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Marie BUNEL, Mathilde VISEUX, Delphine HECQUET
De l’ombre du parloir au soleil de Chateauvallon

Si, en ce début d’après-midi, l’on se retrouve sous un chaud soleil à Chateauvallon, c’est pourtant pour parler d’un huis clos dans un décor dépouillé et froid, une atmosphère lourde et oppressante où une fille va voir sa mère en prison,  victime d’un mari violent qu’elle a fini par tuer.
Histoire d’une violence, hélas aujourd’hui devenue ordinaire mais qui raconte aussi l’indifférence des gens alentour et les failles d’un système judiciaire incapable de protéger les femmes.
« Le parloir », que signe et met en scène Delphine Hecquet est  à la fois plein de violence contenue et d’amour et de tendresse où la fille va essayer de comprendre le geste de sa mère et découvrir la détresse qu’elle a connu pour en arriver là. C’est aussi une histoire d’amour entre une mère et sa fille. Une histoire poignante que deux merveilleuses comédiennes, Marie Bunel et Mathilde Viseux interprètent tout en nuance, sobriété et à la fois intensité. Elles n’ont qu’une heure pour se dire bien des choses dans ce sinistre parloir. Des choses évidentes mais aussi complexes à se dire en tête à tête, en temps limité.
Une belle et émouvante histoire d’amour.

Et une belle rencontre ensoleillé avec ces trois femmes superbes.
Parlez-nous toutes trois de cette rencontre magnifique !
Delphine : J’ai écrit cette pièce pour deux personnages : la mère et la fille. J’ai rencontré Mathilde en visio-conférence, ce que je n’aime pas faire habituellement. Mais le confinement l’obligeait. Elle m’a tout de suite bouleversée. Pour la mère, les comédiennes que j’envisageais n’étaient pas libres. C’est mon scénographe qui m’a parlé de Marie. J’ai fait des essais avec elle et Mathilde…
Marie : Et ça a été un coup de foudre à trois ! J’aimais déjà le sujet qui est fort et malheureusement tellement d’actualité. C’était très intelligemment écrit, chargé d’amour, d’émotion, de bienveillance…
Mathilde : Je trouvais très fort d’aborder aussi bien l’amour que la violence de cette façon. Très émue, je ne trouvais plus mes mots mais j’ai eu tout de suite envie de défendre ceux-là.
Lorsque j’ai rencontré Marie et Delphine j’ai rencontré tellement de bienveillance que je me suis sentie capable de jouer ce rôle.
Marie : Ce qui est très particulier et qui m’a touchée c’est qu’on parle d’amour alors que c’est un spectacle sur la violence. Amour entre une mère et une fille qui vont grandir, chacune à leur façon, ensemble, l’une enfermée, l’autre en liberté. Elles vont être en résilience et transformer cette violence en vie, de façon excessivement puissante. L’homme est finalement secondaire.
Mathilde : Elles ne sont pas là pour juger mais pour comprendre pourquoi elles en sont là aujourd’hui.
Delphine : On parle beaucoup de ce sujet aujourd’hui et je me suis demandé ce que je pouvais y apporter. Le conflit ne se situe pas entre elles et je voulais aborder le phénomène de l’emprise, du non-dit et les faire justement se rencontrer dans un parloir, espace dédié à la parole. En sortant du conservatoire de Paris j’avais abordé ce thème entre une journaliste et une prisonnière.  La pièce s’appelait « Balakat » qui signifie « bavarder » en russe. J’ai choisi de la reprendre et de faire se rencontrer une mère et sa fille car l’histoire peut les sauver, il peut y avoir un avenir possible.

Marie, vous venez, vous, du cinéma, et quel cinéma : Pinoteau, Chabrol, Amérie, Coline Serreau… mais votre chemin vous a menée aux Etats-Unis !
(Elle rit) J’ai commencé à tourner en France mais je suis passée par l’Amérique, tout simplement parce que j’étais avec un monsieur qui y travaillait. J’étais jeune et je suis allée prendre des cours à l’Actor’Studio. Oh, quelques mois seulement car les cours étaient très chers. Mais j’ai continué cette méthode en France. Ça a été une super expérience. J’ai très vite tourné des films et je ne suis arrivée au théâtre qu’à 30 ans !
Et vous Delphine ?
J’ai commencé par la danse puis le conservatoire. Je suis toujours comédienne mais j’ai toujours adoré regarder les autres travailler, j’aimais leur porter conseil et être le regard extérieur ! J’ai toujours écrit, pour moi d’abord mais travailler seule dans son coin n’est pas évident. J’ai donc écrit pour des gens que j’aimais bien. Tout ça participe à mon équilibre.
Enfin Mathilde ?
J’ai aussi commencé par la danse, puis à 17 ans, je suis allée prendre des cours de théâtre durant deux ans au TNB. C’est durant ces cours que Delphine m’a contactée pour me proposer ce rôle. Ça a été une période assez étrange car c’était durant le confinement mais en fait ça a un sens, « Le parloir » est une sorte de confinement. Rencontrer le regard de Delphine et de Marie et le sujet de la pièce ont été une évidence pour moi.
Marie, vous avez une carrière incroyable aussi ben au théâtre où vous avez commencé avec Planchon, Cherreau entre autres, idem pour le cinéma et la télé…
C’est vrai que j’ai eu beaucoup de chance et j’espère que ce n’est pas terminé et que je travaillerai avec plein d’autres encore longtemps !
Mais il me semble qu’aujourd’hui j’ai la sensation de commencer une seconde carrière grâce à des gens comme Delphine. J’ai découvert une nouvelle façon de travailler. Ce qui est génial dans ce métier c’est qu’il n’y a jamais rien d’acquis, qu’on a toujours quelque chose à découvrir, des rencontres à faire. On apprend tout le temps et ça me rend heureuse, d’autant qu’aujourd’hui je suis libre de choisir… Je n’ai plus envie de travailler avec des cons ! Et ça, c’est un luxe fou.

Vous avez eu aussi quelques prix…
(Elle rit) oui mais à Sydney, en Australie mais jamais en France !
Vous allez toutes les trois retravailler ensemble ?
Delphine : Oui, dans une pièce que j’ai écrite intitulée « Requiem pour les vivants ». C’est l’histoire sept copains qui s’amusent à sauter des rochers dans la mer à Marseille. Jusqu’au jour où l’un deux fait une chute mortelle.
La mère est Marie, Mathilde est une des copines de la bande. C’est à la fois une aventure et un drame très éprouvant et fondamental : comment œuvrer pour rester vivant et faire un travail de deuil. Il y a huit personnes sur la scène et de la danse chorégraphiée par Angel Martinez-Hernandez et Vito Giotta, deux danseurs de la Horde, issus du Ballet National de Marseille, qui sont d’ailleurs venus danser à Chateauvallon. D’ailleurs on aimerait bien y venir en résidence ! Nous créerons cette pièce au mois de mai de l’année prochaine.
Et avant ça ?
Marie : Le 5 juillet je serai au festival de jazz à Eygalières où je dirai des textes en compagnie de Charlotte de Turkheim et de sa fille Julia Piaton avec qui j’ai joué dans le film « Petites victoires » de Mélanie Auffret (Rencontrée au Six N’étoiles NDLR), je viens de tourner  « Loulou » d’Emile Noblot, « Sexygénaires » de Robin Sykes avec Patrick Timsit et Thierry Lhermitte, et va sortir « Noël au balcon » de Jeanne Gottesdiener avec Didier Bourdon. Enfin, je vais tourner une série TV en costume dont je ne me souviens plus du titre !
Delphine : Avant de commencer à travailler sur cette nouvelle pièce, je reprends la route en tant que comédienne avec la pièce « Entre Chien et loup » qui m’amènera jusqu’au Brésil ! Elle est tirée du film de Lars Von Trier « Dogville »
Mathilde : Je prépare pour la rentrée une pièce qui sera présentée dans les lycées « Corps à vif », avec Pauline Haudepin, autour de laquelle seront montées des rencontres avec les jeunes élèves, des ateliers. Puis je jouerai une pièce de Ramsus Linberg « Dandodandog » à Paris puis en tournée.

Comme on le voit, nos belles dames auront des mois chargés !
Jacques Brachet
Photos Patrick Carpentier

Magalie VAE… 17 ans déjà !

Magalie Vaé, gagnante de la « Star Academy » 5 (c’était en 2005 !) j’ai eu l’occasion de la « croiser » sur la tournée qui a suivi. Mais il y avait autour des jeunes artistes, un cerbère qui nous empêchait de les approcher… D’où pas d’interview.
Et voilà qu’enfin – 17 ans après ! – nous pouvons discuter et c’est pour une belle actualité : la sortie d’un LP de cinq nouvelles et très belles chanson, qu’elle interprète avec cette voix ample, belle, pleine d’émotion. L’occasion de revenir sur tout ce qui s’est passé depuis ce temps où elle n’a pas arrêté de travailler, faisant entretemps un enfant ! Vous pourrez voir son premier clip à la mi-mai.« Magalie, voici donc cinq chansons toutes fraîches, moment qu’on attendait !
Moi aussi, d’autant le Covid a retardé la sortie du disque. Mais ce retard m’a permis de revenir sur ces chansons, de les peaufiner et de les adapter à ce que je suis car, le temps passant j’avais une autre vision et je voulais ce qu’elle me corresponde aujourd’hui.
Avec qui avez-vous travaillé ?
Trois d’entre elles « Devenir fou », « Est-ce que tu m’aimerais ? » et « Plus fort » sont signées Franck Cotti. « On a tous » est de Gérard Capaldi et Julia Czerneski » et la cinquième « Des pleurs » est de Sébastien Dujardin et de… moi pour les paroles !
Vous avez laissé travailler les autres !
(Elle rit) Vous savez, je suis une petite locomotive, je mets beaucoup de temps à écrire, je suis plus interprète qu’auteure alors je laisse faire les autres, effectivement !

Comment travaillez-vous avec eux ?
Il y a différentes manières, chacun ayant les siennes. A certains, je donne un thème, un univers auquel je pense, quelquefois ce peuvent être quelques phrases, quelquefois je leur raconte l’histoire que l’aimerais raconter comme par exemple pour « Est-ce que tu m’aimeras ? »
Aller vous tourner avec ces chansons ?
Oui, nous allons avec Tihyad*, faire, comme nous l’avons fait, la tournée des « Camping Paradis ». Une grande tournée « Paradis des stars » avec celui qui est mon complice depuis plus de dix ans. Avec Tihyad, on a déjà enregistré deux duos : « Tu es mon autre » en hommage à Maurane, en 2018 et « Sous le vent » de Céline Dion que nous adorons, en 2021.
Nous avons beaucoup travaillé ensemble, à un moment on s’était un peu perdu de vue et on s’est retrouvé. Il est devenu mon producteur et mon « collègue ». Il fait partie de mes meilleurs amis.
Parlez-moi de ces tournées « Camping Paradis »
Nous réitérons cette année en allant dans tous les Camping Paradis. L’an dernier c’était sur la Bretagne et le centre, cette année c’est du côté du Périgord et jusqu’à la limite de la Suisse.
C’est génial car nous visitons plein de coins de France magnifiques, nous sommes reçus par des équipes sympathiques et le public est là tous les soirs. C’est une belle expérience.
Et de belles rencontres.
En parlant de rencontres, il y en a une, assez inattendue : celle avec Frédéric François !
Ça a été aussi inattendu pour moi ! Une grosse surprise lorsque Frédéric François m’a appelée pour faire un duo avec lui sur l’album où il reprenait ses chansons avec des artistes aussi divers que Laurent Voulzy, Liane Foly, Roberto Alagna… et moi entre autres !

Le choix de la chanson ?
On m’a proposé un panel de plusieurs chansons et j’ai choisi « Pour toi » qui n’est certainement pas la plus connue de Frédéric mais elle me parlait car ça s’adresse à une mère et je suis maman. Donc ça me touchait.
Maman, parlons-en. Quel âge a votre fille ?
11 ans et demi… Déjà !
Elle s’intéresse à votre carrière ?
Et comment ! Elle est la première à écouter mes chansons et elle na la franchise d’une enfant qui me dit si ça lui plaît ou non. Elle suit tout ça de près, s’intéresse à tout, jusqu’à mes tenues vestimentaires. Ça me touche et ça m’amuse.
On va parler tournage puisque vous êtes aussi comédienne aujourd’hui !
Comment est-ce arrivé ?
Tout simplement parce qu’en 2014 on m’a proposé de faire un casting et j’ai été prise pour le tournage de « Dream, un rêve, deux vies » produit par Jean-Luc Azoulay avec des acteurs de télé-réalités comme Thomas Vitiello, Elsa Esnout (Qui a fait un duo avec Frédéric François), Alice Raucoule, Tonya Kinsinger et même Julie Piétri… Nous avons tourné deux mois à Saint-Martin avec une super équipe, aussi bien comédiens que technicien. Ça a été une aventure magnifique.
Du coup vous avez récidivé ?
Oui, l’an dernier avec Mathieu Grillon qui est réalisateur, scénariste et comédien , avec aussi Alexandre Pesle, Nolan Gresle et Alex Guéry. Le film s’intitule « Ne m’oublie pas »
Et ça va continuer ?
Oui puisque je vais à nouveau tourner avec Mathieu Grillon. Jouer la comédie, ça me plait énormément. Je pense que ça fait partie de mon métier même si ce n’est pas encore aussi courant qu’aux Etats-Unis. J’aime tout ce qui est artistique et je vais, si l’on m’appelle, pouvoir jouer sur les deux disciplines, même si la chanson reste ma priorité.
Pourtant, vos débuts avec votre maison de disques a été assez houleuse !

Dreams

C’est-à-dire que nous avions des vues très différentes et du coup elle a fait le strict minimum du côté communication alors que d’autres gagnants en ont eu un maximum et le disque c’est mal vendu. Du coup, nous nous sommes séparés et j’ai monté une maison de production Dong Eden Production.
En dehors de tout ce que vous faites, vous vous intéressez beaucoup aux associations humanitaires…
C’est la moindre des choses et je réponds toujours oui lorsqu’on m’appelle pour des associations contre le cancer du sein, la maladie d’Alzheimer, les pièces jaunes ou la fondation Grégory Lemarchal. Je suis toujours là si l’on a besoin  de moi.
Finalement, que vous reste-t-il de « Star Academy » ?
J’en ai tellement parlé que je n’ai plus grand-chose à dire sinon que c’est un beau souvenir, une belle expérience et surtout que c’est grâce à cette émission que je peux faire aujourd’hui ce que j’aime. »

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Pulsart in Atris
*Tihyad, auteur, compositeur, chanteur. A écrit, avec Yves Gilbert, des chansons à Serge Lama, a chanté avec Hélène Ségara et joue dans la série « Les mystères de l’amour ».

Lumières du Sud
Guillaume LEVIL, de la Provence à Hollywood !

Guillaume Levil est un homme de contrastes : Il a passé son enfance à la Réunion avant d’arriver à Digne. Il navigue donc entre deux cultures. I
Il partage ses goûts entre Capra et Pagnol, « La femme du boulanger » et « Beethoven » (le chien !!) et notre jeune scénariste-réalisateur-producteur qui vit aujourd’hui àNice, ce qu’i ne l’empêche pas de retourner tourner à la Réunion, était l’invité de Pascale Parodi, présidente de l’association « Lumières du Sud ». Il est venu nous présenter quatre courts-métrages avec toute la passion et l’humour qu’il possède, tout auréolé d’une nomination… aux Oscars s’il vous plaît pour son court-métrage « La valise rouge », réalisé par Cyrus Neshvad, dont il a signé le scénario. Et qu’il nous a bien sûr présenté au Théâtre Daudet de Six-Fours ainsi que trois de ses autres films dont il est scénariste et réalisateur : « Un tour de cheville », « Arthur Rambo », « Courir toute nue dans l’univers », avec des histoires à chaque fois très différentes qu’elles soient drôles ou plus dramatiques.

« Guillaume, tu es en fait construit sur deux cultures
C’est exact, jusqu’à 12/13 ans la Réunion a fait ma construction. J’en suis imprégné. Mon père étant provençal, nous nous sommes retrouvés à Digne où je suis allé au collège. J’ai eu les deux cultures, les deux langues et je suis fait d’elles.
Le cinéma est venu comment ?
Tout jeune, ma mère m’a amené très souvent au cinéma  où je voyais aussi bien les films pour enfants mais aussi d’autres films peut-être un peu moins réservés aux enfants. Mon second film a été « Les liaisons dangereuses » !
C’est pour cela que tu es éclectique, jusqu’à aimer  « La femme du boulanger » ET « Beethoven » ?

Non, pas ET. C’est-à-dire que ce sont les deux exemples de ce qu’il faut faire et ne pas faire. Chez Pagnol c’est au mot près, c’est une histoire qui, même si elle est quelquefois exagérée, tient la route et nous emmène au bout de l’histoire. Pour « Beethoven » (pas le musicien… le chien ! », c’est pour moi tout ce qu’il ne faut pas faire et quant à la fin elle est on ne peut plus mauvaise. Après avoir vu le film j’ai imaginé plusieurs fins plus intéressantes. J’ai commencé à les écrire en fait, c’est le film qui m’a donné envie d’écrire des scénarios ! Donc merci Beethoven !
Tu t’es spécialisé dans le court-métrage, le documentaire…
Et la fiction ! J’ai commencé à écrire des scénarios pour les autres, puis pour moi, puis je suis passé à la réalisation. Mais tout se fait à partir de rencontres comme celles avec Cyrus Neshvad, réalisateur iranien vivant au Luxembourg pour qui j’ai écrit « La valise rouge » ou encore Nicolas Paban, qui est toulonnais et pour qui j’ai co-écrit « Princesse de Jérusalem ».
Ne veux-tu pas passer aux longs métrages ?
Oui, bien sûr mais c’est déjà très difficile de monter des courts-métrages. Il faut trouver de l’argent et puis les vendre après. C’est quelquefois plusieurs années d’attente, d’acceptation… ou pas !
Alors tu penses un long métrage ! C’est un métier aléatoire où il faut toujours avoir dix projets pour quatre qui aboutiront. Il faut pouvoir rebondir.

C’est certainement parois frustrant et en plus entre deux films il faut pouvoir vivre
Frustrant, peut-être quelquefois mais comme je suis toujours sur plusieurs projets, je pars sur un autre. Mais malgré le temps qui court entre deux réalisations on peut très bien vivre une vie entière après un film. Et puis, dès le départ on est prévenu que ce que l’on fait risque de ne pas être accepté.
Il y a deux films que nous n’avons pas vus ce soir : « Le problème du pantalon » et « Les vénérables dessous ». Tu es très… textile !
(Il rit) C’est un diptyque qui d’ailleurs devrait devenir un triptyque car j’ai encore une idée.
« Le problème du pantalon » parle de la contraception chez l’homme : la vasectomie, l’injection d’hormones, le slip chauffant. Sujet tabou que je traite avec humour.
« Les vénérables dessous » traite, lui, de la menstruation, des sous-vêtements féminins qui sont de l’ordre du fantasme et de la liberté des femmes. Là encore, sujets tabous.
Et j’ai déjà un troisième sujet… Mais je préfère ne pas t’en parler !
Bon, venons-en à « La valise rouge », qui t’a emmené jusqu’à Hollywood !
C’est un scénario que j’ai co-écrit avec Cyrus Neshad qui l’a réalisé. Nous l‘avons tourné au Luxembourg où il vit. Nous avons découvert Nawelle Evad, jeune comédienne sur un casting. C’est l’histoire d’une jeune iranienne de 15 ans qui vient au Luxembourg, envoyée par son père, épouser un homme qu’on lui a imposé et qu’elle ne connait pas. Elle récupère sa valise rouge et déambule dans la gare autour de cet homme sans qu’il la voie et, après un long moment d’hésitation, décide de s’enfuir.
Nous l’avons présenté dans divers festivals car ce sont les seuls lieux où l’on peut vraiment les faire voir et il se trouve que nous avons reçu quatre grands prix dans quatre festivals, dont Paris et le Mans. Du coup, il a été sélectionné pour l’oscar du court-métrage.
Pourquoi dis-tu « du coup » ?
Parce que, différemment aux César, le court métrage n’est pas choisi comme chez nous. Aux USA, il est sélectionné par rapport aux prix qu’ils ont reçus dans leur pays. C’est ainsi qu’après plusieurs votes, cent, puis15, puis cinq sont restés en lice… dont le nôtre !
Nous ne sommes arrivés que second, derrière un film, dont la vedette était un handicapé mais nous sommes fiers d’être passés devant le troisième, produit par Disney ! Et même second, ça marque sur un CV !

Quel effet ça fait d’être au milieu des stars hollywoodiennes ?
C’est très impressionnant de se retrouver sur le tapis rouge au même titre que ces stars internationales… Et de se retrouver aux toilettes avec Hugh Grant !!! C’est aussi une grande satisfaction d’un petit français côtoyant le nec plus ultra du cinéma international.  
Tu parles anglais ?
Of course, avec l’accent français qui plait beaucoup… aux américaines !
Il n’a été primé ni à Cannes, ni aux César ?
Non, pour la bonne raison qu’à Cannes nous serions arrivés avec déjà trop de prix quant aux César, il n’y a que des films français et le nôtre luxembourgeois.
Tu disais qu’il n’y a que dans les festivals qu’on peut communiquer sur les courts-métrages ?
Oui parce qu’en France, ils passent toujours très tard et le public est restreint. Donc on ne peut faire voir nos films que dans  les festivals.
D’ailleurs je vais partir au Festival de Cannes, non pas pour voir des films, mais pour faire des rencontres car c’est à 80% là que tout se joue. Les autres 20% dans les autres festivals. C’est d’ailleurs à Cannes que j’ai rencontré Cyrus Neshvad et Nicolas Paban. Comme j’ai plusieurs projets, dont un long métrage coréalisé avec Nicolas, je vais avoir de longues journées.
Un rêve ?
Réaliser un long-métrage fantastique dans la lignée de « SOS fantômes » !

Propos recueillis par Jacques Brachet


Pierre PORTE : « Je jouerai jusqu’à mon dernier souffle »

Pierre Porte est l’un de nos plus talentueux compositeurs, musiciens et chefs d’orchestre français, à l’instar de Franck Pourcel, Paul Mauriat, Michel Legrand, Vladimir Cosma, Francis Lai… Ils sont peu nombreux à avoir importé la musique française dans le monde entier.
Artiste multiple, Pierre Porte est passé de la chanson à la revue et au classique, du théâtre à la musique de films, travaillant avec les Carpentier et Jacques Martin, avec les Folies Bergère et le Moulin Rouge… Aujourd’hui il a conquis la France et le monde
Marseillais de souche, il s’est d’abord partagé entre deux conservatoires, Marseille et Toulon avant de « monter » à Paris où il a été reçu au Conservatoire National Supérieur de Musique dans les classes d’écriture de Maurice Duruflé, Marcel Bitsch et Alain Weber en 1966. Il a accompagné nombre de grands chanteurs, arrangeant leurs chansons ou leur en composant : Johnny, Hallyday Sylvie Vartan, Serge Gainsboug, Dalida, Marie Laforêt, Jean-Jacques Debout, Mireille Mathieu, Thierry le Luron…
Il a travaillé avec les plus grands : Ella Fizgerald, , Claude Bolling, Charles Aznavour, Johnny Mathis, l’Opéra de Huston, Gilbert Bécaud et bien d’autres.
Il a à son actif une trentaine d’albums, une vingtaines de BO pour le cinéma et les séries télé sans compter les nombreuses chansons, trois revues pour les Folies Bergère et les deux dernières revues pour le Moulin Rouge, « Formidable », 12 années de succès et « Féerie » depuis 24 ans, toujours à l’affiche aujourd’hui

Ce printemps 2023 marque la sortie de ses mémoires « Le piano est mon orchestre » (Ed l’Archipel). En parallèle à ce livre de souvenirs, Marianne Mélodie édite un coffret de trois CD où l’on retrouve une partie de ses œuvres « Pierre Porte, Grand Orchestre » et un retour à la scène avec le concert qu’il a donné le 20 mars à la Nouvelle Eve à Paris. 
Bref, l’homme est musique et l’on a plaisir à le lire nous raconter ses aventures autant humaines que musicales.
Quant à l’écouter, c’est un autre grand plaisir tant il est magnifiquement éclectique, passant d’un hommage de Piaf à Beethoven, de Brel à Mozart, de Chopin à… Pierre Porte, de « Féerie » à Cole Porter…
Trois CD pour passer d‘une musique à l’autre avec, de temps en temps la sublime voix de Liliane Davis qui, de Johnny à Cloclo en passant par Aznavour, Trenet, Gainsbourg, a accompagné les plus grands.
C’est un régal et, cerise sur le gâteau, Pierre Porte himself qui m’accorde une interview !
« Pierre Porte, pourquoi tant d’événements cette année ?
Parce que ça fait quelque cinquante ans de carrière. J’avais envie de me raconter dans ce livre de souvenirs, quant à ce coffret de trois CD c’est mon ami Matthieu Moulin qui me l’a proposé et Marianne Mélodie a suivi. Il se compose donc de trois albums, le premier est composé de mes propres productions dont les musiques écrites pour les émissions de Jacques Martin « Musique and Music », « Bon dimanche », la plupart de mes compositions a été produite par la maison Victor JVC au Japon
Le second CD démarre par un extrait de la bande originale de la revue du Moulin Rouge « Féerie », avec entre autres un hommage à Edith Piaf, enfin le troisième avec des orchestration des morceaux classiques signés Wagner, Liszt, Beethoven, Mozart, Chopin, des reprises de musiques que j’ai signées et pour terminer ce CD un autre extrait de la revue du Moulin Rouge « Féerie ».
Enfin, le concert du 20 mars à la Nouvelle Eve à Paris. Je ne m’étais pas produit dans la capitale depuis l’Olympia 1983 et le Théâtre des champs Elysées en 1984.

Paris où tu as travaillé avec Gilbert et Maritie Carpentier…
Oui, grâce à Claude Bolling qui me présente en 1970 aux Carpentier et avec lesquels je collaborerai à une centaine de shows durant 5 ans avant de rejoindre Jacques Martin au Théâtre de l’Empire en 1977.
Bizarrement, aussi bien les Carpentier que Jacques Martin t’ont un peu oublié par la suite !
(Il rit). Tu connais le métier : Les Carpentier m’ont boudé parce que je suis allé travailler avec Jacques Martin et après la fin de son contrat avec antenne 2 en 78 et deux années sabbatiques, Jacques est revenu à l’antenne avec de nouvelles émissions mais il ne m’y a jamais invité. C’est dommage qu’ils m’aient tourné le dos mais je n’ai pas cherché d’explication… D’ailleurs je t’avoue que je m’en fous !
Puis il y a eu les revues !
Oui, d’abord aux Folies Bergère où j’en ai signé trois, en 77, 82 et 87, puis au Moulin Rouge où j’en ai signé deux : « Formidable » en 89 et « Féerie » dix ans après.
Sans compter les artistes avec qui tu as travaillé…
Et que je rencontrais souvent chez les Carpentier : Sylvie Vartan avec qui j’ai travaillé en 75 et 76 au Palais des Congrès. Mais j’ai aussi dirigé le grand orchestre philharmonique de Nice à Salon de Provence au Château de l’Emperi pour Ella Fitzgerald. J’ai travaillé avec Thierry le Luron que j’ai dirigé à l’Olympia, avec Johnny à qui j’ai écrit, avec Michel Mallory et Jean-Pierre Savelli « Fou d’amour ».
C’est toi qui les appelais ?
Je n’ai jamais appelé personne, c’est un peu le fruit de nombreuses rencontres. Il faut savoir saisir les opportunités lorsqu’elles se présentent et surtout décrocher son téléphone avant qu’il ne sonne !
C’est pourquoi tu as une formule : « Je dis oui à tout » !
Oui, ça c’est quand tu débutes, tu dis oui à tout car il faut travailler et te faire connaître. Jusqu’à 50 ans où tu dis « oui… mais… » car tu ne peux pas faire tout ou n’importe quoi. A partir de 60, il faut que tu apprennes à dire non !
De toutes façons, tu es très éclectique : pianiste, compositeur, arrangeur, chef d’orchestre, que ce soit dans le jazz, le classique, la variété…
J’aime diversifier les plaisirs, changer de casquette, à partir du moment où je parle musique. Quant aux styles, en dehors du jazz où je n’oserais pas aller, que j’aime mais qui n’est pas vraiment dans mon langage musical. D’autres le font mieux que moi ! Mais je suis curieux de découvrir, d’apprendre, de jouer. Ma vie, c’est la musique ! par exemple pour le Moulin Rouge depuis 36 ans, lorsque je compose Je reste dans la tradition et la continuité évolutive ! C’est vrai que chez les Carpentier j’ai appris à passer d’un style à l’autre avec des chanteurs et des comédiens très différents et des duos quelquefois improbables et ça, c’est une bonne école car il fallait s’adapter et réagir vite.

Et la musique de films entre autres : tu as travaillé avec Roger Vadim, Yves Boisset, Christian-Jaque, Joseph Losey…
Là encore le hasard et les rencontres avec des amis, des amis d’amis, des gens qui ont entendu parler de mon travail… Par exemple, Christian-Jaque a vu et entendu une musique d’un ballet que j’avais écrit pour les Carpentier et ça lui a donné l’idée de m’appeler pour la musique de son film « Docteur Justice ». C’était le genre de musique qu’il cherchait. J’ai également écrit beaucoup de musiques pour des séries télévisées.
Tu as donc débuté très tôt…
J’ai toujours aimé la musique et à 13 ans on m’a demandé d’accompagner un spectacle au piano. Puis, à 15 ans, avec mon frère, mon cousin et quelques amis, nous avons créé un petit orchestre. On jouait pour des fêtes, des communions
Après quoi je suis entré au conservatoire de Marseille et de Toulon…
Pourquoi les deux ?
Parce qu’il y avait dans les deux conservatoires des professeurs très différents qui m’enseignaient des disciplines différentes comme le solfège et le piano à Marseille, à Toulon toujours le piano, avec André Millecam mais aussi l’écriture, l’harmonie et contrepoint avec M Buisson.
Alors aujourd’hui, tes projets ?
Je suis en train de préparer le DVD du concert de la Nouvelle Eve. Et puis j’écris, je joue, je n’arrête pas…Je n’ai jamais arrêté. je fais des concerts avec mon piano qui est un orchestre à lui tout seul. les 88 notes du clavier sont le reflet de toutes les tessitures des instruments qui composent un orchestre symphonique Mon bonheur c’est la musique et la scène.
Et je jouerai et composerai jusqu’au dernier souffle.

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Christine Ledroit-Perrin

Christian DELAGRANGE : entre musique et humanitaire

Ce chanteur à la voix d’or qu’est Christian Delagrange, a toujours fait partie de mon univers musical et amical.
De MIDEM en Rose d’Or d’Antibes, des tournées Âge Tendre à un certain « Stars en cuisine » à Saint-Raphaël où nous avons cuisiné… de concert, nous nous sommes toujours amicalement suivis, rencontrés, appelés.
Le voici qui revient avec un double album, l’un où il mêle anciens succès et nouvelles chansons, l’autre où il nous propose des duos, réels ou virtuels avec des gens qu’il a rencontrés sur son parcours de chanteur, qu’il aime et avec qui il a eu envie de partager une chanson.
Ça nous donne un beau double CD intitulé « Ensemble » (disques Wagram) qui sort ces jours-ci.

Christian, parlons donc de ces chansons qui nous rappellent tant de souvenirs. Comment s’est-il constitué ?
Comme tu l’as dit, de mes anciens succès, des reprises comme « Rosetta », « Sans toi je suis seul » « Tendre Cathy », que le public me demande à chaque fois et quelques autres, de cinq nouvelles chansons, plus une signée Claude Barzotti « Dessine-moi ces pages ». Sur le second, il y a des duos que j’ai enregistrés avec des gens que j’aime et d’autres qui sont des enregistrements virtuel, car c’est facile à faire aujourd’hui, pour rendre hommage à des artistes disparus.
On ne peut pas ne pas commencer par Patricia Carli qui a écrit des succès pour un nombre incalculable de chanteurs… dont toi !
Patricia, c’est un amour, je lui dois tout, dont « Rosetta » mon premier succès, Rosetta étant son vrai prénom. Avec son ex-mari aujourd’hui décédé « Léo Missir » nous avons toujours eu une complicité incroyable. Faute de se voir souvent, on s’appelle. Elle a toujours cette voix de petite fille et ce rire éclatant et elle devait partager ce CD avec moi. On a choisi une de ses chansons : « La vie n’est pas facile »
Une surprise : Gloria Lasso ! Ce n’est pas vraiment de ton époque !
(Il rit). Gloria Lasso c’est une rencontre, je dirai incongrue. Une rencontre à rebondissements.D’abord elle voulait acheter ma maison et voilà qu’elle se marie… avec le fils d’un copain !
Nous avons beaucoup ri ensemble, elle avait beaucoup d’humour et surtout une voix qu’on ne pouvait pas ne pas entendre. J’ai donc réalisé un duo virtuel sur un de ses succès : « Volare ».

Patricia Carli & Léo Missir

On retrouve Manu di Bango…
Manu est un ami des vaches maigres. Nous nous sommes connus alors que nous étions totalement inconnus et qu’avec Gérard Tempesti, on se partageait… un coc à trois ! On se disait que ça allait marcher pour nous. Et ça a marché, moi le chanteur, Manu l’un des plus grands sax existant et Gérard devenu producteur. Je suis très triste que Manu nous ait quittés et pour ce duo virtuel j’ai choisi « Le Sud ».
Bobby Solo… C’est la tournée « Âge Tendre » ?
Oui. On se connaissait peu mais à se voir tous les jours un lien d’amitié s’est créé. Un jour il me disait avec regret que la chanson qui l’avait fait gagner à l’Eurovision « Una lacrima sul viso », il ne l’avait jamais chantée en français. C’est Lucky Blondo qui l’avait enregistrée sous le titre « Sur ton visage une larme ». Il avait écrit cette chanson pour sa mère qui avait pleuré lorsqu’elle avait quitté la maison pour aller chanter. Du coup, c’est la chanson qu’on a choisie.
Evidemment, on retrouve le complice, Herbert Léonard !
On se suit depuis des années et on s’est aussi retrouvé sur la tournée « Âge Tendre ». Nous avons une grande complicité et nous avons choisi « A toutes les filles »  de Didier Barbelivien et Félix Gray.

Dave, Michèle Torr lors d’un concert à Pertuis

Bon, on ne peut pas évoquer tous les duos car il y en a 15, où on retrouve Fabienne Thibeault (Ainsi va a vie), Jeane Manson Les larmes aux yeux)(, Corinne Hermès (Pleurer des rivières) David-Alexandre Winter (Et maintenant), Sébastien El Chato (Vous les femmes)…
Mais parlons d’une chanson inédite signée Claude Barzotti : « Dessine-moi ces pages »
Avec. Claude, c’est une amitié très forte qui s’est développée, là encore sur « Âge Tendre ».
On ne s’est plus quitté et lorsqu’il a été très malade, j’allais le voir très souvent. Un jour je lui ai dit : « Finalement, tu n’as jamais écrit pour moi ». Alors il a pris sa guitare et a composé la mélodie, sur laquelle j’ai mis des paroles. Ça s’est fait très vite et je suis heureux qu’il soit sur cet album. C’est une chanson sur l’amitié et sur les problèmes de la vie.

Bon, parlons d’un sujet, loin de la chanson, qui m’a énormément surpris : En 2020, on te retrouve sur une liste municipale, ce à quoi je ne m’attendais pas !
(Il rit). Ne t’en fais pas, je ne me suis pas lancé dans la politique, je n’y comprends rien et ça ne m’intéresse pas. C’est trop compliqué pour un petit bonhomme comme moi !C’est un copain qui se présentait dans un village. Je me suis inscrit sur sa liste écolo, plus pour l’appuyer, parler du bien être des habitants que pour parler politique. Et puis j’ai déménagé et c’est là que cette éventuelle carrière s’est arrêtée !!!
Alors, parlons plutôt de l’association que tu as créée « Assistance Humanitaire Internationale (AHI)*
Ça, c’est plus dans mes cordes ! C’est une association qui a pour crédo : générosité, cœur, altruisme, humilité, empathie. Nous parcourons le monde pour créer des écoles, des maternités et plein d’autres choses dans tous les pays où l’on a besoin de nous, que ce soit en Afrique, en Inde ou ailleurs de par le monde.
Tu as le temps de t’en occuper ?
Oui, quelquefois c’est un peu difficile car je voyage beaucoup, je vais sur place pour vérifier ce qui se passe. Et je précise que c’est une association dont tout l’argent qui rentre des concerts, des manifestations et d’événements qu’on organise, est aussitôt utilisé dans l’association.
Nous sommes tous des bénévoles, tous les voyages que nous faisons sont payés par chacun d’entre nous. C’est la condition  siné qua non.
Avant la création d’AHI, j’ai été dans une association où nombre d’adhérents se faisaient payer frais et voyages. C’est pour cela que je l’ai quittée et qu’on a créé celle-là.


Des projets de concerts ?
Oh, il y en, a toujours, j’en fais une centaine par an et j’essaie de m’organiser au mieux.
Au fait, il y a longtemps que je ne suis venu chanter par chez toi.
Ça me permettrait de voir un peu la mer !

Avis aux organisateurs de concerts ! Et ça nous permettrait aussi de nous retrouver !
Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Christian Servandier
*Assistancehumanitaire.org

Marcel… Tu vas nous manquer

Il est né le 1er avril 1929… Après ça, l’on comprend son esprit facétieux !
Il a traversé les décennies comme l’amie Annie Cordy, avec une pêche d’enfer. Les années glissaient sur lui, il a toujours été beau, svelte, jusqu’à la fin, ses cheveux avaient blanchi depuis si longtemps qu’ils faisaient partie de cette silhouette longiligne qui devenait, sur scène, un de ses atouts. D’autant qu’il a sauté, dansé et virevolté durant…plus de 60 ans !!!
Il faisait tellement partie de notre beau paysage de la chanson française que même nos grands-parents parlaient de lui. Lui, il en rigolait et à chaque concert il faisait un malheur, tout comme lors de la tournée » Âge Tendre » où il était plus jeune que nombre d’autres artistes qui avaient 20 ans de moins que lui. Il faut dire que, si sur scène il ne se ménageait pas, il suivait un régime draconien,
condition sine qua non pour continuer cette vie trépidante…
« Ordre de mon médecin après une petite alerte cardiaque… Mais rassurez-vous, tout va bien ! »
Il était disert, volubile et très heureux de vivre, de chanter, chose qu’il n’a jamais arrêté de faire, même durant « sa traversée du désert » en France, où on ne le voyait plus à la télé, poussé par… ceux avec qui il partagea la vedette sur la fameuse tournée et qui, à leur tour, furent poussés par des petits nouveaux… qu’on retrouve aujourd’hui sur la tournée !!! Il en a beaucoup ri :
« J’ai trouvé ça très amusant que l’on se retrouve tous sur un même programme… C’est un clin d’œil du destin !
Ce qui me fait rire c’est lorsque j’entends des gens dire : « Oh la la… il a pris un sacré coup de vieux, celui-là » ! Mais finalement c’était le principe même de cette tournée : que sont-ils devenus ? Comment sont-ils ? Le but était de faire entendre aux gens les chansons de leur jeunesse…. Et l’on vous parle d’un temps… comme disait son ami Aznavour ! Aznavour qui lui a écrit son plus grand tube « Le mexicain » sans compter que Brassens lui a offert « Le chapeau de Mireille »
Nos rencontres ont toujours été un grand plaisir. Il aimait raconter ses débuts

« Je suis « monté » à Paris en 51. J’avais un peu plus de 20 ans et je me destinais à un métier honorable », quelque chose comme enseignant. Mais très vite j’ai eu ll’appel du théâtre puis de la musique et on me voyait plus sur les planches du conservatoire que sur les bancs de la fac. J’ai donc décidé de quitter Bordeaux où il ne se passait rien à cette époque et de tenter Paris. J’ai eu quelques années un peu dures mais j’ai commencé à percer en 56, date de mon premier Olympia, et je suis vraiment devenu une vedette reconnue avec quelques tubes (qu’on appelait alors succès populaires !)… en 60 ! Voyez, on n’en est pas si loin. Et voyez pourquoi ça m’a fait drôle de chanter aux côtés de ceux qui nous ont chassés !
En 60, je n’avais quand même que 30 ans mais avec leur arrivée j’ai fait office de « vieux briscard » ! Tout est relatif !
Tu n’as  jamais arrêté ce métier ?
Non, jamais et j’ai eu du bol car, lorsque les contrats se sont mis à se faire rares en France, j’allais chanter en Allemagne, en Italie et beaucoup plus loin car je chante en huit langues. J’ai animé des émissions et fait beaucoup de galas et de disques ailleurs, entre autres en Italie. J’ai beaucoup parcouru la planète. Même aux jours les plus difficiles, j’ai pu résister et subsister avec ce métier. Je n’ai jamais arrêté de vivre de la chansonnette et puis, j’avais un autre violon d’Ingres : écrire. J’ai toujours écrit des chansons, des textes, des livres, même si je ne me considère pas comme un écrivain. Si je n’avais pas chanté j’aurais peut-être pu être écrivain ou journaliste ».
Il aurait pu mais il fut écrivain, ayant quelques livres à son actif dont son autobiographie : « Il a neigé… ».
Ton autobiographie a été longue à sortir !
Oh la la… Ca a été un long travail… C’est que je n’ai pas dix ans de carrière, mon bon monsieur !!! J’avais quelque deux mètres cubes de doc à compulser !
Lorsqu’il a été question que je fasse mes papiers pour ma retraite et faire valoir mes droits, ma femme a fait des recherches entre disques, programmes, articles de presse, documents divers… Après, il a fallu tout trier. Bien sûr que je ne raconte pas tout, il faudrait plusieurs volumes mais… il a fallu faire un choix ! Sans compter qu’il n’était nullement question que je raconte mes galipettes car ce n’est pas mon genre, même si je sais que ça plait au public »

Je suis de la génération dite «yéyé», mais, dans les années 50, j’étais bercé par les chanteurs que ma mère écoutait : Trenet, Cordy, Amont et autres.
Sans savoir que, des années plus tard, je deviendrais ami avec ces deux derniers…Et que je retrouverais les deux comparses sur les tournées «Âge Tendre» et fêterais avec eux leurs 80 ans. Tout ça ne nous rajeunit pas, ma bonne dame !
« Bleu, blanc, blond», «Tout doux, tout doucement», «Le clown», «Le chapeau de Mireille», «Le mexicain», «L’amour ça fait passer le temps»… Il en a fait des succès, le père Miramon… On n’appelait pas encore ça des tubes !
Le plaisir a été grand de partager ces tournées « Âge Tendre » avec mes deux plus vieux amis : Marcel et Annie
Et de le retrouver une dernière fois au Théâtre Galli de Sanary où il vint chanter.
Il avait alors 92 ans… Pardon… 91et demi, précisait-il en riant !
«Et toujours bon pied bon œil,  lui dis-je en riant de même après la répet’
Bon… disons-le vite… On n’est pas à un mensonge près ! Mais il ne faut pas s’attendre à ce que je fasse des galipettes sur scène… Ça, c’est fini.
On n’aura donc pas droit à ton légendaire équilibre sur la chaise, comme tu le faisais encore sur la tournée «Âge Tendre»… à 80 ans ?
Depuis, il s’est passé quelques années et je suis entré dans une zone de turbulence… Attention : je ne dis pas que je ne suis plus capable de le faire mais ça devient plus dangereux et, il faudrait quelqu’un pour me réceptionner au cas où je me casse la gueule ! Mais je vous jure que je peux encore le faire !

Ça te fait combien d’années de spectacles aujourd’hui ?
Professionnellement, 70 ans. J’ai commencé en 49 à Bordeaux, je suis «monté» à Paris en 50. J’ai galéré quelques années en chantant dans des bals, des cabarets, tous les lieux où je pouvais chanter.
Sans jamais être « démodé » comme le titre de votre dernière chanson !
Cette chanson, je l’ai faite car je ne supporte pas le mot «ringard» trop souvent employé pour des vieux chanteurs. A la limite, je préfère «Has been», c’est plus juste, on a été… et on est toujours là ! Je suis un ancien qui peut être possiblement démodé !
Mais tu chantes toujours, c’est bon signe !
Vous savez, l’énergie vient de l’intérieur et tant que je l’aurai, cette énergie, je continuerai.
Donc, on fêtera tes cent ans sur scène ?
Pourquoi pas… si je ne sucre pas les fraises !»

Malheureusement, il n’aura pas eu le temps de revenir fêter ses cent ans comme promis.
Je garde de lui des souvenirs magnifiques, de belles pintes de rires avec Annie, des repas où il nous passionnait de ses histoires, de sa vie, qui fut une musique perpétuelle.
Je ne l’oublierai pas

Jacques Brachet
Photos Christian Servandier

Amaury de CRAYENCOUR… Un comédien heureux

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Photo Philippe Matsas

Théâtre, cinéma, télé… Amaury de Crayencour est un comédien qui enchaîne rôles sur rôles et dont la télé a fait de lui un artiste populaire tant il a joué, en « guest », dans des séries télévisées, de « Julie Lescaut » à « RIS » en passant par « Le bureau des légendes », « Camping Paradis », « Nos chers voisins », « Tandem », « Cassandre », » « César Wagner », ces deux dernières séries tournées en 22, sans compter, cette même année «Le souffle du dragon » avec Julie Gayet et Lola Dewaere et « Et toi, c’est pour quand ? » avec Blandine Bellavoir.
Mais lorsqu’il n’est par sur le petit écran, il est sur le grand ou au théâtre !
Le voilà d’ailleurs en tournée avec la pièce de Benoit Solès » « La maison du loup – A la rencontre de Jack London », mise en scène de Tristan Petitgirard, avec Benoît Solès « in person » et Eléonor Arnaud. Il se posera le vendredi 20 janvier à la Chaudronnerie à la Ciotat puis on le retrouvera le Vendredi 3 mars au Palais des Congrès de St Raphaël.

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Photo Fabienne Rappeneau

« Amaury, parlez-nous de cette pièce que vous emmenez en tournée…
C’est une pièce originale de Benoit Solès qui, suite au succès de « La machine de Turing » (4  Molière 2019) a écrit cette histoire et a réuni à nouveau la même équipe autour de lui… On ne change pas une équipe qui gagne !
C’est tiré d’une histoire vraie ?
C’est une histoire qu’a écrit Benoît Solès à partir d’une partie de la vie de Jack London, que je joue. Il avait alors 40 ans et est mort un an après. Jack London était devenu très riche. Il avait construit un manoir de 25 pièces, ultime rêve de sa vie de riche héroïnomane et alcoolique. Surdoué et écolo, il avait le foie détruit. Il n’arrivait plus à écrire et faisait appel à des journalistes qui pouvaient lui apporter des histoires.
Jusqu’à ce que son manoir soit détruit par un feu.
Il fut emprisonné en 1894 et raconte la vie d’alors d’un prisonnier, Dannell Stanting, dans « Le vagabond des étoiles ». Il faut savoir qu’à cette époque un directeur de prison pouvait, pour faire parler un prisonnier, lui mettre la camisole de force  et le condamner à mort. C’est ce livre qui a fait abolir ces traitements.

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Photo Fabienne Rappeneau

En 2014 vous avez été nominé aux Molière pour « Le porteur de rêve » d’Alexis Michalak, puis vient le succès de « La machine de Turing »… Vous avez le nez pour choisir vos pièces !
(Il rit)… J’ai le pif ! Tristan Petitgirard m’avait vu dans « Le porteur d’histoire », il est venu me dire qu’il voulait travailler avec moi et m’a proposé de jouer dans « La machine de Turing ». Tout est parti de là. A Avignon, nous avons fait une petite lecture avec quelques producteurs qu’on avait invités. Et de là, c’est devenu une grosse production ! Aujourd’hui, on retrouve la pièce dans la série chez Nathan « Les carrés classiques » où l’on trouve tous les plus grands auteurs à faire travailler aux élèves !
Même si l’on vous voit beaucoup à la télé, vous avez commencé par le théâtre…
Oui, à 17 ans et bizarrement ma première pièce a été « Le visiteur » d’Eric-Emmanuel Schmidt… qui produit aujourd’hui « La maison du loup ». La boucle est bouclée !
Pas trop difficile de se partager entre théâtre et tournages ?
Je ne vous dirai pas le contraire ! Quelquefois le planning est compliqué car une pièce de théâtre prend du temps, il y a les répétitions, les tournées et c’est un casse-tête lorsqu’on ajoute un tournage. C’est pour cela que je suis rarement dans un rôle principal d’une série. Il y a quand même eu « Les copains d’abord avec Julien Boisselier, Olivia Cote, Judith Siboni où nous jouions deux couples. Une jolie série
Mais j’arrive à concilier les deux avec aussi ma vie de famille, mon épouse, la comédienne Bahia Rehas et mes deux enfants.

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La machine de Turing – Le souffle du dragon

Vous avez joué avec elle ?
Dans « Tandem ». Sinon nous avons des projets différents mais nous essayons de tout concilier. Par exemple, elle va venir tourner une série à Marseille et je vais aller m’y installer un moment avec les enfants. Puis ce sera à son tour de me rejoindre sur un tournage près de Toulouse.
Nous nous nous sommes rencontrés sur « Le porteur d’histoire » d’Alexis Michalak puis retrouvés sur la série « Paris un jour de… (d’anniversaire, de transition, d’incruste…)
Votre nom est en fait Amaury Cleenewerk de Crayencour… Difficile à porter !
Surtout à dire et retenir lorsqu’on est comédien ! J’en ai donc enlevé une partie que j’avais déjà enlevée à l’école, sur les conseils de ma mère. C’est un nom qui remonte à quatre ou cinq générations. J’avoue qu’il faudrait demander à mon frère, il s’y intéresse plus que moi, d’où il vient et depuis quand il existe. Je sais qu’il vient du nord de la France et qu’il est devenu belge grâce à mon grand-père qui a épousé une femme belge !
C’est aussi l’anagramme de Yourcenar, la romancière Marguerite Yourcenar était votre grand-tante !
Ne s’entendant pas avec la famille elle a alors transformé son nom et est partie vivre aux États-Unis car elle tenait à sa liberté. Elle s’entendait bien avec mon grand-père avec qui elle a échangé une correspondance. Ça n’était pas toujours très littéraire mais il y a des lettres magnifiques. Elle avait une grande ouverture d’esprit.

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Les copains d’abord – César Wagner

Alors, vos projets ? Aussi importants que cette année 22 ?
On peut le dire ! J’ai d’ailleurs cette tournée qui va se continuer jusque vers avril. Puis en avril-mai je tournerai deux épisodes de « César Wagner «  avec Gil Alma et Olivia Cote que je retrouve. Je vais aussi enregistrer un livre audio : « Une belle matinée » de… Marguerite Yourcenar, l’histoire d’un enfant de 12 ans qui se lie d’amitié avec un vieil acteur anglais, qui lui communique sa passion du théâtre. Il y a des rapprochements avec ma vie.
Ensuite je vais retrouver Tristan Petitgirard qui va adapter sa pièce « Des plans sur la comète » pour en faire un film auquel il m’a demandé de participer.
Le chômage… Vous ne connaissez pas ?!
J’ai cette chance de pouvoir choisir mes projets au théâtre, au cinéma, à la télé.
Je vis une belle aventure ! Je suis heureux»

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Souvenir du Festival de la Rochelle 2022

Propos recueillis par Jacques Brachet

Vincent FERNANDEL
« Ma famille est mon ADN et mon héritage »

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Je me souviens d’un petit garçon de sept-huit ans qui m’avait rabroué parce que je ne lui avais pas demandé de me signer le livre de son père, « Fernandel de pères en fils ». Ce gamin était Vincent, fil de mon ami Franck Fernandel, que j’avais invité à Toulon pour signer son livre.
Le minot a aujourd’hui 40 ans (Eh oui !), son père nous a quittés depuis dix ans et quand je regarde Vincent, je vois son père, tant il lui ressemble.
Le troisième Fernandel a depuis, taillé sa route mais, un chien ne faisant pas un chat, il écrit des chansons, des pièces de théâtre, des livres, il a été journaliste et il rigole lorsque j’évoque notre première et seule rencontre ;

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« Oui, ça me fait rire car j’ai eu une éducation entre des parents très présents, un père qui avait une idée simple de ce métier. Il n’a jamais voulu être une star et avait beaucoup de recul face au show biz. Il relativisait le fait d’être le fils d’une vedette et artiste lui-même. Et il a toujours été vigilant face à mon éducation.
Il ne m’a jamais rien imposé, m’a toujours dit de faire ce que je voulais, à condition d’être sérieux dans mon travail, honnête et digne du nom que je portais.
Je ne me suis jamais senti investi de quoi que ce soit. Avec lui, on parlait de tout et rarement de son métier. Je suis heureux et fier du père que j’ai eu et ce que tu me racontes aujourd’hui me fait rire car c’est tellement loin de moi ! Mais petit, être fils et petit-fils de personnages comme eux n’est pas toujours évident, surtout vis-à-vis des gens qui imaginent mal que nous sommes des personnes comme les autres. Et je remercie mes parents de m’avoir donné ce sens des réalités.
Justement, comment se construit-on entre deux célébrités ?
Comme un garçon ordinaire. Au départ, j’ai eu envie de faire des études audiovisuelles. Je n’avais aucune velléité d’être chanteur ou comédien. Je préférais être dans l’ombre pour mettre les autres en valeur. Je pensais que ma place était derrière. Le hasard a fait qu le producteur de Frédéric Lopez m’a proposé d’être chroniqueur sur Match TV, qui n’existe plus d’ailleurs. J’ai été happé par les médias, puis je suis devenu animateur, journaliste spécialisé dans le cinéma sur M6.
Mais j’ai toujours gardé cette envie d’aider les gens.
J’aimais le théâtre, non pour être comédien mais pour aider des jeunes comédiens. J’ai donc pris des cours de théâtre et j’ai créé les Ateliers Vincent Fernandel.

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Et tu t’es pris au jeu ?
C’est grâce à Fanny Tempesti, fille de Gérard Tempesti, le producteur de mon père, qui a pris le relais de son père. Un jour, me voyant raconter des histoires à des enfants et voyant leurs yeux briller, elle me dit : «Pourquoi n’enregistrerais-tu pas des contes ? Si ça te dit, je m’occupe de toi»
C’est  ainsi que ça a commencé. J’ai enregistré les fables de la Fontaine puis, j’ai pensé à mon idole : Alphonse Daudet. Je pense que s’il n’avait pas existé, nous n’aurions pas eu Giono ou Pagnol. J’ai donc enregistré « Les lettres de mon moulin »,
(Sortie le 16 décembre sur toutes les plateformes.Le volume 2 sortira le 27 janvier et le volume 3 le 24 février)
C’est un nouveau tournant pour toi ?
Tu sais, je vais avoir 40 ans, j’ai toujours aimé dire les mots de Daudet et je pense que c’est arrivé en temps et en heure. Il me fallait du temps. J’ai toujours eu besoin de temps pour faire quoi que ce soit. Le temps est donc arrivé. Du coup, j’ai créé les productions Vincent Fernandel aidé par Fanny. Sans elle, je ne l’aurais pas fait car elle a toujours été auprès de moi comme elle l’était auprès de mon père. Je lui dois beaucoup.
Tu as écrit un livre sur ton grand-père mais pas sur ton père…
Tu sais que tu es le premier qui me pose cette question et ça me fait plaisir que ça vienne toi qui as été l’ami de Franck.
Lorsqu’on m’a proposé d’écrire ce livre sur Fernandel, j’ai plusieurs fois refusé. Ce qui m’a décidé c’est qu’alors il allait avoir cent ans et j’ai eu peur qu’a l’occasion, il sorte tout et n’importe quoi sur lui, comme ça a déjà été le cas. J’ai donc décidé de le faire car moi, je savais de quoi je parlais !

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Et Franck alors ?
Il y a dix ans qu’il a disparu, il a enregistré beaucoup de chansons et quelques succès. Je me suis dit qu’on ne les entendait plus et, plutôt que d’écrire un livre, pourquoi ne pas rééditer toutes ces chansons ? Et pourquoi ne pas devenir le producteur de mon père ?  Le problème était que je n’étais ni propriétaire ni producteur de ses chansons. J’ai décidé de le devenir. Ce qui a été un très long travail car je voulais qu’il soit fier de moi. Autre hasard : un jour le directeur artistique de Marianne Mélodie, Matthieu Moulin, m’appelle pour me dire qu’il voulait sortir une compilation de ses chansons, ce qui m’a fait énormément plaisir. Je me suis dit qu’il était temps de faire ce que je voulais faire. J’ai mis deux ans pour récupérer quelque vingt masters, dont le disque de « L’amour interdit » qui date de 83. Je compte sortir tout ça en 23.
Tu produis d’autres choses ?
Je suis en train de travailler avec un jeune chanteur, Florent Richard et son premier album devrait aussi sortir l’année prochaine. Là encore, j’ai pris le temps car je préfère faire une chose à fond plutôt que de faire n’importe quoi à la va vite. Une bonne daube ne se fait pas en deux heures !
J’ai toujours pris le temps de faire chaque chose et installer des échanges humains.
Dans tout ce que tu as fait, il est une chose qui est un peu originale : la sortie d’un livre intitulé « Au cœur de la fougère », un livre parlant… rugby !
(Il rit) Là encore le hasard car je ne connais strictement rien en rugby !
Un jour, un un producteur me convie à rencontrer le journaliste, Ian Borthowick, car il veut me rencontrer pour un documentaire qu’il veut faire sur les All Black. Curieux, je le rencontre et je lui dis que je ne suis pas l’homme de la situation. Au bout de six heures d’entretien, il me propose quand même de partir avec lui en Nouvelle Zélande.
Nous y avons passé 45 jours mais en revenant,le producteur a été lâché par un investisseur. Que faire de tout ce travail ? Heureusement, je prenais des notes jour après jour et lui faisait les photos. On a donc décidé d’en faire un livre… Voilà l’histoire. Ça n’a pas été un bestseller mais une belle expérience qui m’a appris beaucoup de choses.
En fait, tu es un artiste multiple et un homme heureux !
On peut dire ça. J’ai la chance, le luxe d’avoir une famille qui m’a donné de belles bases d’amour, de simplicité, de joie de vivre. En plus, lorsque je rencontre des gens qui me parlent avec toujours autant d’émotion et d’admiration de mon père et de mon grand-père, ça ne peut que me rendre heureux.
Ma famille est mon ADN et mon héritage.
J’en suis fier.

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Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Sophie di Malta

Thibault de MONTALEMBERT, acteur anglo-saxon ?

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On connait le comédien qui a explosé dans la série « 10 pour cent » mais qui poursuit une magnifique carrière au théâtre, au cinéma, à la télévision.
On l’a notamment vu dans « L’absente » avec Clotilde Courau, dans « Les aventures du jeune Voltaire » avec Thomas Solivéres et il nous a offert un rôle irrésistible de travesti dans « Miss ».
Mais depuis quelques temps, est de plus en plus appelé par le cinéma anglo-saxon.
Et du coup, depuis quelques mois, il enchaîne des films anglais et américain, pour la plupart du temps en France mais sa carrière est en train de devenir internationale.
Le rencontrer est toujours un moment amical et là, son actualité étant tous azimuts que je ne pouvais pas la passer sous silence !

« Ça va pour toi, Thibault, en ce moment !
(Il rit) Je n’ai pas à me plaindre puisque j’ai été sur quatre films ou séries à la suite… Et en plus, sans souvent quitter Paris puisque aujourd’hui, les américains viennent de plus en plus tourner chez nous et en Angleterre, grâce à un plan fiscal qui les fait venir ici. Du coup je joue chez moi la plupart du temps.
Alors, on commence par quoi ?
Eh bien « Benjamin Franklin » qui est une grosse série d’Apple, réalisée par Timothy van Patten, où les acteurs sont américains et français. Franklin est joué par Michaël Douglas mais on retrouve Jeanne Balibar, Ludivine Sanier, Robin Renucci…
J’ai eu la chance d’être choisi le premier sans passer par un casting.

LES AVENTURES DU JEUNE VOLTAIRE 3 4
Dans « Voltaire » (Le duc d’Orléans) – Dans « Miss »

Quelle en est l’histoire ?
Le scénario est tiré du livre de Stacy Shift « La grande improvisation ».
Je suis le ministre des affaires étrangères de Louis XVI, Charles Gravier de Vergennes. Il fut diplomate durant 13 ans chez le sultan de Turquie et est nommé à Versailles pour succéder à Maurepas. Ça se passe sur dix ans, entre 1770 et 17779, et dix ans avant la Révolution. Il y a Beaumarchais qui est un espion et un trafiquant d’armes pour les américains et Benjamin Franklin, connu internationalement pour ses inventions, mais pas non reconnu en politique, vient demander à la France un soutien en argent et en armes pour aider les anglais.
On connaît peu ce de Vergennes
C’est vrai qu’il n’est pas connu du grand public et je pense que c’est un oubli fâcheux de l’Histoire car s’il n’est pas un courtisan, c’est un homme très cultivé et très bosseur. On peut dire qu’il a inventé la diplomatie moderne.

L'ABSENTE 5
Dans « L’absente »

Oublions donc l’Histoire et les perruques… Tu te retrouves dans « My mother’s wedding ».
Et ça, c’est la cerise sur le gâteau car c’est Kristin Scott Thomas qui m’a proposé ce rôle dans le premier film qu’elle réalise et dans lequel elle joue une femme qui a trois filles et qui va se marier pour la troisième fois. Ses filles sont jouées par Scarlet Johanson, Emily Beecham (qui a eu le prix d’interprétation au festival de Cannes) et Sienna Miller. C’est, je crois, l’histoire romancée de Kristin.
Et toi dans tout ça ?
Je joue un caméo (genre guest star !), un milliardaire qui est amoureux fou de Sienna Miller et qui arrive à l’improviste au mariage… en hélicoptère. Ça a été un film très joyeux à faire avec quatre actrices magnifiques.
Et nous voilà au troisième film : « Heart stopper »
C’est une série adaptée d’une BD qui a eu un énorme succès en Angleterre, la série a fait un carton et du coup d’autres épisodes sont tournés. Je ne connaissais pas du tout la série, j’ai dû donc toute la regarder ! J’ai aimé et surtout, on me proposait de tourner avec Olivia Colman (The Crown)… Et ça, ça ne se refuse pas car elle est une actrice admirable et une femme exceptionnelle.
Alors, heureux ?
Evidemment, d’autant qu’aujourd’hui je reçois plus de propositions anglo-saxonnes que françaises.

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Tu as quand même tourné « A l’Ouest rien de nouveau » !
Oui, c’est vrai et j’y joue le Maréchal Foch. Je suis tellement grimé qu’on a du mal à me reconnaître ! Mais j’ai de très belles scènes. C’est un film de l’allemand Edward Berger, un film de guerre où j’incarne le général Ferdinand Roch.
Mais j’ai aussi tourné pour Netflix « A.K.A» de Morgan Dalibert. Je suis un mec des services secrets français, une sorte de barbouze et j’ai été heureux de tourner avec Alban Lenoir, comédien mais aussi réalisateur de « Balles perdues » 1 et 2.
Avec tout ça, plus de théâtre, je pense !
Eh bien non puisque je reprends, du 10 février à fin avril au Théâtre libre, la pièce tirée du livre d’entretiens de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, journalistes du Monde, avec François Hollande « Un Président ne devrait pas dire ça ». J’y joue avec Hélène Babu, mon épouse, Scali Delpeyrat et la chroniqueuse Lison Daniel.
Il y a d’autres projets mais pour le moment je ne peux pas t’en parler ! »

On attendra donc des nouvelles du plus anglo-saxon de notre comédien français !

Jacques Brachet

Marseille – Théâtre Toursky
Bruno PUTZULU, un magnifique et émouvant rital

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Un rital est un macaroni… Bref deux adjectifs péjoratifs pour désigner un italien.
Ce fut le cas de Daniel Cavanna qui fut ainsi surnommé, son père étant italien et malgré sa mère qui était française.
Cavanna en a fait un roman « Les ritals » et Marcel Bluwal un télé-film avec Benoît Magimel.
Quant à Bruno Putzulu, il en a fait un seul (ou presque !) en scène, accompagné par l’accordéoniste Grégory Daltin, mis en scène par son frère Mario Putzulu.
Un spectacle haut en couleur où Bruno joue sur les personnages du père et du fils à différents âges, modifiant sa voix et son accent avec maestria.
Bruno est un ami de longue date « mon » ami et je ne pouvais pas rater cette magnifique pièce, d’autant qu’il passait chez un autre ami, Richard Martin, directeur du théâtre Toursky à Marseille.
Belles retrouvailles où l’on se rappelait nos rencontres, nos fous-rires, sa peine lorsque son père a disparu, nos dizaines de SMS lorsqu’il jouait Guillaume dans la série « Ici tout commence » et où je commentais allègrement ses aventures entre ses deux femmes, Clotilde (Elsa Lunghini) et Laetitia (Florence Rigaut). Il m’avait un jour envoyé : « Change de chaîne ! ». Ce que je ne fis pas !
Bref, c’est toujours un grand plaisir de nous retrouver et de blaguer après qu’il ait, durant une heure et quart, fait un filage de la pièce !

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Avec son frère, Mario Putzulu, le directeur du Théâtre Toursky, Richard Martin
et l’accordéoniste Grégory Daltin

« Bruno, comment cette pièce est-elle venue à toi ?
Tout simplement parce qu’un jour on m’a proposé de lire des extraits du livre de Cavanna. Mon père venait de décéder et je me suis rendu compte que ce livre, c’était son histoire. J’ai donc eu envie de l’adapter.
C’est toi qui as eu l’idée de l’accordéon ?
Non. L’accordéon est dans le roman et ma voix et l’instrument se répondent. Ce n’est d’ailleurs pas de l’improvisation, la musique est écrite par Grégory Daltin.
Nous avons créé la pièce en 2018 et nous la jouerons jusqu’en 2024. Je suis heureux car elle marche bien partout. Nous l’avons commencée à Albi et Avignon, nous l’avons jouée à Paris du 31 août au 30 octobre, la tournée continue. Ce soir le Toursky est complet et ça fait plaisir. »
Notre Bruno boitille un peu car il s’est déchiré le tendon d’Achille. Mais, contre vents et marées et avec du Voltarène, il a répété sans ciller durant une heure et quart et remet ça le soir devant le public. Double performance.

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Patrick Carpentier, le photographe avec qui je suis venu, a un point commun avec Bruno : Patrick a travaillé des années avec Johnny et Bruno était un intime de Johnny. Du coup, la conversation dévie très vite, chacun sort son téléphone pour se montrer les photos de cette période où ils se sont croisés. Bruno nous rappelle qu’il a écrit une chanson pour Johnny « Ma vie », sur l’album « Le cœur d’un homme »
« Tu ne lui en écrit qu’une ?
Oui, ça a été un hasard. Nous étions souvent ensemble, chez lui, en vacances, sur des galas. Un soir, comme il ne se couchait qu’à l’aube, nous avons commencé à parler de nos vies. Il s’est épanché et puis m’a dit : « Je voudrais une chanson qui ressemble à notre conversation ». Ça a fait tilt, dans la nuit j’ai écrit les paroles, je les lui lues le lendemain et il m’a dit : « Je les veux ». Ainsi est née la chanson sur une musique d’Yvan Cassar.
Tu avais déjà fait des chansons ?
Non mais ça m’a donné l’envie d’en faire et de les chanter. Un disque est né… et un autre sortira le 20 janvier. J’ai écrit tous les textes des 13 chansons, la musique a été écrite par Denis Piednoir (C’est son vrai nom !). Nous avons joué tous deux au ping-pong : je lui envoyais les textes, il  m’envoyait les mélodies et nous avons mixé ensemble.

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Avec Johnny et Elsa Lunghini

Ce disque a un fil rouge ?
Si l’on veut car toutes les chansons sont sur l’idée du temps. Le temps qui passe, celui qui nous appartient…
Tu ne peux pas échapper à un petit briefing sur « Ici tout commence !
(Il rit) Que te dire sinon que je devais rester sur la série un an, que j’en ai fait deux et que j’en garde un très bon souvenir, même si le travail était intense et pas de tout repos. C’était un travail exigeant au quotidien mais l’ambiance était sereine, la série de qualité, mes partenaires étaient sympathiques… même si je me battais avec deux femmes !
As-tu gardé des contacts ?
Non, car sur un tournage, ce sont bien souvent des amitiés éphémères. On est heureux d’être ensemble puis chacun prend des chemins différents. Quelquefois on est heureux de se retrouver sur un autre tournage. Mais c’est la vie.
Ça n’a pas été le cas pour Philippe Noirete et pour Johnny.
C’est vrai mais ça arrive rarement. Avec Noiret, une confiance et une estime réciproques sont nées. J’ai écrit mon livre avec lui, ce qui a créé une belle intimité et une grande amitié. Il n’y avait aucune compétition entre nous. On s’est rencontré sur le film de Boujenah « Père et fils » et c’est devenu un peu le cas.
Avec Johnny on s’est aussi rencontré sur un film : « Pourquoi pas moi ? » de Stéphane Giusti. Il s’est rapproché de moi, peut-être parce que j’étais comédien et qu’il avait tellement envie de l’être. Je l’ai suivi un peu partout, on faisait des fêtes, il était infatigable. C’était un menteur qui racontait des histoires, faisait des blagues, souvent pour monter les gens les uns contre les autres. Juste pour rigoler. Un jour pour mon anniversaire, il a fait une fête et a fait venir mon ex-femme, alors qu’on était séparé et je l’ai retrouvée dans ma chambre !!!
C’était le genre de conneries qu’il aimait faire.
Par contre, malgré cela, il parlait peu, passait son temps devant la télé lorsqu’on était sur son bateau, et il était angoissé par la mort. »

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Souvenirs, souvenirs… Belles retrouvailles et belle soirée, malgré son tendon d’Achille et le filage de l’après-midi. Entre rire et émotion il fut magnifique et en prime émailla le spectacle de quelques chansons… Et il chante bien, le bougre !
D’ailleurs, on se retrouve en janvier, cette fois pour parler chansons !

Jacques Brachet
Photocreations.fr