NOTES de LECTURES

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Olivier ADAM : Chanson de la ville silencieuse (Ed Flammarion – 217 pages)
Une jeune femme déambule dans les quartiers touristiques et pittoresques de Lisbonne.
Que cherche-t-elle ? Elle cherche un père qui, délibérément a laissé au bord du Rhône voiture, vêtements, mais pas de billet d’adieu. Suicide ou disparition volontaire, comment faire son deuil d’un père qu’elle a côtoyé, mais l’a-t-il connue, se sont-ils jamais connus ? Difficile d’être la fille du chanteur rocker qui enthousiasmait les foules, ne vivait que par et pour la musique.
Une vie de concerts à travers le monde et un point d’ancrage dans cette grande maison en Ardèche où une surenchère de musique, d’alcool, de drogue succédait à des moments de grand calme, de repos, de retraite. Une maison où alors petite fille, elle circulait sans bruit, protégée par un couple de paysans, gardiens au grand cœur. Une petite fille silencieuse connue de tous, si discrète que les amis du père toujours plus nombreux, car vivant souvent aux crochets d’un homme généreux, envahissaient jusqu’à sa chambre et même son lit quand ils étaient trop souls pour trouver un lit vide. Et cette petite fille aujourd’hui cherche son père que des amis ont cru apercevoir jouant de la guitare sur les places de Lisbonne. Car si la mère n’a jamais assumé son rôle de mère, le père a assuré de très gros revenus en investissant dans l’immobilier parisien et l’obligeant à suivre ses études à Paris dans les meilleures conditions.
L’écriture de ce nouveau roman d’Olivier Adam est à l’image de la couverture, tant de douceur, de délicatesse, de mystère dans ce visage de jeune femme. Le rythme des phrases fait penser à un très beau et long poème, joliment amené par une chanson de Jean-Louis Murat en première page, un chanteur compositeur en harmonie avec ce petit bijou d’écriture qui laisse le lecteur délicieusement au-dessus du sol.
Oui, le lecteur plane, c’est magnifique (Ph D ignazerder)

Gabrielle TULOUP : La nuit introuvable (Ed Philippe Rey -160 pages)
Dès les premières lignes on comprend qu’on rentre dans un monde béni de la belle lecture et de moments intenses.
L’histoire est assez banale, celle d’un jeune homme éloigné par choix de sa famille, par besoin de mettre de la distance entre une mère peu accueillante et les souffrances de n’avoir pas été aimé.
Soudain le contact se rétablit avec difficulté par l’intermédiaire d’une voisine qui joue les intermédiaires et lui remet des lettres écrites par sa mère, à un tournant de sa vie, lui en dévoilant toutes les facettes.
C’est alors le bonheur des mots, la sensation intime des découvertes diffusées au compte-gouttes et qui révèle une expérience qui dépasse le cadre de la lecture. C’est l’approche de l’indicible face au désarroi et l’absence de l’être aimé.
Un très beau premier roman où tout est bien choisi, tant les mots pour le dire que la calligraphie et la page de couverture

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Claire BEAUCHART : Ambitions assassines (Ed le Rocher – 150 pages)
Une couverture attrayante, un titre prometteur, l’histoire démarre fort pour ce petit livre où l’on découvre d’emblée le décès d’une jeune actrice par accident au cours du tournage : un gros spot choit et l’écrase !
Mais est-ce vraiment un accident ?
La jeune journaliste qui suit l’évènement nous entraîne dans les coulisses de ce monde politico-médiatique puisque l’actrice était la maitresse d’un homme politique sur le point d’être élu à un poste très en vue.
L’histoire est bien menée, bien écrite, avec des retours sur la carrière de l’actrice et des recoupements avec les ragots du monde de la nuit. En fait peut-être pas très énigmatique car on perçoit assez vite les tenants et les aboutissants du scénario.
Un bon début peut-être. A suivre.

Einar Mar GUDMUNSSON : Les Rois d’Islande (Ed Zulma – 327 pages)
Les Knudsen, quelle famille !
Des générations de marins, des hommes prêts à affronter les tempêtes, les faillites lors des coups du sort, mais des hommes qui dès leur retour sur la terre ferme retrouvent leur femme, ou celle des autres ça peut arriver, mais surtout des hommes prêts à boire. Oui, on boit beaucoup chez les Knudsen, jusqu’à être ivre mort, il y aura toujours une bonne raison pour se saoûler.
Rien n’arrête le clan Knudsen, même les plus hautes fonctions sans le moindre diplôme, il suffit d’être convaincant et pédagogue et les voilà sûrs de remporter la médaille Fields ! Les femmes légitimes sont toutes extraordinaires, les enfants aussi, il y a bien quelques trublions mais ils retombent toujours sur leurs pattes, même après un petit passage en prison.
L’auteur profite de cette immense famille aux noms bien compliqués pour écrire un chant à la gloire de l’Islande, depuis sa dépendance au royaume du Danemark jusqu’à aujourd’hui maintenant république membre de la communauté européenne.
Un roman truculent, bourré d’anecdotes fantastiques et toujours plus qu’arrosé ; un roman où le héros Arnfinnur peut être artificier de génie, enseignant, armateur, marin, chauffeur de taxi, humoriste, guitariste et, cerise sur le gâteau, posséde une magnifique chevelure à faire pâlir les chauves de jalousie !
Ce roman peut rebuter le lecteur peu habitué aux sonorités étranges de la langue irlandaise, mais l’auteur s’amuse et nous avec. De rebondissement en rebondissement, on arrive à la dernière page, heureux d’avoir lu une radioscopie humoristique et bienveillante d’un peuple particulier puisque vivant sur une île, mais un peuple aimant la vie plus que tout.

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Annie DEGROOTE : Nocturne pour Stanislas (Ed Presses de La Cité – 320 pages)
Publié dans la collection Terres de France des Presses de la Cité
Le dernier roman d’Annie Degroote se veut comme il se doit, roman de terroir sous fond historique
Originaire des Flandres, l’auteure, au travers d’une saga familiale dont elle a le secret, va mettre à l’honneur les gens du Nord, leurs origines et leur histoire. Elle évoquera ainsi les grands bouleversements qui ont marqué cette région au cours du XXème siècle.
Nous sommes à Lille.
Le prélude, « Venez ce soir, vous y entendrez Chopin » sous forme d’un mot glissé sous une porte, nous invite à la suite d’Anne Sophie Koslowski, dite Hania, à nous rendre à la résidence Berriez, château d’un couple de grands bourgeois industriels.
L’invitation est mystérieuse et inattendue ; Hania issue d’un milieu ouvrier à Douai, vient de s’installer à Lille pour y poursuivre des études. Elle n’a pas de relations dans ce milieu.
L’énigmatique proposition servira de fil rouge au roman, tiendra le lecteur en haleine en retraçant tout un pan de l’histoire d’une région de mines et de filatures autour d’une histoire familiale compliquée.
L’essentiel du récit nous raconte l’entre-deux guerres avec l’arrivée de Polonais migrants économiques, leur courage, leur désir d’intégration et le quotidien d’une communauté venue travailler dans le bassin minier. Malgré les silences gênés de certains intervenants, nous reconstituons le destin du grand père d’Hania, Stanislas Dabrowski brillant architecte reconverti en mineur de fond.
La lecture est agréable, le texte facile, les scènes visuellement authentiques, mais très vite nous nous détachons d’une intrigue et d’une filiation tumultueuse au profit d’un document historique de grande qualité.
Nous sommes entrés dans les cités ouvrières, avec des maisons de briques rouges, les corons et les terrils, puis nous avons été sensibilisés à la tradition des textiles et la présence des filatures, nous permettant ainsi de retraverser l’histoire d’une région aujourd’hui sinistrée et délaissée.
A ce titre, ce texte présente un réel intérêt ; nous aurons sans doute oublié l’intrigue mais retenu la parfaite intégration d’une famille d’immigrés dont la petite fille, soixante ans plus tard affirmera : « La France est mon pays, la Marseillaise mon hymne et la Pologne mon rêve ».

Martine Marie MULLER : La Saga des Bécasseaux (Ed Presses de la cité 461 pages)
Publié également dans la collection Terres de France
Entre St Valery en Caux et Dieppe, la famille des du Bois Jusant habite un château construit il y a deux siècles sur une île, au milieu d’un marais. Niché près des côtes dieppoises, c’est un paradis naturel pour les oiseaux, un terrain de jeux, d’émerveillement pour le châtelain et ses enfants.
Dans ce château vit une famille d’excentriques rebelles et fauchés, sorte de « Derniers des Mohicans Normands »  qui va envers et contre tout mener un combat pour préserver son vieux château et ses marais de la vanité humaine et du profit.
Un parachutiste canadien se cache chez eux, durant la seconde guerre mondiale.
Des années plus tard, le maire veut s’emparer des « courtils » seules terres fertiles du domaine. Les Bécasseaux entrent en résistance, aidés par un allié canadien.
Une ode drôle et poétique à la nature et aux irréductibles qui veillent sur elle.
Un seul petit regret : le roman est un peu long.