Coup de coeur
« Le vertige des falaises » de Gilles PARIS (Ed Plon)

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Marnie est une adolescente de 14 ans qui vit sur une île en toute liberté, entourée de deux couples : sa grand-mère, Olivia, grande bourgeoise,  hiératique et forte malgré le drame qu’elle vit de femme battue par son mari, Aristide, un type violent et barbare qu’elle a décidé de ne pas quitter et de vivre avec courage et abnégation ses coups renouvelés. Sa mère Rose, femme douce et aimante; hélas marié au fils d’Aristide et d’Oivia, un homme coureur, menteur, ivrogne et joueur, qu’elle aussi a décidé de ne pas quitter et de souffrir en silence.
Entre les deux, cette gamine avance dans l’âge adulte, à la fois fragile, forte, indomptable,n’en faisant qu’à sa tête, libre parce que les sujets de préoccupation de sa mère et sa grand mère sont ailleurs, malgré l’amour qu’elles lui portent. Vivant dans une immense maison de verre et d’acier construite  par le grand père, battue par les vents et les tempêtes, Marnie essaie de s’en sortir à sa manière : en rêvant beaucoup, s’inventant une vie, tenant tête à tout le monde. Elle découvre peu à peu tous les secrets que renferment cette maison glaciale et ces deux couples bouffés par les drames et les non-dits, à peine surveillée par Prudence, qui a été l’assistante d’Aristide avant de devenir la servante muette de la famille.
Mûrie trop vite, Marnie se forge un caractère semblable à cette maison, de verre et d’acier, de grâce et de force.
Dans un tout autre genre, Gilles Paris nous avait proposé « Autobiographie d’une courgette » dont le film tiré du roman a reçu plusieurs Césars et a été nommé aux Oscars, et « Au pays des kangourous » qui a obtenu plusieurs de prix littéraires.
Il nous propose là un drame intimiste et original où, chaque personnage à son tour prend la parole. Et à chaque prise de parole, un pan de ces secrets qui entourent cette maison perdue sur l’île, se révèle à nous, par petites touches, jusqu’au final où tout se précipite un peu et où l’on découvre tout ce qui se cache derrière tous ces personnages.
C’est un roman fort, émouvant, où les femmes, courageuses et fortes malgré leurs cassures, sont superbes, même si elles sont prisonnières de leurs secrets et de cette île qu’elles ne quittent pas, hormis Marnie qui s’enfuit en cachette sur le continent.
Au fur et à mesure on découvre tous les non-dits car nombre d’entre eux connaissent un morceau de l’histoire qui, tel un puzzle, se met en place au fur et à mesure que chacun prend la parole.
Par contre, les hommes n’ont pas le beau rôle : Aristide est un sadique, Luc est un flambeur, Côme, le curé, sait des choses sans rien pouvoir dire, le docteur, Géraud en sait tout autant mais est lié par la promesse faite à Olivia de ne rien dévoiler.
Ce roman est à la fois un thriller et un roman psychologique qui nous tient en haleine jusqu’au dénouement final, entre Hitchcock, Agatha Christie, Daphné du Maurier, superbement écrit par un Gilles Paris très inspiré.
Cette histoire pourrait, une fois encore, faire l’objet d’un film tant l’histoire est aussi forte que ces personnages de femmes dont il fait le portrait, le décor sauvage de cette île perdue accentuant la lourde atmosphère dans laquelle vivent les personnages.
Un magnifique roman.

Jacques Brachet