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Lumières du Sud
Guillaume LEVIL, de la Provence à Hollywood !

Guillaume Levil est un homme de contrastes : Il a passé son enfance à la Réunion avant d’arriver à Digne. Il navigue donc entre deux cultures. I
Il partage ses goûts entre Capra et Pagnol, « La femme du boulanger » et « Beethoven » (le chien !!) et notre jeune scénariste-réalisateur-producteur qui vit aujourd’hui àNice, ce qu’i ne l’empêche pas de retourner tourner à la Réunion, était l’invité de Pascale Parodi, présidente de l’association « Lumières du Sud ». Il est venu nous présenter quatre courts-métrages avec toute la passion et l’humour qu’il possède, tout auréolé d’une nomination… aux Oscars s’il vous plaît pour son court-métrage « La valise rouge », réalisé par Cyrus Neshvad, dont il a signé le scénario. Et qu’il nous a bien sûr présenté au Théâtre Daudet de Six-Fours ainsi que trois de ses autres films dont il est scénariste et réalisateur : « Un tour de cheville », « Arthur Rambo », « Courir toute nue dans l’univers », avec des histoires à chaque fois très différentes qu’elles soient drôles ou plus dramatiques.

« Guillaume, tu es en fait construit sur deux cultures
C’est exact, jusqu’à 12/13 ans la Réunion a fait ma construction. J’en suis imprégné. Mon père étant provençal, nous nous sommes retrouvés à Digne où je suis allé au collège. J’ai eu les deux cultures, les deux langues et je suis fait d’elles.
Le cinéma est venu comment ?
Tout jeune, ma mère m’a amené très souvent au cinéma  où je voyais aussi bien les films pour enfants mais aussi d’autres films peut-être un peu moins réservés aux enfants. Mon second film a été « Les liaisons dangereuses » !
C’est pour cela que tu es éclectique, jusqu’à aimer  « La femme du boulanger » ET « Beethoven » ?

Non, pas ET. C’est-à-dire que ce sont les deux exemples de ce qu’il faut faire et ne pas faire. Chez Pagnol c’est au mot près, c’est une histoire qui, même si elle est quelquefois exagérée, tient la route et nous emmène au bout de l’histoire. Pour « Beethoven » (pas le musicien… le chien ! », c’est pour moi tout ce qu’il ne faut pas faire et quant à la fin elle est on ne peut plus mauvaise. Après avoir vu le film j’ai imaginé plusieurs fins plus intéressantes. J’ai commencé à les écrire en fait, c’est le film qui m’a donné envie d’écrire des scénarios ! Donc merci Beethoven !
Tu t’es spécialisé dans le court-métrage, le documentaire…
Et la fiction ! J’ai commencé à écrire des scénarios pour les autres, puis pour moi, puis je suis passé à la réalisation. Mais tout se fait à partir de rencontres comme celles avec Cyrus Neshvad, réalisateur iranien vivant au Luxembourg pour qui j’ai écrit « La valise rouge » ou encore Nicolas Paban, qui est toulonnais et pour qui j’ai co-écrit « Princesse de Jérusalem ».
Ne veux-tu pas passer aux longs métrages ?
Oui, bien sûr mais c’est déjà très difficile de monter des courts-métrages. Il faut trouver de l’argent et puis les vendre après. C’est quelquefois plusieurs années d’attente, d’acceptation… ou pas !
Alors tu penses un long métrage ! C’est un métier aléatoire où il faut toujours avoir dix projets pour quatre qui aboutiront. Il faut pouvoir rebondir.

C’est certainement parois frustrant et en plus entre deux films il faut pouvoir vivre
Frustrant, peut-être quelquefois mais comme je suis toujours sur plusieurs projets, je pars sur un autre. Mais malgré le temps qui court entre deux réalisations on peut très bien vivre une vie entière après un film. Et puis, dès le départ on est prévenu que ce que l’on fait risque de ne pas être accepté.
Il y a deux films que nous n’avons pas vus ce soir : « Le problème du pantalon » et « Les vénérables dessous ». Tu es très… textile !
(Il rit) C’est un diptyque qui d’ailleurs devrait devenir un triptyque car j’ai encore une idée.
« Le problème du pantalon » parle de la contraception chez l’homme : la vasectomie, l’injection d’hormones, le slip chauffant. Sujet tabou que je traite avec humour.
« Les vénérables dessous » traite, lui, de la menstruation, des sous-vêtements féminins qui sont de l’ordre du fantasme et de la liberté des femmes. Là encore, sujets tabous.
Et j’ai déjà un troisième sujet… Mais je préfère ne pas t’en parler !
Bon, venons-en à « La valise rouge », qui t’a emmené jusqu’à Hollywood !
C’est un scénario que j’ai co-écrit avec Cyrus Neshad qui l’a réalisé. Nous l‘avons tourné au Luxembourg où il vit. Nous avons découvert Nawelle Evad, jeune comédienne sur un casting. C’est l’histoire d’une jeune iranienne de 15 ans qui vient au Luxembourg, envoyée par son père, épouser un homme qu’on lui a imposé et qu’elle ne connait pas. Elle récupère sa valise rouge et déambule dans la gare autour de cet homme sans qu’il la voie et, après un long moment d’hésitation, décide de s’enfuir.
Nous l’avons présenté dans divers festivals car ce sont les seuls lieux où l’on peut vraiment les faire voir et il se trouve que nous avons reçu quatre grands prix dans quatre festivals, dont Paris et le Mans. Du coup, il a été sélectionné pour l’oscar du court-métrage.
Pourquoi dis-tu « du coup » ?
Parce que, différemment aux César, le court métrage n’est pas choisi comme chez nous. Aux USA, il est sélectionné par rapport aux prix qu’ils ont reçus dans leur pays. C’est ainsi qu’après plusieurs votes, cent, puis15, puis cinq sont restés en lice… dont le nôtre !
Nous ne sommes arrivés que second, derrière un film, dont la vedette était un handicapé mais nous sommes fiers d’être passés devant le troisième, produit par Disney ! Et même second, ça marque sur un CV !

Quel effet ça fait d’être au milieu des stars hollywoodiennes ?
C’est très impressionnant de se retrouver sur le tapis rouge au même titre que ces stars internationales… Et de se retrouver aux toilettes avec Hugh Grant !!! C’est aussi une grande satisfaction d’un petit français côtoyant le nec plus ultra du cinéma international.  
Tu parles anglais ?
Of course, avec l’accent français qui plait beaucoup… aux américaines !
Il n’a été primé ni à Cannes, ni aux César ?
Non, pour la bonne raison qu’à Cannes nous serions arrivés avec déjà trop de prix quant aux César, il n’y a que des films français et le nôtre luxembourgeois.
Tu disais qu’il n’y a que dans les festivals qu’on peut communiquer sur les courts-métrages ?
Oui parce qu’en France, ils passent toujours très tard et le public est restreint. Donc on ne peut faire voir nos films que dans  les festivals.
D’ailleurs je vais partir au Festival de Cannes, non pas pour voir des films, mais pour faire des rencontres car c’est à 80% là que tout se joue. Les autres 20% dans les autres festivals. C’est d’ailleurs à Cannes que j’ai rencontré Cyrus Neshvad et Nicolas Paban. Comme j’ai plusieurs projets, dont un long métrage coréalisé avec Nicolas, je vais avoir de longues journées.
Un rêve ?
Réaliser un long-métrage fantastique dans la lignée de « SOS fantômes » !

Propos recueillis par Jacques Brachet


Six-Fours – Six N’Etoiles
Laure PRADAL : la passion Doc

Après avoir quitté son Ardèche natale à 18 ans, Laure Pradal a fait des études scientifiques et d’enseignement math-physique, à Lyon, Nîmes, Montpelier. Suite à un déclic, une rencontre à la fac de lettres avec un réalisateur, elle décide de s’orienter vers le cinéma. Non pas de fiction mais de documentaire. Et la voilà qui va très vite réaliser des courts-métrages pour l’émission de « Strip Tease », émission venue de Belgique mais qui s’installe sur Canal Plus.
Ce sera le coup de foudre et de ce jour,elle n’arrêtera pas de réaliser des documentaires pour France 2, France 3 et Arte.
Grâce à sa rencontre au festival Méditerranéen de Montpellier avec Pascale Parodi, présidente de l’association six-fournaise « Lumières du Sud » et de Noémie Dumas, directrice du Six N’Etoiles, la voici venu nous présenter son dernier doc : « Des livres et des baguettes ». Un documentaire où un jeune animateur, Nourdine Bara, a eu la superbe idée de réunir, dans une boulangerie d’un quartier populaire de Montpellier, la Paillade, des rencontres autour du livre « Dites-le avec un livre ». Un lieu de rencontres mensuel où se retrouvent, adultes et enfants venus de tous horizons, de toutes ethnies, qui se réunissent pour parler de leurs livres préférés ou leurs propres écrits, d’en lire des passages, de faire de la musique, de chanter, de parler d’eux dans une joyeuse convivialité, avec des témoignages émouvants ou drôles, en toute liberté d’expression. Un lieu chargé d’universalité, de bonnes ondes et de fraternité.
Et on ne pouvait s’empêcher de se dire que si la même chose se produisait partout ailleurs, le monde serait meilleur.

Laure Pradal a toujours choisi des sujets qui parlent à tout le monde, qui parlent d’humanité.
« Mes sujets sont variés puisque, pour « Strip-Tease » je réalisais des films sur l’enfance, puis je suis passée à d’autres sujets comme le portrait d’une enfant handicapée que j’ai suivie durant quinze ans ou celui de Jean Carrère, je choisis un thème et je tourne autour de lui avec comme principe, comme pour « Strip-Tease », de ne faire aucune interview ou d’ajouter une voix off. Je laisse parler les gens et me contente de les filmer comme pour ce documentaire « Des livres et des baguettes » où chacun s’est exprimé en toute liberté, seulement canalisé par Nourdine. Après, chacun s’exprime comme cette petite fille qui nous lit un extrait de son livre préféré, cet homme qui nous fait un rap qu’il a écrit, cette jeune femme qui chante l’opéra magnifiquement, ces musiciens qui font danser les gens, cette femme qui nous raconte comment elle est venue à la lecture alors que ses parents sont illettrés…
Comment choisissez-vous vos sujets ?
Très souvent par hasard, au gré d’une rencontre, d’un fait divers, comme le film que je prépare pour juin sur un immeuble vertical où vivaient des marocains et qui va être détruit.
Je suis aussi en train de préparer un film sur la chanteuse d’opéra que vous voyez dans le film. Elle se nomme Narimène, elle a un talent fou et n’a pas été prise à un concours alors qu’elle était l’une des meilleues, tout simplement parce qu’elle n’a pas voulu enlever son turban qui fait partie intégrante de sa personnalité ! En ce moment elle est à Londres où sa vie va peut-être changer. J’ai un collaborateur qui est allé la filmer.
Ce ne sont donc pas des films de commande ?
Non, je choisis mon sujet, je me renseigne, je fais des repérages et puis le monte mes films et je tourne avec une équipe réduite de deux ou trois. J’écris d’abord un scénario que je propose à divers producteurs et quelquefois je tourne sans savoir si le scénario ou le film sera accepté.

Ce peut être frustrant ?
Oui, lorsque le sujet est refusé. Ça ne m’est pas arrivé souvent mais alors je le mets de côté en me disant que j’y reviendrai plus tard. J’ai toujours deux ou trois sujets dans ma tête et souvent, entre l’écriture, l’acceptation et le tournage ça prend du temps. J’arrive à réaliser un film dans l’année. Quelquefois deux, maisc ‘est rare. C’est un travail de longue haleine… et de patience ! L’intérêt est que je travaille en toute liberté, que j’ai tout mon temps, que je n’ai pas de dead line.
Avez-vous réalisé des films de fiction ?
Non, et ça ne me préoccupe pas, d’abord parce qu’un film de fiction dépend de trop de choses : l’argent, les comédiens, les producteurs, le sujet qui, une fois écrit, doit être suivi. Je ne l’ai fait qu’une fois avec un film sur un prisonnier. Difficile de tourner en prison, d’y faire entrer des enfants, dnc je l’ai tourné comme une fiction… sans les contraintes d’une fiction !
Et ce que j’aime c’est le côté inattendu car certaines fois, au cours du tournage, il se passe quelque chose qu’on n’attendait pas.
Êtes-vous journaliste ? Avez-vous eu envie d’écrire autour de vos sujets ?
Non, je suis simplement réalisatrice et j’écris la colonne vertébrale de mon sujet. Je n’interview personne et mes reportages sont des moments de vie. Vous savez, il suffit de regarder autour de soi pour trouver un sujet. Après ça, peut-être qu’un jour viendra où je pourrai écrire les expériences que j’ai vécu autour de ces tournages.
Avez-vous eu des refus de gens qui ne voulaient pas que vous les filmiez ?
Ça m’est arrivé mais pas si souvent que ça. Pour certains c’est un non définitif et je n’insiste  pas. Pour d’autres, ils ont envie de s’exprimer et je les laisse s’exprimer en toute liberté. D’ailleurs, on est le plus discret possible et très vite ils oublient qu’ils sont filmés. Ils sont même ravis de se voir sur écran après car le leur montre toujours le film une fois monté.
Je suppose qu’étant donné le format de 50’, vous devez mettre des séquences de côté ?

C’est ce qui m’est arrivé pour « Des livres et des baguettes » car j’ai dû écourter certaines interventions et j’ai même dû carrément enlever certaines personnages pourtant intéressants, et je le regrette. C’est pour cela que j’ai envie de remonter le film et d’en faire un long métrage car j’ai dû sacrifier de beaux moments.
Rencontrer le public est indispensable pour vous ?
Oui car si certains téléspectateurs m’écrivent, beaucoup  se contentent de regarder et d’écouter. Les rencontrer et discuter avec eux est quelque chose d’indispensable. Sans compter que voir le film sur grand écran, ça donne une autre dimension au sujet ». Ce soir-là le public a beaucoup apprécié cette projection et cette rencontre qui a duré longtemps avec la réalisatrice qui parle de ses films avec une passion qu’elle nous a fait partager.

Jacques Brachet

Lumières du Sud
Kamel BENKAABA… Le Toulonnais de Copenhague !

Kamel Benkaaba est toulonnais. Il a fait ses études au Lycée Dumont d’Urville, poursuit ses études à Aix-en-Provence où il rencontre sa première femme, une suédoise qu’il suit dans son pays. Elle parle français, il ne parle pas suédois mais s’y met très vite et s’installe là-bas où il devient chargé de cours en cinéma à Copenhague. Un peu plus tard il rencontrera… une autre danoise qui deviendra sa seconde épouse.
Mais notre toulonnais n’oublie pas ses racines varoises et y vient ponctuellement « pour gagner vingt degrés et le soleil » me dit-il en riant.
C’est ainsi que, lors de ses séjours, on le retrouve à l’association « Lumières du Sud » où à chaque fois, invité par sa présidente Pascale Parodi, il vient parler cinéma bien sûr et vient nous disséquer un film ou nous parler d’un réalisateur, comme Kubrick, Fellini et, lundi soir, de Claude Sautet.
Pourquoi Sautet ?

« Parce que – me dit-il –  c’est un grand cinéaste qui fut sous-estimé par la Nouvelle Vague, Godard, Truffaut et consort, critiques de cinéma devenus réalisateurs dans le milieu des années 50 qui le remisaient, comme Tavernier ou Boisset et les plus anciens grands réalisateurs de l’ancienne génération comme des réalisateurs du « cinéma de papa » alors que chacun, (comme René Clément qui a fait « Plein soleil » avec Delon et Ronet) a fait des chefs d’œuvres mais alors, en 1954, il fallait tuer le père. Alors pourquoi les disqualifier alors qu’ils ont fait de très grands films ?
Claude Sautet a eu le malheur de tourner « Classe tous risques » en 1960, la même année où Godard sortait « A bout de souffle » et il fut aussitôt classé comme réalisateur de polars.
Pourtant Sautet est d’un grand modernisme car il a apporté des idées originales comme, par exemple, les hommes qui portent l’impuissance des choix de leur vie. Sautet ne fait partie d’aucune école et il est le seul à savoir filmer l’impalpable des sentiments. C’est pour cela que « César et Rosalie » fait partie aux USA des films français marquants. « Si la vie passe dans un film, c’est que le film est bon » aimait-il à dire.
Il a su également imposer le film choral, des portraits de groupes où l’amitié, la famille, l’amour, la vie, la mort se mélangent autour de nombreux comédiens comme dans « Vincent, François, Paul et les autres ». Il a su également filmer la femme des années 70, une femme forte, libre, qui s’assume, qui avorte parce qu’elle n’aime plus l’homme avec qui elle est, qui mène deux amours en même temps, ce qui était alors très nouveau. Et à ses côtés, l’homme qui n’est plus le héros, qui a des difficultés à être l’homme, qui a des failles ».

On écouterait des heures parler Kamel de cette passion qu’il a du cinéma, qu’il connaît sur le bout des doigts, véritable encyclopédie de tous les cinémas et il nous fait partager cette passion.
Ce soir-là, Sautet a été rendu à sa lumière et à travers des écrits, des séquences de deux films « Les choses de la vie » et « Un cœur en hiver », il nous révèle un réalisateur imaginatif, sensible.
Cet accident des « Choses de la vie » est quelque chose d’unique, qui démarre dès le début du film, pour y revenir tout au long, avec les derniers souvenirs d’un homme qui ne sait pas alors qu’il va mourir mais qui se remémore sa vie. La scène de l’accident est unique, superbement filmée et rythme le film avec cette musique de Philippe Sarde mêlée à celle de Vivaldi et avec cette sublime chanson que Romy Schneider et Michel Piccoli interprètent « La chanson d’Hélène ».
« La musique – dit-il – prend une grande place dans les films de Sautet, on le voit dans « La choses de la vie » qui accompagnent tout le film dont l’accident filmé au ralenti puis en accéléré qui revient au fur et à mesure.
Pour « Un cœur en hiver » La musique de Ravel est d’autant plus omniprésente qu’il s’agit d’une histoire complexe entre une violoniste (Emmanuelle Béart) et deux luthiers (André Dussolier et Daniel Auteuil) et il a choisi des musiques de Ravel, quelquefois dissonantes, mais qui épousent parfaitement les sentiments de ce trio amoureux ambigu et compliqué. Trois personnages, trois instruments : le violon, le violoncelle, le piano. Et aussi la musique de Philippe Sarde qui se mêle à la complexité des sentiments des trois comédiens. Et toujours cette façon de filmer l’ineffable ».

Que dire de cette soirée qui nous a fait retrouver et mieux comprendre l’un de nos plus grands réalisateurs français, malgré seulement 13 films à son actif, alors que Chabrol, par exemple, en a réalisé 57, souligne Kamel qui nous a redonné l’envie de redécouvrir ce magistral réalisateur.

Jacques Brachet

Six-Fours – Six N’Etoiles
Philippe PETIT sous le soleil de Marseille

Max est un rêveur et un utopiste. Il est jardinier-paysagiste, n’est bien que dans la nature mais vit dans un quartier du centre-ville de Marseille qui est laissé en désuétude sous un soleil de plomb. Entre autres, se trouve une place qu’un ami et quelques copains voudraient avec lui transformer en jardin ouvert. Il participe à un concours d’architecture mais son projet n’est pas retenu. Il se rapproche de l’instigateur du concours qui lui offre un boulot : créer les paysages tout autour d’une villa que le footballeur Djibril Cissé fait construire. En compensation l’architecte lui promet de s’intéresser au projet. Naïf et passionné, Max y croira jusqu’au jour où…
Le film, signé Philippe Petit, s’intitule « Tant que le soleil frappe » et Max est Swann Arnaud (« Petit paysan ») émouvant dans le rôle de ce garçon qui croit encore avec naïveté, à la promesse des gens.
A la manière des films de Robert Guédiguian, Philippe Petit, installe son personnage dans un milieu populaire ou tout le monde se serre les coudes, croyant à un avenir meilleur, avec des rêves, des envies plein la tête. Un milieu de camaraderie et d’amour où tout semble possible. C’est un film sincère, plein de jolis sentiments et Swann Arnaud, comme à son habitude, est bouleversant.
On est ravi de rencontrer le réalisateur, venu présenter son film au Six N’Etoiles.

« Philippe Petit, vous avez tourné à Marseille, pourtant vous n’êtes pas marseillais !
Non, je suis toulousain mais j’ai écrit cette histoire à Rome, à la Villa Médicis et je l’ai pensée pour la tourner en Italie. Mais il y a eu le covid et un des coproducteurs du film s’est retiré du projet.
Rentré à Toulouse, je ne pensais pas que la ville puisse être le décor du film. J’ai donc cherché une ville en PACA, je me suis arrêté sur Marseille et la ville a bien voulu m’aider en nous proposant ce terrain en friche qui était le décor que je cherchais. Je voulais que ça ne fasse pas cinématographique. L’atmosphère de cette grande métropole collait bien à l’histoire et était représentative de la culture méditerranéenne, sans qu’on y voit la mer où des quartiers populeux. Ce quartier est un lieu de métissage, il y a beaucoup de vie et de bruit autour.
Cette idée de projet, d’où vient-elle ?
C’est en fait le thème du film : comment monter un projet sans argent, avec seulement une passion, une envie et essayer de la faire partager. C’est en fait un peu mon histoire : comment monter un film sans argent ? Tout simplement avec une passion qu’on a en soi, en y croyant très fort… En allant frapper aux portes et trouver des gens qui veuillent tenter l’aventure  !
L’idée vient aussi du fait qu’aujourd’hui l’idée de monter des projets d’architecture entourés de végétaux dans un paysage urbain est dans l’air du temps.

Ces personnages, qui sont-ils ?
C’est un mélange de marseillais et de parisiens de comédiens et de non comédiens.
Et le comédien, où en est-il ?
J’ai tourné un court métrage avec la réalisatrice Alice Drovart. Un long métrage qui va sortir : « Le gang des bois du temple » de Rabah Ameur Zaïmèche , que nous présenterons en mai à Berlin. Et puis, en tant que réalisateur, je termine un film sur ma mère dont j’ai recueilli les derniers instants, mon dernier rendez-vous avec elle puisqu’elle est aujourd’hui disparue. J’ai aussi un court métrage à tourner à Toulouse mais c’est un peu tôt pour en parler ».

Propos recueillis par Jacques Brachet

Toulon – Espace Comédia
André Neyton revient sur Barras

Nous sommes en 1793 alors que Toulon se livre à la flotte anglaise, prenant ainsi le nom infamant de Port la Montagne.
Les villes du Midi s’insurgent contre le pouvoir de Robespierre. Toulon en fait partie.
Paul Barras, alors député de la Convention, fait arrêter tous ceux qui sont hostiles à la République.
Parmi les suspects, il va rencontrer un notaire provençal  avec qui il va dialoguer avant que celui-ci, s’il est coupable, ne soit envoyé à Paris afin d’être jugé, condamné et guillotiné.
C’est la nouvelle pièce d’André Neyton, comédien, metteur en scène, écrivain, directeur de l’Espace Comédia de Toulon, que l’on découvrira à partir du 28 février en son théâtre*.
Cette pièce s’intitule « Les trompe-la-mort de l’an II » qu’il a écrite et mise en scène avec deux de ses comédiens complices : Jacques Maury (le notaire) et Xavier-Andrien Laurent (Barras). A noter, dans la famille Neyton, Michel, le fils, à la création lumière et images, Isabelle Denis qui signe les costumes.
Nous voilà à l’Espace Comédia pour les dernières répétitions en costumes.

« André, voici vingt ans tu t’étais intéressé à Barras (Barras, le vicomte à l’ail). Qu’st-ce qui te fait y revenir ?
C’est le livre de François Trucy (qui fut maire de Toulon et écrivain ndlr) « Pièges » qui raconte une histoire de famille, de  Victor Trucy un de ses ancêtres, notaire à cette période de la Révolution.
Si j’ai repris l’histoire, j’ai inventé les dialogues entre Barras et ce notaire à qui je n’ai pas donné de nom, qui s’est fait arrêter et, s’il est coupable, sera jugé à Paris. Il faut savoir qu’à cette époque, le voyage en charrette durait 39 jours pour, en finale, être guillotiné.
Qu’est-ce qui t’a intéressé dans ce dialogue que tu as inventé ?
C’est un dialogue entre deux provençaux, qui plus est deux varois, Barras étant de Fox-Amphoux, le notaire de Barjols. Le suspect est un notaire girondin alors que Barras est un jacobin rigoureux.
– Ce sont – ajoute XaL – deux concepts de la République, deux visions de la société de l‘époque qui s’affrontent même si le notaire ne se gêne pas pour dire ses vérités à Barras
– Barras, qui, lui, est d’un cynisme assumé. Ce n’est pas pour rien qu’il est appelé « le pourri » !
– C’est un débat de passion – précise Jacques Maury – et un débat que l’on peut encore trouver de nos jours, resté très actuel même si les noms de girondin et de jacobin ne sont plus utilisés.
– Aujourd’hui – reprend André – les mots sont plus subtils mais c’est toujours du copié-collé et les idées sont très actuelles. De plus, c’est un dialogue entre deux provençaux, qui parlent un français mâtiné de leur langue maternelle. Même si, à l’époque, les notaires écrivaient leurs actes en français, qu’il fallait souvent traduire en provençal.

André, n’as-tu pas eu envie de prendre le rôle de Barras ?
(Il rit). Non et pour plusieurs raisons : d’abord je n’ai plus la quarantaine, comme l’avait alors Barras et puis, après « L’affaire Dominici », j’ai décidé d’arrêter de jouer. Je n’arrête ni l’écriture, ni la mise en scène mais pour moi, fini la comédie ! »

Nous ne reverrons donc plus André Neyton sur scène, sauf pour mettre en scène… et pour faire quelques photos souvenirs, en attendant de retrouver sa dernière création.
A noter que la musique est signée d’un autre complice de « la bande à Neyton » : Miqueu Montanaro.
Jacques Brachet
* « Le trompe-la-mort de l’an II », mardi 28 février, jeudi 2 mars, vendredi 3 mars 20h45,
dimanche 5 mars à 16h (04 94 36 19 16)




Six-Fours – Lumières du Sud
Les premiers pas de conférencier de Nicolas DESOLE

Nicolas Desole est un grand gaillard de 22 ans au regard à la fois timide et pétillant lorsqu’il parle cinéma.
Mais ne vous y fiez pas car s’il est un cinéphile averti, ses goûts peuvent être surprenants, vu son âge : il a une vénération pour Pasolini, admire le Marquis de Sade, adore les films de série B, les films d’horreur, les films de genre et il est une véritable encyclopédie sur ces sujets.
Ce six-fournais a été et est encore le plus jeune adhérent de l’association « Lumières du Sud », créée par notre ami Hanri Lajous qui vient de nous quitter. Il y est entré il y a 7 ans !
Sa présidente Pascale Parodi, a donc invité Nicolas qui, entre autres activités, en a démarré une autre : celle de conférencier. C’était sa troisième conférence lundi au théâtre Daudet e il m’avouait juste avant, être à la fois excité mais aussi très stressé, d’autant que famille et amis étaient dans la salle.
C’est ainsi qu’il nous a présenté son idole, Pasolini, nous parlant de son œuvre cinématographique, aussi bien de ses films de fiction comme « Théorème », « Salo », « Œdipe roi », « Mama Rome », « Médée »… Mais aussi de documentaires car le cinéaste en a tourné beaucoup et Nicola nous a montré un reportage tourné en Inde, peu ou pas connu, nous proposant « L’importance du corps dans son cinéma » et « Un voyage initiatique au cœur de l’acteur »
Une conférence dont on voyait qu’il connaissait le sujet par cœur, même si par moments, le trac le faisait perdre un peu le fil de sa conférence.
Mais c’était à la fois fort intéressant, malgré le stress, et touchant de voir un si jeune garçon tellement passionné.
Le rencontrant, je m’étonne de ses goûts cinématographiques, entre autre d’être aussi féru d’un réalisateur d’une autre époque que la sienne, aussi sulfureux, scandaleux, subversif et controversé.

« Ce qui m’a accroché chez lui, c’est d’abord qu’il est italien, comme mon grand-père qui a fui son pays parce qu’il était anti fasciste, comme Pasolini. C’est d’abord cette histoire qui m’a relié à lui et puis j’ai été attiré par l’anthropologue et l’ethnologue qu’il était. Je l’ai découvert au lycée et j’ai été attiré par la puissance de son cinéma ainsi que dans son découpage. De plus, en dehors de ses films de fiction, il a beaucoup voyagé pour tourner des documentaires en noir est blanc, qui font partie intégrante de son œuvre. Des documents également très forts, qu’on connait peu ou pas et que j’aimerais pouvoir faire découvrir aux gens.
Le cinéma a toujours été ta passion ?
Oui et j’ai surtout été intéressé par les courts métrages, les formats courts. Je suis entré à l’école de cinéma de Montpellier. Mais je me suis surtout intéressé à la distribution. J’ai travaillé bénévolement sur plusieurs festivals où je m’occupais de la sélection des films. J’ai travaillé un an avec Christian Philibert sur son film « Germain Nouveau, le poète illuminé ». Je me suis occupé de la distribution du film car la distribution est le secteur qui m’intéresse. Je travaille ainsi avec tous les ciné-clubs et sur certains festivals. Je fais de la programmation depuis cinq ans. Surtout de courts métrages.
Aujourd’hui tu deviens aussi conférencier alors que tu es assez timide !
Oui et ce soir j’ai le stress mais aussi l’envie de partager mes passions avec le public, leur faire découvrir des choses comme ce film de Pasolini tourné en Inde. Je manque encore un peu d’assurance mais je suis très heureux de pouvoir parler de ce que j’aime. Je vais présenter cette conférence à Clermont-Ferrand, à Marseille, Toulouse, Lyon…
Toujours sur Pasolini ?
Oui, je n’ai fait qu’une conférence sur le Marquis de Sade et j’y reviendrai. Pour le moment c’est Pasolini sur lequel je suis d’ailleurs en train d’écrire un livre. Je cherche un éditeur ou un financement. J’ai d’ailleurs lancé une cagnotte participative, pas seulement pour éditer mon livre mais surtout faire connaître mon projet* ».

Nicolas est désarmant de gentillesse mais surtout de passion, cette passion qu’il a toujours eue en lui de cinéma et d’aller vers les autres pour la faire partager.

Jacques Brachet
nicolas0707200@gmail.com
Photos : Avec Pascale Parodi et André Grochowski

Pathé la Valette : Alexis MICHALIK
« Au théâtre on dit, au cinéma on montre »

Katia (Juliette Delacroix) est homosexuelle. Justine (Marica Soyer) se dit hétérosexuelle.
Mais elles tombent amoureuses. A tel point qu’elles décident d’avoir un enfant. Qui le portera ? L’une ou l’autre selon les hasards de s’insémination. C’est Juliette qui tombe enceinte… Et Justine qui va soudainement la quitter.
On retrouve Katia douze ans après avec sa magnifique fille (Marion Maindivide). Mais elle apprend qu’elle a un cancer en phase terminale. Elle décide de confier sa fille à William, son frère, célèbre romancier en perte d’inspiration, devenu alcoolique et désabusé.
Comme toujours, Alexis Michalik signe là une histoire forte et bouleversante tirée de sa propre pièce de théâtre.
Alexis Michalik est auteur, acteur, metteur en scène, scénariste, réalisateur, écrivain… Et il réussit tout ! En plus de son immense talent, l’homme aux 5 Molière pour « « Edmond », il est beau et d’une rare simplicité… Trop pour un seul homme !!!
C’est donc avec plaisir qu’on le retrouve au Pathé de la Valette, accompagné de Juliette Delacroix, heureux et quelque peu stressé car c’est la première avant-première de ce film.
Nous sommes ses premiers journalistes !

« Comment vous est venue cette histoire, Alexis ?
J’avais une chanson dans la tête et l’idée m’est venue peu à peu en me disant que j’écrirais un jour une pièce. Et puis, comme chacun de nous, j’ai eu une rupture, un décès  et j’ai commencé à écrire le texte que j’ai fait lire à Juliette… Et en le lisant, on pleurait ! On a pu jouer la pièce en 2020, interrompue par le covid mais qui a bien marché et là encore, je me suis dit que, lorsque j’aurais le temps, j’en ferais un film. Ce que j’ai fait.
Le choix des trois comédiennes, comment s’est-il fait ?
Je tenais absolument à ce que les mêmes artistes jouent dans le film car notre vie et notre histoire sont très liées, nous avions vécu une belle aventure et il fallait qu’elle continue.
Juliette, avez-vous hésité ?
Il était très compliqué de refuser une telle continuité. Mais comme Alexis est un filou, et comme nous savions qu’au cinéma les producteurs veulent des têtes d’affiche, il nous a fait croire jusqu’au dernier moment qu’il avait choisi d’autres comédiennes. Ce que nous avons trouvé normal, C’est lors d’un goûter de Noël qu’il nous a dit que ce serait nous !
Alexis : J’attendais d’être sûr d’avoir France 2 en production pour pouvoir le leur dire. Je le leur ai d’ailleurs dit le lendemain de la signature. J’étais comblé. La boucle était bouclée.
Je voulais que le public ressente l’émotion que nous avions eue au théâtre et vu ce que nous y avions vécu, il fallait qu’on retrouve cet état de grâce. Je savais qu’avec elles on retrouverait ça.
Juliette : C’est vrai qu’au théâtre nous avons beaucoup pleuré car Alexis sait trouver ce qui peut toucher le public mais aussi les comédiens car ce qu’il raconte, même si ça ne nous est pas arrivé, c’est arrivé à des proches. Il y a toujours une part d’intime dans ces situations.
Alexis : Je cherche toujours la connexion avec les comédiens. Je voulais retrouver cette connexion  que nous avions eue ensemble mais aussi avec le public. On a tellement joué de fois ensemble qu’on est totalement dans le vrai.
La pièce a été créée en Espagne et j’ai recherché des comédiens qui pouvaient avoir cette même connexion.
Alexis entre la pièce et le film, il y a toujours des différences. Quelles sont-elles ?
D’abord je ne voulais pas que ce soit du théâtre filmé mais une vraie adaptation cinématographique. Il y a 136 décors par rapport à la pièce qui n’en a qu’un. Et puis, comme 15 ans sont passés entre le début et la fin, il fallait qu’on le ressente. Il fallait aussi plus d’action et donc, moins de textes. Au théâtre on dit, au cinéma, on montre. Il y a aussi la possibilité d’aller chercher plus loin l’intimité, avec des gros plans par exemple ou des têtes à têtes.

Et vous Juliette, les scènes d’amour y sont ajoutées. Difficile à tourner ?
(Elle rit) Ça n’était pas simple car je suis hétérosexuelle et je ne savais pas comment me comporter dans un lit avec une femme. J’ai une amie qui l’est et qui m’a donné des leçons et finalement, ça n’est pas si différent qu’avec un homme… sauf qu’il y a quelque chose en moins !!!
Alexis, il y aussi la scène de ce faux mariage avec tous les copains, ce qu’il n’y a pas dans la pièce !
C’est vrai car nous ne sommes que cinq en scène, mais en fond de scène, il y avait un film où l’on voyait du monde.
La scène du film, nous l’avons tournée en Corse en une journée et nous l’avons tournée dans l’ordre : le discours de William, la fête, le buffet, l’orchestre où tout le monde danse et chacun est dans son coin. Nous l’avons tourné comme un vrai mariage avec des moments volés où les gens dansaient, buvaient, parlaient entre eux. Nous étions vraiment en famille. Nous avons eu la chance d’avoir un temps superbe et de pouvoir tourner du matin à la nuit.
Sans compter que tout le monde a été efficace, tout s’est tourné sans problème, sans perdre de temps.
Vous avez intitulé le film « Une histoire d’amour ». En fait il y en a plusieurs !
C’est vrai, il y a les deux filles, puis la mère et la fille, puis  le frère et la sœur, puis l’oncle et la nièce… Tout ça s’entremêle, on apprend à connaître chaque personnage tout au long du film.
Etre détenteur de cinq Molière, est-ce que ça vous a stressé pour la suite ?
Vous savez, recevoir un Molière c’est agréable, ça montre l’intérêt de la profession mais, paradoxalement, vite remis, vite oublié. On ne fait pas ce métier pour ça. C’est une confirmation que l’on ne s’est pas trompé de voie dans notre choix.
Après, on part sur un autre projet en essayant de le faire aussi bien.

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Monique Scaletta

Six-Fours – Six N’Etoiles
Les petites victoires de Mélanie AUFFRET

A la mort de son père, Alice (Julia Piaton) a pris sa suite en tant que maire de Kerguen, un petit village breton qui se meurt lentement. Elle y est également institutrice.
Elle se démène tant qu’elle peut pour sauver son village lorsque survient Émile (Michel Blanc) homme acariâtre et illettré qui squatte sa classe en vue d’apprendre à lire, son frère, qui s’occupait de lui, étant décédé et lui illettré, devant se débrouiller seul.
Le départ est difficile entre elle, lui, son école, sans compter tous les problèmes qui lui tombent sur la tête, dont la fermeture probable de cette école, faute d’élèves.
La réalisatrice Mélanie Auffret traite d’un sujet brûlant, la désertification des villages mais elle le traite avec tendresse, avec humour et fait d’Alice une héroïne qui va se battre pour que la vie reste dans le village.
Julia Piaton est solaire et émouvante, Michel Blanc est superbe dans de rôle de mec irascible au grand cœur et ils sont entourés par des personnages drôles, savoureux comme Lionel Abelanski, Marie Bunel, Marie-Pierre Casey (la dame qui glisse sur la table dans une pub célèbre) Grégory Bonnet (Scènes de ménages).
C’est presque un film choral qui fait la vie de ce petit village perdu où tous les personnages sont attachants, entourant Alice et Émile. Particulièrement les enfants qui sont superbes.
Une jolie comédie qui se termine par « La tendresse » chantée par Bourvil, chanson bien choisie pour un film qui sort des sentiers battus et des sempiternels polars et films mortifères que l’on voit en ce moment.

Mélanie Auffret et Lionel Abelanski étaient les invités du Six N’Etoiles. Julia Piaton qui devait être de la fête, a dû annuler sa venue pour cause de grossesse.
« Mélanie, dans « Roxane », il était question de sauver une ferme. Là il s’agit d’une école et d’un village…
Je m’intéresse avant tout à l’humain et à la communauté de tous ces villages qui ont des difficultés partout en France malgré tout ce que les maires peuvent faire pour les tenir ou les ramener à la vie.
Avant le tournage, je suis allé à la rencontre d’une vingtaine de maires de ces petites communes et je me suis rendu compte de la tâche ingrate qu’ils ont car leurs administrés viennent frapper à sa porte à n’importe quel moment et pour n’importe quoi : une fuite d’eau, un trou dans la chaussée, un mal de ventre. Et ce que je raconte dans le film est bien en-dessous de ce qu’ils doivent gérer. Entre autre un maire qui, pour garder son école de cinq élèves, y a ajouté… cinq moutons ! C’est véridique.
Il y a aussi une belle histoire qui se noue entre Emile et Alice..
Tous deux ont un point commun : ils ont perdu un être cher et vivent avec leurs fantômes. Pour Alice c’est son père qui fut maire avant elle et qui voudrait être à sa hauteur. Pour Emile c’est la dépendance à son frère qui s’occupait de tout, entre autres du courrier, des factures, ce qu’il ne peut faire étant illettré. Cela les rapproche. Ils sont tous les deux abandonnés et ça va créer des liens sociaux. Ce qui m’a toujours intéressé c’est ce lien entre les êtres qui les rapproche, surtout dans des lieux où tout le monde se connaît.
Lionel, vous voici encore dans le second film de Mélanie…
Et je suis très heureux qu’elle ait encore fait appel à moi. Si elle m’appelle pour le troisième j’accours ! J’aime ce qu’elle raconte, la vraie vie de ces gens, sans caricature, sans pathos. Elle est très proche de la réalité et elle la raconte avec simplicité, avec beaucoup d’empathie et de tendresse.
De plus, elle a tourné dans sa région où tout le monde la connaît et l’apprécie. L’ambiance était très familiale et amicale. Chacun était prêt à l’aider. Et elle parle vraiment de ce qu’elle connaît.

Mélanie, avez-vous pris des gens de votre village ?
Oui, il y en a plein que j’ai « embauchés » !
Il y a entre autre Odette, qui est une comédienne bretonne de 95 ans, qui joue encore et qui était ravie d’être de l’aventure !
Et les enfants ?
Nous avons fait un casting sauvage de 600 enfants mais je n’en ai rencontré que 200, ce qui n’est déjà pas si mal, pour n’en retenir qu’une vingtaine. Mais avant le tournage, j’ai travaillé en amont avec eux, on a créé une sorte de colonie de vacances. C’étaient d’ailleurs des vacances pour eux ! Ils ont tous joué le jeu sans problème. Par contre je n’ai jamais voulu que les parents assistent à ces rencontres et n’ai voulu aucun d’eux sur le tournage. Ils étaient par contre super-encadrés et le tournage a été très joyeux.
Vous avez une belle brochette de seconds rôles.
Oui, et ils ont tous été heureux de ce tournage
Lionel : J’ai eu la joie de retrouver Grégoire Bonnet car nous nous sommes connus jeunes à l’école de commerce. Moi je jouais dans une troupe amateur et lui n’avait qu’une envie, c’était de devenir comédien.
Et vous aussi ?
Moi, c’était le théâtre qui m’attirait. J’ai d’ailleurs fait le cours Florent. Nous  avions monté un spectacle avec quelques élèves et Coline Serreau m’a remarqué et m’a engagé pour son film « Romuald et Juliette ». Et c’est parti comme ça.
Et passer à la réalisation ?
Ça ne m’emballe pas plus que ça. Peut-être un jour, pour essayer. Par contre, être metteur en scène serait plus dans mes cordes.

Mélanie, vous êtes partie sur une tournée énorme !
Oui, nous en sommes à 80 projections et j’ai mis un point d’honneur à aller dans de petites communes qui n’ont jamais vu venir des artistes dans leurs cinémas. Je pense que c’est en adéquation avec je sujet du film. Il ne faut pas abandonner ces gens dans ces petits villages où pas grand-chose ne se passe. Nous avons sillonné la France.
Maintenant, nous commençons à faire de plus grandes villes. 
Lionel, vous êtes ici un peu chez vous…
Oui, depuis quelques temps. Il y a 35 ans j’avais accompagné une amie à la Verne. De ce jour, j’ai toujours gardé un souvenir magnifique de la région et depuis quelques années nous avons acquis une maison à Fabrégas où nous venons souvent avec ma femme. Et je connais le Six N’Etoiles ! Propos recueillis par Jacques Brachet
Sortie sur les écrans le 1er mars

Toulon – Pathé la Valette
Catherine FROT devient un homme heureux !

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Il y en a qui disent, qu’Edith serait un homme… on dit ça !
Et elle-même le dit qui, au bout de 40 ans, un mari, trois enfants, Edith (Catherine Frot) décide de devenir… Eddy !
Au grand dam de Jean (Fabrice Luchini), son mari et maire de sa commune qui voit sa vie d’homme totalement chamboulée et sa vie d’édile menacée. D’autant qu’il n’a rien vu venir, qu’il ne s’est rendu compte de rien lorsqu’elle lui avoue qu’elle a toujours pensé être un homme dans sa tête et dans son corps.
A partir de là, le réalisateur Tristan Séguéla nous offre un film déjanté « Un homme heureux », film à la fois drôle et bouleversant sur un sujet délicat et d’actualité : le transgenre.
Toujours sur le fil entre rire, émotion, tendresse, notre couple est irrésistible, Catherine Frot royale dans sa force tranquille (n’est-ce pas Monsieur Séguéla fils ?) mais aussi combative et résolue, et Fabrice Luchini sur qui le monde tombe sur la tête et qui, pour une fois, n’en fait pas des tonnes pour être à la fois énervant en maire quelque peu réac et attendrissant homme ayant peur de tout perdre.
A leur côté, irrésistibles, Artus et Philippe Katerine, la garde rapprochée du maire.

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Catherine Frot et Tristan Séguéla étaient les invités du Pathé la Valette.
Tristan Séguéla, d’où est venue cette idée ?
Ce n’est pas moi qui l’ai eue, ce sont Isabelle Lazard et Guy Laurent qui ont écrit le scénario et me l’ont proposé. Je l’ai brillant, original mais pas que… car j’ai aussi pensé que ce pouvait être un sujet casse-gueule. J’ai eu un grand plaisir à le lire et j’ai pensé que si le public pouvait éprouver ce plaisir, ça pourrait marcher. J’ai donc eu très envie de le réaliser en voyant tout de suite le couple que pouvaient former Catherine Frot et Fabrice Luchini, sans penser que, grâce à moi, j’allais les réunir à l’écran pour la première fois ! D’autant qu’ils ont tout de suite plongé !
Catherine Frot, on doit vous dire monsieur ou madame ???
(Elle rit de ce rire cristallin qu’on lui connaît et qu’on aime) C’est au choix du client !
C’est vrai que c’est la première fois qu’on me propose un rôle aussi original. Cela m’a plu d’autant plus que je viens du théâtre et que j’ai toujours aimé me transformer en personnage loin de moi. Au théâtre, Shakespeare et Marivaux ont souvent joué sur cette ambigüité homme-femme. Et j’avoue que cette proposition m’a émoustillée ! D’autant que ça a souven été l’homme qui se transformait en femme, au théâtre comme au cinéma.
Ça a été difficile de devenir un homme ?
Non, j’ai trouvé ça très amusant d’autant qu’avec mon visage rond, il fallait malgré tout que je sois crédible, dans la voix, dans la démarche, les poses, dans la façon d’être habillée. On a trouvé cette coiffure qui, je trouve, me va bien et… j’ai laissé pousser la barbe !!!
Je voulais que ce soit le plus vrai possible et surtout ne pas tomber dans la caricature. J’aime jouer ces rôles extrêmes, loin de moi car c’est à chaque fois une aventure.

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Avez-vous rencontré des transgenres ?
J’en ai connu dans ma vie et je sais que c’est pour eux une rupture énorme qui vient du plus profond de soi. C’est un combat difficile. Mais une fois la transformation faite, il y a un homme ou une femme. Point barre. Je voulais qu’on y croit et j’ai pris conscience de plein de choses. Et surtout je ne juge pas. Je trouve que le film est à la fois drôle et bouleversant
Tristan, lorsque vous avez accepté le scénario, qui vous a fait penser à ces deux acteurs ?
Je ne sais pas, une intuition. Leurs deux noms me sont tout de suite venus à l’esprit sans savoir alors que j’allais exaucer leurs désirs, depuis longtemps, de jouer ensemble, ce qu’ils n’avaient jamais fait.
– C’est vrai – reprend Catherine Frot – qu’on se connaît depuis longtemps, qu’on s’est souvent dit que ce serait bien de jouer ensemble, au théâtre ou au cinéma. Mais l’occasion ne s’était pas présentée et Tristan a réalisé cette envie.
C’est aussi un film sur la tolérance…
Tristan : Bien sûr et c’est surtout un sujet qui est resté longtemps tabou. Il y a encore du travail mais aujourd’hui on peut l’aborder, non pas en se moquant mais en faisant passer des choses par la comédie.
Catherine : C’est surtout la jeune génération qui s’ouvre à ce genre de sujets, qui les aborde, qui peuvent le comprendre. C’est vrai que notre génération était plutôt fermée à ces problèmes qui étaient considérés comme honteux, comme une maladie.
Tristan la fin du film est symbolique puisqu’elle se passe durant le carnaval de Dunkerque…
Oui car c’est un festival où les hommes se déguisent en femmes et vice-versa. J’ai beaucoup hésité sur la fin du film, tout au long du tournage car il y avait plusieurs fins possibles. Et sans divulguer comment ça se termine, j’ai choisi cette fin pleine de rires, de couleurs, de musique, de mélange des genres.

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Catherine, à l’âge qu’a Edith, n’est-ce pas un peu tard pour opérer cette transformation ?
Je ne crois pas qu’il y ait un âge pour ça. Dans sa tête, Edith a toujours été un homme mais les conventions d’alors ont fait qu’elle assumé d’être une femme, une épouse, une mère. Et elle ne le regrette pas car ses sentiments pour ses enfants et son mari restent inchangés. Les enfants ont grandi, ont fait leur vie et les deux garçons sont des adultes qui comprennent, même si la fille est un peu réticente. Son mari, elle l’aime toujours et elle a l’intention de continuer à former un couple avec lui, même une fois devenue homme. C’est surtout difficile pour lui et c’est compréhensible pour diverses raisons.
Mais elle est décidée et rien ne la fera dévier de sa décision.
Je vais vous faire un aveu : personnellement, je me préfère en homme !!!

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Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Monique Scaletta
Sortie dur le écrans le 16 février

Sylvie GAUTIER : « Je viens de nulle part ! »

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Karine (Céline Salette) est femme de ménage le soir tard dans des bureaux. Elle vit seule avec son fils Ziggy (Thomas Gioria) et a formé un quatuor amical et indissociable avec Adèle (Camille Lellouche), Maryse (Souad Amidou) et Djamila (Eye Haidara). Complices, elles s’épaulent  car elles ont toutes des vies compliquées et cabossées.
Lorsque l’entreprise dans laquelle elles travaillent, est reprise, les filles s’insurgent contre le nouveau patron qui veut les obliger à en faire plus, loin de chez elles et pas mieux payées. Elles nomment Karine pour les défendre mais elles ne savent pas qu’elle est illettrée et qu’elle a toujours été aidée par son fils.
C’est pour elle un cataclysme car elle a trop honte de dire qu’elle ne sait pas lire mais elle veut aider ses collègues en allant affronter le patron.
« Brillantes » est le premier film de fiction et le premier long métrage de Sylvie Gauthier, plus habituée à écrire des documentaires. Et c’est une réussite, car il est bouleversant et le choix des comédiennes est épatant. A ajouter au quatuor, Julie Ferrier en cheffe qui est prise entre le patron et les employées, à Bruno Salomone, pêcheur, qui tombe amoureux d’une Karine qui n’ose pas avouer son illettrisme et à Thomas Gioria, très protecteur, plein d’amour et d’affection pour sa mère

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Tous dans leurs rôles, sont magnifiques, émouvants. Le film est tout en tendresse et en même temps, montre la difficulté de certaines femmes, dépendantes d’un patron, à s’en sortir, la pression et le chantage étant les armes de ce dernier.
On sort vraiment bouleversé de ce film et l’on retrouve cette jeune réalisatrice toute en pudeur, un peu effrayée devant affronter pour la première fois le public… et la presse, ce dont elle n’est pas habituée, cachée derrière ses documentaires !

« Ce n’est pas un film sur l’illettrisme, même si c’est un des sujets du film car j’ai été moi-même surprise de me rendre compte du nombre de personnes illettrées, encore aujourd’hui, malgré la scolarité obligatoire. Surtout dans ce genre de métier que l’on ne fait pas par envie ou passion mais par obligation car on ne peut pas faire autre chose.
Comme ce film me sort des documentaires je voulais faire un film positif, montrer que la solidarité des femmes n’est pas un vain mot. Et poser des questions universelles sur ces femmes comme : comment s’en sortir, lutter, se révolter contre la vie et ses inégalités ?
Ce n’est ni un film caricatural, ni misérable, ni désespéré, au contraire mais un film qui montre des clefs pour s’ouvrir aux autres, avoir le courage de résister grâce à l’entraide.

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Le personnage de Karine, malgré ses problèmes, est solaire…
Lorsque je l’ai rencontrée, c’est son regard qui m’a aussitôt attirée, un regard à la fois lumineux et grave. Je ne la connaissais pas mais je me suis très vite rendu compte de ses possibilités car elle n’est jamais tiède, elle m’a beaucoup étonnée par, à la fois sa force et sa fragilité. Elle a de plus un amour fusionnel avec son fils dont le rapport est plus père-fille que mère-fils. Un fils qui est prêt à tout lâcher pour aider sa mère.
Vous avez aussi utilisé Julie Ferrier à contre-emploi !
Et elle a aimé car on la connaît surtout dans des comédies légères et là, elle a un rôle ambivalent car elle est coincée entre ces femmes dont elle voit les problèmes et le courage et le patron à qui elle doit obéir au risque de perdre sa place elle aussi. Et pour sauver sa place elle profite des failles de ces femmes : obéir, accepter ou être virées.

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Vous connaissiez ce milieu ou l’aviez vécu ?
Non, moi je viens de nulle part ! J’ai passé mon bac, puis à 30 ans j’ai choisi de travailler dans l’audio-visuel et faire des documentaires aussi bien culturels que sociétaux. Je me suis intéressée aux femmes et à leur travail car je crois au travail des femmes, quel qu’il soit, qui leur permet d’avoir leur indépendance, même si c’est quelquefois compliqué. Je travaille beaucoup avec les femmes.
Mais j’ai également fait des documentaires culturels, par exemple sur Jules Verne, Victor Hugo, qui sont des personnages importants et populaires dont on ne connaît pas toujours leur vie d’hommes. Je viens de terminer un film un peu particulier, une sorte de comédie musicale autour des migrants qui se révèlent par la musique…
C’est donc votre premier long métrage… Comment l’appréhendez-vous ?
Avec pas mal de stress car c’est la première fois que je vais être confrontée au public. C’est aussi la première fois que je rencontre des journalistes… Tout est nouveau pour moi. Mais déjà je suis très surprise et heureuse du public que je rencontre à ces avant-premières. Un public très fin dans la compréhension des choses.
Je doute beaucoup, tout le temps de tout ce que je fais car je mets toujours beaucoup de moi et là je m’expose, et je sais que ce peut être violent.
Comment choisissez-vous vos sujets ?
J’écris au fil de mes rencontres. Je ne suis jamais sur une enquête, sur un sujet. Le sujet vient du fait que j’aime parler avec les gens et de là, me viennent des idées à creuser

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Ce film vous a-t-il donné envie de continuer dans cette voie ?
Pourquoi pas, si ce film marche assez pour récidiver !
Mais monter un film est très difficile car il faut trouver un sujet assez porteur pour en faire un film de fiction. Puis il faut trouver de l’argent et aussi des comédiens. C’est plus compliqué mais je suis ouverte à toute éventualité. J’ai déjà quelques idées !

Propos recueillis par Jacques Brachet
Sortie du film le 18 janvier