Bernard SAUVAT…
Il existe encore des poètes

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S’il se fait discret, Bernard Sauvat est l’un des fleurons de notre chanson française, au même titre que Chelon, Danel, Ferré, Barbara.
Il aurait mérité d’être plus dans la lumière tant il écrit et chante de magnifiques chansons autres que les plus connues comme « Le professeur est un rêveur » ou le fameux hymne de la première Star Ac’ « L’amitié »
Retrouvé sur les tournées Age Tendre puis à Pertuis l’été dernier, où il est venu épauler Michèle Torr pour son gala annuel en faveur de son association « Sclérose en plaques en pays d’Aix », il nous avait promis un nouvel album.
Il a tenu sa promesse et l’a justement intitulé « La poésie à fleur de mots », titre totalement en fusion avec ces seize chansons qu’il nous propose, concoctées seul ou avec de belle pointures comme Alain Turban, Pierre Groz, Frank Thomas, orchestrées pour certaines par Guy Mattéoni.
C’est un vrai florilège de poésie mêlée de nostalgie, peut-être un peu trop de cette dernière, sauf à la fin où il nous entraîne sur le chemin des « Petits ânes de la terre » ou des « Poètes de Barbizon ». L’on retrouve cette voix fêlée chargée d’émotion qui fait passer des frissons.
« Marie », « Je me rapproche de Dieu » sont aussi chargées d’amour.
« J’écris ce que je vis », nous chante-t-il dans « Tu me manques », chanson des années 70 tout comme « Quand maman dort » qu’il a eu raison de reprendre tant elles sont belles.
Il dit encore qu’il n’est pas un grand poète et avoue « Vrai qu’j’aurais aimé écrire tout ça » en évoquant les plus grand de la chanson française. Ne sait-il pas qu’il en fait partie et qu’il n’a pas à rougir de ses oeuvres qui s’en rapprochent ?
Certaines chansons sont enregistrées en studio, d’autres en public mais toutes touchent au cœur.
Et ultime clin d’œil : il ferme ce CD avec « Le professeur est un rêveur ».
Beau rêveur que Bernard Sauvat.
Et belle rencontre avec cet homme comblé puisque sa fille, Marie, vient de le faire grand-père.
C’est donc entre deux biberons qu’on se retrouve pour parler de ce bel album.

« Tu sais, on est toujours un peu malheureux lorsqu’on fait un disque que les gens n’écoutent pas, non pas qu’il ne soit pas bon mais aujourd’hui, il faut se battre pour se faire entendre. Heureusement qu’il y a encore quelques professionnels fidèles comme Drucker, Sébastien… ou toi, qui ne nous oublient pas. Ca réchauffe le cœur.
Mais si radio et télé oublient « les anciens », tu es toujours là !
(Il rit), oui, parce que, chanter reste mon métier, la chanson, c’est ma vie, la poésie, c’est ma passion et que je n’ai jamais arrêté de les pratiquer.
Mes 50 ans de chansons, je les ai fêtés à Beyrouth devant près de 2000 personnes de tous âges, qui connaissaient mes chansons. Je n’aurais pas pu le faire en France. Ici, la jeunesse doit se souvenir de « Le professeur est un rêveur » et « L’amitié », à qui la Star Ac’ a donné une deuxième vie..
Je viens d’aller chanter à la Sorbonne devant des classes de seconde qui m’ont découvert et qui ne comprennent pas qu’on m’entende si peu. Le jeunisme des radios et des télés est fatigant et sclérosant.. J’ai quand même écrit quelque 250 chansons… Combien sont-elles connues ?

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Parlons de ce nouveau disque
Je suis heureux car autour de lui il y a un engouement sympathique et sincère. Je le crois lourd, consistant car, pour beaucoup, autobiographique lorsque je parle de Casablanca, de ma fille, de l’absence de ma mère, de Dieu et même des petits ânes ou de Barbizon où, de 1980 à 2000, j’avais un cabaret, « Le bistrot du Musée » où passaient tous mes amis chanteurs, de Croisille à Escudero en passant par Didier Lockwood…
C’est, je pense, de la poésie mais qui prend ses racines dans la vraie vie. On est tous poète à sa façon.
C’est un disque très nostalgique…
Oui, ce ne peut que l’être lorsqu’on parle de sa vie et de plus, d’une vie heureuse. Car j’ai eu une belle enfance, j’ai un passé heureux et il est normal que je parle de mon bonheur avec nostalgie, avec des univers assez lyriques puisque c’est moi qui habille mes chansons et j’aime lorsque ça s’envole !
Le futur ne m’intéresse pas, d’autant qu’il s’assombrit de jour en jour. Je vis au présent sans oublier le passé.
Tes chansons sont à la fois simples et poétiques !
Elles sont surtout intemporelles. Elles n’ont jamais été à la mode et ne le seront jamais, mais on peut toujours les chanter et on pourra les chanter encore, en changeant le rythme, les orchestrations… Je crois qu’elles tiendront toujours la route.
Par exemple « Sous un ciel de velours tendre », je l’ai écrite pour Betty Mars en 73, tout comme j’ai chanté dans les années 70, « Tu me manques », « Quand maman dort », que je reprends avec de nouvelles orchestration et qui semblent avoir été écrites aujourd’hui.
Il ne faut jamais jeter les chansons, les oublier. Il faut les faire vivre et revivre.
Comme les chanteurs ?
Exactement ! Mais en France, passé un certain âge, on est considéré comme has been ou ringard. Mais nous sommes toujours là, nous les plus vieux, alors que beaucoup de jeunes disparaîtront avant nous ! Et puis… Est-ce qu’on vieillit encore quand on est vieux ?!
Tu es quand même revenu sur le devant de la scène grâce à la Star ac’ et aux tournées Âge Tendre…
Oui, pour la Star Ac’, ça a été incroyable qu’un ado comme Jeremy Chatelain connaisse et aime « L’amitié » qui est un peu devenue leur hymne. Quant à Âge Tendre, ça n’était pas spécialement bien car, si l’on chantait devant des milliers de gens, on n’avait que deux ou trois chansons à chanter et surtout pas les nouvelles… C’est pour cela que j’ai écrit « Le professeur ne rêve plus » !

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Une scène, une tournée sont-elles prévues ?
Les scènes, j’en fait toujours, là où on me demande. Je tourne souvent avec mon ami Herbert Léonard. Quant à une scène parisienne, pourquoi pas, si je trouve une petite salle. L’Olympia, il faut le remplir et puis, ça ne veut plus rien dire. Avant c’était une consécration de le faire. Aujourd’hui, si tu as les moyens de le louer, il est à toi
Je préfère de petites salles intimes où les gens viennent pour t’écouter, où l’écoute est sensible. »

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Christian Servandier