Six-Fours – Maison du Patrimoine
Quatre artistes entre abstraction et suggestions

E

Trois femmes, un homme :
Anne Verger, Maria Garcia-Molio, Marie Morriss et Patrick PognantGros.

Ils sont installés à la Maison du Patrimoine de Six-Fours jusqu’au 13 mai et samedi dernier nous avions la chance de les rencontrer pour mieux connaître leur œuvre et leur cheminement d’artistes.
Une après-midi très conviviale où l’abstraction et les suggestions étaient le sujet central, animée par Dominique Baviéra qui est à la genèse de l’exposition et de la rencontre de ces quatre artistes et de leur public.
Pour une fois l’homme étant seul, c’est par lui que le feu des question a démarré.

Patrick Pognant-Gros, ancien élève des Beaux-Arts de la Seyne, nous a surpris par son virage à 90° car il est passé de la figuration à l’abstraction. Pourquoi ?
« J’avais – nous dit-il – l’impression de tourner en rond, je me sentais un peu prisonnier et j’avais besoin de liberté, de trouver autre chose pour évoluer et dans l’abstraction je me sens plus libre… même si j’ai surpris ceux qui me suivent !
J’avoue qu’au début ça été très dur… Chassez le naturel ! 30 ans de figuration, ça marque mais j’ai insisté et j’ai continué. C’est en quelque sorte une mise en danger mais j’y suis allé à fond.
Ma façon de travailler a bien entendu changé : je peins, j’efface, je reviens, je repars mais cette façon de faire est une nouvelle motivation et c’est ce qui me plait ».
On lui fait remarquer que dans ses toiles, il y a beaucoup de noir… Pourquoi ?
« Il faudrait peu-être me psychanalyser pour le savoir ! Peut-être pour mieux faire ressortir les couleurs. J’aime aussi travailler sur de grands formats, même si je sais que ce n’est pas dans l’air du temps car il faut de la place… et c’est plus cher.
Mais aujourd’hui c’est ce qui me convient.

S’installant à Sanary,  Marie Moriss a fait ses classes avec Isabelle Agnel-Gouzy et Raymond Scarbonchi aux Beaux-Arts de la Seyne et ce qui nous touche dans ces toiles, c’est l’éclatement des couleurs, la joie de peintre.
« C’est – dit-elle – une peinture intuitive, instinctive. Je pose des taches en fonction des couleurs choisies et j’entre dans ma toile, je recherche surtout la lumière et le mouvement. Tant que j’étais aux Beaux-Arts d’Aix je ne faisais rien de personnel. J’ai alors arrêté et j’ai recommencé à peindre à la retraite avec deux artistes, deux professeurs qui m’ont redonné confiance. Et là, je me suis sentie libérée, ne faisant que ce que j’avais envie de faire. Quelquefois, de mes taches ressort un paysage sans que je l’ai choisi. Je travaille aujourd’hui avec confiance et rapidité ».

C D

Anne Verger est aixoise et sa façon de s’exprimer est originale : sans pinceau, avec mains et ongles, elle invente des volutes, souvent dans les camaïeux de verts et de bleus, pour tout à coup, instinctivement, passer à l’orange, avec beaucoup de mouvement.
« J’ai dû quelque part rester une enfant car pour moi la peinture est physique et c’est pour ça que je peins avec les mains. J’ai besoin de ce corps à corps avec la toile, de cette confrontation physique. Je travaille de façon frontale avec la toile et la couleur.
Je n’ai jamais fait de figuratif. Je le pourrais, j’en ai les bases et les capacités mais je trouve que c’est quelque chose qui m’enferme et je veux pouvoir m’évader. Ma peinture est très ouverte, elle raconte des histoires. J’ai eu un professeur Italien, je vais beaucoup en Italie. Ce pays et sa peinture m’inspirent beaucoup ».

Maria Garcia-Molio et celle qu’on a le plus de mal à cerner : d’origine espagnole, ayant vécu en Bretagne, à Londres et aujourd’hui à Toulon, toutes ces influences font de cette artiste une sorte d’OVNI qui traverse des périodes qui modifient à chaque fois sa façon de peindre.
Partie de l’Espagne, du bandonéon, du flamenco, elle a eu sa période flamboyante, exubérante avec des personnages en mouvement. Après une courte période provençale, elle est revenue à la musique avec… Wagner qui lui a inspiré de grandes toiles pleines de force, de violence quelquefois, avec des brumes, des vagues, des symboles très wagnériens.
« Je suis plus dans la suggestion que dans l’abstraction. Les opéras de Wagner m’ont inspiré ces toiles sans que je m’en rende compte. C’est une fois terminée que je m’aperçois de ce que cette musique m’a fait inconsciemment faire. Aujourd’hui, vivant dans un quartier au bord de l’eau, avec des plantes, des roches, des fleurs, des animaux, je passe à une période minérale.
Et je suis passé à la 4ème et 7ème de Beethoven ! La musique est toujours là.
Mais au départ je n’ai aucune intention particulière. Je ne sais pourquoi, on m’a demandé d’exposer à Valencia dans un salon dédié aux animaux. J’ai beaucoup réfléchi avant de dire oui. D’un côté, je ne voyais pas ce que j’avais à y faire, de l’autre c’était la première fois qu’on m’invitait à exposer dans mon pays.
Du coup, je me suis mise à peindre ce que j’ai autour de moi, à ma façon bien sûr : canards, héron, grenouilles, renard et même sanglier…
Qu’est-ce que ça va donner ? Je ne le sais pas encore moi-même ! »

B A

Quatre artistes, quatre  personnalités, quatre façons d’appréhender leur art avec intuition, suggestion, abstraction, chacun à leur manière, ce qui les amènent à nous offrir cette exposition à quatre mains,tous quatre totalement engagés dans un cheminement qui est le leur et qui les amènent à ces œuvres à la fois très personnelles, très intenses et que l’on a pu mieux appréhender grâce à cette belle rencontre.

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Propos recueillis par Jacques Brachet