Au début des années 60 je fis partie d’un groupe « Carrefour des Arts » fondé par des Surréalistes dont la branche toulonnaise était présidée par le peintre Olive Tamari et animée par le poète Marius Bruno. Le but de cette association était de réunir les artistes de toutes disciplines, les philosophes qui vivaient dans la région, ou qui venaient à y passer. Nous nous rèunissions une fois par mois, au début au restaurant La Fontaine, place Gustave Lambert, puis au Café de La Rade sur le port. L’un d’entre nous organisait une causerie sur un sujet autour des arts, causerie qui se déroulait après un repas pris en commun. S’en suivaient des discussions animées et passionnantes jusque tard dans la nuit. Nouveau venu à Toulon c’est là que j’ai eu la chance et le plaisir de rencontrer François Cruciani, Pierre Caminade, Charles Lévy, Luc Estang, et pas mal d’autres gloires de l’époque. Je devins très vite ami avec Marius Bruno qui occupait un poste à la Bibliothèque municipale de Toulon ; il était non seulement un excellent poète mais aussi un érudit en poésie ; il suffisait de lui dire un vers et presque à chaque fois il savait non seulement de quel poète il s’agissait, mais il vous récitait le poème par cœur. Et bien sûr Olive Tamari, alors directeur de l’école des Beaux-Arts de Toulon, et peintre célèbre. J’ai pu apprécier sa gentillesse, son éclectisme, son ouverture d’esprit, son anticonformisme, son humour, ses talents divers, dont celui de cuisinier. J’ai fréquenté avec assiduité ses différents ateliers. J’étais toujours étonné de le regarder peindre, concentré sur sa toile, et pourtant capable de mener une discussion avec ceux qui se trouvaient là. Parfois il me demandait de donner un titre à un tableau, plus c’était farfelu, plus cela lui plaisait.
Ce fut une époque bénie, on savait qu’en se rendant dans l’après midi chez « Henri », son vrai prénom, on était sûr de rencontrer peintres, écrivains, journalistes, musiciens, chanteurs, dans une atmosphère amicale et libre, sans chichis, sans personne qui « se la joue » comme on dit aujourd’hui.
J’avais enfoui inconsciemment cette époque au fond de ma mémoire, et voilà qu’à l’enterrement de l’écrivain Pierre Moustiers une amie me présente Thierry Siffre-Alès qui mettait la dernière main à la biographie d’Olive Tamari, qui vient de paraître. Les souvenirs se mirent à affluer, une partie du passé se mit à revivre au fil des pages.
Thierry Siffre-Alès a réalisé une biographie qui est un modèle du genre, d’une écriture alerte, précise, assise sur une parfaite connaissance de l’histoire de l’Art et de ses techniques, donnant des analyses profondes et des descriptions en termes simples qui disent l’essentiel, le tout basé sur la connaissance de l’histoire locale. L’auteur s’est mis au service de l’artiste avec humilité, admiration, affection même, et compétence.
Henri Jean-François Olive, dit Olive Tamari, est né à La Seyne sur Mer le13 août 1988 au quartier Tamaris où il fut élevé, et décédé à Toulon le 11 août 1980.
Cette biographie nous fait vivre les grands moments de la vie du peintre, de l’enfance à la mort. On va découvrir l’enfance, la jeunesse et le développement de l’artiste, les petits et les grands moments de la carrière, l’aventure du « Caravansérail », les débuts sous l’influence d’Henri Mattio, les premiers pas à Montparnasse, sa formation autodidacte, la vie à Toulon, à Paris, les rencontres, les amitiés, les inimitiés aussi comme avec le critique Michel Ragon, les amours, l’épouse Olga morte jeune, douleur incicatrisable au cœur de l’artiste, la vie publique, la vie privée, la fille secrète et la reconnaissance, cela avec discrétion et délicatesse, parce que cela éclaire certaines œuvres ; aussi la guerre et la mobilisation, la carrière de directeur de l’école des Beaux-Arts de Toulon de 1955 à 1963, l’analyse des différentes périodes et des grands tableaux dans l’évolution du peintre, les expositions, le fameux « Bleu Tamari » : Du bleu du bleu de toutes les couleurs, écrivait-il ; la description et la vie des différents ateliers, les amitiés avec André Derain, Léon Vérane, Charles Lévy, Jean Rambaud, Jules Muraire dit Raimu, Jean Cocteau, Roger Colombani, Paul Valéry, George Bernanos, Maurice Chapelan, Francis Carco, André Salmon, Joseph Delteil, Thomas Mann, Léon Gabriel Gros, Othon Frierz, Philippe Chabaneix, le poète André Martel qui avait inventé un langage et s’était proclamé le Papafol du Paralloïdre, Saint John Perse, les liens avec le Petit Théâtre d’Armand Lizzani, et Django Reinhardt venu jouer à l’atelier, le portrait de sa femme Naguine, Et tant d’autres…
Non seulement Olive Tamari était peintre, sculpteur, graveur (la presse dans son atelier de la rue Hippolyte Duprat avait toute une histoire) mais aussi poète, et un remarquable poète, souvent profond, d’un lyrisme contenu, avec de fortes et originales images, ce qui n’empêchait pas des teintes d’humour. Rien que les titres sont déjà tout un voyage : « Je me retiens au mur qui tombe, Noir et Bleu, Tout est Icare, Couleurs du silence, C’est bon l’aspirine, Les pinceaux roses de chairs, Et qui disent son amour de la mer, cette Méditerranée de l’enfance : Le grand voyage de la mer, Cette mer qui allaitait l’aurore, Ici la mer prend fin, Vous aimiez la mer. (éditions Soleil Bleu). » (On peut trouver quelques recueils au Kiosc à Toulon, près du cinéma Le Royal, et sur internet)
Dire que de 1973 à 1977 il y avait « Le salon international d’art de Toulon » qui allait jusqu’à présenter plus de 300 artistes avec dans le jury outre Olive Tamari, des artistes comme César, Kijno, Comby, Edouard Pignon, Labisse. Sans compter à la même époque nombre de grands événements artistiques à La Seyne sur Mer.
Olive tamari fera sa dernière exposition en 1980 au Paris Sheraton Hôtel « en plein cœur de son cher Montparnasse ». Il meurt cette même année. La cérémonie funèbre eut lieu à l’église Saint-Louis de Toulon, et le peintre fut inhumé au cimetière de La Seyne sur mer accompagné par une foule imposante, retour à son lieu de naissance.
La postérité ne lui donne pas la place qu’il mérite. Espérons que cette biographie participera à une reconnaissance officielle. On attendrait qu’une grande artère ou une grande place de Toulon, ou de La Seyne, porte son nom.
Henri Jean François Olive, dit Olive Tamari, avait coutume de dire qu’il était un peintre de passage, c’est dire sa modestie et qu’il était sans illusion sur la durée de la gloire. Pour conclure citons l’auteur de cette indispensable biographie : « Il n’est que de voir près de quarante ans après sa disparition le souvenir révérenciel et vivace qu’en gardent ceux qui l’ont connu, pour juger combien demeure forte et durable, sur les plans artistique et humain, l’image de ce passager du pinceau qui se sentait éphémère. »
Cette biographie, outre le portrait complet de l’artiste, nous offre une plongée dans le Toulon et le Paris artistique du début du XX°siècle jusqu’à 1980, tout en redonnant vie à cette époque.
Serge Baudot
L’auteur, Thierry Siffre-Alès, a occupé des emplois à responsabilité à Toulon. Il a publié un roman : Reflets d’une âme en taille douce (Ed du Lau) – un essai : Werner – un recueil de poésie : L’escale. Il révèle sa passion pour l’art avec cette biographie.
Ouvrage en vente : Librairie Charlemagne, Toulon et La Seyne sur Mer – Chez l’auteur : siffre.ales@gmail.com
Deux expositions auront lieu à Saint Mandrier du 25 août au 1° octobre 2017 :
– Olive Tamari « Entre terre et mer », domaine de l’Ermitage, chemin de le Coudoulière – du mardi au dimanche de 15 à 19 h
– Olive Tamari « La donation bleu tamari » à la Galerie Rancilio, avenue Marc Baron – du mardi au vendredi et dimanche de 16 à 19h et le samedi de 10 à 12h et de16 à 19h.