MATHILDA MAY: « Ecrire est pour moi jubilatoire »

C’est par la danse et la musique que Mathilda May est passée avant de devenir comédienne. Et comme en France on aime ranger les artistes par petites cases, on a occulté ses dons et elle a mis du temps à revenir à ses premières amours, qu’aujourd’hui elle pratique avec bonheur, selon ses envies et en se payant le luxe d’écrire ses propres spectacles.
On n’est tellement jamais si bien servi que par soi-même, qu’elle a d’abord écrit un roman, puis une pièce de théâtre qu’elle a joué durant trois ans à Paris et en province à guichets fermés, avec un certain Pascal Légitimus « Et plus si affinités ». Et il y a eu affinités avec le public !
Et voilà qu’aujourd’hui elle s’attaque à un projet on ne peut plus original, totalement fou et qui est parti pour avoir le même succès que sa pièce. Elle a appelé ça « Open Space » et en signe le scénario, la musique, la mise en scène, la bande-son, les dialogues – disons plutôt les bruitages et borborygmes ! – la seule chose qu’elle ne fasse pas, c’est d’y jouer !
Rencontre avec la belle dame au Gymnase de Marseille où nous avons eu le privilège de découvrir ce spectacle avant qu’il ne soit donné au Théâtre du Rond-Point à Paris, à la rentrée prochaine, en septembre-octobre.

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« Mathilda, dur de définir ce spectacle !
Oui car d’abord on ne peut le classer dans aucune catégorie et puis c’est un spectacle fou qui fait appel au théâtre, à la musique et la chanson, à la danse, à l’humour, sans aucun texte puisque les dialogues sont une espèce de langue inconnue sans que cela gêne la compréhension du spectacle.

Et l’histoire alors ?
Cela raconte une journée dans un bureau, qui peut être n’importe quel bureau, où sept personnages vont passer une banale journée en huis clos et où il va se passer des tas d’événements insolites. Dans ce microcosme, tous les sentiments sont exacerbés, la jalousie, la colère, la pression du patron, l’ennui, les fous-rires, les affrontements, les rapprochements, les stratégies… Bref, le quotidien d’une journée de bureau qui pourrait être banale mais, comme ce n’est pas un documentaire, l’humour est omniprésent, les situations sont burlesque…

C’est un spectacle qui a dû être difficile à monter, d’abord parce qu’il sort de l’ordinaire et puis, c’est un travail d’orfèvre pour les comédiens… et pour vous !
Oui, j’ai eu bien sûr du mal à le monter à tous les niveaux, d’abord parce qu’il est difficilement racontable, que je ne pouvais pas fournir un dialogue puisqu’il n’y en a pas. Par ailleurs, je ne voulais pas de comédiens connus mais de vrais artistes multifonctions, qui sachent jouer, chanter, danser, bouger, ce qui est encore assez rare en France.

Comment avez-vous fait pour les trouver ?
Des castings à l’infini. J’ai vu quelque cent cinquante artistes venus de tous les coins de France, de diverses compagnies pour en garder sept et, à part Loup-Denis Elion, le beau black de « Scènes de ménages » plus connu sous le nom de Poussin, mais qui est exceptionnellement doué et a fait du lyrique, les autres ne sont pas des comédiens connus mais il sont super talentueux.

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Comment met-on un tel spectacle en scène ?
Je me suis d’abord attaquée à la bande-son qui est la colonne vertébrale du spectacle. elle est constituée de musique, d’onomatopées, de bruitages et a été montée  avant que ne démarrent les répétitions. J’avais des idées très précises, entre autre au niveau des sons où j’ai été extrêmement pointilleuse, de la sonnerie de téléphone à la chasse d’eau ! J’ai donc écouté le spectacle avant qu’il n’existe et je l’ai visualisé dans ma tête.. Et j’ai travaillé, comme au cinéma, séquence par séquence, avec des arrêts sur image, des gros plans, des plans-séquences, des ellipses, des focus sur un comédien… Donc beaucoup de contraintes pour les comédiens car je voulais éviter le côté « je démontre que je joue quelque chose ». D’avoir été danseuse et musicienne m’a beaucoup aidée et toutes les musiques ont été composées par moi !

A l’arrivée, heureuse ?
Comment ne pas l’être ? J’étais sur tous les terrains, j’ai utilisé tous mes savoir-faire, j’ai tout construit de A à Z, j’ai fait un spectacle riche, dense, rien ne m’a manqué, les comédiens sont entrés dans le jeu avec énergie et plaisir et à l’arrivée, le public rit beaucoup et ovationne les artistes… Que demander de plus ?

Vous vous êtes même payé le luxe d’écrire un gospel, ma foi fort réussi !
Oui et tout est parti de sons répétitifs, psalmodiés, de rythmes basiques et de bruits que font les comédiens avec leur bouche. Je suis très fière car, après l’avoir entendu, Michel Jonasz m’a déclaré : « Tu as illustré la naissance du blues »… Et il s’y connaît !

Au départ, c’était quand même un spectacle improbable !
Tout à fait mais j’ai toujours aimé les mélanges improbables, comme ce couple que je formais avec Pascal Légitimus qui, au départ, semblait incongru.

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Ne jouant pas dans la pièce, vous suivez quand même la tournée ?
Oui, car d’abord c’est mon bébé et puis c’est un spectacle vivant toujours en mouvement et je profite de chaque représentation pour changer, peaufiner, développer. Nous faisons tous les soirs un briefing afin de rectifier un détail tout en sachant qu’il y a une bande-son à suivre et qu’elle ne change pas. C’est une vraie partition, tout est calculé au millimètre, à la note près.

Vous écrivez donc pièces et spectacles, en 2007 vous nous avez offert un roman « Personne ne saura »… L’écriture est aujourd’hui une corde à part entière de votre arc ?
C’est vrai, j’adore écrie. Au départ les idées me viennent et une fois que je tiens le sujet, je sais la forme qu’il va prendre. C’est un bel exercice que j’adore pratiquer.

Il y a aussi la chanson. A quand un second disque ?
Il faudrait que j’en ai le temps car je ne fais pas ça juste pour dire que je suis une comédienne qui chante mais pour vraiment faire de la musique. Par contre, si j’aime écrire, écrire des paroles est une spécificité que je ne maîtrise pas encore. Je ne sais pas si je saurais. Il faut donc que je trouve des auteurs.

Et le cinéma dans tout ça ?
J’ai joué récemment dans « Les infidèles » avec le duo Dujardin-Lellouche mais on ne me propose pas grand chose d’intéressant. Alors, en attendant, je m’éclate en m’écrivant des pièces, en fabricant des spectacles.
Et c’est quelque chose de jubilatoire.

Propos recueillis par Jacques Brachet

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Si vous avez raté la pièce à Marseille, vous pouvez vous rattraper en la découvrant du 2 au 4 avril au Théâtre de Nice.