NOTES de LECTURES

Monbrun2 germanos

Estelle MONBRUN : Meurtre à Petite Plaisance (Ed Viviane Hamy – 236 pages)
Estelle Monbrun est le nom de plume d’une proustienne émérite qui s’est lancée dans une carrière de professeur de littérature française contemporaine aux USA
Spécialiste de Proust et de Marguerite Yourcenar elle écrit des polars pour Viviane Hamy. Après « Meurtre chez tante Léonie », puis »Meurtre chez Colette » elle se lance dans « Meurtre à Petite Plaisance » qui est le nom de la maison de Marguerite Yourcenar sur l’ile de Monts déserts dans l’état du Maine. On y retrouve Adrien Lampereur, journaliste français venu enquêter au sujet de la guerre du homard et que l’on retrouve mort étranglé au petit matin dans le jardin de la villa. L’enquête s’installe faisant intervenir policiers français et yankies . Tous se mêlent et démêlent l’écheveau des intérêts de chacun quand à l’avenir de cette île mais déterrant au passage les cadavres enfermés dans les placards depuis des décennies avant d’arriver à l’incroyable vérité de l’affaire Yourcenar.
Comme toujours le récit est bien mené et nous amène à rencontrer des personnages déjà croisés chez Tante Léonie. De la connivence,.des éclats d’esprits, de très belles évocations de ce lieu enchanteur en font un roman agréable mais sans plus.

Youssef Samir GERMANOS : Petites morts à Beyrouth (Éditions Famyras – 289 pages)
Nous sommes à Paris en 2058, et il est désormais possible de visionner le passé, depuis un centre de rétro vision.
Séduit par cette nouvelle technologie, Christian K. le personnage principal de ce roman, accède au centre prétextant des études approfondies sur le langage du corps et les expressions faciales.
Nous allons donc découvrir avec lui, en réalité à la recherche de ses origines, le Liban de la fin du XXème siècle  « celui de la guerre civile et des excès » et surtout celui de ses parents qu’il a trop peu connus. L’auteur nous obligera alors à de nombreux allers et retours dans le temps.
Dès les premières pages, la salle de visionnage nous est ouverte : « Beyrouth, Cave 69, mai 2012″…Images chocs, la mère du héros « s’envoie en l’air à la va vite dans les toilettes d’un bar à la mode.
Indignation du fils qui poursuit néanmoins ses recherches. Il s’ensuit une sorte d’enquête policière, d’une grande complexité narrative avec un réseau considérable de personnages, la famille, les proches, les amis. Le récit rapporte également l’atmosphère d’un Beyrouth bouleversé par les conflits mais qui reste une ville de fête.
L’intérêt d’une telle lecture réside peut être alors dans les considérations qui jalonnent le récit.
La rétro vision permet un éclairage différent sur le passé ; il s’agit de comprendre les conflits et de prendre du recul. Les révélations sur des faits historiques comblent les lacunes imposées par les temps et le regard sur les comportements humains et leurs dérives, replacés dans un contexte, se veut modérateur de pulsions.
Serait-il ainsi possible d’empêcher les crimes, les guerres et de changer le monde ?
Que penser cependant de la curiosité malsaine qui transforme tout visionneur en voyeur impénitent?
L’intimité reste et doit rester privée. C’est la seule vraie réflexion qui pourrait enrichir ce texte.
Tout était donc dit, dès la page dix !
Un roman d’anticipation peu convaincant !

francois-henri-deserable-en-signature-dans-la-ville 7786495061_didier-decoin

François-Henri DESERABLE : Un certain M.Piekielny (Ed Gallimard – 259 pages)
M.Piekielny habite au n° 16 de la rue Grande-Pohulanka à Wilno.
Du moins habitait lorsque Romain Gary l’affirme dans son premier roman « La promesse de l’aube » et nul n’est venu le démentir.
François-Henri Désérable entraîne le lecteur dans une quête persévérante à travers l’histoire et la géographie pour retrouver cet étrange M.Piekielny, au manteau gris, très discret qui aurait demandé au jeune Roman Kacew, alias Romain Gary, tant vanté par sa mère comme futur écrivain célèbre, de rappeler son existence dans ses œuvres. Et, sur ce fil ténu, tel un équilibriste, l’auteur déroule un roman pétillant et grave sur le ghetto de Vilnius, mais aussi sur la vie extraordinaire de Romain Gary, ses apartés avec les grands de ce monde rencontrés soit pendant la deuxième guerre mondiale soit pendant ses fonctions d’ambassadeur ou simplement en tant que double lauréat du Prix Goncourt, ce monde à qui il confiait toujours qu’au 16 de la rue Grande-Pohulanka habitait un certain M.Piekielny ! « Une vie se réduit à peu de choses mais les pages demeurent » et c’est cette réflexion sur la littérature que l’auteur poursuit, à la recherche d’une question : l’auteur fait-il « naître ou renaître » ses
personnages ?
D’une langue alerte, alliant faits historiques et une imagination pure maniée avec une jouissance toujours renouvelée pour retomber sur ses pattes, l’auteur échafaude scenario sur scenario pour tracer un portrait enlevé de Romain Gary. C’est même un virtuose dans ce domaine pour le plus grand plaisir du lecteur qui démêlera le réel de la fiction.
Mais n’est-ce pas cela la littérature « l’irruption de la fiction dans le réel » ?

Didier DECOIN : Le bureau des jardins et des étangs (Ed Stock – 384 pages)
Empire du Japon, XII° siècle.
Nous pénétrons au cœur d’un petit village où coule le fleuve kusagawa. Sur ses berges, un jeune pêcheur de carpes destinées aux étangs sacrés de la cité impériale, vient de mourir noyé. Sa jeune veuve Miyuki n’a d’autre recours que de le remplacer. Pour la première fois elle va quitter sa pauvre cabane afin d’accomplir le périple inconnu qu’accomplissait son époux sur lequel comptait le village pour subsister.
Elle s’élance alors, lourdement chargée de sa palanche où sont suspendues les carpes sacrées . Rude périple qui lui fait affronter tous les dangers : brigands, orages, séismes, afin de parvenir à son but, livrer les carpes en bonne et due forme.
On imagine que Didier Decoin possède une sérieuse connaissance de ces lieux et de cette période tant il parvient à nous transporter par ses évocations et ses émotions à travers ce conte fait de sensations, de sensualité, de subtilités. Un grand voyage initiatique qui se termine en apothéose, mais peut-être un peu long parfois