Les Varois et les Toulonnais se souviennent encore du séisme politico-judiciaire qu’a provoqué, dans la région, voici 24 ans, l’assassinat de la députée du Var Yann Piat.
24 ans après notre ami réalisateur Christian Philibert revient sur l’affaire avec ce document remarquable « L’affaire Yann Piat » que lui a commandité France 3 Région, en la personne de sa directrice régionale PACA, Isabelle Staes.
Entre fictions et documentaires, Christian Philibert nous a déjà proposé quelques films hors des sentiers battus comme l’inénarrable film devenu culte « Les quatre saisons d’Espigoule », suivi de « Travail d’arabe » et « Afrik’aïoli » ou encore, côté documentaires « Massilia Sound System » ou « Provence 15 août 1944, l’autre débarquement », déjà pour France 3, avec la voix off de Charles Berling. Ce dernier qu’on retrouve à nouveau en « off » dans ce film présenté en avant-première au Liberté par sa co-directrice Pascale Boeglin-Rodier, Charles Berling étant absent, d’Isabelle Staes, de Thierry Affalou, producteur de Comic Strip Production, Jacques Dussart, co-scénariste du film et de quelques journalistes ayant participé au film et ayant beaucoup écrit à l’époque sur cette affaire devenue nationale.
Ce film sera diffusé sur France 3 régions les 15, 19 et 21 janvier et Isabelle nous rappelle que France 3 c’est déjà quelque 250 documentaires et 4000 heures de portraits et récits concernant notre région.
Pascale Boeglin-Rodier, Isabelle Staes, Thierry Affalou, Christian Philibert
S’attaquer à cet événement était une gageure et Thierry Affalou précise que France 3 leur a laissé toute liberté en prenant le risque de faire ressurgir cette affaire qui, sur de nombreux points, reste un mystère, et le courage d’aller jusqu’au bout de la création.
« Alors que je vivais à la Seyne – rappelle Christian Philibert – et Jacques à Solliès-Pont, nous ne pouvions alors qu’être touchés par cette affaire qui touchait aussi tous les Varois. Nous nous sentions particulièrement concernés et ça a été un vrai plaisir que de nous plonger dans les archives de l’époque et de rencontrer ces journalistes qui étaient alors sur l’affaire comme Claude Ardid, José Lenzini, Jean-Jacques Bertolotti, Jean-Michel Verne, Jean-Pierre Bonicco, Patricl Lallemant, qui ont suivi jour après jour ce procès retentissant.
Le projet était épineux, notre but n’étant pas de retrouver les commanditaires de l’attentat… par sécurité, il ne fallait pas aller jusque là ! Mais il était difficile de s’approcher de la vérité car nombre d’acteurs de ce drame ont bizarrement disparu. Mais il y a encore beaucoup de fils à tirer dans cette histoire »
Ce documentaire, on peut le dire, est remarquablement monté, fait de documents de l’époque et de la paroles de ces journalistes qui ont été au cœur de l’affaire, laissant la porte ouverte à la question : qui a tué qui ?
« Chaque dossier que l’on ouvrait – précise Jacques Dussart – ouvrait une nouvelle porte à d’autres dossiers. Il a fallu faire un travail d’historiens qui a duré deux ans autour des deux personnages centraux de cette histoire : Fargette, parrain du milieu varois dont on a dit qu’il était le commanditaire, un homme trop gourmand et Yann Piat, femme ambitieuse et naïve, trop curieuse, qui se savait menacée et ne s’en cachait pas. Par ailleurs, il fallait être très prudent, faire attention aux limites à ne pas franchir par peur d’être attaqué en diffamation, tout en allant le plus loin possible et en frôlant la vérité au plus près »
Christian Philibert, Jacques Dussart
Ce furent alors des heures, des jours, des mois à compulser des archives, à essayer de rencontrer les quelques acteurs encore vivants de cette affaire et ce sont ces journalistes qui ont suivi l’affaire qui ont été de précieux interlocuteurs en racontant leur ressenti.
« Il est en fait très difficile de se retrouver dans tout ce qui a été dit et écrit – ajoute Christian Philibert – tant de fausses rumeurs ont été colportées, tant il y a eu de manipulations, tant l’affaire a été instrumentalisée. Il fallait rester dans la légalité, ne pas verser dans le complotisme, essayer d’ouvrir des pistes. A chaque découverte, c’était une remise en question constante tant les pistes se brouillent. Il était difficile, en dehors des journalistes approchés, de trouver des témoins et surtout de ne pas avoir de problèmes comme Antoine de Caunes a pu en avoir lorsqu’il a tourné sa fiction. J’avais envie de faire ce film car jusqu’à ce jour aucun documentaire n’a été fait sur cette affaire.. Malgré cela, je pense qu’on ne trouvera jamais le fin mot de l’histoire. Nous avons une certitude : on le saura peut-être lorsque tous les acteurs, les témoins seront morts ».
Jacques Brachet