Toulon – Le Liberté, scène nationale
Lorànt Deutsch, fils désavoué, artiste charmant et volubile

DMartin (Lorànt Deutsch) travaille sur le domaine vinicole avec son père Paul de Marseul (Neils Arestrup). Celui-ci ne l’a jamais aimé, pour diverses raisons et ne peut se faire à l’idée qu’il lui succèdera sur le domaine. Philippe (Nicolas Bridet) le fils de François son régisseur (Patrick Chesnais), averti que son père est atteint d’un cancer et n’en a plus pour longtemps, débarque au domaine, des Etats-Unis où il pratique le même métier.
Paul, totalement conquis par Philippe, décide qu’il deviendra son fils sans se préoccuper de François et sa femme, encore moins de Martin, mis sur la touche.
Un drame va se nouer autour de cet homme cynique, odieux, méprisant et machiavélique, mettant face à face ces deux duos père-fils, arbitrés par l’épouse du régisseur (Valérie Mairesse) et celle de Martin (Anne Marivin) qui font de leur mieux pour maintenir un équilibre instable.
Un film, poignant, noir, très noir, dans cet univers viticole bordelais qui fait penser à l’atmosphère des romans de François Mauriac, faits de non-dits, de re,gards, de lourdeur, chaque personnage vivant dramatiquement et à sa manière, une situation qui devient peu à peu intenable, au bord de l’explosion… qui arrivera.
Chesnais et Arestrup sont deux taiseux à l’opposés, l’un s’approchant de sa mort et découvrant l’attitude de son fils, l’autre, impitoyable, ne voyant que l’avenir de son domaine.
Au milieu, un Lorànt Deutsch bouleversant, fils soumis et malheureux, faisant tout pour plaire à ce père intransigeant et rigide et voulant lui montrer qui il est. Tout en nuances, en regards éperdus, en colère rentrée il interprète un personnage qui ne lui avait jamais été donné de jouer.
Et voilà qu’on retrouve Lorànt au Liberté, joyeux et volubile, comme on l’aime, pour parler de ce film qui date déjà de 2011.

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Lorànt, quand on vous connaît un tant soit peu, comment peut-on tenir deux mois et demi de tournage entre deux taiseux comme Chesnais et Arestrup ?
Très différemment avec les deux. Arelstrup est un homme dur, très solitaire et très intimidant. Il parle peu, reste toujours à l’écart, il n’est pas là pour se faire des amis, on peut rester des heures face à face sans qu’il ne dise un seul mot. Il n’est pas vraiment désagréable mais il en impose. Et vu le rôle que je jouais face à lui, ça m’a beaucoup aidé.
Chesnais au contraire, s’il parle peu, est beaucoup plus chaleureux. De plus, on sait qu’il a perdu un enfant, donc cette histoire de père le touchait beaucoup et on sent qu’il a envie d’en parler, de s’épancher.
Mais bon, hors tournage, on passait, avec Gilles Legrand, le réalisateur, à visiter les domaines et Dieu sait s’il y en a et des bons ! Du coup, nous étions plutôt d’une humeur joyeuse… C’est génial de tourner là-bas !
Quels étaient vos rapports père-fils, lorsque vous étiez plus jeune ?
Tout à fait différents car mes parents, sans me faire une confiance aveugle, ont toujours été d’accord sur mes désirs. Je suis parti de chez moi à 12 ans au centre de formation de football et il voyait très bien que je n’avais pas la stature d’un footballeur ! Mais il m’a laissé faire et j’ai très vite compris que je devais changer de voie. Lorsque j’ai décidé de devenir comédien, il m’a dit : « pourquoi pas ? Tu fais le clown, tu aimes parler… tu seras toujours à temps de changer de voie si ça ne marche pas ! »
Aujourd’hui vous êtes père de trois enfants… Alors ?
Alors ? je suis aussi enfant qu’eux, assez laxiste, je laisse ma femme faire le gendarme, même si, quelquefois, elle me remonte les bretelles ! J’adore mes enfants, je passe le plus de temps possible avec eux. J’estime que c’est un devoir viscéral d’aimer ses enfants, c’est fondamental de s’occuper d’eux. On est lié à vie lorsqu’on est papa.

A B

Vous venez de faire un beau score sur France 2 avec l’émission « Laissez-vous guider » auprès de Stéphane Bern. Comment s’est passé ce tournage ?
Le mieux du monde, Stéphane étant un compagnon de route à la fois érudit et simple, généreux, passionné par l’Histoire, passion que je partage avec lui et il m’a fait découvrir plein de choses sur Marseille que je pensais bien connaître car j’y suis souvent venu, pour jouer, j’ai même écrit un livre qui débute à Marseille. Mais il été un guide magnifique et on sent qu’il aime transmettre sa passion. On ne lui a pas confié cette mission « patrimoine » pour rien. Il y est à sa place, il fait un superbe boulot et a plein d’idées.
Inversement, vous lui avez fait découvrir Paris ?
En fait pas tant que je l’aurais voulu car le bougre avait bien révisé et il avait plus souvent la réponse à mes questions que des silences. Je suis quand même arrivé à le surprendre deux ou trois fois. Nous avons un but commun, une mission, je dirais : faire aimer notre Histoire.
A ce propos, y a-t-il un livre en préparation ?
Oui, un énorme travail sur les origines de la langue française, qui sera aussi certainement un spectacle. Savez-vous que ceux qu’on appelle « nos ancêtres les Gaulois », ne nous ont laissé en tout et pour tout que 60 mots. En fait nos ancêtre ne sont pas les Gaulois en ce qui concerne la langue. J’ai donc voulu savoir d’où elle venait. Et c’est du boulot ! En fait, notre langue est très métissée, ce qui en fait une langue riche, énergique et vivante. Le livre devrait sortir à la fin de l’année.
Côté tournage ?
J’ai tourné pour M6 une série intitulée « Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux », une histoire de quadras qui se retrouvent., avec Julien Boisselier, François Morel et quelques jeunes artistes moins connus mais très talentueux. Ca passera le 21 avril et il est question d’une suite… si le succès est au rendez-vous !

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Suite à notre entrevue et à la rencontre avec le public, on pourrait croire Lorànt fatigué, surtout après quatre heures de train Paris-Toulon, mais non, nous revoici continuant la conversation au bar où il est intarissable sue cette langue française qui lui prend beaucoup de temps, avouant que les quatre heures de train lui ont permis de bien travailler et qu’il fera de même au retour.
« Vous dites que je suis volubile, c’est lorsque je suis en public, avec des gens comme vous mais j’adore la pêche et lorsque j’y vais, je pars seul et durant six heures, je ne parle pas et ça ne me gène pas. Ça me permets de souffler… »
Évidement, seul, difficile de tenir une conversation !
En tout cas, facile de l’écouter développer ses passions, parler de ses enfants, de son métier avec une passion, une gentillesse et une simplicité qu’ont aimerait trouver chez tous les artistes.
Ce qui se fait rare aujourd’hui !

Jacques Brachet