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Six-Fours – Six N’Etoiles
Laure PRADAL, réalisatrice de l’Humain

C’est un plaisir que de retrouver la réalisatrice Laure Pradal, qui vient régulièrement au Six N’Etoiles, invitée par Pascale Parodi, présidente de l’association « Lumières du Sud ».
En plus du fait que nous sommes compatriotes « Ardéchois cœur fidèle », à chaque fois elle nous présente un documentaire plein de vie et d’humanité, d’émotions ou de rires, sur les gens de l’ombre et des sujets de société brulants ou plus légers.
En 2009, elle nous proposait « Village vertical », l’histoire de la Tour d’Assas de Montpellier, la plus haute tour de la région où s’entassaient  nombre d’émigrés, de sans-papiers souvent,  de déracinés qui vivaient en autarcie comme ils pouvaient, s’entraidant, entendant souvent cette phrase qui fait froid dans le dos : « Les Arabes entre eux ».
Cette année, elle revient sur la tour,  quinze ans après donc, avec « La tour fantôme ».
C’est la suite du premier documentaire dont elle en a fait qu’un, sous le titre à nouveau du « Village vertical ».
C’est vrai qu’on s’y perdait un peu et sa venue au Six N’Etoile était le prétexte de faire le point avec elle :

« Laure, au départ, je n’avais pas compris pourquoi vous reveniez sur ce documentaire qui date de 15 ans avec un nouveau titre puis la reprise du premier titre…
Pour le second, je l’avais appelé « La tour fantôme » puis en fait c’était plus parlant de revenir au premier titre qui me paraissait plus simple et plus parlant. Le public de Montpellier avait suivi le premier documentaire et donc avaient suivi « La tour fantôme ». Mais je me suis dit que pour les festivals ou les lieux dans lesquels j’allais les présenter, ce serait plus simple de n’en présenter qu’un, afin que les spectateurs voient l’ensemble des deux. Le second a existé parce que le premier existait et j’ai trouvé plus judicieux d’en faire un seul film, dans la mesure où le public n’avait pas vu le premier.
Ainsi on peut voir dans la continuité ce qui s’est passé en quinze ans…
Oui, ça a quelquefois été difficile de retrouver tous les protagonistes. Par exemple, je n’ai retrouvé que deux des enfants. Certains personnages ont disparu, d’autres ne sont pas venus au rendez-vous, certains sont en prison, d’autres encore sont décédés, sans compter qu’il y a eu le Covid..
Ça a été le parcours du combattant !
(Elle rit) Oui, ça n’a pas toujours été facile.
Dans le premier doc les enfants justement disaient : «  C’est pas une cité, c’est un quartier » mais ça reste une cité quand même ?
Oui, c’est la plus grosse tour de Montpellier et de sa région. Déjà, il y a vingt ans, il était question de la détruire, dès sa construction car il avait été constaté que la fondation n’était pas terrible. Du coup sont aussitôt nées des légendes, des rumeurs que la tour penchait !

Laure Pradal & Pascale Parodi

Par contre, cette tour, tout en étant inhumaine, possèdaient beaucoup d’humanité…
Bien sûr, car tous se connaissaient et s’épaulaient dans cette détresse, où ils vivent à part, entre eux. D’ailleurs, certaines femmes qui sont parties vivre dans des immeubles de Montpellier pour que les enfants aillent à l’école et soient mêlés à d’autres enfants, avouent qu’elles ont perdu cette entraide, cette solidarité qu’elles vivaient dans cette tour.
Mais d’un autre côté, en restant ainsi entre eux, les choses ne peuvent pas avancer, il est difficile pour eux de s’intégrer. Mais ils venaient tous du Maroc pour la plupart, ils se connaissaient et reformaient un clan, une famille. C’est un peu comme nous, lorsque nous partons nous installer dans un autre pays. On a le réflexe de chercher des gens qui nous ressemblent, qui parlent et vivent comme nous.
Alors, cette tour aujourd’hui ?
En terminant mon tournage, j’ai filmé la tour où il n’y a plus qu’une sorte de façade assez fantomatique. D’où le titre du film. Il a été relogé quelque 800 personnes, soit dans dans des villages alentour, soit au centre de Montpellier. Mais beaucoup de personnes âgées ont voulu rester dans le quartier
Vous avez filmé beaucoup de marocains…
Oui, c’étaient 95% de marocains qui vivaient là.
Beaucoup étaient français mais ils ont ce dilemme d’être considérés comme maghrébins en France et comme français lorsqu’ils retournent au Maroc
Effectivement. C’était il y a quinze ans et ça n’a pas changé. Ils sont toujours entre deux en permanence. Pour certains, leurs grands-parents étaient en France. J’ai rencontré une femme qui habitait à Lodève, au-dessus de Montpellier, qui n’avait pas connu ce problème et a découvert cette discrimination en se mariant et en faisant connaissance avec sa belle- famille.
Est-ce qu’il y en a qui sont repartis au Maroc ?
Je pense qu’il y en a très peu car là-bas ils sont considérés comme des étrangers. Ceux qui repartent, ce sont les plus âgés qui veulent terminer leur vie dans leur pays. Mais en même temps c’est compliqué car toute leur famille est en France.
Je suis en train de tourner un film sur un psychologue à Nîmes. Il est d’origine algérienne et il reçoit des primo-arrivant marocains qui sont passés par l’Italie, l’Espagne et arrivés en France, ils le regrettent. Ils disent qu’ils n’avaient pas d’avenir au Maroc mais ils se retrouvent en France à cinq dans un minuscule appartement, nombre d’étudiants sont sans papiers. En plus, ils parlent italien et marocain. C’est compliqué pour eux. Ils pensent qu’en France c’est l’Eldorado, mais ce n’est pas le cas.

Lors de votre passage au Six N’Etoiles pour présenter « Des livres et des baguettes » vous aviez montré cette jeune franco-algérienne qui avait une voix d’or. Qu’est-elle devenue ?
Entretemps j’ai fait un film sur elle et après ça elle est partie faire carrière en Arabie Saoudite mais elle n’a pas fait le métier de chanteuse d’opéra qu’elle voulait faire. Elle est devenue coach pour des chanteurs. C’est dommage. Elle essaye toujours de percer dans l’opéra mais ça semble difficile. Déjà est compliqué pour tout le monde mais pour elle il y a quelques obstacles en plus. C’est aussi un peu la course contre la montre car elle a déjà 35 ans.
Alors, vos projets aujourd’hui ?
Comme je vous l’ai dit, je tourne ce film avec un psychologue dont le thème est : comment les problèmes sociétaux peuvent influer sur le psychique des gens. Je filme dans le cabinet du psychologue, les patients de dos ou de trois quart. Mais le film est centré sur le psychologue et j’entends quelquefois des histoires incroyables. Il lui faut dénouer des intrigues presque plus policières que psychiques.
J’ai un autre projet : filmer un archéologue qui a la cinquantaine et veut adopter un migrant albinos roux, ce qui pose d’énormes problèmes, d’autant qu’en Afrique cet enfant risque sa vie, les albinos étant sensés porter malheur… Il a eu un parcours incroyable.
Je prépare aussi un court métrage autour de Gaza avec une plasticienne qui dessine un story-board au pastel qu’on filme par en-dessus. C’est très beau ce qu’elle fait. Et moi je reprends des témoignages pris sur Internet que l’on fera lire par des acteurs et actrices palestiniens.
Et l’Ardèche dans tout ça ?
J’avais fait, il y a quelque temps, un film institutionnel sur Olivier de Serres mais je n’habite plus beaucoup en  Ardèche… Même s’il y a beaucoup de belles histoires à raconter ! Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Alain Lafon

Six-Fours – Six N’Etoiles : Ron DYENS…
Un producteur heu-reux !

Un oscar, un César… Et quelques autres trophées !

Un chat vivait tranquille dans une belle forêt lorsqu’une énorme vague l’envahit et submerge la terre. Il ne devra sa vie qu’en nageant malgré sa peur et va trouver refuge dans un bateau à la dérive, sur lequel peu à peu quelques autres animaux vont s’y réfugier.
Ils devront apprendre à se connaître, à s’apprivoiser, à vivre ensemble malgré leur différence, et à s’entraider.
Que voilà un magnifique film d’animation signé Gintz Zilbalodis, un Letton à la fois réalisateur et scénariste de films d’animation, qui a signé ce film « Flow, un chat qui n’avait plus peur de l’eau » et qui en a aussi signé la musique.
C’est un film un peu étrange, dans la mesure où les dialogues ne sont que miaulements, cris, caquètements, grognements, aboiements mais qui expriment tous les sentiments, tous les épisodes dramatiques ou drôles que vont vivre tous ces animaux, dans des décors somptueux de fin du monde.
Un film plein de sensibilité, de poésie, d’humanité, même si ce ne sont que des animaux en l’absence d’humains qui ont l’air d’avoir disparus de la terre. On suit cette épopée pleine de symboles et de vérités, même si l’on peut se poser une question : Est-ce un film pour enfants comme le sont en principe des dessins animés, où un film pour adultes qui, sous forme de conte, dit des vérités sur l’âme humaine, qui pourraient se passer au-dessus de la tête de certains enfants ?
Pour en savoir plus, nous avons rencontré Ron Dyens, le producteur du film venu le présenter au Six N’Etoiles avec sous le bras, l’oscar et le César qui a remporté le film. « Que » deux trophées parmi les 80 reçus pour le film, du prix Lumière au Golden Globe, en passant par le prix Ciné-Europe et tous ceux reçus un peu partout, du festival d’Annecy qui en a reçu 4, au festival de Montréal, au festival de Cannes et même de Guadalajaro au Mexique !
Ron est un garçon souriant au regard bleu plein de tendresse et avec le sourire de l’homme heureux quelque peu dépassé par ce qui arrive au film !

« A 24 ans – nous dit-il – Gintz a réalisé ce film tout seul, à tous les postes, ce qui est une performance incroyable… Même si c’est une chose qu’on ne devrait jamais faire ! Il a même composé la musique !
Qu’est-ce qui vous a convaincu à produire son film ?
C’est le premier film de lui que j’ai vu, « Ailleurs » qui m’a totalement hypnotisé. Je l’ai vu sur un ordinateur et lorsqu’on visionne un film sur ce support, on s’arrête souvent pour aller boire un coup, envoyer un SMS, chercher des chips…
Faire pipi !
Oui, il y a la pose pipi et là, je n’ai pas eu envie de faire pipi !
Qu’est-ce qui vous a plu dans ce film ?
Le sujet du film correspond à son désir de travailler en équipe. En fait, le sujet du film c’est la cohabitation, la collaboration, face à l’adversité, c’est un film qui parle beaucoup de ce qu’on vit aujourd’hui. Etrangement, j’ai moi-même un discours sur le risque de la fin du monde et de son acceptation et en fait, peu de personnes me contredisent. C’est je crois, aujourd’hui, ancré dans la mentalité des gens. Il y a un jour des chances que tout pète mais la beauté de ce film est de montrer, à travers les animaux, un monde sur les humains où la coopération fonctionne, l’altruisme existe, l’apprentissage par rapport à l’autre, notamment le don à l’autre. C’est un peu le désir du réalisateur d’apprendre à échanger avec les autres.
Comment pourriez-vous définir le réalisateur ?
C’est un homme à la base très réservé, grâce aux festivals où il a été invité, il s’est ouvert… Les gens des pays baltes sont à la base plutôt renfermés car ils ont été ballotés entre le nazisme, le soviétisme, ayant Poutine comme voisin. Ce ne sont pas des bavards, ils ont du mal à s’ouvrir et ce film est pour lui, d’une certaine manière, une thérapie qu’il a très bien réussie.

Est-ce que les enfants peuvent se rendre compte de toute la symbolique du film ?
Ce film est en fait pour tout le monde, enfants, adultes mais chacun ne comprend pas le même message. Les films de David Lynch, on ne les comprend pas toujours. Ce sont des  métalangages mais en les regardant, on se sent intelligent, on sent une sorte de connivence, il y a des choses qui crépitent un peu dans nos têtes. Comme ce film où le fait que ce ne soit pas justement clair, on s’approprie certaines choses plus que d’autres. Et du coup, ce film touche tout le monde pour des raisons différentes et personnelles, avec aussi ce que chacun a de l’expérience de la vie. Les jeunes spectateurs n’ont pas la même appréhension de la fin du monde que des personnes plus âgées qui voient l’état du monde, le désastre écologique, par exemple. Les jeunes ressentent inconsciemment des choses auxquelles on n’a plus accès, cette tension perpétuelle. Beaucoup de jeunes pleurent mais pas de colère. Pour vous la fin du film est-elle ouverte ou fermée ?
Je pense qu’elle est positive…
Et pourtant, avant la fin, il y a à nouveau cette course de biches et de cerfs qui peuvent faire penser qu’un autre danger arrive, comme la première fois. Il prend conscience, en voyant la baleine échouée, que de toutes façons nous allons tous mourir, d’une manière ou d’une autre, à un moment où à un autre. C’est une certaine acceptation de la mort puisqu’un nouveau déluge se rapproche et qu’enfin la seule survivante sera la baleine. Malgré ça, vous avez raison, c’est très positif ! Car le chat ne mourra pas seul, il a découvert l’altruisme, l’amitié, l’altérité, toutes ces choses qui sont belles et qui font grandir les gens. Je me rends compte que les gamins sont des éponges, ils voient les tensions familiales, leur souffrance peut-être, celle des éducateurs. Même s’ils ont des étapes à passer, ils voient autour d’eux ce qui va ou pas. A chaque époque, chaque enfant s’est adapté à son monde.
Le fait que ce soit un film sans dialogues est-ce une difficulté ou une grande liberté ?
Gintz a toujours fait des films sans dialogues. C’est un taiseux de nature et il n’aime pas beaucoup faire parler les gens. Il préfère que les spectateurs ressentent des sentiments à travers l’action des personnages. C’est un parti pris dès le départ.
Et le fait qu’on ne voie aucun humain est aussi un parti pris ?
C’est vrai qu’on voit des sculptures, des habitations, des lieux habités par des humains, suggérant qu’il y en avait et que même le chat était un chat domestiqué dans la mesure où on le voir dormir dans une maison. Comme dit Gintz : « Faites-vous votre film » !
Et cet oiseau qu’on voit mourir dans ce tunnel blanc que certains appellent le tunnel de la mort, dont certains sont revenus ?
Le bouddhisme dépeint un autre monde dans lequel on va aller. Quand je parle de la mort avec mes enfants, je leur dis qu’elle n’est pas une fin en soi. Personne ne le sait. Donc, pour moi, le chat part avec l’oiseau dans cet endroit de passage, il y a une porte qui s’ouvre certains la franchissent d’autres non. L’oiseau est blessé, n’a plus de fonction sociale, il n’a donc plus d’intérêt sur cette planète, il doit donc quitter ce monde. Quant au chat, on dit qu’il a plusieurs vies, qu’il a pu en perdre pendant son périple. Et pour moi cette barque, ce n’est pas la barque de Noé, c’est plus la barque de Charon, qui est la barque pour aller vers la mort. Tant qu’on est sur la barque, on n’est pas mort, on va vers un autre monde. L’oiseau considère que le chat n’est pas prêt à changer de monde. Il rate donc le passage car il a autre chose à faire.

Qu’est qui, pour vous,  a créé un tel engouement partout où le film est passé ?
Je pense qu’il y a beaucoup de choses. Il y a le mysticisme, il y a aussi beaucoup de spiritualité. On est aujourd’hui dans un monde très dur, où partout dans le monde il y a de la violence. Indépendamment d’être chrétien, juif, boudhiste ou autre, on s’aperçoit que peu à peu le monde disparaît, on a besoin de s’accrocher à des valeurs, qu’elles soient familiales, spirituelles, car on sent qu’il y a quelque chose d’inéluctable et de très violent. Il faut donc arriver à une forme de sagesse, d’acceptation de ce qui est en train d’arriver.
Si on a une forme de conscience de soi, plutôt correcte et positive, c’est aussi une façon de lâcher prise face à cette violence.
Ce qui est drôle c’est que c’est un film de son temps. Par exemple lorsque le réalisateur a reçu trois prix au festival de Séville, au même moment il y avait ces inondations à Valence. Le lendemain où nous avons gagné le Golden Globe, il y a eu les feux à Los Angeles… En fait, cela fait quatre-cinq ans qu’on est sur ce film, on voit l’état du monde qui nous alerte mais qui ne fait pas changer le monde.
Le titre de Flow ?
C’est le courant mais en musique ça désigne aussi l’ensemble des rapports rythmiques, du temps, de la mesure.
Quelles ont été les difficultés pour arriver à faire ce film ?
Je vous avoue que tout s’est super bien passé… Ce film a été béni des dieux, tout s’est passé avec une évidence incroyable, même les financements, alors qu’on a un film sans dialogues, avec des animaux non anthropomorphisés. C’est un peu comme « The artist » qui est sans dialogues et en noir et blanc ou « La haine » tourné en couleur mais sorti en noir et blanc aussi. On s’aperçoit que des films « différents » fonctionnent aussi. Je vais vous avouer quelque chose : on a même refusé de l’argent. Ça montre bien que le monde devient fou !!!
Ça va certainement être pire, avec tous ces prix, non ?
Mon gros problème aujourd’hui est : Qu’est-ce que je fais après ? J’ai d’autres projets mais ils n’atteindront pas le niveau de celui-ci. L’avantage est que je vais remettre le couvert avec Gintz, ce sera une nouvelle coproduction franco-lettone. Il y a déjà deux millions du CNC letton et on espère donc beaucoup de ce prochain film car pour moi le réalisateur est un génie.
On peut donc déjà en parler ?
C’est toujours sur le même thème et on se rapproche de plus en plus de la fin du monde ! (il rit) mais avec toujours beaucoup de poésie ». Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Alain Lafon

Avec Pascale Parodi, présidente
de l’association « Lumières du Sud »


Olivier BOHLER : « Le cinéma italien a le soleil pour lui ! »

Pascale Parodi, Olivier Bohler, Noémie Dumas

Un trio de choc : Noémie Dumas, responsable du Six N’Etoiles, Pascale Parodi, présidente de l’association « Lumières du Sud » et leur invité Olivier Bohler.
Tous trois nous nous ont concocté une semaine du cinéma italien où se côtoyaient Francesco Rosi, Elio Petri, Mario Martone et deux réalisatrices, l’une, Francesco Comencini, fille d’un célèbre réalisateur prénommé Luigi, et dont on découvrait en avant-première « Prima la vita », émouvant hommage tout à la fois à son père et au cinéma italien. Et une belle découverte de deux magnifiques comédiens : Fabrizio Gifuni qui joue le rôle de Comencini et Romana Massiora-Vergano, qui joue sa fille tous deux fort émouvants, tout en finesse, en regards chargés à la fois d’amour, de tristesse, de détresse. Une avant-première pour débuter ce cycle mais aussi une avant-première pour le clore, avec le film de Maura Delpero « Vermiglio ou la mariée des montagnes ». Deux femmes pour célébrer cette fameuse « journée de la femme » et donc des réalisatrices, hélas pas assez nombreuse dans cet art.
Nos deux amies avaient donc invité le réalisateur Olivier Bohler, qu’on avait déjà rencontré en octobre dernier, venu présenter un documentaire cosigné avec Céline Gailleurd « Italia » un montage de films du cinéma muet italien qui fut très prolixe mais dont beaucoup ont disparu, le tout raconté par la sublime voix de Fanny Ardant.
Oliver est une encyclopédie du cinéma, ses icônes étant Pasolini et Melville et sa passion le cinéma italien.
On a toujours plaisir à rencontrer Olivier, tout autant passionné que passionnant.

« Le choix de ces films, Olivier ?
Dans les années 60, nous sommes dans un tournant du cinéma italien. Il était intéressant de pouvoir se questionner sur le changement ‘un cinéma mais aussi d’une ville, Naples donc, puisque les films de Francesco Rosi « Main basse sur la ville » et celui de Mario Martone « Nostalgia » s’y déroulent. Il y a des choses qui reviennent comme le questionnement du politique d’un film à l’autre. Après, il y aurait pu y avoir une programmation radicalement différente mais selon les disponibilités car on a voulu  éviter le néo-réalisme qui est beaucoup trop connu. On voulait montrer des choses un peu différentes comme le film d’Elio Petri « La classe ouvrière va au paradis ». C’est un peu un pari auquel, j’espère, le public adhèrera. Par ailleurs, il a fallu faire une programmation avec les films qu’on pouvait avoir car certains sont bloqués pour différentes raisons pour des histoires de restauration, de diffusion, de droits, de technique… ou même d’oubli. Donc on a fait avec… ou sans !
« Prima la vita » est donc une avant-première…
Tout à fait. C’est grâce à Pascale que je l’ai découvert. Il est sorti le 19 février et c’est une très belle découverte, un film d’une grande intelligence, d’une grande sensibilité, réalisé par la fille de Luigi Comencini, qui parle à la fois du cinéma italien et des rapports qu’elle a eus avec son père. Un film très autobiographique chargé d’émotion et de tendresse.
Et vous, passionné de Pasolini, vous n’en proposez pas un ?
Ça s’est déjà fait avec le centenaire Pasolini, mais cette programmation nous permet d’aller ailleurs et je trouve chouette de ne pas être dans des classiques absolus. Mon mémoire de maîtrise a été sur Pasolini. A l’époque, il était difficile de voir ses films, certains étaient interdits, plein de films n’étaient pas diffusés en VHS. Il fallait aller les acheter en Italie, enregistrés en mauvaise qualité. En 94,  j’avais proposé une intégrale à Aix et les gens venaient d’Avignon pour voir les films. On a refusé du monde à chaque séance parce que les gens ne les avaient pas vus depuis des années. Trouver tous ces films a été un énorme travail. Ça a été une aventure ! Du coup, aujourd’hui, on n’a plus besoin de créer un événement autour de lui.
Je pense que pouvoir parler de Comencini avec un film de sa fille était très intéressant. Et puis, parler de la classe ouvrière est aussi intéressant. Je suis curieux de voir la réaction du public !

Et la seconde avant-première ?
C’est la prolongation de ces deux journées mais qui est due à Pascale.
Alors Pascale ?
En fait, avec « Lumières du Sud », on voulait commencer à imaginer de faire un mini-festival pour tendre à un festival plus important. L’idée est de montrer le cinéma italien dans sa diversité. « Vermiglio » a été primé à la Mostra de Venise, réalisé par une femme, et ça me tenait à cœur que des femmes soient suffisamment représentées, qu’on puisse faire découvrir des réalisatrices italiennes. Le film sortant mercredi, ça tombait parfaitement avec cette programmation. On commence et on finit avec une femme !
Olivier, d’où vous vient cette fascination pour le cinéma italien ?
A l’époque où j’étais étudiant, on voyait surtout le cinéma français et le cinéma italien. Il y avait d’autres cinémas étrangers comme le cinéma grec, le cinéma espagnol, le cinéma portugais, le cinéma anglais mais à l’époque c’est le cinéma italien qui primait. Il fallait avoir vu les Rossellini, les Visconti. Je me souviens avoir vu quatre fois dans la même semaine « Ludwig » de Visconti… qui durait quatre heures et demi !
Par contre, nous avions alors beaucoup de réticences avec le cinéma américain contemporain, des années 70/80 ce qui était une erreur, je m’en suis aperçu plus tard.
Mais le cinéma italien c’est un cinéma unique en soi, d’une ampleur fabuleuse, du cinéma muet, au néo-réalisme. C’est le pays qui a le soleil pour lui. Au temps du cinéma muet, si on n’avait pas de soleil, on ne tournait pas ! C’est aussi un cinéma de la foule, Ca a toujours existé dès les premiers temps du muet.

Prima la vita

C’est aussi un cinéma politique et de société ?
Incontestablement, la politique en Italie est quelque chose de très fort, qui se transmet, qui continue d’irriguer le cinéma italien. C’est sans doute une spécificité italienne du fait de l’Histoire du pays. L’Italie est un pays qui a « inventé » le fascisme et qui a une histoire extrêmement violente autour de ça, qui importante pour les Italiens. Les cinéastes italiens l’ont pris à bras le corps et c’est toujours vivant dans la société italienne. C’est donc une réflexion toujours brûlante même aujourd’hui.
Votre autre passion : Melville… On est loin du cinéma italien !
(Il rit) Oui, il y a un pont avec les films qu’on va voir ! Mais dans « Le cercle rouge » on retrouve Gian-Maria Volonte c’est une coproduction franco-italienne. D’ailleurs dans les années 70 il y a beaucoup de coproductions franco-italiennes. Les comédiens étaient importés des deux côtés. Il y a eu de belles rencontres entre les deux pays.
Aujourd’hui, quels sont vos projets ?
(Il rit encore !) Je suis sur un projet… de science-fiction ! Et ce sera certainement une coproduction avec l’Italie ! On devrait tourner dans les Alpes, à la frontière italienne où des décors nous intéressent. On a entre autre besoin d’un vieux fort et historiquement, entre la France et l’Italie, il y a beaucoup de fortifications, chacune pour se protéger l’une de l’autre. Le film se passera dans un futur proche.
Et ça  se fera quand ?
Dans un futur proche !!!

Propos recueillis par Jacques Brachet

Et un César pour Karim Leklou !

Un regard d’un bleu infini, qui ne lâche pas le vôtre, qu’on ne peut pas lâcher non plus tellement il est intense.
Il nous séduit par sa gentillesse, sa simplicité et sa façon lucide de voir le cinéma.
C’est Karim Leklou, qui vient d’obtenir le César du meilleur comédien pour le film d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu pour « Le roman de jim », César enfin mérité après le César du meilleur espoir et celui du meilleur second rôle !
Un rôle dans lequel il est magnifique d’émotion, qui se retrouve spolié d’un enfant qu’il a élevé auprès de sa mère, abandonnée par le père biologique et qui revient, une décennie plus tard, le reprendre avec la femme à laquelle il s’est aussi attaché. C’est un film poignant, jamais larmoyant, dans lequel il garde une sagesse, une humilité, une résignation envers ses êtres qu’il aime et qu’on vient lui arracher.
Karim était venu nous présenter le film au Six N’Etoiles et il nous avait à la fois tellement charmé et ému qu’on avait envie de devenir son ami.

« Karim, votre personnage est un vrai gentil… Trop gentil ?
Je dirai que c’est quelqu’un de résilient. C’est vrai que c’est un homme gentil mais qui ne s’apitoie pas sur lui-même, quelqu’un qui fait face. Il n’a pas une forme de passivité mais il fait comme il peut, comme d’ailleurs tous les personnages du film. Ce sont des gens qui ne sont pas plus intelligents que l’histoire qu’ils vivent. C’est ce qui m’a touché dans le scénario car il y a une qualité assez rare : c’est un personnage qui n’a pas forcément un changement d’étape psychologique très important mais qui, par sa gentillesse, risque de perdre une part de sa vie. A mon avis c’est très fort. Ce qui m’a plu également c’est qu’à un moment tout peut dérailler.
Le personnage accepte quand même beaucoup de choses sans broncher !
Au départ il tombe amoureux et du coup il reçoit cet enfant qui n’est pas de lui. Ce n’est pas le plus beau jour de sa vie mais il accepte d’en être le père. Il y a plein d’étapes qui font qu’il va aimer ce gosse qui n’est pas au départ programmé dans sa vie. Il fait avec la réalité du moment. Il vivra sept années idylliques dans ce cadre magnifique du Jura.
Comment définiriez-vous le film ?
C’est un film social, c’est un grand mélo, c’est un film romanesque, c’est un film d’amour, c’est aussi peut-être un film politique car ça parle de ces liens qui se tissent sans qu’au départ ce soient des liens familiaux. C’est un film de la France d’aujourd’hui que je suis très heureux de défendre car je crois que je n’avais jamais défendu cette notion de gentillesse et de douceur dans un film qu’au départ je ne me sentais pas légitime d’être.
Je dois vous avouer que, même dans d’autres films, j’ai toujours été subjugué par votre regard dans lequel, sans rien dire, vous faites passer tellement de choses !
Merci maman ! Merci à vous aussi car ce que vous dites me touche. Mais je crois que c’est aussi un travail de tout le monde.
Vous parlez toujours des autres, pas de vous !
Oui mais le regard ça dépend aussi du chef opérateur, de la façon qu’il a lui-même de vous regarder. Comment il vous filme et ce qu’il perçoit de vous. Il y a aussi l’importance des silences, des regards. Personne n’a rien inventé depuis Chaplin ! Il y avait toute l’universalité que je retrouve dans ce film. C’est un film qui ne va pas dans l’artifice. Propos recueillis par Jacques Brachet
Photo Alain Lafon

Pascal LEGITIMUS… Coucou le revoilou !

Décidemment, Pascal Légitimus ne quitte plus Six-Fours !
Déjà, le 24 janvier on le retrouvait à la Batterie du Cap Nègre où il nous présentait, non pas un film mais une expo photos de coquillages. Coquillages dans tous ses états et de toutes les plages du monde sur lequel il s’est posé.
Mardi dernier le revoici pour parler de cette expo avec une foule presque aussi nombreuse qu’au vernissage de l’expo.
Coucou, le revoilou le lendemain au Six-N’Etoiles pour cette fois présenter un film dans lequel il joue mais qu’il a réalisé : « Antilles sur Seine ». Un film qui date de l’année 2000, une comédie hilarante dans laquelle il a invité tous ses amis, de Chantal Lauby à Edouard Montoute de Chevallier à Laspalès, d’Anthony Cavanagh à un certain Théo Légitimus, qui n’est autre que son frère, ses complices Inconnus Didier Bourdon et Bernard campan… campant deux femmes de ménage hilarantes à ne pas manquer à la fin du film. Et bien d’autres encore.

Pourquoi présenter un film qui date de 25 ans ? Tout simplement parce que la directrice du Six N’Etoiles ne voulait pas rater la venue de l’artiste si près du cinéma !
Et le public fut nombreux et ravi de les revoir, et le film et le comédien-réalisateur.
« Rassurez-vous – me dit-il en riant – je repars ce soir chez moi ! »
Il  m’avait, lors de sa venue, accordé une interview mais là, nous avons juste trinqué… à l’eau minérale, je précise, car il ne boit pas, juste le temps de faire quelques photos avec Noémie et son co-directeur Jérôme Quaretti et Fabiola Casagrande, adjointe au service culturel de Six-Fours qui l’avait accueilli au Cap nègre.

Soirée conviviale s’il en fut, non dénuée de rires et de bonne humeur, qui nous a apporté un petit air de Marie-Galante où fut en partie tourné le film.
Dernières confidences de Pascal : Une expo qu’il prépare autour toujours de ses coquillages dans des lieux emblématiques de Paris au point du jour, une autre plus lointaine du côté de New-York et un livre, non pas biographique mais sur la santé, lui qui ne boit pas, ne fume pas, est en partie végane et a une silhouette de jeune homme à 60 ans passés.
Rassurez-vous Pascal… On sera toujours heureux de vous accueillir à Six-Fours !

Jacques Brachet

Sylvain DESCLOUS… Retour au pays

David (Damien Bonnard) est directeur de travaux sur un chantier de la Défense à Paris.
Un chantier pharaonique qui va inévitablement prendre du retard, au grand dam du promoteur qui lui met une pression énorme, d’où les énervements, le stress, les coups de gueule, ce qui n’avance pas les travaux pour autant.
Et voilà que David rencontre Victoria (Jeanne Balibar), une belle et mystérieuse DRH internationale de laquelle il va tomber amoureux. A ses risques et périls peut-être car elle est tout aussi troublante qu’énigmatique et lui assène le chaud et le froid avec une apparente sincérité, chose qu’il ne voit pas au départ tant elle agit avec finesse, avec grâce, avec subtilité.
Qui est en fait, cette femme ? Une femme audacieuse et libre ? Une femme manipulatrice ?
Le film « Le système Victoria » est réalisé par Sylvain Desclous, d’après un roman d’Éric Reinhardt et dont le réalisateur a été séduit dès la première lecture. Entre thriller et film d’atmosphère, souvent dans un clair-obscur, il met face à face deux comédiens magnifiques qui semblent si loin l’un de l’autre, lui bourru, énervé, stressé, brut de décoffrage,  elle, impériale, énigmatique, impénétrable, d’un calme olympien.
Film superbement maîtrisé qui nous laisse en haleine jusqu’à la fin.
Etape « régionale » pour le réalisateur qui a vécu à Toulon et est venu présenter son film au Six N’Etoiles de Six-Fours.

« Sylvain, qu’est-ce qui vous a donné l’envie de faire ce film ?
En 2011, j’ai découvert le roman d’Éric Reinhardt, il m’a tout de suite beaucoup plu, entre autre parce qu’à l’époque, il me touchait de près…
C’est-à-dire ?
J’évoluais alors dans un milieu professionnel de grandes entreprises qui ressemblait assez à celui qui est décrit dans le roman, une ambiance très business, de travail. Du coup, je lui ai envoyé un petit message lui disant que j’étais très admiratif de son livre. A l’époque, je n’avais fait que deux courts-métrages et je n’étais pas en mesure de lui proposer quoi que ce soit. Une dizaine d’années plus tard, en 2020 exactement, Éric m’en envoyé un mail pour savoir si son roman m’intéressait toujours et, si, dans l’affirmative, je serais prêt à l’adapter.
Vous ne vous connaissiez pas et il vous a fait tout de suite confiance ?
Il avait vu mon premier long métrage « Vendeur » qui lui avait beaucoup plu et nous nous étions croisés quelquefois. Il aimait bien mon regard et ma manière de travailler mais nous ne nous connaissions pas plus que ça.
Donc, confiance totale et c’est vous qui l’avez adapté ?
Lorsque j’ai pris le projet, Éric avait déjà écrit une première version du scénario. Je l’ai lu et j’ai vu qu’il y avait des modifications à faire, modifications qu’il a d’ailleurs acceptées. Donc je ne partais pas de zéro.
Combien de temps avez-vous mis pour mettre tout ça en place ?
Je me suis mis à l’écriture durant plus de deux ans, après quoi il a fallu un an pour trouver des financements, puis préparation, tournage, montage, une grosse année. Entretemps j’avais fait deux autres longs métrages « De grandes espérances » et « La campagne de France ».
Vos deux comédiens sont magnifiques. Comment c’est fait votre choix ?
Je connaissais Damien Bonnard, que vous avez peut-être pu voir dans « Les misérables ». J’ai fait quelques courts métrages avec lui. On se connaît depuis très longtemps et c’était assez évident car il avait le physique et la gueule de l’emploi. Je l’ai tout de suite imaginé en directeur de chantier. Quant à Jeanne Balibar, c’est une comédienne que j’aime beaucoup. Et, c’est ce qu’on disait tout-à-l’heure, pour être crédible Il ne fallait pas qu’on tombe dans la caricature. Ce n’est pas Cruella ! C’est un personnage assez fort qui joue sur deux tableaux. Avec elle il fallait travailler sur le fait qu’il ne fallait pas qu’elle soit trop antipathique, trop torturée et elle a fait un travail formidable pour y ramener un peu d’humour et de folie, tout en laissant le mystère jusqu’à la fin : Est-elle amoureuse ou manipulatrice ? Elle a ramené quelque chose qui n’était pas forcément dans le roman, quelque chose d’un peu vénéneux, mystérieux.
Elle a un jeu particulier, Jeanne, on ne sait jamais sur quel pied danser avec elle 

Vous me disiez que c’était un peu un milieu que vous connaissiez… C’est vraiment un univers impitoyable ?
Vous savez, il y a beaucoup d’enjeux, de pouvoir, d’argent, il y a beaucoup d’ambitions, de passions… Comme dans beaucoup de métiers d’ailleurs.
Où avez-vous tourné ?
A la Défense à Paris puis deux jours à Bruxelles parce qu’il y a une co-production belge !
Et à la Défense, on trouve des lieux aussi grands et aussi vides ?
Il y a pas mal de tours vides à la Défense ! Malgré cela, il faut beaucoup d’autorisations. Ca n’est pas si facile que ça.
Vous êtes en tournée d’avant-première ?
Oui, ce soir c’est la 23ème ! Et ça se passe très bien. Par contre, il y a des questions auxquelles je ne veux pas répondre…
Ah ! Lesquelles ?
Est-ce que Victoria a une idée en tête depuis le début ? Est-ce qu’elle est vraiment sincère ? La possible emprise de l’un sur l’autre… Je pense qu’il ne faut pas trop déflorer le sujet et que les spectateurs doivent se faire leur propre idée.
Parlez-moi un peu de vous, de Créteil où vous êtes né à Aix-en-Provence où vous avez fait vos études…
De Créteil, je me suis très vite retrouvé à… Toulon où, de 4/5 ans à mes 18 ans j’ai fait mes études jusqu’au bac… Vous connaissez le lycée Dumont d’Urville ! J’y ai de bons souvenirs. Après je suis parti à Aix faire mes études. Puis il y a eu le service militaire et je suis « monté » à Paris.
Et vous aviez déjà dans l’idée de faire du cinéma ?
Non ! J’étais donc à Paris à 24/25 ans. Ça a commencé doucement à germer. Comment c’est venu ? Je ne sais pas. J’ai toujours aimé le cinéma…
Moi aussi ! Mais ce n’est pas pour ça qu’on en fait son métier !
(Il rit) OK, disons que ça me titillait très fort, j’aimais l’écriture, la création, j’ai vu des fenêtres s’entrouvrir, je m’y suis faufilé. Je voulais dépasser le statut de spectateur… Et je ne le regrette pas !

Comment avez-vous choisi les comédiens qui gravitent autour de ce duo ?
Je connais certains pour avoir déjà travaillé avec eux. Puis je suis beaucoup les acteurs. Il y en a que j’aime beaucoup, d’autres que je repère car je vais beaucoup au cinéma
Est-ce qu’Éric Bernhardt a vu le film ?
Oui, il en est très content. Il a toujours été tenu au courant des différentes étapes. Il connaissait en gros le scénario puisqu’il en avait écrit une première mouture et les changements que j’en ai faits ne l’ont pas fait tomber de sa chaise ! D’abord, c’était le deal du départ, je lui avais expliqué comment je voulais procéder. S’il avait dû imposr des choses, que ce soit par exemple à 100% fidèle au roman, je n’y serais pas allé.
Dans quel état êtes-vous à quelques semaines de la sortie du film ?
Il y a encore un peu de temps, de travail mais je suis content qu’il sorte et je commence déjà à penser à la suite.
Qui est ?…
A l’étude ! C’est assez embryonnaire mais j’espère revenir vous la montrer dans quelques temps.
Ici vous êtes un peu chez vous !
Bien sûr, j’y reviens souvent, j’ai encore mes parents à Toulon et ils seront là ce soir, avec plein de gens que je connais.
Dans ce cas, cela vous met-il une pression ?
Pas plus que ça. Je ne l’ai encore jamais montré à des gens que je connaissais dans une salle mais ça ne change rien. Je ne dirai pas que je m’en fous, j’ai bien sûr envie que ça se passe bien mais je ne suis pas spécialement angoissé… Je pense qu’ils le sont plus que moi !
Ils connaissent le sujet ?
Oui, nous en avons parlé, ils ont vu la bande-annonce, ils ont lu les quelques articles qui sont sortis. On n’arrive jamais vierge sur un film.
Après sa sortie, le 5 mars, vous serez à nouveau vierge ?
Oui, c’est l’objectif. Il faut que je réfléchisse et que je m’active un peu car quatre ans c’est long. Il ne faut pas trop attendre… pour pouvoir revenir vous voir !

Propos recueillis par Jacques Brachet

Ghislaine LESEPT… Femme de passion

Si son nom ne vous dit rien c’est qu’elle est connue sous le pseudonyme de GIGI.
La femme est belle, lumineuse, son accent est celui qu’on attrape en naissant du côté de Toulon. Si Gigi est truculente, volubile, méridionale et dans la voix et dans le geste, Ghislaine est tout en douceur et en sourire.
Elle est comédienne  « de naissance », aujourd’hui elle écrit ses pièces de théâtre et ses one woman shows et le succès ne la quitte plus de puis, comme on dit chez nous, « belle lurette », aussi bien dans des pièces comme « Noces de rouille (Les débuts de l’embrouille) ou dans les seule en scène comme « Gigi vous décape la tignasse ».
Comédienne auteure créatrice de la compagnie « La Barjaque », productrice, directrice artistique et coach  de 25 apprentis comédiens dans le cours qu’elle a créé, on la retrouve aussi au Théâtre de la Porte d’Italie où elle invite des humoristes et de compagnies théâtrales.

Bref, c’est une artiste aux multiples facettes, qui touche aussi au cinéma et à la télévision. Elle a fait de sa pièce « Noces de rouille » un film hilarant, elle est brièvement passée dans la série « Plus belle la vie », dont elle n’a pas gardé un souvenir impérissable, travaille avec notre ami commun Xavier-Adrien Laurent, dit Xal dans son association marseillaise « La Réplique ». Elle tourne en ce moment avec une pièce qu’elle a écrite « Fromage de chèvre sauce thaï ».
Nous sommes amis depuis des années et du coup, la retrouver est un plaisir et surtout une chance tant elle a une vie de ministre… En plus sympa et en plus rigolo !
La voici qui sort d’un tournage et qu’elle est en train d’écrire un nouveau one woman show. Nous avons enfin trouvé un créneau pour parler de tout cela. « En ce moment, je suis en pleine écriture. J’ai hésité entre une pièce et un seule en scène et j’ai choisi la seconde solution… Et je suis totalement prise pas ça ! Alors, quelquefois je n’ai pas de jus et quelquefois il y a le robinet qui s’ouvre, ça vient tout seul et alors là plus rien ‘existe, je fonce, je reste des heures sur l’ordinateur, je ne vois plus le temps passer et je ne fais pas de pose pour ne pas perdre le fil. J’en oublie d manger, au grand dam de mon mari. J’ai des bouts de papier partout, que je passe mon temps à rechercher. Il me vient une idée qu’il faut que je mette en forme tout de suite. Dans ma tête j’en ai juste pour une demi-heure mais une fois lancée, ça peut durer quatre heures. Je ne vois pas du tout le temps passer. Si j’ai un spectacle le soir, je me mets une sonnerie sinon je passe l’heure ! Je n’ai aucune notion du temps lorsque j’écris. C’est très jouissif et si tu coupes ce moment, tu ne le rattrapes plus. Si je sors du bouillon ne retrouve plus le même !

Fromage de chèvre sauce thaï

Donc tu écris, tu tournes et tu continues de jouer ?
Oui en parallèle je tourne avec « Noces de rouille » qui continue à avoir un succès énorme. En novembre on a joué au Théâtre Armand, à Salon de Provence, un théâtre à l’italienne qui contient 440 places. Dès que le spectacle a été mis en vente en août, début septembre c’était complètement plein ! On était invité par une association et le directeur, qui n’avait alors jamais répondu à mes sollicitations, a été soufflé de voir autant de monde alors que ses autres spectacle n’en faisaient que la moitié ! Nous avons eu une standing ovation et lui, vexé, nous a tout juste dit : « C’est très efficace » !
Je tourne aussi avec « Fromage de chèvre » qu’on a joué cet été à Avignon, qui commence à prendre de l’ampleur. Nous serons le 14 février à la Porte d’Italie à 19h et 21h.
Alors, avant de parler de film, ton prochain spectacle ?
Ca se passe lors d’un repas de Noël réunissant toute la famille. Il y a mon beau-frère Oscar que je ne peux pas blairer et qui se la joue parce qu’il travaille à la mairie, dont un des fils avoue qu’il est queen et l’autre qui a le tempérament d’un escargot en fin de vie, sa femme est influenceuse, sa mère, juive pied noir a la maladie d’Alzheimer, qui a vu François Mitterrand à « The voice », son père qui est gaga.
Et tu fais tous les personnages ?
Oui, c’est pour ça que j’ai hésité entre la pièce de théâtre et le seule en scène. Mais il y avait trop de personnage et donc, la difficulté est de trouver une voix pour chaque personnage.
Le plus important est la mère, Marie-Thérèse… J’ai du pain sur la planche.
Quand comptes-tu jouer ce spectacle ?
J’espère en mars. Mais je me régale d’écrire.
Jouer ou écrire, par quoi as-tu commencé ?
Au départ je n’écrivais pas. J’ai commencé à écrire lorsque je faisais le sketch de Mado la Niçoise « le GPS ». Delmas, le producteur, me reproche de piquer ce sketch et me dit d’écrire mes propres sketches. J’ai donc écrit dans l’urgence. La date d’après était Pierrefeu et toute l’équipe de Delmas était là… Et ça a marché !

Alors le tournage ?
C’est un court-métrage qu’on a tourné dans deux serres désaffectées du côté de la Crau et du Pradet. Le réalisateur et scénariste est Thomas Colineau. Il est toulonnais et a déjà une belle carrière de scénariste (Reines du drame, Demain nous appartient, Nina) il a obtenu un prix au festival de Cannes avec « Salade grecque » comme réalisateur…
Comment t’es-tu retrouvée sur ce tournage ?
Par le biais de La Réplique qui avait mis  une annonce pour le casting du film. Je me suis présentée et j’ai été choisie. Toute la troupe est parisienne et je suis la seule femme du film. Le film s’intitule « Xylella Fastidiosa »…
Ce qui signifie ?!
C’est le nom d’une bactérie mortelle qui attaque les végétaux, entre autres les oliviers.
Je suis Christiane, jardinière à « La belle pinède » et vis et travaille avec Simon, mon fils qui est gay (Lucas Faulong). Il a des problèmes avec un garçon avec qui il a une histoire et qui ne lui répond plus. En fond, donc, cette bactérie avec cette histoire de la mère et du fils et d’Hyacinthe, un vieil homo un peu mystérieux.
A part le réalisateur et moi, toute l’équipe venait de Paris, tous des pointures, et le tournage a été très sympa, hormis que dans les serres il faisait très chaud mais tôt le matin et tard le soir, c’était le contraire ! »

On a hâte de découvrir notre Gigi qui comme d’habitude, va encore nous surprendre car, hormis ses talents comiques, elle est une magnifique comédienne.
Alors… A suivre !

Jacques Brachet
Photos Alain Lafon

Un homme, une femme – Episode 2
Aliénor de CELLES & Luc PATENTRIGER

Sa boutique seynoise, c’est la caverne d’Ali-Baba. Des peintures, des dessins, des vêtements, des objets et bibelots venus du monde entier… C’est dans le calme du 16, rue Evenos, qu’Aliénor de Cellès a installé sa boutique-atelier, « Simona de Simoni », où elle reçoit les clients, où elle crée des tas de choses, où elle anime des ateliers pour enfants…
Et c’est là que Luc Patentriger, président du festival « Femmes ! » l’a découverte et lui a proposé de créer, pour la première fois, une affiche originale que l’on a pu voir dans toutes les villes où le festival s’est posé.
Femme discrète, presque timide, elle nous parle de ses passionsAliénor de Cellès : On va toujours vers les choses qu’on aime
« Aliénor, comment l’Art est-il venu à vous ?
J’ai toujours, toute petite, dessiné et peint D’ailleurs à huit ans j’ai gagné un concours de dessins organisé par la mairie de Saint-Raphaël où j’ai habité jusqu’à mes 15 ans. J’ai aussi gagné un concours de poésie. J’ai toujours eu cette sensibilité et j’ai même été éditée à dix ans, ce qui a fait très plaisir à mes parents ! J’ai toujours « bricolé » puis j’ai fait un BTS d’Art Plastique, de lettres à Troyes. J’ai fait Histoire de l’Art et Sémiologie à Toulouse.

Comment vous êtes-vous retrouvée à la Seyne-sur-Mer ?
J’ai passé toute ma vie à Paris mais mon conjoint est d’ici et il a eu envie de revenir en Provence où il était venu dix ans avant. On avait décidé de revenir ici lorsque notre fils aurait eu son bac. Nous sommes revenus en 2018 à Toulon où nous ne nous sommes pas plus. Nous étions considérés comme des étrangers ! La greffe n’a donc pas pris.
De plus, la mairie proposait des locaux aux artistes en nous faisant des réductions sur la location. Au final, nous avons eu 12… Euros de réduction et… 50.00 Euros de travaux, le sol était en terre battue, pas d’électricité. Lorsque ça ne marche pas, la mairie récupère le local. J’ai trouvé ce comportement un peu limite !
Depuis l’âge de 20 ans, j’ai eu des boutiques et j’ai toujours préféré acheter les murs.
Du coup on a cherché ailleurs et c’est à la Seyne qu’on s’est installé. Et là, c’est chez moi !
Vous êtes quand même un peu isolée ?
J’ai cherché pendant un an, ja’i trouvé cet endroit qui est très calme, j’ai des clientes fidèles. J’ai même d’anciennes clientes que j’avais à Paris, je leur fait visiter les environs, je leur fait prendre le bateau. J’ai du temps pour animer mes ateliers, préparer mes expositions.
Vous avez donc multiplié les plaisirs !
Oui mais c’est toujours le dessin qui est au centre de tout. Et le contact humain aussi qui est important. Je travaille beaucoup avec des enfants, dans les écoles, autour de projets pédagogiques, j’ai travaillé avec la maison de couture « Les blancs manteaux ». C’est l’humain d’ailleurs qui m’a rapprochée de Luc. Nous avons beaucoup de similitudes.

chacun racontant son  histoire. Ce qui lie l’écriture, la lecture et le dessin. Ca a donné des choses extraordinaires.
Et la mode ?
J’ai travaillé pour des compagnies de théâtre. J’ai toujours eu une sensibilité aux textiles. Lorsque j’avais dix ans, chez moi je réalisais des boutiques et ma sœur, qui était plus jeune, était ma cliente ! Elle se lassait très vite et je ne comprenais pas pourquoi !
Je pense qu’enfant, lorsqu’on crée des choses, ces sont souvent ses futures perspectives. La preuve : ma mère enfant avait toujours un boulier à la main… Elle est venue comptable !
J’avais une amie styliste, Sylvie Loussier, la femme du musicien Jacques Loussier, qui avait une marque de vêtement « Petits faunes » et qui se servait de nous comme modèles. J’étais à bonne école ! Et c’est vrai aussi qu’on va vers les choses qu’on aime.
J’avais dit à Sylvie, alors que j’avais 4 ans : « Quand tu seras morte, je prendrai ta place » !!!
Sympa, non ?
Enfin, la peinture ?
J’ai toujours dessiné, peint, ça a toujours été mon moyen d’expression, à part ça, peu de choses me plaisaient. J’ai d’ailleurs payé mes études à Toulouse en peignant et en dessinant, en créant de petits bijoux, des mosaïques. Je n’ai jamais arrêté de créer.
Revenons au festival… Votre rencontre avec Luc …
Je l’ai connu par l’intermédiaire de Christelle, une amie commune et nous avons tout de suite accroché. Il m’a proposé de créer cette affiche et travailler avec lui a été très agréable.  Tout a bien fonctionné et je pense que ma toile représentait bien le thème, l’identité du festival. J’espère qu’on pourra retravailler ensemble.
Des projets ?
Je vais avoir une exposition à Paris, une à la Seyne en avril chez une psychiatre qui m’a déjà acheté des toiles et un énorme projet dont je ne peux pas encore parler ».

L’affiche du festival
La robe sapin créée par Aliénor

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Alain Lafon

Un homme, une femme- Episode 1
Luc PATENTREGER & Aliénor de CELLES

Lui, c’est le président du festival « Femmes ! » qui s’est déroulé sur plusieurs villes varoises.
Elle est l’auteur de cette originale affiche qui a accompagné le festival.
Pour clore en beauté cette magnifique manifestation, nous avons réuni nos deux amis dans l’atelier magique d’Eliénor de la Seyne « Simona de Simoni », bien caché dans une ruelle synoise, 16, rue Evenos, l’une pour parler d’elle, lui pour parler… de lui et faire un point sur ce festival  pour lequel j’ai eu l’honneur d’être juré.Luc Patentreger : « Je suis un universaliste »
« Luc, 23ème édition de ce festival que tu présides et qui fut cette année un grand succès !
Oui, le film a duré presque un mois, nous avons fait 5.200 entrées, c’est la meilleure édition et au niveau  des diffusions de films, des spectacles et des animations off, nous avons fait très très fort, nous avons des retours très intéressants, que ce soit du public, des institutionnels, des artistes invités. Ça a été une très belle édition.


Tu n’as pas choisi la facilité : Un mois, de multiples lieux…  Comment arrive-t-on à tout concilier ?
La première étape est de trouver le thème de l’année. Cette année ça a été les femmes artistes. La seconde fut de trouver l’artiste qui allait illustrer l’affiche,  ce qui était une innovation puisque depuis le début nous avions le même graphisme. C’est Aliénor qui fut l’artiste élue, ce qui a très bien été perçu puisque les gens ont adoré. La troisième étape – et non la moindre ! – fut bien sûr de trouver les films. Au sein de l’association, nous avons un comité de sélection. Nous avions les films fin juin, un panel de 50 films choisis parmi les 200/250 films vus. Et c’est toute l’équipe qui choisit les films à présenter au festival.
Comment cela fonctionne-t-il pour arriver à ce choix ?
Nous sommes beaucoup aidés par Noémie Dumas, directrice du Six N’Etoiles de Six-Fours qui est au courant de tout ce qui se tourne et pour le choix des avant-premières présentées. Cette année nous en avions sept.
Autre innovation : un jury !
Oui, nous avons pensé qu’il serait bien de créer, en parallèle avec le prix du public, un prix d’un jury de professionnels en incorporant les sept avant-premières.
Ca a très bien fonctionné et nous avons eu l’idée d’y ajouter l’an prochain un prix pour une comédienne.*
Et après ?
Après… Juillet/août, c’est là où je m’enferme dans ma tanière où je prends seul les décisions, aidé de quelques personnes, dont mon épouse, Martine et c’est peut-être aussi le moment le plus important : trouver les bons films dans les bonnes salles et aux bons horaires. Nous avons quatre villes différentes, six ou Sept salles différentes, et des publics complètement différents. Chaque salle a son public. Il faut des films qui s’adaptent au public, à la salle et aux événements que nous mettrons autour des films. L’idée également, c’est d’imaginer le mélange, la mixité de la population.
C’est un défi.

Donc, l’été, pas de vacances, pas de bronzage, pas de mer !
Si… Je cogite en marchant beaucoup car je suis avant tout un marcheur, plus qu’un nageur !
Comment toi et ton équipe visionnent autant de films ?
Déjà, il y a le thème. Nous avons, le comité de sélection et des bénévoles qui font des propositions de films. Je ne fais pas partie du comité de sélection pour découvrir les films comme le public. Le problème est que je ne vois pas certains films, s’ils sont sélectionnés, je ne peux pas en parler. Il faudra donc que je les vois où que je trouve quelqu’un pour les présenter.
Mais encore ?
Il y a les plateformes,  mais aussi dans les festivasl car certains, comme Mireille Vercellino, vont à de nombreux festivals, il y a bien sûr le Festival de Cannes et aussi Noémie Dumas qui nous fait des propositions.
C’est cette alchimie de bénévolat qui fait qu’un choix se dessine.
Et les films sélectionnés ne sont pas faits que par des réalisatrices ?
C’est un choix parce que je pense que les hommes ont aussi des choses à dire pour les droits des femmes. C’est donc une vision mixte. Déjà en tant que président et homme donc, je pense que ce combat du droit des femmes doit être porté ensemble. Je suis un universaliste, je suis Charlie et c’est ensemble que nous devons combattre.
Les thèmes choisis sont aujourd’hui moins militants, plus ouverts qu’avant. L’amour, la résilience, les femmes artistes, les droits des femmes passent aussi par tous ces éléments.
Le thème de l’an prochain ?
Je ne peux pas encore le dire !

Comment se fait-il que ce soit un homme président d’un festival féminin ?
Il y a 23 ans, c’est moi qui ai créé ce festival. En tant que médecin et psychanalyste, je me suis toujours posé beaucoup de questions sur les problèmes des femmes. De plus, j’ai vécu dans un univers de femmes et j’ai pu voir leurs problèmes. Durant mes études j’ai découvert toutes les problématiques de mes copines souvent agressées par des mecs, je trouvais ça insupportable. Je suis aussi un enfant de Mai 68, donc écolo-féministe, le planning familial. Devenu médecin, j’ai écouté beaucoup de femmes. Et puis il y a eu la fermeture des chantiers navals et là j’ai encore découvert des femmes dont les maris avaient perdu leur boulot, qui étaient alcoolisés, brutaux, dépressifs, qui les frappaient, avec les enfants au milieu de tout ça. J’ai vu la misère de la condition des femmes.
Avec mon côté militant, devenu adjoint à la Culture, (dix mois, car le maire m’a viré !) l’idée m’est venue de faire un festival dédié aux femmes.
Lorsque, en 2001, j’ai rencontré Loucha Dassa qui avait créé les rencontres « Cinéma et femmes » nous avons décidé de créer ce festival.
En 2020, le covid approchant, il était impensable de réaliser le festival. Elle a décidé d’arrêter le festival. Et je l’ai donc repris avec toute l’équipe ». Et l’on voit ce que ça a donné… Succès amplement mérité avec cette équipe magnifique qui l’entoure et qui nous promet encore des moments intenses de cinéma autour d’une cause on ne peut plus défendable : la femme.

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Alain Lafon
* Prix du jury : « Mon gâteau préféré » de Maryam Moghadam et Behtash Sanahaeeha
Prix du public : « Prodigieuses » de Frédéric et Valentin Potier


Six-Fours – Festival « Femmes ! »
Malou KHEBIZI… Un vrai diamant brut

Parmi les films proposés au public et au jury de ce 23ème festival, le « Diamant brut » d’Agathe Riedinger nous a permis de découvrir une incroyable comédienne qui nous vient de Marseille.
Pour son premier film elle occupe l’écran d’un bout à l’autre avec une conviction et une force extraordinaires.
Et le rôle n’était pas facile puisqu’elle joue une jeune femme, Liane, vivant avec une mère très particulière qui a du mal à gérer sa vie, s’occupant de sa petite sœur, et qui ne rêve que de devenir quelqu’un. Maquillée avec outrance, s’étant déjà fait refaire les lèvres et les seins, elle erre dans la vie, vêtue de vêtements plus que provocants, vivant de petits vols, attendant la réponse d’un casting pour une télé-réalité, pensant que cette émission lui apportera gloire, argent, amour des gens.
Si au départ elle n’apparaît pas très sympathique, peu à peu on s’attache à elle car elle est dans la souffrance d’un manqu d’amour et de considération ce qu’elle vit mal et elle pense qu’une émission pourra changer sa vie.
Le rôle est difficile car le film repose sur elle et que pour l’interpréter elle a dû changer physiquement.
Et lorsqu’on la voit arriver au Six N’Etoiles, on la découvre transformée, belle, souriante, naturelle, timide,  à la fois d’une grande simplicité et d’une maturité formidable.

« Comment définiriez-vous votre personnage, Malou ?
C’est une fille qui se sent complètement oubliée qui a une quête de reconnaissance, un besoin d’amour. Pour elle, la télé-réalité est sa seule issue de secours. C’est peut-être ce qu’on appelle une télé poubelle, c’est souvent un milieu malsain. C’est peut-être assez paradoxal mais Liane n’a pas beaucoup le choix, son corps et les réseaux sociaux sont la seule arme qu’elle a pour essayer de s’en sortir. Personnellement, c’est un rôle qui m’a beaucoup fait avancer, qui m’a fait poser des questions sur mon image : Faut-il être absolument belle et sexy pour s’en sortir, s’émanciper ?
Vous êtes jeune, belle… Quelle a été votre réaction en vous voyant à l’écran, si loin de votre vraie personnalité ?
Le film a été présenté à Cannes mais ce n’est pas là que je l’ai découvert  mais dans une petite salle à Paris. Pour moi ça a été un grand soulagement car j’avais évidemment énormément d’attente et j’ai été très heureuse en le découvrant et, parce que le personnage était physiquement très différent de moi mais je suis arrivée à le regarder sans problème.
« Pour votre premier film, vous jouez des scènes de nudité. Comment l’avez-vous vécu ?
J’avais déjà une chose qui me rassurait puisque l’on m’avait mis une prothèse mammaire qui me permettait d’avoir une résistance au personnage, d’y rentrer plus facilement.  Agathe était très près de moi, pour répondre à toutes mes questions, m’expliquait comment et pourquoi j’allais être filmée, elle était attentive pour éviter qu’il y ait un effet vulgaire. Le personnage de Liane étant déconnecté de toute tentation. Elle va même jusqu’à mutiler son corps au nom de son image, de sa beauté. J’étais énormément bien encadrée, toujours dans la bienveillance. Toutes ces scènes étaient tournées avec des équipes réduites et avec les personnes indispensables au tournage.

Les comédiennes du film, Ashley Romano,
Malou Khebizi, Kilia Fernane
Luc Patentreger, Agnès Rostagno première adjointe de la Mairie de Six-Fours, Noémie Dumas

Le film a été tourné dans la région ?
Oui, à Fréjus entre autres mais aussi sur la Côte d’Azur, Cannes, Grasse, Nice. C’était important pour Agathe de tourner à Fréjus, c’est une ville qui possède une fracture sociale entre elle et Saint-Raphaël l’une étant vraiment riche, l’autre beaucoup plus populaire, plus pauvre. Il y a vraiment une frontière entre les deux
C’était votre premier film… Avez-vous aujourd’hui envie de continuer dans cette voie ?
Oui, j’ai été contactée par une agence et je vais continuer. C’est devenu mon métier, il y a déjà quelques projets en cours dont je ne peux parler. J’ai tourné une série pour Netflix « Young millionnaires » d’Igor Goteman, dans la région.
N’ayant jamais tourné, comment êtes-vous arrivée sur ce film et avoir obtenu le premier rôle ?
Je travaillais dans la restauration, j’ai trouvé l’annonce du casting faite par une agence  sur les réseaux sociaux. J’ai donc répondu à l’annonce sans trop savoir de quoi parlait le film, ni sans me faire d’illusions, nous avons été castées en groupe. J’ai été choisie et à partir de là il y a eu une longue préparation, deux mois et demi, faite de lectures, de répétitions, de travail sur le corps…
Qu’est-ce qui vous a motivée pour répondre à cette annonce ?
Je n’avais jamais rêvé particulièrement à devenir actrice, je me suis dit « Pourquoi pas ? ». Ça a été une envie de croire en ma bonne étoile et j’ai été heureuse en fait, d’être choisie, sans jamais penser que ça pourrait aller si loin. Je n’imaginais pas que c’était aussi sérieux, aussi professionnel et que ça aller m’emmener jusqu’au festival de Cannes en compétition ! Ça a été un choc pour la réalisatrice une grande surprise pour nous et une grande joie. Ça nous a fait du bien de voir que ce sujet pouvait intéresser un tel festival, de pouvoir mettre la lumière sur ce fait de société car la télé-réalité est souvent très méprisée et là, c’est le but de Liane d’y arriver. J’en suis très fière. 

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En fait, ce n’est pas un film « sur » la télé-réalité qu’on ne voit jamais. C’est juste un objectif pour Liane…
C’est vrai, c’est avant tout un film sur le besoin d’amour, le besoin de reconnaissance, d’une fille qui a de grandes blessures affectives. Le choix de la réalisatrice, justement, de ne rien montrer de la télé-réalité, ça n’était pas le but. La télé-réalité est un phénomène de société qui permet à des jeunes de rêver, de croire en quelque chose, même si c’est un peu un leurre. »

A côté de Malou, celle qui joue sa petite sœur, Ashley Romano, petit bonbon craquant est là près d’elle, mignonne, souriante, déjà professionnelle et je demande à sa maman ce qu’elle en pense : « J’ai une fierté énorme devant ma fille, je la trouve incroyable à l’écran et la voir monter les marches à Cannes a été un moment magique… Je ne vous en parle même pas ! Je suis heureuse pour elle et j’espère qu’elle va continuer si elle le veut. »

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Alain Lafon