Deuxième Mardi Liberté de la saison avec Mata Gabin qui mêle les origines : née en Côte d’Ivoire, Guinéenne par la mère, Martiniquaise par le père, élevée en Corse ; et les emplois : comédienne au théâtre dans quelques 20 pièces (on l’a vue « Dans la solitude des champs de coton » de Bernard Marie Koltès au Théâtre Liberté à Toulon en compagnie de Charles Berling), dans une douzaines de longs métrages et presque autant de courts métrages, une vingtaine de téléfilms ou séries télévisées, ainsi que dans des One Woman Show. C’est dire le bagage pour affronter la scène en chansons. Tout cet arrière-plan, tout cet acquis lui donnent une aisance, une maîtrise du corps et de la scène époustouflantes. Long corps mince, pantalon noir, chemise blanche fluide, d’élégantes mains aux longs doigts fins, très expressives dans l’espace, et des bracelets couleurs aux deux bras, elle habite la scène, elle capte le regard, prend le spectateur sous son charme.
Pour ce Mardi elle était en trio avec deux excellents guitaristes : Miss Nath à la guitare rythmique mais aussi mélodique dans certaines chansons ; Franck Pétrel à la guitare mélodique, auteur des musiques et chanteur dans les duos. Trio qui joue parfaitement en place, tout à fait à l’aise, et qui respire le plaisir de jouer ensemble.
Le groupe, habituellement un quintette, s’est formé aux alentours de 2010, d’abord sous le nom des « Cravates à pois », pas très porteur, pour prendre définitivement le nom de Mata Gabin Muzik.
La chanteuse possède une voix de contralto, grave et chaude. Dotée d’une diction parfaite elle chante les mots, se les approprie, en extrait tout le contenu, avec sensualité, le corps exprimant le non chanté. Elle est d’une élégance suprême, un visage sculpté emblématique des beautés africaines, avec une gestuelle simple, souple, ou dramatique, voire violente ; un pur enchantement.
Les musiques sont de rythmes divers, rythmes des îles du soleil, chaloupés, ou d’essence rock-pop. Les mélodies sont belles, simples d’apparence, elles s’immiscent tout de suite dans la tête. Mata Gabin s’affronte même au rap avec bonheur sur « Tellement de souvenirs ». A noter une reprise très personnelle de « Comme la lune » de Joe Dassin, seule chanson d’emprunt.
Le répertoire est varié avec une tonalité optimiste qui respire la joie, le bonheur de vivre, mais aussi la lucidité, sans oublier les problèmes de l’amour, l’infidélité, la jalousie, et quelques graves préoccupations de notre époque qui perd la boussole.
Quelques exemples parmi les treize chansons à nous offertes : « On n’a qu’une vie et tu la gâches – Je n’attends personne… on a des jours avec et des jours sans – Tout va mal mais le reste, ça va – C’est fou ! On a chanté la Liberté…On nous a trompés. Où s’est caché la vérité…On se moque de nous. Je vois régner l’indifférence – Un baiser volé du regard – Quand je n’ai pas le moral je me dis que je ne suis pas la seule, et ça me rassure pour un moment. »
Spectacle qui prouve qu’on peut encore créer dans la grande tradition de la chanson française sans être ringard. Une belle réussite.
Serge Baudot
Prochain mardi le 19 décembre: « Transit », danse, avec Désiré Davids.
Renseignements : www.theatre-liberte.fr – Tel : 04 98 00 56 76