JOHNNY pour toujours et à jamais

A

Lorsqu’on a vécu son adolescence dans les années 60, on ne peut pas avoir manqué ce jeune blondinet de 16 ans, qui arrivait avec sa guitare électrique, chantait des chansons d’un autre monde – qu’on appelait USA – en se roulant par terre.
On aimait ou on n’aimait pas, on vilipendait ou on adorait mais une nouvelle musique, une nouvelle façon de chanter, une nouvelle manière de vivre était en marche et rien ne pourrait l’arrêter, qu’on le veuille ou non.
Le rock arrivait chez nous, bouleversant tout sur son passage tel un tsunami et la chanson ne serait plus jamais pareille…
Adieu André Claveau, Gloria Lasso, Maria Candido, Luis Mariano (que des noms en O !).
Bonjour le rock, le blues et bonjour Johnny qui, à l’instar d’Elvis aux États-Unis, allait imposer le rock’n roll !
Un rock’n roll à la française puisque notre Johnny n’a toujours chanté, ou presque, qu’en français.

B C

Une idole était née, qui avait 16 ns et qui, durant 60 ans, allait allumer le feu dans toutes les plus grandes salles, dans tous les plus grands stades de France.
Et pourtant alors, on ne lui donnait que quelques mois à vivre avant de repartir avec ses « souvenirs souvenirs ». N’est-ce pas Lucien Morisse, alors patron d’Europe 1 et de plus mari d’une certaine Dalida, qui cassa son premier disque à l’antenne, l’enterrant avant qu’il ne devienne une « vedette » !
Aujourd’hui, des millions de fans le pleurent, lui rendent hommage car, en près de 60 ans, toutes les générations qui se sont succédées ont quelque chose en eux de Johnny, une chanson, qu’elle soit sentimentale ou bourrée d’énergie.
J’avais 20 ans lorsque j’ai décidé de devenir journaliste.
L’âge de tous les possible, de toutes les ambitions, de toutes les envies. Et l’envie de rencontrer ces nouvelles idoles des jeunes nommées Johnny, Cloclo, Eddy, Sylvie, Françoise… et les autres.
Je les rencontrerai toutes, à divers degrés, devenant ami de certains, restant lointain des autres. Mais c’était une époque de joie, de bonheur et surtout, tout petit journaliste qu’on était, on pouvait approcher ces artistes en herbe sans problème.
Il fallait donc bien qu’un jour je rencontre Johnny. Ce que je fis dans de drôles de conditions, grâce à son attaché de presse Gil Paquet qui me convia à suivre le Johnny Circus en 72.
Avant cette première rencontre, il y eut celle que je fis sur l’île de Bendor en 70 où Tony Franck, photographe de SLC était venu avec Johnny faire des photos pour un calendrier qui serait inséré dans le magazine « Salut les copains ».
On rencontra un Johnny décontracté, rieur, blagueur que l’on put aborder sans problème. Il faut dire que le secret avait été bien gardé et qu’il n’y avait que nous sur l’île.
Revenons à ce « Johnny Circus », qui était, déjà à l’époque, un projet fou de notre idole : partir sur les routes, comme le faisait Medrano ou Bouglione, avec un chapiteau et des artistes qui sillonnaient la France et s’installaient sur de grandes places.
Il y avait donc cette année, en première parie, le groupe Ange qui n’avait d’Ange que le nom et une certaine Nanette Workman dont on disait qu’elle était en train de prendre la place de Sylvie Vartan.

D E

Atmosphère on ne peut plus survoltée et – disons-le – avinée, dès 17 heures où l’alcool passait d’une caravane à l’autre. Atmosphère aussi surchauffée sous le chapiteau où, en plein été dans le Midi, déjà à 17 heures, l’air était irrespirable.
Ça riait, ça criait, ça jouait, ça répétait, ça chantait, ça picolait sec et au milieu de cette cour des miracles arriva Johnny, superbe, souriant, décontracté mais qui, au contraire de cette foule en délire, était d’un calme olympien, passait dire un petit bonjour à tout le monde, avant de rejoindre sa loge et de se préparer à répéter.
Durant les quelques trois ou quatre dates que j’ai faites en suivant le Barnum, j’arrivais, à un moment où à un autre, à discuter dix minutes avec Johnny qui, au contraire de ce qu’on voyait sur scène, où il était l’énergie, la folie mêmes, où il s’éclatait comme une bête, était alors discret, parlant d’une voix posée, presque timide devant le jeune journaliste que j’étais.
Cela m’avait surpris mais j’allais retrouver ce Johnny-là, chaque fois que l’occasion se présenterait de réaliser avec lui un moment d’entretien.
Il y en eut pas mal, même si je ne suis jamais devenu un intime auprès lui. Il était bien trop encadré par une meute de gens qui le collaient, beaucoup profitant de sa célébrité… et de son fric !
Mais grâce à Eddie Barclay, chez qui j’étais souvent invité, grâce à Patricia Carli, auteur-compositeur, mariée à Léo Missir, le bras droit d’Eddie devenue une amie, qui, plusieurs fois, m’arrangea des rendez-vous, je pus ainsi, sporadiquement, avoir des moments de tête à tête avec cet être qui était le charme incarné, la gentillesse et la simplicité dans la vie de tous les jours et qui semblait gêné lorsqu’on lui disait qu’il était le meilleur !
C’est dans ces moments-là qu’on pouvait l’aborder car en tournée, outre qu’être à l’heure n’était pas sa qualité première, dès le spectacle terminé, il s’enfuyait dans ce qu’on appelait « un panier à salade », pour être à l’abri de la folie ambiante et retrouver sa voiture cachée à quelques kilomètres du lieu du concert.
C’est ainsi qu’un jour, un ami, qui était fan de Johnny, eut envie de le suivre en voiture en suivant le camion de police à toute allure. Sacrée virée mais, arrivé à la voiture, c’est avec gentillesse qu’il voulut bien poser avec mon copain pour une photo, avant de repartir, trempé et échevelé, comme il était arrivé !
Avec le temps, il fut plus difficile de l’approcher mais il y eut des occasion, comme ce repas intime organisé à Nice pour la sortie du film « Conseil de famille » de Costa Gavras, où la tablée n’était que de deux ou trois journalistes, dont moi. Comme aussi en 95 où, au MIDEM, il fut élu « The man of the year » où l’on put le rencontrer en petit comité. Comme cette houleuse tournée qu’il partageait avec Sylvie alors que le couple n’allait pas très bien et que, grâce à la gentillesse de Sylvie, je pus encore le rencontrer. Enfin, cette fois – incroyable moment – où, alors que Laeticia venait d’entrer dans sa vie, on se retrouvait dans un grand pique-nique à St Tropez et où il arriva, avec les cheveux super longs, accompagné de cette jolie petite poupée qui ressemblait alors à Shirley Temple et qui déjà veillait sur lui férocement, surtout lorsque le phénomène Lollo Ferrari déboula sur Johnny pour l’embrasser !

F

Et puis, cette soirée à Ramatuelle, où, venu voir chanter Eddy Mitchell, celui-ci ne vint pas au repas mais l’on s’y retrouva avec Jean-Claude Brialy et Bernard Montiel et ce fut un joli moment de convivialité.
Il y eut donc de jolis moments avec Johnny et j’aimerais juste citer ce qu’il me dit un jour sur la vieillesse :
« Dans la vie, on grandit plus qu’on ne vieillit et je ne serai jamais un vieux rocker, car être rocker est un état d’esprit. Lorsqu’on me demandait ce qu’est un rocker, j’ai longtemps répondu que le rocker idéal, c’est le physique de James Dean, la voix d’Elvis et la rébellion contre l’ordre établi. Je me suis longtemps retrouvé dans ce portrait et aujourd’hui, même si je me suis quelque peu assagi, cette définition est toujours en moi… »
Johnny, toujours rocker. Rocker à jamais et pour toujours, qui a su fédérer cinq générations qui le pleurent aujourd’hui mais qui le garderont dans leur cœur.

Jacques Brachet