Ex pilote de montagne, d’hydravion, de chasse et chef pilote d’essai, qui a réalisé plus de 5000 Heures de vol, Jean-Pierre Haigneré, célèbre cosmonaute, fait partie de ces nouveaux héros, de ces grands aventuriers français qu’on vénère dans notre pays.
Engagé en 1985 par le CNRS comme spationaute, il participes aux études préliminaires de l’avion spatial Hermès. De novembre 1992 à juin 1993, désigné membre de la 4e mission spatiale franco-russe Altaïr, il fait ses classes à la Cité des Étoiles en Russie.
Il rejoindra la Station MIR en 1999 dans laquelle il passera 186 jours puis devient chef astronaute à l’ESA à Cologne.
A noter que son épouse, Claude, fut la première spationaute française sur MIR.
Après voir rêvé devant le petit écran sur ses voyages et ses sorties dans l’espace, il est émouvant de rencontrer cet homme qui a gardé une simplicité et une discrétion qui lui font honneur.
Oleg Kotov, Jean-Pierre Haigneré
Jean-Pierre Haigneré, est-ce que, enfant, être cosmonaute était un rêve comme d’autres rêvent d’être pompier ou vétérinaire ?
Je dois vous avouer qu’à 11 ans, je n’avais jamais vu un avion et pourtant je rêvais souvent que j’ouvrais mes bras et que je m’envolais. A 15 ans, la question commençait à se poser, séduisante et incongrue. C’était une fenêtre ouverte sur le rêve qui rejoint un jour la réalité.
Ce rêve, ce bonheur, cette sensation de voler, je les ai retrouvés lors de mon premier vol.
Le rêve rejoint donc la réalité !
C’est le rêve absolu pour l’Homme de quitter la terre !
Un rêve, si on le veut vraiment, peut devenir réalité. Mais ce n’est quelquefois pas sans mal. Il faut, je puis dire, garder malgré tout les pieds sur terre et il y a souvent beaucoup de travail : d’abord un long travail de préparation, physique, psychologique, technique. L’entraînement est très intensif.
Lorsqu’on en revient, dans quel état d’esprit est-on ?
J’ai travaillé 8 ans à la Cité des Étoiles, ce qui signifie beaucoup de sacrifices. Il faut donc être motivé et lorsqu’on a réussit son vol, c’est l’accomplissement d’une vie.
J’ai réalisé trois vols dans l’espace, de trois fois six mois. Ce qui fait un an et demi dans l’espace. J’ai vécu des moments inouïs de partage. J’ai réalisé six sorties et j’ai même brandi la flamme olympique ! Ce sont des choses gravées à jamais.
C’est une expérience qui apporte beaucoup de sérénité car c’est un enrichissement extraordinaire. On est en contact avec beaucoup de gens différents, de nombreuses cultures. On se sent donc plus riche et on a envie de partager.
Ce qu’on a vécu permet de voir la vie autrement.
Je me souviens, lorsque j’ai fait mon premier vol en solo sur un avion de chasse, j’avais alors 23 ans mais j’étais nerveux, égocentré, j’avais envie, c’est le cas de le dire, d’aller plus loin, plus haut.
Aujourd’hui, l’âge aidant et le rêve accompli, je m’assagit, je me sens plus serein, plus disponible pour les autres.
Georges Klimoff, Mikhail Fadeev, directeur du département des communications de l’agence 3roscosmos », Oleg Kotov, Jean-Pierre Hignerai
Aviez-vous des appréhensions avant de partir pour la première fois ?
Lorsqu’on a une préparation aussi intense, on n’a pas le temps d’avoir de la peur ou de l’appréhension. D’abord parce qu’on a choisi de le faire et qu’on n’a qu’une envie : partir.
La seule appréhension que j’ai pu avoir c’est de me dire qu’à tout moment il pouvait y avoir une chose qui m’empêcherait de partir et il pouvait y avoir des tas de causes, dont celle d’être inapte physiquement.
Ce n’est que lorsque j’ai été installé dans la fusée et que j’ai décollé, que je me suis dit : « Voilà, ça y est, personne ne peut plus me prendre mon aventure »
Quel est votre souvenir le plus marquant ?
De me trouver en appesantir dans un milieu hostile, dans le noir total. On se rend alors compte qu’on n’est pas grand chose, on se sent écrasé par cette échelle incommensurable.
C’est une sensation à la fois forte, exaltante, riche et je dirais presque « exotique » !
Et de voir ainsi sa planète suspendue dans l’immensité, c’est une expérience unique.
Par ailleurs c’est un sentiment de réalisation personnelle mais aussi de participer au progrès.
Et puis, lorsqu’on a eu pour héros des gens comme Cousteau, Tazieff, Paul-Emile Victor et de penser qu’on prend leur suite, c’est un grand sentiment de fierté ».
Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Monique Scaletta