Un CD d’Isabelle Aubret est toujours un événement. D’abord parce qu’elle est l’une de nos plus talentueuses et emblématiques voix de la Chanson Française. Ensuite – mais ceci explique cela – parce qu’elle a toujours su choisir avec grand soin son répertoire, et non des moindres : Ferrat, Brel, Aragon, Ferré, Lemesle, parmi les plus célèbres…
Et même si celui qui l’habillait le mieux, Jean Ferrat dit « Tonton » n’est aujourd’hui plus là, elle a trouvé de magnifiques couturiers pour continuer à lui faire du sur mesure.
Tel est le cas pour ce magnifique disque « Allons enfants », produit par son mari, Gérard Meys, comportant 18 superbes chanson, sortie qui coïncide avec son passage le 3 octobre à l’Olympia et qui semblerait que ce retour soit un au-revoir.
Voici donc réunis autour d’elle Georges Chelon, dont un des titres donne celui du disque , constat sur notre monde qui vacille, mais toujours avec l’espoir au réveil de l’homme. « L’Olympia » ouvre l’album et ouvrira le rideau de cet emblématique salle. signée Claude Lemesle et Roland Vincent. C’est encore Claude Lemesle, et Jean-Pierre Bourtayre, qui signent celle qui va clore cet épisode de sa vie d’artiste : « Dans les plis rouges du rideau ». Claude Lemesle toujours, et une première rencontre : celle de Gilbert Montagné qui lui offrent « Des mots démodés », pas si démodés et surtout si beaux. Lemesle est partout et, encore avec Bourtayre, pour celle chanson nostalgique, qui rappellera à tous notre enfance « Le napperon de grand’mère ». Un peu d’accordéon qui lui fait battre le cœur (et le notre) et que signe Jean-Max Rivière. Chelon aussi est souvent là avec une poignante chanson en hommage aux victimes de Charlie « La belle endormie ». Belle reprise d’une chanson qui sera toujours actuelle, de notre regretté Jacques Debronckart « La liberté ». Et puis ces mots de Lemesle qu’elle dit avec une rare émotion « Il faut vivre »… malgré tout, drames; chagrins que nous apportent la vie. Car pour Isabelle, c’est toujours beau la vie…
Ce grand double événement de rentrée méritait que je retrouve ma complicité avec ma belle amie… Et toujours avec le même plaisir.
Isabelle, tu nous annonces un au-revoir…Ce n’est pas un adieu ?
(Elle rit… Ah, ce rire clair et limpide !). Tu sais, nous ne sommes que des artisans et nous devons bien nous arrêter un jour. Ce qui est sûr, c’est que c’est le dernier Olympia…
Pourquoi ?
Si tu savais le mal que j’ai eu pour faire une seule date à l’Olympia alors que j’aurais aimé en faire trois. On a pourtant bataillé, Gérard* et moi. Sans compter qu’aujourd’hui, faire l’Olympia coûte une fortune ! C’est donc la première raison.
La seconde et que la dernière date que j’ai faite, c’était il y a six ans. Et dans six ans, j’aurai 84 ans ! Il faut être raisonnable !
C’est à dire ?
Que je ne veux pas faire le spectacle de trop. J’ai 55 ans de chansons et j’aimerais que, comme toi, les gens regrettent que je m’arrête plutôt que de penser qu’il est temps que je le fasse ! Et puis, j’ai trop d’amour et de respect pour ce public qui me suit depuis si longtemps, pour leur offrir un spectacle « presque » parfait. Je ne veux surtout pas le décevoir.
Donc après l’Olympia, c’est terminé ?
Pas tout à fait puisque je vais, durant trois mois, faire la tournée Age Tendre (La tournée des Idoles) qui fêtera ses dix ans. Mes je ne chante que trois ou quatre chansons. Donc, après cette tournée, je repars sur les routes avec mon spectacle et je parcourrai toute la France et les pays limitrophes.
Parlons donc de ce bel album « Allons enfants », qui est magnifique !
Merci… Je le crois aussi car je l’aime beaucoup. J’y ai mis tout mon cœur et il y 18 chansons écrites par des auteurs et compositeurs de grand talent. J’ai la chance qu’ils m’aient offert de petits bijoux et je sais que sans eux, je ne serais rien. Ils m’offrent de belles notes, de beaux mots et je tiens à leur rendre hommage.
Il y a peu de femmes dans le lot !
Que veux-tu que j’y fasse si je n’inspire pas les femmes ! Il n’y en a que deux mais elles sont talentueuses : Michelle Senlis et Corinne Cousin. Mais par le passé j’ai eu la chance que des femmes comme Anne Sylvestre ou Catherine Lara écrivent pour moi. J’ai aussi chanté Danielle Messia qui était magnifique. Il y a quelques années, je la voulais pour mon Olympia mais hélas elle a disparu trop tôt.
Toutes tes chansons sont reliées à la vie, à l’espoir, à l’amour…
D’où le texte de Claude Lemesle que je dis : « Il faut vivre ». Je crois encore et toujours aux hommes. Je voudrais qu’ils comprennent que Dieu, c’est nous. Il suffit de s’entendre, de se regarder, de se parler, de prendre le temps de faire connaissance. Allons au bout de nos idées, de nos impressions, apprenons à nous connaître.
Je le dis avec des mots simples, des mots qui parlent au cœur car chaque chanson que j’interprète est une histoire et j’y amène mon univers, mes émotions, mes convictions, mes espoirs.
Avec Alice Dona et Gérard Meys
Parlons de quelque chose qui nous rapproche encore : l’Ardèche, puisque nous habitons pas loin l’un de l’autre. Y vas-tu toujours ?
(Silence). Non… Depuis que « Tonton » est parti, je n’y suis plus allé. Je ne peux pas. Pourrai-je y retourner un jour ? Je ne sais pas…
Parlons alors de cet Olympia que tu investira le 3 octobre…
Maman… J’ai peur !!!
Je suis déjà morte de trouille et je répète tous les jours les 30 chansons que je vais interpréter, donc beaucoup des nouvelles. Claude Lemesme m’a écrit deux superbes textes, l’un avec Roland Vincent « L’Olympia » qui sera ma chanson d’ouverture. L’autre avec Jean-Pierre Bourtayre « Dans les plis du rideau rouge », qui verra peu à peu se refermer le rideau… et qui me fera certainement pleurer à la dernière note… Je pleure déjà en répétant ! »Heureusement, elle rit en me le disant !
Et elle ajoute :
« J’ai besoin de tous mes amis autour de moi pour me donner du courage… Tu as intérêt à être là !!! »
Propos recueillis par Jacques Brachet