Archives pour la catégorie Ecriture

Notes de lectures

Florence AUBENAS : Ici et Ailleurs (Ed de l’olivier- 355 pages)
Florence Aubenas , reporter- journaliste nous restitue un compte à rebours des évènements majeurs de la période 2015 à 2022 soit sept années.
Son livre est un recueil de reportages issus de son activité professionnelle de journaliste. Elle nous fait retourner sur notre époque avec des témoignages tous empreints d’une grande réalité sur le monde.
Les thèmes abordés tour à tour ne peuvent nous laisser indifférents et leur diversité nous montre un monde qui bouge : On passe, de l’engagement de deux jeunes gens en Syrie, du confinement à l’Ephad, de la police aux gilets jaunes, de la fermeture de la sucrerie de Toury, de la mort tragique d’un jeune agriculteur puis à la guerre en Ukraine…
Le livre révèle l’humanisme de Florence Aubenas, ses compétences à écrire avec simplicité la vie quotidienne de gens dans des situations personnelles exceptionnelles qui montrent l’évolution du monde.
Elle fait parler ses témoins en restant au plus près de la réalité des faits.
Livre intéressant, facile à lire mais à aborder en plusieurs étapes car chaque chapitre présente un sujet différent qui interpelle et questionne le lecteur.

Gérard ESTRAGON : « Cellou » (Ed l’Harmattan  – 283 pages)
Mais qu’est-ce qu’il nous fait, notre ami toulonnais Gérard Estragon ?
Est-ce l’âge qui exacerbe sa libido ?
Voilà qu’il nous offre un roman très particulier, non pas par l’histoire assez intéressante, mais chargée d’expressions égrillardes, de mots grossiers et crus, où « la baise » est à tous les étages, avec des filles plus que légères, ouvertes – dans tous les sens du terme – à des hommes chargés de testostérone !
C’est l’histoire d’une compagnie théâtrale médiocre, avec entre autres une  jeune comédienne, Germaine, au talent incertain mais avec une plastique qui fait chavirer les mecs, d’une liberté totale, passant de l’un à l’autre avec gourmandise et de quelques mec « queutards » qui en profitent largement. Sauf Marcel, dit Gilou, amoureux fou mais, à l’inverse de Germaine, timoré, terne et n’arrivant pas à exprimer son amour.
Georges, dit Jo, comédien de la troupe, en profite tout en lutinant Séraphine, autre comédienne de la compagnie, fille exaltée et anarchiste qui en fera un militaire révolutionnaire. Fait prisonnier il se retrouvera envoyé en Nouvelle Calédonie… Ou comme par hasard la compagnie ira en tournée. Sur un bateau où il se passe plein de choses dans les cabines et sur mer, durant plus de dix semaines, jusqu’à un incendie et après de multiples aventures, les voici donc, même lieu, même pomme. Et que pensez-vous qu’il arriva ?
Pendant que Celou est resté chez lui dans son magasin, s’organisant une petite vie plan plan, c’est Robert qui devient l’amoureux transi, pendant que Germaine couche avec tout ce qui bouge.
Et tout le monde couche avec tout le monde dans une folle liberté.
Mais que vient faire Celou, qu’on retrouve à la fin,  dans cette galère ?
Gérard Estragon, au contraire de ses autres romans dont « Frère Jean », « L’illusion du châtiment » et autre « Du sang dans le maquis », livres forts et sérieux, a l’air de s’être amusé à écrire ce roman aussi léger que ses personnages avec une totale liberté d’expression.
Venant de lui, un livre qui détonne et nous étonne. !

Charles-Henry CONTAMINE : La mort est derrière moi (Ed. Plon – 288 pages)
Ce roman est le roman du deuil.
Pierre apprend soudain le suicide de sa compagne qu’il adorait. Que comprendre alors qu’on  pensait tout savoir d’elle. ! La souffrance de l’amant est pire, du fait de ne pas l’avoir pressenti. Terrible échec qui l’amène à tourner la page de sa vie antérieure : travail, famille, amis il tire un trait sur son passé. Ne plus savoir, ne plus chercher, ne plus faire que ce que son instinct lui dicte : une rencontre inopinée le tirera de son marasme !
La vie est un éternel recommencement ! L’homme fort et fragile à la fois va se reconstruire au lieu de sombrer.
Belle étude des sentiments qui gouvernent la vie, écriture vive et sensible même si   l’on se sent parfois dans la démesure .  
Laurent ESNAULT : Parce qu’ils sont là (Ed Sixième(s) – 351 pages)
Un père avec deux fils, Romain l’ainé et Hadrien, celui qui malheureusement n’a jamais connu sa mère morte juste après l’accouchement.
Ce père est merveilleux, il élève magnifiquement ses deux garçons à Toulon, il jongle bien sûr avec les horaires, les enfants sont responsables mais le père est bien obligé de remarquer que Hadrien est très souvent absent et surtout trop silencieux. Que se passe-t-il dans sa petite tête ? Il cache manifestement quelque chose à son père qui avec beaucoup d’amour arrive à lui faire dire qu’il voit réellement sa mère, qu’elle lui parle, mais qu’il voit aussi d’autres personnes aujourd’hui décédées.
Ces manifestations se répètent, aussi le père décide de se faire aider par un ou une psychologue qui s’engage à suivre Hadrien. Et c’est là que le roman dérape vers ce monde des disparus.
Charlatans, attrape gogo ? Que répondre à un enfant ou un père éprouvé par un deuil ? Où se situe la vérité ? Comment trier le vrai du faux ? Faut-il laisser croire à la communication entre les vivants et les morts ?
Rien ne dit qu’il n’y a rien après la mort mais rien ne dit non plus qu’il y a quelque chose.
Un roman toutefois qui se lit avec plaisir. Mais le lecteur doit rester conscient qu’il ne s’agit que d’un roman.

Jean-Noël FALCOU : Cultiver des agrumes bio (Ed Terre vivante – 189 pages)
Tout, tout, tout… Vous saurez tout sur les agrumes…
Les citronniers, les limetiers, les combavas et les kimquats
Les orangers, les cédratiers, les clémentines et les yusus…
Dans notre région ensoleillée et peu pluvieuse, les agrumes poussent sans difficulté et ce livre signé de Jean-Noël Falcou, qui est agrumiculteur à Golfe Juan, les cultive sur 7.500 mètres, nous propose, de tout connaître sur ces beaux fruits jaunes et oranges gorgés de soleil et l’on est surpris de découvrir le nombre de variétés existantes.
De leur histoire à leur récolte en passant par leur plantation, leurs soins, le tout agrémenté de magnifiques photos, après avoir lu ce livre, on n’a qu’une envie : en planter soi-même dans un pot ou dans un jardin.
On apprend de plus à les traiter, les arroser car les agrumes sont un monde complexe et fascinant à ses yeux mais qu’il faut apprendre à planter, où et quand, à les tailler et à les récolter, à les protéger des intempéries, des maladies et des ravageurs.
Grâce à ce livre, Jean-Noël Falcou nous fait faire le tour du monde et l’on découvre la genèse de chaque agrume dont certains d’entre eux ont plus de cent mille ans.
Il nous apprend à aimer ces beaux fruits du soleil et en lever les mystères.
Un bel album tout autant instructif qu’artistique.
Arnaud ROZAN : Mémoires de maisons blanches (Ed Plon – 222 pages)
Après son premier roman « L’Unique goutte de sang » l’auteur offre au lecteur un livre étrange. Immédiatement le titre vous fait penser à la résidence du président des États-Unis à Washington, et les mains croisées sur la première page du livre sont bien celles d’une vieille femme…
Aurait-elle un lien avec le président actuel Joe Biden ?  Car il s’agit bien de Joe Biden, un président qui gravit les marches de sa résidence, mais aussi d’un homme qui a eu un fils, Beau, qui est né le même jour qu’un enfant dont la mère a supplié du regard ce président, alors seulement préoccupé par ses ambitions politiques et prétendant au siège de sénateur du Delaware.
Ce fils souffrira d’une tumeur au cerveau et avec un sang-froid, une dignité extraordinaires, il voudra jusqu’à son dernier souffle suivre l’évolution de son mal. Les deux enfants auront des destins tragiques, l’un par la maladie, l’autre car héritier de cette longue lignée d’esclaves venus du Ghana, enchainés encore aujourd’hui dans une société raciste.
L’auteur remonte à la création de la ville de Washington avec cartes à l’appui, le traçage exact du périmètre et les tractations entre George Washington, Alexander Hamilton et Thomas Jefferson, sans oublier les cales toujours remplies d’esclaves noirs. Et parmi ces esclaves, ceux qui n’auront pour seule richesse qu’une demi-calebasse décorée d’un crabe bleu, à eux de retrouver l’autre moitié pour construire leur histoire.
Ce livre est une plongée dans l’histoire des États-Unis, un état construit avec la sueur des esclaves, un passé qui hante encore aujourd’hui l’histoire de ce pays. Joe Biden a tant à accomplir mais pour cela il lui faudra tenir compte de cette déchirure, de cet arrachement, de cette mémoire qui fait le présent de la Maison Blanche.

Cécile David-Weill  la Cure (Edi Odile Jacob – 324 pages)
Dernier livre de l’auteure franco  américaine, qui nous raconte un séjour en cure d’amaigrissement dans une station du sud de l’Espagne ; elle y rencontre quatre personnes : trois femmes et un homme. Détail amusant parmi d’autres : l’auteure est dans la vie chroniqueuse gastronomique. On lit beaucoup de détails sur les différents menus et aussi sur le jeûne, moins on mange et plus on paie ! On a le droit de changer son choix en cours de cure.
Tout le monde vit en huis clos, d’où certains problèmes qui prennent des proportions  importantes. Des amitiés se créent,  d’autres se dénouent, on suit les évènements au jour le jour, la cure dureantdouze jours, chaque jour donnant lieu à un chapitre  nouveau. Ces problèmes sont souvent causés par les femmes et résolus par elles,
Par moments, cela paraît un peu long. Le texte se veut humoristique  et ironique, c’est vraiment un livre d’aujourd’hui . A chacun de le lire et de se faire une opinion !
Samuel DOCK : L’enfant Thérapeute (Ed Plon – 334 pages)
Récit autobiographique, inspiré de faits réels écrit par Samuel Dock, docteur en psychopathologie exerçant dans la protection de l’enfance.
Ce livre est construit en 3 parties :      
La première raconte des retrouvailles familiales pour fêter Noël.
Elle illustre des relations pathologiques ou la mère surprotège excessivement sa fille, droguée et fragile mentalement. Samuel, l’auteur, lui, est en quête de l’attention et de l’amour de sa mère. Il remémore des souvenirs de son enfance et s’adresse par la pensée directement à sa mère comme dans un face à face et nous fait partager toutes ses souffrances mêlant colère, culpabilité et besoin malgré tout de réparer, de sauver cette mère.
La deuxième partie constitue le journal écrit tardivement à 68 ans par la mère, après qu’elle ait fait une psychothérapie. Elle décrit son enfance maltraitée, les sévices physiques, et psychologiques qu’elle a subi par un père violent, elle, la dernière enfant d’un fratrie de quatorze enfants.
La troisième partie, c’est le temps de la résilience et la parole devient remède. L’auteur renoue des liens  différents avec sa mère, de plus en plus sereins. Samuel l’entend, la comprend et ils se découvrent.
Ce livre amène réflexion et plusieurs enseignements : le renoncement à secourir l’autre pour se sauver soi-même; faire le deuil de son enfance impliquant de faire celui de l’enfance de sa propre mère; la parole salvatrice.
Ce livre sur les violences familiales, d’une grande profondeur et d’une grande densité sur l’enfance maltraitée, ne peut laisser le lecteur indifférent émotionnellement.
L’analyse des relations familiales, très finement décrite et écrite rend ce livre poignant.

STONE : sa vie dans tous les sens

Ma première rencontre avec Annie Gautrat, (alias Stone) remonte à la tournée “Inventaire 66” qui réunissait Hugues Aufray, Michel Delpech, Pascal Danel, mais aussi Pussy Cat,  Karine, Noël Deschamps, les Sharks (Que sont-ils devenus ?). Ils en étaient tous à leur première tournée et Aufray, Danel, Delpech et Stone et Charden ont fait le chemin que l’on connaît.
De ce jour, on n’a jamais cessé de se croiser,de  se rencontrer, de se voir en tournées

Autre tournée mémorable de rires et de folie avec C Jérôme et Michel Jonasz et un Charden au pied plâtré mais chantant quand même. Il y a eu aussi une tournée avec CloClo et Topaloff qui n’était pas triste non plus.
Si, avec Charden, ce ne fut souvent pas très sympa, avec Annie ça a été l’amitié « A la vie à la mort »… Et ça continue !
Et si, depuis longtemps, c’était terminé avec Charden, on a continué à se voir, car Annie n’a jamais cessé de travailler, devenant comédienne, écrivant une biographie de cette période Stone-Charden qui, en fait, n’a duré que quatre années intenses avec retrouvailles du couple sur les tournées « Âge Tendre ».
Et la voilà qui s’est piquée au jeu de l’écriture et qu’elle nous offre sa « Vie dans tous les sens » (Editions Champs-Elysées) où elle nous parle de beaucoup de choses plus intimes, de sa vie de femme, de mère et pas du tout de sa vie d’artiste.
Elle vit aujourd’hui avec le comédien Mario d’Alba… que j’ai très vite adopté car il est, lui, sympa et drôle. Je les avais d’ailleurs invités à Saint-Raphaël pour « Stars en cuisine », où ils vinrent cuisiner un plat végétarien pendant que je cuisinais de mon côté avec Fabienne Thibeault.
Bon, le livre sorti, il fallait qu’on en parle !

« Alors Annie, tu t’es prise au jeu de l’écriture ?
Au départ, ce n’est pas voulu. C’est durant le confinement que je me suis remise à écriture. Petite déjà, j’écrivais mon journal intime. Je l’ai d’ailleurs retrouvé en rangeant des affaires. J’ai fait ça durant des années et en le relisant j’ai trouvé ça sans intérêt. Mais c’était enfantin et je racontais tout ce qui m’arrivait !
Ce que tu as fait là !
Oui, en écrivant au jour le jour ce qui me passait par la tête, comme ça venait, ce que je vivais avec ma famille, ma mère, ma belle-mère mais aussi mes souvenirs d’enfance et en parlant de plein d’autres sujets. Voilà pourquoi le titre « Ma vie dans tous les sens » !
Par contre tu nous parles de ta vie personnelle et pas de ta vie d’artiste !
Non, je l’ai déjà fait dans mon premier livre, ça n’avait plus d’intérêt d’y revenir.
Par contre au départ, je n’ai pas écrit pour en faire un livre. J’ai toujours aimé écrire et je le faisais pour le plaisir. J’adore aller dans les fêtes de livres pour y rencontrer les auteurs que j’aime. A la Fnac de Montluçon j’ai rencontré Dominique Filleton qui est écrivain et éditeur. Nous avons discuté et il m’a proposé de m’éditer. Ça s’est fait tout naturellement. Et puis, j’ai rencontré une responsable d’un salon animalier et comme j’ai toujours aimé et eu des animaux elle m’a suggéré de parler d’eux. Dominique a trouvé l’idée sympa et ce sera mon prochain livre !
Et écrire des chansons ?
Je n’ai jamais pu. J’ai essayé mais c’était lamentable ! Je suis juste arrivée à écrire un conte pour enfants.
Comment écris-tu ?
Comme je te dis, au jour le jour. Il me vient une idée, un souvenir et j’écris. C’est comme ça que j’ai écrit notre bio même si là, il fallait tout de même écrire dans l’ordre des événements que nous avons vécu.
Mais j’écris toujours sans aide d’ordinateur, je ne sais pas faire. Et c’est ma fille qui s’en occupe !

Dans ton livre, tu ne ménages ni ta mère, ni ta belle-mère !
Même si j’ai de bons souvenirs d’elles et surtout de ma maman adorée, elles ont fini très vieilles et malheureusement dans un triste état. A la fin, elles n’étaient plus les femmes qu’elles ont été et de les voir dépérir ainsi, perdre la tête, se faire dessous, engueuler tout le monde, ne pas vous reconnaître, on finit par espérer qu’elles disparaissent. Aussi bien pour elles que pour nous. Et en fait d’espérer cela, ça nous permet de rendre leur disparition moins cruelle.
Lors d’une des nombreuses discussions que nous avons eues, tu m’avais annoncé ta mort prochaine aux alentours de tes 70 ans… Tu les as passés… Et tu es toujours là !!!
(Elle rit) Oui et j’en suis très heureuse. C’est une voyante qui me l’avait prédit et je l’attendais sereinement ! Je suis ravie qu’elle se soit trompée.
Mais tu sais, dans ma famille, il y a toujours eu des médiums… Dans le Berry on les appelait des sorcières. Et ma grand-mère a été médium. Elle a même vu des choses qui se sont réalisées et elle me les a racontées. Ma mère, qui pourtant, était cartésienne, a été confrontée à des entités. Elle n’en parlait pas de peur de passer pour une folle.
Et toi ?
Moi ? Rien ! Ca a sauté une génération car il est arrivé à ma fille plein de choses étant adolescente. Je m’y suis faite, c’est une vieille habitude dans la famille !
Par contre, je suis persuadée qu’il y a autre chose après la mort et ça, ça vient de l’influence de ma mère. Comme celle de vivre et de manger bio. Déjà, elle tenait une boutique diététique, même si on ne parlait pas encore de bio. D’ailleurs, je n’ai plus jamais mangé de viande depuis quarante ans ! Et je ne m’en porte pas plus mal.
Une chose qui, dans ton livre, m’a fait marrer : ta nuit de noces avec Eric Charden… qui n’a pas été consommée !
Oui parce que, sa mère, qui était très excessive, ne supportait pas de le voir épouser une saltimbanque et le persuadait en même temps de quitter ce métier qu’il pratiquait aussi. Elle lui avait bourré le crâne. D’ailleurs elle s’enfuit juste après le mariage, sans rester au repas, et, se sentant coupable il a passé sa nuit… Dans la salle de bain à pleurer… Charmante la nuit de noces ! Déjà qu’il n’avait pas voulu me toucher avant le mariage… Ca faisait beaucoup. D’autant qu’il ne se gênait pas pour aller batifoler ailleurs ! Enfin, après, on s’est rattrapé !
Tu écris aussi une phrase incroyable : « Il faut que l’Homme disparaisse de la surface de la terre… » Ce n’est pas un peu excessif ?
(Elle rit encore) Je dis l’Homme en général peut-être pas tous les hommes parce qu’en fait, on a besoin d’eux pour la reproduction… Même s’ils peuvent aussi faire des garçons !
C’est un cercle vicieux  ton affaire !
C’est vrai  mais depuis toujours, l’Homme est tout-puissant, la femme est toujours derrière. Tous les malheurs de la terre viennent de l’Homme. OK, aussi de quelques femmes… C’est difficile tout ça !

Aujourd’hui s’est passé un triste événement : l’accident de Pierre Palmade qui, sous l’emprise de la drogue, a blessé et tué. Qu’en penses-tu, toi qui racontes avoir touché à la drogue ?
C’est terrible, ce qui s’est passé, monstrueux ! C’est vrai nous avons pris de la drogue et j’avoue que j’y ai pris du plaisir car on est déconnecté de la réalité, on est dans un trip agréable. Mais d’abord, le peu de fois qu’on l’a fait, on l’a fait à la maison et il n’était pas question de sortir, de prendre un volant. Ce peut être une expérience sympa à condition que ça ne devienne pas une habitude, que ce soit occasionnel car ça devient très vite un piège. C’est comme de boire trop. Prendre une cuite de temps en temps OK mais attention à l’addiction car alors ce peut être terrible. C’est ce qui s’est passé avec Pierre Palmade »…

Je vais laisser ma belle amie à ses chats et ses chiens… En attendant qu’elle continue à raconter longtemps d’autres histoires avec son humour et sa joie de vivre… Puisque la date de sa mort annoncée est passée !!!

Propos recueillis par Jacques Brachet


Notes de lectures

Gilles KEPEL : Enfant de Bohême (Ed Gallimard – 399 pages)
Il faut s’enfoncer très profondément dans les forêts de Bohême où l’on chassait les sangliers pour comprendre la destinée du grand-père puis du père de Gilles Kepel. L’aïeul Rodolphe, arrivé en France s’installera à Paris dans le quartier Montparnasse, il fréquentera  Apollinaire et traduira ses poèmes, il sera proche des peintres tchécoslovaques Mucha et Kupka, une petite colonie d’artistes venus également à Paris.
Il se mariera, aura deux enfants Milan, père de Gilles Kepel et une fille. Milan réfugié en Angleterre pendant la seconde guerre mondiale sera élevé dans une école religieuse  puis au lycée français de Londres et n’aura de cesse de vouloir faire du théâtre et mettre en scène « Le brave soldat Svejk » de Iaroslav Hasek.
En déterrant les souvenirs d’un père atteint de la maladie d’Alzheimer, de vieux documents, de photos, Gilles Kepel raconte avec fierté le parcours difficile, souvent désargenté de sa lignée paternelle. Il y ajoute les éléments constitutifs de la Tchécoslovaquie actuelle et la pensée communiste de son père.
Un livre émouvant sur des hommes bousculés par les guerres, attachés à leurs racines et malgré tout devenus cosmopolites.
Cependant l’abondance de détails très ou trop personnels peut lasser le lecteur.
Lars MYTTING : L’étoffe du temps (Ed Actes Sud – 438 pages) <br> traduit du norvégien par Françoise Heide
Quel plaisir de découvrir la suite du livre « Les cloches jumelles » publié en 2020 par Lars Mytting !
Nous retrouvons au début du XXème siècle le village de Butagan en Norvège, ses habitants et son pasteur Kai Schweigaard. Il pèse toujours sur le village le souvenir des sœurs jumelles siamoises Helfrid et Gunhild Hekne, habiles tisseuses dans les années 1600 et dont une mystérieuse tapisserie reste introuvable. Astrid Hekne est morte en couches lors de la naissance de jumeaux. L’un de ces enfants, Jehans a été confié au pasteur mais il se brouille avec celui-ci.
Qu’adviendra-t-il de la quête de la tapisserie et de celle de la cloche engloutie dans le lac proche du village dont la tradition dit qu’elle ne pourra être repêchée que par deux frères ?
Dans cette superbe fresque romanesque, l’auteur nous raconte l’évolution de la paysannerie norvégienne, l’amélioration de la vie dans ces villages reculés grâce aux apports des techniques. Des personnages fiers et volontaires, des paysages grandioses, des légendes, un peu d’histoire font de ce roman un ouvrage que ceux qui ont apprécié le premier tome liront d’une traite.

Dolly PARTON & James PATTERSON : « Run, Rose, Run » (Editions l’Archipel – 418 pages)
Dolly Parton est la papesse de  la musique country pour les amateurs du genre.
James Patterson est « l’écrivain aux 370 millions de thrillers vendus ».
L’association de l’icône de la country et de l’empereur des polars ne pouvait que faire des étincelles.
Leur roman à quatre mains a d’ailleurs été en quelques semaines le N°1 des ventes aux USA.
Voici que le roman sort en France sous le même titre qui signifie « Court, Rose, court »
Un livre qui mêle la musique à un thriller haletant dont on ne connait la vraie histoire qu’au dernier chapitre.
AnnieLee Keyses est une toute jeune fille qui ne rêve que de chanter et qui débarque à Nashville avec rien qu’un sac en bandoulière. On ne sait pas d’où elle vient mais on se rend très vite compte qu’elle cache un drame. La chance veut qu’elle se propose de chanter dans un pub qui se trouve appartenir à Ruthanna Ryder, idole country qui s’est retirée de la scène mais qui la découvre grâce à un de ses musiciens, Ethan Blake. Lui, en tombe amoureux, elle flashe sur sa voix et sur les chansons qu’elle écrit et compose. Ils vont la prendre sous leurs ailes mais la jeune femme est sauvage, et elle est à plusieurs reprises agressée. Un mystère plane autour d’elle, dont elle se refuse à parler.
Mais peu à peu la menace se rapproche, se concrétise même et…
Et il faudra lire quelques 400 pages pour en connaître le dénouement !
Dans le portrait de Ruthana, il semble que Dolly Parton ait servi de modèle, l’ambiance de Nashville est superbement décrite, l’héroïne est très attachante, l’histoire palpitante et pleine de rebondissements.
Bref, les amateurs de thrillers et de musique vont être heureux.
A noter que le livre va faire l’objet d’un film dont les chansons seront signées… Dolly Parton of course ! Le CD est déjà sorti… « Run, Rose,Run », un livre à lire, un CD à écouter et un film à voir bientôt.
Marie-Virginie DRU : Regarde le vent (Ed Albin Michel – 268 pages)
Dans ce second roman, Marie-Virginie Dru, qui est aussi peintre et sculpteur, évoque le thème de l’amour et de l’influence des ancêtres dans nos vies. Cette réflexion se fera avec Camille, guide conférencière, mariée à Raphaël, journaliste au Monde, mère de Louise, ado rebelle de 14 ans et de Jeanne 12 ans, future danseuse.
Alors que Camille aide sa mère et son oncle à vider l’appartement de sa grand-mère qui vient de décéder, elle trouve des albums de photos parfois anciens. Elle décide d’écrire un livre racontant la vie de ses aïeules, une dynastie de femmes depuis Henriette son arrière-arrière-grand-mère née en 1879 à Alger, puis Odette, puis Annette et enfin Mathilde sa mère. Des femmes qui selon Camille furent « des guerrières et des amazones », émancipées et libres dans leurs amours.
Parallèlement à ce travail d’écriture, la vie quotidienne se poursuit pour Camille qui évolue dans sa situation de mère et d’épouse.
Dans une écriture fluide, le roman nous fait vivre par chapitres distincts les vies passées des ascendantes de Camille et leurs secrets, la vie de Camille, celle de Jeanne par le biais de son carnet intime et le comportement troublant de Raphaël. Un livre agréable à parcourir.

Robert COLONNA D’ISTRIA : La maison (Ed Actes Sud – 146 pages)
Auteur d’essais, Robert Colonna d’Istria publie son premier roman.
Le sujet réside dans le titre, mais il faudrait y ajouter « sur l’île « ». En effet c’est sur l’île où, enfant, elle passait de merveilleuses vacances dans la maison de sa mère, que J, une femme dont on ne saura pas plus que la première lettre de son prénom, veut avoir elle aussi une résidence. C’est son frère qui a hérité de la maison familiale .J doit donc chercher à acheter ou à faire construire une maison.
Sur un terrain dominant la mer du haut d’une falaise, une vieille bicoque à retaper fera l’affaire. Avec l’aide de Simon, son compagnon et de Robert, un homme à tout faire ingénieux mais procrastinateur, J commence la création de sa maison.
Ce sera un chemin semé d’embuches qui mettra à mal l’obstination de J. Mais ce chemin de croix deviendra un chemin de vie, menant à un aboutissement heureux même si ce n’était pas celui attendu. Un roman bien écrit qui s’apparente à un conte philosophique.
Michèle LESBRE : La Furieuse (Ed Sabine Wespieser – 120 pages)
Qui est donc cette furieuse qui fait le titre du dernier ouvrage de Michèle Lesbre ?
Ne vous laissez pas dissuader par ce titre, au contraire laissez-vous glisser doucement et non pas furieusement au fil des pages. La Furieuse existe, c’est une petite rivière du Doubs, affluent de l’Allier, et elle s’écoule comme la vie de Michèle Lesbre, quatre-vingt-trois ans, et une longue vie de lectures, de découvertes qu’elle nous fait partager. Il a des anecdotes, des souvenirs, des citations que tout lecteur voudra retenir ou souligner.
Le sous-titre « rives et dérives » correspond exactement à ce mouvement perpétuel de l’eau, parfois tranquille, parfois bouillonnante  comme toute vie. La Furieuse où se baignait Courbet jusqu’à la fin de sa vie replace le texte dans la fin du XIXème siècle, Michèle Lesbre s’autorise à vous présenter ses grands-parents Léon et Mathilde qui ont vécu, eux, au bord de la Loire, autre fleuve parfois tranquille parfois furieux, des tableaux champêtres d’un monde révolu qu’évoque l’auteur.
On n’arrête pas une rivière, on n’arrête pas les souvenirs, Michèle Lesbre dit feuilleter sa vie et nous donne la possibilité de découvrir ou redécouvrir les textes qui l’ont marquée, ce livre est un immense cadeau fait à la lectrice qui l’en remercie.

Laurent MALOT : « Mathilde Mélodie » (Ed XO – 308 pages)
Mathilde, 38 ans, a été chanteuse avec son mari musicien. Jusqu’au jour où trompée par son mari, elle part en voiture avec sa fille, a un accident qui coûte une jambe à cette dernière.
Rogée de culpabilité, pour vivre elle entre dans une matelasserie, vivant chichement avec sa fille.
Jusqu’au jour où la musique la rattrape : Un concours national de talents est organisé pour toutes les entreprises avec à la clef un million d’euros… Pas pour le talent gagnant mais pour l’entreprise qu’il représente.
Au départ elle n’est pas d’accord mais c’est sa fille qui vend la mèche au patron car circulent encore des images de sa mère sur les réseaux sociaux. Obstinée elle refuse de chanter mais le patron lui met le marché en main : où elle chante, ou elle est virée.
Contre mauvaise fortune bon cœur elle se résout à chanter. Avec la complicité de sa fille, elle rencontre un musicien mexicain exilé et sans papier, avec qui elle va travailler. Peu à peu, elle repend goût à la musique.
Va-t-elle repiquer au jeu ?
Vous le saurez en lisant ce roman plein de tendresse signé d’un écrivain qu’au physique on verrait plus écrire des polars. Mais il est aussi scénariste et ça se sent car ce livre est conçu comme un scénario de film et pourrait faire l’objet d’une série télévisée, tant ses personnages sont attachants et l’histoire et jolie… Ce qui nous change de tous ces romans démoralisants qu’on peut lire aujourd’hui.
Vincent BAGUIAN : Que celui qui n’a jamais tué me jette la première pierre (Ed Plon – 219 pages)
Vincent Baguian fut chanteur un temps, auteur de chansons dont des comédie musicales comme « 1789, les amants de la Bastille » ou encore « Mozart, l’Opéra-rock ».
Le voici qui nous offre son premier roman, une sorte de thriller fort original, l’histoire d’un homme bien sous tous rapports, Victor, médecin apprécié mais qui s’avère être aussi un tueur en série.
Un tueur pas comme les autres puisqu’il a commencé à 7 ans en poussant sa mère dans les escaliers, une mère revêche, sévère, violente, castratrices. Ce n’était en fait que justice qu’elle disparaisse !
Le meurtre est parfait, jamais on n’a pu suspecter un si petit enfant qui plus est inconsolable.
Devenu médecin il a comme patience Framboise, une femme magnifique mais une femme battue et violée dont il tombe amoureux. Quoi de plus normal que de faire disparaitre ce salaud ?
Ainsi vit-il très vite avec elle et de leur amour naîtra Gabriel qu’ils idolâtrent.
Là encore, aucun doute ne plane sur lui.
Du coup, prenant confiance en lui, va-t-il continuer son « assainissement », supprimant des prédateurs, des personnes nuisibles à son environnement. Jamais suspecté… Jusqu’au jour où…
C’est en fait un roman mi thriller-mi polar-mi comédie que nous offre l’auteur, un roman très immoral écrit d’une plume alerte, avec juste ce qu’il faut d’humour pour qu’on trouve son Victor charmant et bien sympathique !
Immoral dites-vous ? Certes mais, éliminer des gens coupables, blâmables, qui méritent un châtiment, est-ce vraiment condamnable même si la justice le réprouve ?
En fait, peut-on condamner cet homme ? Oui, bien sûr, mais on s’y attache et tout au long on espère qu’il s’en sortira.
A vous de lire… Et de juger !

Roselyne BACHELOT : « 682 jours » (Ed Plon – 279 pages)

Ça balance pas mal chez Rosy… Ça balance pas mal !
Roselyne Bachelot c’est la femme intègre, énergique, qui ne mâche pas ses mots, au désespoir de ces messieurs les politiques qui ne supportent pas certaines vérités… Surtout venant d’une femme.
Elle est aussi une femme étonnante, passant de la politique à l’humour avec une facilité et une maestria déconcertante.
Elle a connu plusieurs présidents de Chirac à Macron en passant par Sarkozy.
Elle est passée du sport à la santé pour finir à la culture, en tant que ministre.
C’est pourtant la Culture qu’elle a toujours brigué et dans laquelle elle excelle car, en plus d’être intelligente, elle est cultivée… Et en plus elle est drôle !
C’est trop pour une femme et on le lui a fait payer par des sarcasmes de tous bords, des empêchements de tourner en rond, quoiqu’elle fasse ou dise, jusqu’à ses toilettes qui firent les choux gras de certains tabloïdes… et on en passe !
Mais, toujours bien dans ses bottes, elle a continué sa route contre vents et marées tout en tirant à vue lorsqu’il fallait car elle ne s’est jamais laissé marcher sur les pieds.
Aujourd’hui, libre de toute politique, elle peut écrire, avec l’humour et le bon sens qu’on lui connaît, sans acrimonie ni vengeance personnelle tout ce qu’elle a sur le cœur. Et elle raconte toutes les bassesses, les hypocrisies, les bâtons qu’on lui a mis dans les roues, que ce soit dans quelque ministère où elle ait agi. Elle parle aussi des ronds de jambes auxquels elle a eu droit et de la mémoire courte de certains qui oublient vite dès qu’ils n’ont plus besoin de vous.
Mais elle n’a jamais été dupe, sachant que lorsqu’on est dans les projecteurs, en mal ou en bien, il faut que ça chuchote, que ça parle dans le dos, que ça critique.
Dommage qu’elle soit arrivée à la Culture avec le Covid car elle avait tant d’idées, tant de projets.
Aujourd’hui, sereine, avec ce livre elle met les choses au point avec son franc parler et c’est avec un vrai régal qu’on la lit car elle écrit comme elle parle, avec un langage châtié, des mots précis et sans langue (ou plume) de bois !
KarineTUIL : Kaddish pour un amour (Ed Gallimard – 123 pages)
Le kaddish, c’est la prière pour les morts dans la religion juive.
C’est à travers des poèmes que Karine Tuil dit adieu  un amour, un amour qui a grandi, a été l’enfant du couple, un amour qui n’a malheureusement pas été compris.
L’auteur s’adresse à celui qui a aimé l’amour mais n’a pas su voir le vrai du faux. Cet amour est perdu, il y a donc un deuil de l’amour, un amour qui retournera à la poussière.
Le kaddish permet l’espoir car un jour l’amour sera sanctifié, il renaitra et mourra avec nous.
Karine est familière de la poésie, elle est toujours à l’aise dans cette expression, ce rythme. Il y a beaucoup de sensibilité et une certaine distance face à cette réalité douloureuse. Les poèmes scandent une histoire qui ne sera plus, il y a de l’originalité dans la présentation de la versification c’est un bel exercice d’écriture qui montre un talent supplémentaire à l’auteur des « Choses humaines » et de la « Décision », une réussite émouvante.



Notes de lectures

Antoine franceschi

Amélie ANTOINE : Aux quatre vents (Ed. XO)
1985 : la vie dans un petit village du Nord de la France où les gens sont installés depuis longtemps, où d’autres arrivent apportant leurs histoires, c’est le tableau que nous brosse l’auteure. A la suite du décès des propriétaires, le petit château est repris par un étrange personnage que nul ne connait et qui, non seulement achète l’édifice  mais aussi toutes celles qui se libèrent en faisant enlever portes et fenêtres. Un étrange climat s’instaure, Pourquoi ces mutilations ? Qui est ce curieux acheteur ? Pourquoi  ce comportement ? mystère!
L’angoisse s’installe.
Non, pas tout à fait car retour en arrière : 1942 : c’est la guerre. L’auteure réveille alors les souvenirs enfouis, les drames familiaux quotidiens. Qui est qui ? Que s’est-il-passé alors ? Elle va tirer le fil et détricoter l’histoire qu’elle pressent, entretenant le suspense et dévoilant les petits secrets enfouis au fond des mémoires. Bien sûr à travers la reconstitution du passé du village, l’énigme sera résolue.
Le roman se termine sans réelle fin laissant au lecteur le soin de continuer l’histoire.
Bien écrit, bien reconstitué quant à l’époque. Tout y est. Le suspense est maintenu. Un bon moment de lecture
Patrice FRANCESCHI : Patrouille au Grand Nord (Ed.Grasset)
L’auteur, écrivain de marine aux nombreux récits d’exploration, reprend du service en nous conviant à un merveilleux voyage à bord d’un patrouilleur de la Marine pour une mission au Groenland. il y retrouve un jeune officier qui a naguère fait ses débuts avec lui à bord d’un vieux gréement. On découvre tout au long de ce périple, le rude quotidien de ces hommes, tout petits devant l’océan déchainé.
Nous assistons aux manœuvres, aux prises de quarts comme à la découverte de la vie de ces peuplades du grand Nord, prises entre coutumes ancestrales et ravages de la modernité. Il nous dépeint les paysages majestueux et grandioses, les fjords gigantesques et les tempêtes effrayantes, le tout dans un univers d’hommes vivant dans un espace réduit, où la solitude laisse le temps à la réflexion et l’observation de ces paysages somptueux ;
Très bien rendu par une sobriété de mots, de phrases courtes. Un récit vibrant et poétique  à la fois

legardinier vadon

Gilles le GARDINIER : le secret de la Cité sans soleil  (Ed. Flammarion)
Ce livre est-il un roman d’aventures, un livre historique ou un thriller ? Un peu des trois.
L’auteur avait écrit ce roman il y a trente ans, il a fait aujourd’hui un gros travail de réécriture, en réactualisant l’histoire.
Tout se passe dans les sous- sols du château cathare de Montségur,
L’intrigue est la recherche du trésor des Templiers protégé par une société secrète, religieuse  prête à donner sa vie pour le conserver. Les frères vivent dans des cavernes, des grottes sombres (d’où le titre du livre), sous le château de  Montségur. On y rencontre des rivières souterraines qui tombent dans des gouffres sans fond. Il faut résoudre des énigmes concernant ces rivières. Où vont-elles ? De tous ces chemins qui se croisent, lequel choisir ?
Ils sont deux amis qui vont ne jamais se quitter  tout le long de l’histoire et nous les suivrons jusqu’au bout. L’inconnu fait peur, il faut construire des murs, en casser d’autres, se « camoufler » sans cesse, car leurs ennemis sont tout proches.
Dans le groupe des érudits, règne une véritable amitié, une vraie fraternité ; le roman est un peu moraliste, les bons gagneront  in extrémis, mais nous savons bien que rien n’est ni complètement noir, ni complètement blanc.
Catherine VADON : Les rusés des récifs (Ed Quae)
Un livre fascinant que l’auteure Catherine Vadon, océanographe de formation offre au lecteur curieux et très vite passionné par ce monde sous-marin extraordinaire.
Des photos à couper le souffle qui interceptent l’œil du lecteur et l’incitent à lire le texte qui complète la vie de tous ces animaux ou végétaux marins. Pour la plupart, ils vivent dans l’Océan Pacifique et se fondent avec les algues ou les coraux pour mieux se cacher des prédateurs ou au contraire pour mieux saisir leur proie. Il faudrait citer chaque animal car ils sont tous merveilleux, leur couleur, leur forme leur permet de se fondre dans cet univers aquatique, c’est une féérie sans fin au gré du mouvement des plantes sous-marines.
Vous découvrirez l’oursin fleur, le poisson scorpion, le crabe arlequin, le poisson crocodile pour n’en citer que quelques-uns. Feuilleter ce livre ne suffit pas, il faut le lire avec attention et remercier le travail de Catherine Vadon  qui offre en couverture ces fameux rusés des récifs que sont ces deux minuscules hippocampes du détroit de Lembeh en Indonésie.
Un pur enchantement.

jobic zeitoun

Yves JOBIC (avec la collaboration de Frédéric Ploquin) :
Les secrets de l’antigang, flics, indics et coups tordus (Ed Plon)
Yves JOBIC, sorti major de sa promotion de l’École Nationale de la Police, a pris sa retraite en mars 2022 après quarante et un ans de bons et loyaux services dans la police nationale. Quelques mois plus tard, il publie ce livre de souvenirs dans lequel il raconte son parcours au sein du 36, quai des orfèvres. Il a été un des derniers commissaires de la police judiciaire parisienne à avoir pratiqué le renseignement opérationnel impliquant de recourir à des informateurs.
Une pratique délicate mais qui aura permis de résoudre de nombreuses affaires. Jobic nous raconte le grand banditisme parisien, le proxénétisme, les braqueurs de banque et de transports de fonds, les saucissonneurs de milliardaires. Il relate également son incarcération pendant 17 jours en 1988 puis le procès qui a suivi alors qu’il était accusé faussement de proxénétisme et de corruption par des prostituées et leurs souteneurs, assoiffés de vengeance après les coups que Jobic avait portés à leur business. Il ne manque pas de critiquer les diverses réformes intervenues qui scotchent les policiers dans leurs bureaux à faire de la procédure judiciaire au lieu d’enquêter efficacement grâce à leurs sources.
Frédéric ZEITOUN : Fauteuil d’artiste (Ed L’Archipel)
Pour Frédéric Zeitoun… Ça roule !
Et pourtant, il avait tout pour que… ça ne marche pas puisque qu’il nait avec les forceps et dès le départ on savait qu’il ne marcherait pas. Comme il le dit avec humour, pour les claquettes, c’était raté ! Mais ce « petit juif à roulettes », comme il se surnomme, n’avait rien pour réussir : un physique ingrat caché derrière des hublots et ce maudit fauteuil.
Et pourtant… Pourtant, il a en a dû en franchir des obstacles ! Mais il l’a fait avec l’amour de sa mère, avec son humour et son autodérision, véritables boucliers pour ne pas sombrer. Et puis, l’amour des mots, l’amour de la musique, l’amour de la chanson… Tout cela a été salvateur.
« La chanson est la colonne vertébrale de ma vie » avoue-t-il. Ce parcours du combattant, il l’a vécu, il le vit encore quelquefois car même aujourd’hui, monter sur un trottoir ou des escaliers, franchir une porte très étroite, c’est toujours hélas d’actualité. Et Dieu sait s’il s’insurge encore et n’a pas peur d’aller frapper aux portes de qui veut bien l’écouter.
Cette « situation de handicap », comme il l’appelle, il la vit toujours, même si, devenu célèbre, il est peut-être plus aidé que d’autres… Et encore.
Sa vie, c’est aimée et défendue. Et puis, cette envie d’écrire et de chanter qui lui tient au corps et au coeur et qui a fait qu’à force de persévérance, de talent bien sûr, de passion, il est le seul chanteur à chanter sur une scène avec son fauteuil ! Il a su et sait se faire entendre et comme il le dit « Chanter c’est ma vie ».
Une vie qui l’a sauvé de tout avec, à ses côtés, Sabrina, la femme de sa vie et Simon ce petit garçon venu de loin, qui est devenu leur fils.
Frédéric Zeitoun, c’est un fonceur, un optimiste né, un battant et un amoureux de la vie, partagé entre amour et humour.
Je me souviens de deux jours passés à ses côtés à la fête du livre de Toulon où, attendant « le client », nous avons parlé chanson, amour que je partage avec lui, nous avons ri car il a l’humour à fleur de lèvres. Et je l’ai retrouvé sur la tournée « Age Tendre » qu’partageait avec ces artistes qu’il aime et qu’il aimait.
Tout au long de sa vie il a fait de belles rencontres comme Gérard Davoust, fidèle ami de plus de tente ans, Charles Aznavour avec qui il a écrit et chanté,, Michel Drucker, Jacques Martin qui lui ont offert ses premières chances, et bien d’autre.
Personnage attachant, émouvant et drôle Frédéric Zeitoun est vrai, il détonne presque dans ce milieu du show biz qui n’est ni vrai, ni tendre.
« Un honnête homme » comme on disait au XVIIIème siècle !

Notes de lectures

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Stéphane BERN : Les secrets de L’Elysée  (Ed Plon – 240 pages)
Après les secrets d’histoire Stéphane Bern s’attache aux lieux de pouvoir à travers le monde avec l‘ouverture des secrets du palais de l’Élysée en nous dévoilant  les confidences des locataires ou propriétaires successifs de cette vitrine de la France.  Le palais édifice hors du commun, entouré d’un magnifique parc de deux hectares en plein Paris, voisin des célèbres Champs Elysées, fut le point de rencontre d’un nombre incalculable de personnages célèbres, depuis les 24 présidents de la République, les princes et  les empereurs, souverains étrangers ou simples locataires,
Le  tout impliquant transformations architecturales, aménagements locatifs ou festifs, drames familiaux, spectacles, conférences de presse.
Qui n’est pas passé par là ?
C’est une valse d’évènements toujours rigoureusement évoqués par l’auteur toujours avide de grandes et petites histoires qu’il nous livre au coin de l’oreille.
De belles illustrations éclairent les différentes époques  aussi bien en tableaux qu’en photographies émaillant le texte de touches d’authenticité.
Olivier MERLE : Le manoir des sacrifiés (Ed XO – 410 Pages)
Des meurtres successifs avec le même rituel et mode opératoire ; des hommes assassinés dont un des yeux est arraché sont dans une étrange position devant un meuble sur lequel se trouve à chaque fois un crane Néandertal. Leurs épouses sont introuvables.
Le commandant Grim, chargé au départ de l’enquête a une histoire personnelle avec l’une des femmes disparues ; ce qui complique les investigations …
L’histoire de l’humanité, des hommes préhistoriques mêlés à des meurtres étranges et des disparitions surprenantes ne peuvent que séduire les amateurs de thrillers.
Le thème rassemble tous les éléments inhérents aux thrillers (assassinats, atrocité, rebondissements, conflits dans l’équipe d’enquêteurs) pour finalement une conclusion d’investigation inattendue.

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Marie LARREA : Les gens de Bilbao naissent où ils veulent ( Ed Grasset – 222 pages)
Avec beaucoup de finesse et d’intelligence, l’auteure aborde le sujet de l’adoption d’un enfant, sujet d’autant plus personnel qu’elle est elle-même une enfant adoptée. Et comment l’enfant tente désespérément de retrouver ses parents.
Cette quête, véritable travail de détective a été celle de Maria Larrea. Le lecteur souffre avec elle à chaque butée dans sa courageuse remontée dans le temps et dans les secrets familiaux. En effet pourquoi un enfant va-t-il  être abandonné par sa mère ? Tous les scenarios s’offrent à l’auteur puis petit à petit une ouverture, un espoir, une parole suffisent à relancer avec encore plus de force la recherche de la vérité sur sa naissance.
Ce roman séduit par sa force, sa dignité. Il y a de la souffrance chez toutes les femmes ayant abandonné leur enfant de leur plein gré ou malgré elles, mais cette souffrance existe aussi chez l’enfant et bien sûr les pères. Un roman  d’autant plus émouvant qu’il faut aussi lire les remerciements de l’auteur à ses familles d’adoption, ses amis adoptés à qui elle rappelle qu’ils sont libres.
Eric Le NABOUR : Cruels sont les rivages (Ed Terres de France – 381 pages)
Comment vivre lorsque son mari policier tué en mission réapparait pour être cette fois-ci réellement abattu froidement ?
C’est maintenant à Laura Delgado son épouse de reprendre son rôle de policière qu’elle avait abandonné pour s’occuper de ses filles et vivre loin du drame en Bretagne. Il va lui falloir enquêter, remonter les pentes, retrouver d’anciens collaborateurs.
Une histoire confuse à laquelle l’auteur ajoute les bons sentiments d’une mère auprès de ses deux filles, un grand-père ancien flic rejeté par sa fille mais qui en sait long sur la mort de son gendr, et une histoire d’énormes intérêts financiers liés à l’amant de Laura Degado.
Un roman qui se lit facilement mais laisse peu de souvenirs au lecteur.
Jennifer EGAN : La maison en pain d’épices (Ed Robert Laffont – 390 pages)
Traduit de l’anglais (États Unis) par Sylvie Schneiter
Auteur américain qui a obtenu le prix Pulitzer en 2011, Jennifer Egan vient de publier ce nouveau livre en France.
Elle imagine un monde s’écoulant de 2010 à une date ultérieure inconnue, dans lequel un homme Bix Bouton a fondé une entreprise nommée Mandala. Il commercialise avec succès un cube de conscience dans lequel on revoit ses souvenirs même oubliés : Own Your Unconscious. Puis il va créer d’autres fonctions notamment celle de télécharger tout ou partie de sa mémoire sur un serveur collectif permettant en échange un accès proportionnel aux pensées et souvenirs anonymes de ceux qu,i vivants ou morts, ont fait la même chose.
Dans ce drôle de monde, l’auteur met en scène la famille de Bix, celle de Miranda Kline qui étudie les affinités entre les êtres humains et les met en algorithmes, et celle de Christopher Salazar, qui a crée un organisme concurrent sans but lucratif, qui défend la liberté face à ces cyber identités.
Le roman est très dense, trop même car le lecteur se perd dans les personnages, les époques mélangées. L’auteur adopte des formes littéraires variées qui pourront également déstabiliser le lecteur.
Bref, un roman curieux qui pourra plaire à certains, déplaire à d’autres.

René FREGNI : Une vie de baroudeur et d’écrivain

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Minuit dans la ville des songes (Ed. Gallimard – 255 pages)
Roman autobiographique de cet auteur pudique qui nous livre ici ses pensées dans le grand voyage de la vie qui l’a amené à se débattre avec ses grands problèmes : l’autorité, l’obéissance, les règles sévères quand on nait à Marseille dans une famille modeste où il faut s’affirmer  même face à la discipline qu’il a du mal à observer, des règles quand lui-même prône la liberté, l’espace, quitte à avoir du mal à s’insérer.
Un brin rebelle, un peu marginal, il affronte l’existence par la fuite en avant, plein de fougue et d’espoir assumant sa différence qui le propulse vers d’autres horizons, d’autres régions, toujours guidé par l’amour qu’il  voue à sa mère, son point d’ancrage existentiel.
Nous traversons sa vie un livre à la main, les yeux ouverts sur ses paysages méditerranéens qu’il affectionne. De sa plume délicate il nous promène dans sa Provence ensoleillée où dans la Corse de son exil nous faisant partager son amour des livres et de l’écriture et sa façon de   vivre comme un loup solitaire mais plein de sensibilité et d’amour de  la vie, et toujours de sa mère.
Il a reçu le prix des lecteurs du Var 2022.

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Rencontre
C’est, depuis des années, un plaisir de rencontrer René Frégni car s’il est un romancier de talent, il est aussi un conteur plein de charme, d’humour, de poésie. C’est un homme vrai qui, malgré son succès, a su rester un homme simple, attaché à sa terre varoise, assez solitaire mais aimant rencontrer les gens.
Nous revoici à la Fête du livre où il signe son dernier roman qui en fait n’est pas un roman mais, pour la première fois, une biographie. Le titre : « Minuit dans la ville des songes » (Ed Gallimard). Pourquoi ce titre ? C’est ce que je lui ai demandé :
« C’est parce que j’ai peur de mettre les mots sur une page blanche et que je les mets la nuit sur mes paupières, lorsque je suis au lit, sans peur du lendemain. Le lendemain qui me permet de retranscrire ce que j’ai écrit dans mon subconscient. Je revois toutes les scènes.
J’écris toujours avec un stylo. J’écris, je peaufine. C’est ensuite ma femme qui retranscrit sur l’ordinateur.
Pour une fois, ce n’est pas un roman !
Disons que c’est une bio que j’ai un peu romancée. Il parle de mon enfance, de ma vie de marginal, de ma vie de voyou, de déserteur, de mon premier amour, de la beauté des filles, de tout ce que j’ai vécu, des paysages que j’ai sillonnés en France et ailleurs… De ma région aussi.
C’est à la fois un livre d’aventures à la José Giovanni car tu en as vécu beaucoup et une ode poétique à ton pays à la Jean Giono, puisque tu vis à Manosque.
Il a des deux car c’est vrai que j’ai fait pas mal de conneries dans ma jeunesse, que j’ai fait de la prison, que je me suis évadé et que j’ai passé un certain temps à me cacher et à vivre sous un faux nom… Mais c’est aussi l’amour de ma région qu’en dehors de ces années d’errance, je retrouve toujours avec le même bonheur, que j’y vis et qui est mon havre de paix.
Pour en revenir à Giono qui vivait comme toi à Manosque, tu as failli le rencontrer mais tu n’es pas allé jusqu’au bout. Pourquoi ? Aujourd’hui le regrettes-tu ?

J’avais 20 ans, je savais où il habitait et j’ai voulu aller le voir. Et puis j’ai hésité car c’était un homme d’un certain âge. Je ne suis pas allé le voir car d’abord j’avais peur de le déranger et puis en fait, ses livres parlent pour lui et je me suis dit que l’œuvre d’un tel écrivain et plus grande que l’homme qu’il pouvait être. J’ai préféré plutôt le lire que de le rencontrer. Ca fait quarante ans que je lis ses romans. J’ai dû tous les lire entre cinq et six fois ! Et je ne regrette pas ce rendez-vous manqué.

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Tu as vécu une vie incroyable, quelquefois difficile mais il semble qu’à chaque fois il y ait eu quelqu’un pour t’aider à t’en sortir.
C’est vrai, j’ai rencontré des gens qui m’ont fait confiance, qui m’ont apporté tendresse, humanité : Ange-Marie avec qui j’ai fait les quatre cents coups, que j’ai retrouvé en prison. Il m’a présenté l’aumônier qui m’a fait découvrir la lecture. Je lisais presque un livre par jour. Le premier d’ailleurs a été « Colline » de Giono dans lequel je me retrouvais. Dominique Raffali m’a permis de vivre en Corse alors que j’étais déserteur. Durant un an j’ai fait danser le be-bop à des filles magnifiques dans sa boîte de nuit. Maître Comte qui m’a sorti du pétrin… J’ai partagé avec eux une forme d’humanité.
Et ta mère !
Ma mère a toujours été le soleil de ma vie. Pas un jour je n’ai cessé de penser à elle, même aujourd’hui qu’elle est partie. Elle m’a apporté une tendresse infinie malgré toutes les peurs que je lui ai fait subir. Sa pensée m’a toujours aidé à être positif à chaque fois que je bifurquais. Elle m’a aidé à aimer la vie et si tu aimes la vie, la vie t’aime.
Sais-tu pourquoi tu as toujours été un rebelle ?
Ca a démarré tout jeune. Je portais des lunettes et on s’en moquait. C’est de là qu’est née ma rébellion. Mais en fait, être marginal, ça me plaisait. J’ai toujours été révolté et j’ai toujours aimé la transgression même si je n’ai jamais été un grand voyou !
Te sens-tu plus lecteur ou plus écrivain ?
J’ai été lecteur à 19 ans, donc plus longtemps qu’écrivain car je reste un grand lecteur aujourd’hui. Et si je suis devenu écrivain c’est grâce à toutes les lectures que j’ai faites durant ma vie. C’est à cause de ces lectures que j’ai eu envie d’écrire.
Tu es quand même resté un loup solitaire !
En dehors des fêtes du livre où je rencontre beaucoup de gens et où j’y prends plaisir, je suis heureux de retourner chez moi, dans ma maison, dans mes paysages où je passe mon temps à regarder, à rêver, à respirer. J’écris en marchant et je passe mon temps à admirer un ciel bleu, des feuilles d’or qui, en ce moment, se détachent des arbres… On est quand même mieux qu’enfermé dans une banque !
Ici, je n’ai pas besoin de grand-chose : un gros pull, des chaussures de marche, un cahier, un stylo… Ça me suffit. C’est ça la vraie richesse.
Il y a un proverbe indien que j’aime : « Lorsque l’homme aura coupé le dernier arbre, pollué la dernière goutte d’eau, tué le dernier animal et pêché le dernier poisson, alors il se rendra compte que l’argent n’est pas comestible ».

Propos recueillis par Jacques Brachet.

 

Toulon – Fête du Livre : Jean-Pierre LAVOIGNAT…
Romy, Gérard, Danièle, Claude… et les autres

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Fidèle à Toulon, le journaliste Jean-Pierre Lavoignat vient à chaque fois présenter ses livres. Des albums superbes qu’on regarde et lit avec plaisir et surtout plaisir qu’on a à le retrouver à chaque fois.
Fidèle au poste, je le retrouve donc à la Fête du Livre pour parler de son dernier album « Romy-Sautet, un coup de foudre créatif », paru aux éditions de la Martinière.

« Jean-Pierre, après Romy… Romy !
Oui, mais avec Sautet !
C’est vrai ! Alors comment est né ce livre ?
De l’exposition Romy Schneider dont j’étais le commissaire, aidé par sa fille Sarah Biasini. Après cela j’avais écrit le livre sur Romy, avec beaucoup de photos et documents que m’avaient prêté Sarah mais aussi Yves Sautet, le fils de Claude. Quand j’ai vu tout ce qu’il possédait, et tout ce que je n’avais pu mettre à l’exposition, l’idée a germé qu’avec toute cette documentation, on pouvait faire un livre autour de la comédienne et du réalisateur. D’autant qu’ils ont fait cinq films ensemble. Et des films importants : « Les choses de la vie », « Max et les ferrailleurs », « César et Rosalie », « Mado », « Une histoire simple ».
Le temps a passé, je suis passé à d’autres choses et l’idée m’est revenue qu’en février de cette année « César« et Rosalie » aurait 50 ans.
Du coup j’ai recontacté Yves qui a aimé l’idée, qui m’a ouvert ses placards et a écrit l’avant-propos du livre qui est très émouvant.  J’ai fait de même avec Sarah qui en a écrit la préface. Sarah m’avait avoué que c’étaient les cinq films préférés de sa mère.
J’ai aussi pu récupérer des photos magnifiques de Claude Mathieu qui fut le photographe de plateau de Claude Sautet.

B C D

Vous aviez donc le choix du roi !
Oui car Yves m’a proposé plein de photos inédites de Claude et Romy, carrément des planches photos, des mots de Romy à son père, qu’elle appelait Clo, dont un extrait où elle râle parce qu’il a choisi une mauvaise prise ! Des plans de tournage, des scénarios, entre autre les cinq versions du scénario de « César et Rosalie » dont il a modifié cinq fois des scènes et surtout le final…
Il y a aussi des témoignages de personnalités d’aujourd’hui.
Oui, je leur ai demandé de parler de Romy que certains n’ont pas connue mais qu’ils admirent.
Par exemple, j’avais repéré une photo de Romy épinglée dans une loge dans le film d’Almodovar « Etreintes brisées », une photo aussi dans les mains d’Emmanuelle Béart dans le film de François Ozon « Huit femmes ». Je leur ai demandé de me parler d’elle. D’autres témoignages de personnalités qui n’avaient pas connu Romy mais qui l’admiraient, comme Isabelle Huppert, Jean Dujardin dont j’avais vu une interview où il parlait de Romy, Sandrine Kiberlain, des gens aussi qui ont collaboré avec Claude comme Philippe Sarde, Jean-Louis Livi, Alain Sarde et même Daniel Biasini, le père de Sarah.
Romy reste une icône inoubliable, une vraie star, une source d’inspiration, une artiste qui touche nombre de comédiennes qui s’en réfèrent. Claude reste un réalisateur qui a fait des films qui ont marqué plusieurs époques. Il a formé un duo très rare avec Romy dans le milieu du cinéma. A part Chabrol et Isabelle Huppert, il n’y en a pas d’autres.

E F

Vous-même avez-vous connu Romy et Sautet ?
Pour Romy, non et je le regrette mais elle est partie trop tôt et peut-être c’aurait pu se faire. Je l’ai croisée plusieurs fois mais à l’époque où je travaillais à « Première » c’était Marc Esposito le chef et c’est lui qui faisait ses interviewes. Mais il m’a offert un joli témoignage pour le livre.
Quant à Sautet, je l’ai connu lorsque « Studio Mag » a rendu hommage à Romy lors des cinq ans de son décès. Romy y faisait la couverture. Claude Sautet m’avait alors accordé une grande interview dans laquelle il parlait exclusivement de Romy. On retrouve cette interview dans ce livre.
Tous les gens que vous avez contactés vous ont dit oui ?
Oui, presque tous mais il y a certains qui avaient dit oui qui ont oublié où qui n’ont pas eu le temps comme Vanessa Paradis, Marion Cotillard…
Pour le premier Romy vous avez travaillé avec sa fille, Sarah, pour Gérard Oury vous avez travaillé avec sa fille, Danièle Thompson et pour celui-ci, avez-vous travaillé avec son fils ?
Non, en dehors de toute la documentation qu’il m’a proposée, j’ai travaillé tout seul !
Boulot de Titan pour l’écrire et pour collecter toutes cette documentation ?
De Titan, n’exagérons rien mais c’est vrai que c’est un vrai travail. Travail qui m’amuse et qui me plaît.

A

Et le prochain livre, quel sera-t-il ?
(Il rit) Pour l’instant, je n’en ai aucune idée ! Je vais avant tout me reposer de celui-ci, j’ai d’autres choses à faire, dont quelques salons du livre et pour le reste, j’attends qu’une idée vienne où qu’on me propose une commande qui m’excite.
Mais pour le moment… repos !
Propos recueillis par Jacques Brachet

Notes de lectures

de rosnay ONO-DIT-BIOT_Christophe_photo_2022_Francesca_Mantovani®Editions_Gallimar...

Tatiana de ROSNAY: Nous irons mieux demain (Ed. Robert Laffont – 350 pages)
Candice jeune mère solo d’un garçon de trois ans, battante ingénieure du son qui mène rondement sa vie, fragilisée par le deuil récent de son père, est soudain confrontée à un évènement qui va bousculer sa vie. Alors qu’elle rentre chez elle après une journée de travail elle assiste à un accident de la rue : une dame se fait renversée par un automobiliste sous ses yeux. N’écoutant que son bon cœur elle l’accompagne, l’assiste dans sa solitude et l’implique peu à peu dans sa propre vie pleine de sollicitude et de bon cœur. Mais celle-ci retrouvant son allant se prépare à bouleverser ce foyer familial semant vents et tempêtes. Sa force et sa vitalité vont faire des ravages dans ce foyer aimant.
Il y est question de maisons que l’on habite, de qui y a vécu avant, impliquant à l’occasion des personnages célèbres tels que Zola. L’occasion de nombreuses digressions et cascades de situations inattendues et déroutantes impliquées par la rencontre de ces deux femmes fusionnelles mais où l’emprise des relations sèment le désordre et le mal de vivre mais où on se laisse aussi charmer par l’évocation des relations d’un Zola pas toujours connu
Roman très personnel où l’auteure a mis toutes ses tripes pour défendre de nobles causes comme l’anorexie, la solitude, l’abandon sans perdre de vue son auteur chéri : Emile Zola
Christophe ONO-DIT-BIOT : Trouver refuge (Ed Gallimard – 413 pages)
C’est avec émotion que je viens de lire ce merveilleux roman de Christophe Ono-dit-Biot. Pour la femme que je suis, interdite de séjour dans les monastères du Mont Athos en Grèce, c’est une plongée émouvante, spirituelle et revivifiante qu’offre l’auteur.
Sacha, philosophe historien est invité à la télévision et malheureusement a laissé supposer que le président appelé Papa n’avait pas toujours été comme il est aujourd’hui. Un aujourd’hui qui se situerait dans les années prochaines et qui aurait largement emporté les suffrages des français en promouvant une politique d’extrême droite, autoritaire et sous surveillance permanente.
Sacha se sentant menacé fuit donc, là où il a passé des vacances merveilleuses avec  Alex, aujourd’hui Papa, et où il sait que les moines accueilleront ceux qui cherchent à être sauvés. Avec femme et enfant c’est vers  cette Sainte Montagne qu’il se dirige, muni du secret qu’il n’avait jamais révélé à personne et qui est son seul salut comme sa propre condamnation sans appel. Très vite il est seul avec sa fille Irène qu’une coupe de cheveux transforme en Irénée prénom fusionnel avec Byzance et les orthodoxes, Sacha retrouve son ami moine orthodoxe et dans cette nature sauvage et abrupte qui compte une vingtaine de monastères pour les moines, particulièrement Stavronikita le monastère de la croix victorieuse et Esphigmenou, le monastère des extrémistes qui ne digèrent toujours pas le sac de Constantinople en 1204.
On est complètement envoûté par la spiritualité, la beauté pure du lieu. Un huis-clos où les menaces sous forme de drones  sont balayées par la fraîcheur pétillante de cette petite Irène qui suit son père et perçoit l’imperceptible, la subtilité et la puissance du silence.
On suit cette course éperdue au Mont Athos, cadeau du Christ à sa mère Sainte Anne, un cadeau que le lecteur saura savourer et qu’il gardera en mémoire avec bonheur.

delavega arnaud

Flo DELAVEGA : Sur le chemin des rêves (Ed JouVence – 217 pages)
Cet ancien sportif nommé Florian Garcia, est un jour devenu chanteur… une star même puisque sous le pseudo de Fréro-Delavega après avoir participé à « The Voice » et rempli des stades et des Zéniths, il décide un jour que ce monde des strass et des paillettes ne lui convient pas.
Il quitte donc son complice Jérémy Frérot qui continue seul avec le succès que l’on sait et… silence radio.
Il produira quand même un CD en solo « Rêveur forever » puis, après un long Silence… Il revient mais avec un livre « Sur le chemin des rêves » où il nous raconte qu’après ces années de folie et de bruit, après un grand moment de doute et de dépression, il s’est rendu compte que là n’était pas là la vie… SA vie ; il lui fallait du silence, passer de la lumière à l’ombre, faire une introspection en faisant un voyage initiatique et se plongeant dans le monde du rêve et de la réalité, de la liberté et de la vraie vie.
Ainsi est-il devenu un « rêveur funambule » en sautant dans le vide et se tournant vers d’autres rêves que le show biz, la célébrité, la foule, la folie médiatique.
Ce fut son vrai retour sur terre mais malgré tout un vrai cheminement de doutes, d’espoirs, de désespoir aussi. Une vraie renaissance, un retour aux sources, la reconquête de son authenticité dans la nature qu’il retrouve.
Avec ce livre il nous fait parcourir ses chemins de traverse grâce auxquels il a retrouvé la lumière. Mais une autre lumière qui lui a rendu la sérénité.
« Chaque pas que je fais, chaque rêve réalisé, est une réconciliation avec mon enfant intérieur, avec le petit Florian Garcia ».
Il est aujourd’hui épanoui, heureux d’avoir osé prendre des risques, trouvé la spiritualité.
Ce livre et illustré de ses propres dessins et de poèmes qui pourraient devenir des chansons. D’ailleurs, vous pouvez découvrir une chanson avec un QR code qui est en fin de livre. Car à la fin de celui-ci, il n’exclut pas de revenir vers le public mais dans d’autres conditions.
On découvre à travers ses écrits un homme simple, magnifique, profondément humain qui, comme un Phoenix, a su se relever de ses cendres.
Alain ARNAUD : La braconnière (Ed Exaequo – 216 pages)
Un souffle de fraicheur sur les hauteurs provençales du département du Var emmené tambour-battant par l’auteur, dans les années 70 sous les traits d’une jeune orpheline de 15 ans recueillie par sa tante moment du décès accidentel de ses parents. Grand désarroi, grande peine de ce petit être accueilli par cette parente aimante qui va la soutenir dans la construction de sa jeune vie.
En communion avec la nature qui l’entoure elle va se replier vers la forêt, les animaux, les fleurs qui seront son univers, négligeant les études et la ville pour s’épanouir dans une vie sauvage. Jusqu’au jour où la civilisation la rattrape : Le village, les voisins, les notabilités qu’l faut bien côtoyer vont faire de cette sauvageonne  sensible une femme forte, endurante et pleine d’avenir. Une jolie tranche de vie dans des paysages de nature mais aussi de conquête, d’amour et d’espoir.
C’est un  grand vent de fraicheur et de réalisme qui nous rapproche de ce passé récent dont on a suivi la progression.

SETH, le « globe-painter »

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Il se nomme Julien Malland mais il est aujourd’hui connu mondialement sous le nom de Seth, du nom d’un dieu égyptien. Mais s’il est un dieu c’est celui de l’art urbain, le street art, qui l’a fait connaître du monde entier ; du moins ses œuvres car il n’aime pas qu’on le photographie.
Pourtant il a débuté comme photographe avant de continuer sur des graffiti, en dessinant sur des murs. Mais comme il a toujours aimé s’exprimer artistiquement en peignant et qu’il adore les voyages, il a décidé, voici 25 ans déjà, de laisser un peu de côté son métier de photographe et celui de présentateur de documentaires, pour courir le monde et trouver des supports pour s’exprimer.

D G
F POPASNAL'école n°1 de Popasna, dans le Donbass, Ukraine, en 2019

C’est ainsi qu’il a parcouru, l’Italie, l’Indonésie, l’Indochine, la Tunisie, l’Ukraine, le New Jersey, la Réunion, le Cambodge, la Corée, la Chine… La liste serait longue mais tout en voyageant, il a laissé des traces un peu partout en squattant des maisons abandonnées, des murs à moitié effondrés, des quartiers sans vie dus à la guerre, des camps de réfugiés, des monuments abîmés, des maisons tristes à qui il redonne vie en créant des petits personnages sans visages mais d’une grande beauté pleins de poésie et d’émotion…
Puis, son métier de photographe revenant au galop, il les photographie. Il présente tout d’abord les photos de ses œuvres en plein air sur les réseaux sociaux jusqu’à ce que celles-ci se retrouvent sur des livres d’art.

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Le dernier vient de sortir : « Face aux murs » (Ed la Martinière) avec lequel il nous fait voyager de par le monde, en nous faisant entrer dans l’univers des enfants, un univers à la fois simple, naïf et sensible qui retrace dix ans de voyages, de créations, toutes originales et belles.
Aujourd’hui reconnu, on le retrouve dans les plus grands festivals, les institutions les plus prestigieuses et, de Shanghaï à Rome, du Donbass à Djerba, de Belleville à Bali, il nous fait voyager à travers ses œuvres qui racontent sa vie d’artiste, de voyageur, peut-être aussi des souvenirs d’enfance pleins de douceurs dans certains pays qui en manquent cruellement, tissant des liens entre les peuples et nous offrant des images sublimes, toujours sans visages, comme lui qui n’aime pas se faire voir et qui se cache derrière elles.
Quand le street art devient art… Tout simplement.

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Jacques Brachet
Seth expose à Fluctuart à Paris, du 28 octobre au 26 février puis au Musée en herbe en 2023

Vladimir COSMA l’as des as de la musique !

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Vladimir Cosma est né le 13 avril 1940 à Bucarest.
Hasard des événements : ses parents ayant fui leur pays, étaient venus s’installer en France où sa mère s’est retrouvée enceinte. Normalement, il aurait donc dû naitre en France mais la mort de son grand-père les a ramenés en Roumanie… où il est né. Et d’où ils n’ont pu ressortir.
Il lui faudra attendre 22 ans pour se retrouver à Paris. Mais déjà, dans son pays, à 8 ans, super doué, il était devenu violoniste soliste. Il avait de qui tirer car sa grand-mère et sa tante étaient pianistes, un de ses oncles était chef d’orchestre, son père était musicien de jazz.Il n’y a que sa mère qui, elle, était… championne de natation !
Inutile de préciser qu’il fut baigné… de musique. De toutes les musiques, du jazz au classique en passant par la musique folklorique et la variété, la musique était omniprésente. Et tout au long de sa vie, il a su mêler toutes ces musiques entendues depuis son enfance. S’il a appris le violon c’est qu’à la maison où ils vivaient il n’y avait pas de place pour un piano… A quoi ça tient !
S’il fallut que, de retour en France, il recommence à zéro, très vite il trouva sa place grâce à de grands musiciens qui l’y ont aidé, comme Jean Wiener ou Michel Legrand qui le prit sous son aile et lui fit faire les arrangements de ses musiques.

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En 67 il commença à signer des musiques de films mais c’est en 68 qu’il rencontre le réalisateur Yves Robert, qui lui demande de signer la musique du film « Alexandre le bienheureux ». L’amitié et l’admiration partagée en firent qu’ils ne se quittèrent plus et qu’il signa toutes les musiques de ses films, du « Grand blond avec la chaussure noire » à « Montparnasse-Pondichery » en 94, en passant par « Salut l’artiste », « Un éléphant ça trompe énormément, « Nous irons tous au paradis », « Courage fuyons » sans oublier les magnifiques musiques que sont « La gloire de mon père » et « Le château de ma mère ».
Il eut ainsi d’autres beaux compagnonnages avec Gérard Oury (« L’as des as », «Rabbi Jacob » qui le fit connaître internationalement), Jean-Pierre Mocky pour qui il écrivit les musiques de tous ses films,  Claude Zidi, Claude Pinoteau et la fameuse « Boum », Molinaro, Francis Veber avec qui ça ne fut pas de tout repos, Beneix et l’admirable « Diva »… Bref, son talent fit que nombre de réalisateurs et producteurs firent appel à lui…
Aimant toutes les musiques (C’est une incroyable mémoire musicale), il côtoya et travailla avec le nec plus ultra des musiciens de jazz (Ivry Gitlis, Chet Backer, Claude Bolling, Stan Getz, Bill Evans, Joss Baseli, Sidney Bechet, Tont Benett, Jean-Luc Ponty, Stéphane Grapelli… A chaque film il trouva l’originalité qui faisait de ses musiques un succès. Car en plus, il connaît tous les instruments du monde entier, donnant à chaque fois une couleur à nulle autre pareille : la flûte de pan pour l’une, la guimbarde pour l’autre, le kazoo, le bandonéon, le cromorne, le banjo les pipes écossaises,  l’harmonica, le glockenspiel (faut connaître !) et nombre d’instruments, indiens, chinois, africains que le simple mortel ne connait pas, jusqu’à tous les appareils électroniques. Et même… les cigales dont il fit un instrument de musique pour les souvenirs d’enfance de Pagnol !

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Quel que soit le style de musique demandé, il s’adapte, aux desiderata du réalisateur, Au sujet, à l’époque, il trouve toujours l’habillage haute couture du film, qui fait qu’aucune musique ne se ressemble, que ce soit dans la comédie ou le drame… et même l’érotique ! Il a même écrit un opéra autour de « Marius et Fanny » de Pagnol, interprété par Roberto Alagna et Angela Ghorghio
Il a une culture musicale à nulle autre pareille et… une mémoire d’éléphant car il nous signe aujourd’hui, non pas une musique mais un livre, une bible de 500 pages, où il nous raconte près de 70 ans de musique et de passion en disséquant toutes les musiques qu’il a écrites, le pourquoi du comment et plein d’anecdotes autour de tous ces artistes avec lesquels il a collaboré.
Il y a beaucoup de musiciens de films mais il se compte sur les doigts ceux qui ont fait une carrière aussi prolifique que Vladimir Cosma.

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 Rencontre à la Ciotat avec Nicole Croisille
Rencontre à Ste Maxime avec Vincent Perrot (Photo Christian Servandier)

Le titre de ce magnifique livre qu’il signe avec passion et humour : « Mes mémoires », tout simplement, avec en sous-titre « Du rêve à Reality » (Ed Plon). « Réality » étant le titre de chanson de « La boum » que chantait et chante toujours Richard Sanderson, qui a fait le tour du monde et continue une magnifique carrière.
Je voudrais vous raconter aussi mes rencontres avec Vladimir Cosma.
Nous étions en 2005 et j’étais alors directeur artistique du Festival du premier film de la Ciotat, durant lequel, en dehors des films en compétition, nous rendions chaque année hommage à un réalisateur, un comédien, un musicien de film. Ainsi sont venus Claude Lelouch, Robert Hossein, Annie Cordy, Claude Pinoteau, Michel Jonasz, Michel Galabru et en 2005, j’invitais Vladimir Cosma qui avait dit oui à condition de venir en train car il détestait l’avion. Ça tombait bien car le train en gare de la Ciotat fut le premier film des frères Lumière.
Le mois de juin approchait lorsque sa compagne m’appela pour me dire qu’il ne viendrait pas car il était fatigué. Panique à bord, je le rappelle et il me dit : « J’ai promis, je viendrai ».
Me voilà rassuré et, le jour de son arrivée, je reçois un appel de lui et là, re-panique. Je me dis qu’il a raté le train ou simplement qu’il a changé d’avis… Je le rappelle et il me dit : « Désolé… je suis dans le train mais… j’ai oublié mon slip de bain… Pourriez-vous m’en trouver un ??? »
Promis, juré, c’est vrai !
Me voilà rassuré et lui aussi, trouvant un slip dans sa chambre. Et, vous me croirez ou pas, il a posé ses valises et est parti se baigner, l’hôtel donnant sur la plage !
Il fit ça durant les cinq jours où il fut présent. Lorsqu’on ne le trouvait pas, on allait à la plage ! Et, comme c’est un homme qui ne sait pas ce qu’est l’heure, nous avons passé notre temps à aller le chercher ! Nous déjeunions au bord de l’eau et entre deux plats, il allait plonger… Jusqu’au dernier jour où, le car attendant les invités pour les ramener au train, il se pointa juste à temps pour ne pas le manquer, car il était allé prendre un dernier bain !
Par contre, au contraire de grandes stars très exigeantes, la seule exigence de Vladimir fut… un slip !
Étant un magnifique conteur, nombre de choses qu’il raconte dans ce magnifique livre, il nous les racontait avec la joie d’un enfant qui s’amuse avec un jouet depuis des décennies. Il retrouva mon amie Nicole Croisille que j’avais aussi invitée et qui a chanté le générique de la série TV « Les cœurs brûlés », qui s’intitule « Je n’ai pas dit mon dernier mot d’amour », chanson, nous raconte-t-il dans ce livre, qui n’a pas été gardée lors de la sortie de la série mais dont Nicole a fait malgré tout un succès !
Je devais rencontrer à nouveau Vladimir le 17 juillet 2012 lors d’un concert qu’il donnait à Ste Maxime et où je le retrouvai avec Vincent Perrot qui venait de nous offrir un magnifique album sur le musicien et Richard Sanderson que Vladimir avait invité pour chanter cette chanson de « La boum » « Reality ».

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Nous avons passé une brillante soirée et je suis prêt à recommencer.
Alors quel plaisir de le retrouver dans ce superbe pavé qu’il nous offre, nous contant presque au jour le jour, le parcours d’un petit roumain qui aurait pu devenir français à sa naissance, disséquant chaque film, nous en racontant la genèse, avec un certain humour slave, une façons de s’exprimer, beaucoup mieux de certains artistes français, avec aussi beaucoup d’émotion lorsqu’il parle de ses chers disparus, Jean-Pierre Mocky ou Gérard Oury.
A noter au passage que s’il est surtout connu pour ses musiques de films, il a écrit des œuvres symphoniques, des musiques de chambre, des œuvres scéniques, des œuvres pour piano et orchestre, des musique de jazz car Vladimir Cosma est un compositeur prolifique et polychrome !.
Ses deux derniers CD, dont je vous ai parlé, en dehors de nombre de compilations de musiques de films sont : « 24 caprices pour mandoline solo » et « Suite populaire et œuvres pour mandolines et accordéon ».
Sans compter que Nana Mouskouri, Nicole Croisille, Lara Fabian, Guy Marchand, Marie Laforêt, Mireille Mathieu, Herbert Léonard, sans compter Richard Sanderson, l’ont chanté avec succès.
Lire ses mémoires, c’est traverser les décennies avec ses musiques qui sont toujours dans nos têtes et c’est découvrir une œuvre immense d’un homme qui est resté d’une simplicité désarmante.

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Jacques Brachet