagne les femmes durant leur grossesse et – dit-elle avec passion – elle est détentrice des histoires de leur vie, étant une partenaire privilégié durant toutes les étapes de la grossesse jusqu’à l’accouchement.
Quant au Dr Maurique, dans sa profession il avoue qu’il voit quelquefois des choses incroyables et qu’à sa grande surprise, il voit beaucoup de femmes excisées, la religion ayant un impact énorme sur celles-ci, malgré de nombreuses associations qui luttent contre ces atrocités ancestrales. Bien évidemment, c’est un grand traumatisme, aussi bien physique que psychologique. La sexualité reste un sujet toujours très sensible. Et il déplore tous ces réseaux où les jeunes découvrent la sexualité à travers les films pornographiques. Ils ne se rendent pas compte que ce n’est pas là la vraie vie sexuelle, ce qui crée nombre de malentendus et dérapages.

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Alors qu’on glorifie le plaisir masculin, symbole de virilité, le plaisir féminin reste encore tabou et dans certains pays, les femmes le paient très cher. Et même si les femmes se soulèvent un peu partout dans ces pays où l’homme est le Dieu et la femme seulement une reproductrice, on ne peut qu’admirer ces femmes qui se battent au péril de leur vie.
Un film remarquable pour cela et un combat encore trop tabou que, tous, nous devons aider à mener.

Jacques Brachet