Sanary sous les étoiles
Michaël JONES : « Ça fait 44 ans que je m’amuse ! »

B

Rencontrer Michaël Jones est un réel plaisir car, à l’inverses de ces jeunes « stars qui se la pêtent », Michaël est d’une gentillesse extrême, d’une simplicité désarmante et d’une grande disponibilité. Avec lui, une interview prend tout de suite la couleur d’une amicale conversation et il n’y a pas d’heure réglementaire pour terminer l’entretien… Quel plaisir !
Plaisir également de ce concert qu’il nous a donné sous les étoiles car, en plus d’être un beau chanteur, il est un guitariste hors pair qui prend un plaisir extrême à jouer de ses instruments qu’il change après presque chaque chanson. Des pointures l’accompagnent dans une osmose et une euphorie totales car Michaël, ce n’est pas un chanteur accompagné par trois musiciens, c’est un vrai concert collégial qu’il nous offre où chacun a sa partition musique-chant à jouer en toute complicité, tout comme au bon vieux temps du trio Goldman-Fréderick-Jones… Que de souvenirs, d’ailleurs, égrène-t-il avec toutes ces chansons qu’il a composées avec JJG et que le public, venu nombreux, reprend avec lui dans une ambiance de folie.
Après la balance, nous nous installons confortablement pour presque une heure d’amicale conversation.

A

Michaël, comment un Gallois devient-il une star de la chanson française ?
Star ? … oublions ce mot.
Ca s’est passé par accident. Ma maman était française et nous venions voir sa famille en vacances. J’ai rencontré des musiciens avec qui j’ai commencé à m’amuser, avec qui je me suis entendu… Et je suis resté ! Et voilà 44 ans que je m’amuse et que je suis heureux car vivre de sa passion, c’est exceptionnel.
Au Pays de Galles, jouais-tu déjà ?
Oui, j’ai joué avec quelques groupes mais juste pour le plaisir car au départ je n’étais pas destiné à la musique. Pour moi, la musique était simplement un plaisir et il n’était pas concevable que j’en fasse un métier, même pour gagner de l’argent.
A quoi te destinais-tu ?
La musique, comme Obelix, je suis tombé dedans très jeune. C’est ma potion magique. Mais j’ai passé un diplôme d’ingénieur de la médecine du sport. Mon ambition était de faire de l’assistance sur des rallyes… Tu vois, on était loin de la musique, même si je ne l’ai jamais quittée. Jusqu’au jour où il y a eu le déclic et je me suis dit que peut-être, mon avenir était dans la musique.

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Et te voilà donc dans le groupe Thaï Phong où tu rencontre Jean-Jacques Goldman.
C’était en 71 mais la rencontre alors a été très brève puisque je venais le remplacer dans le groupe. Il se lançait alors dans une carrière solo. C’est lors de l’enregistrement du troisième album que, grâce à Jean Maresco, nous nous sommes mieux connus et il s’est alors passé quelque chose entre nous. On a commencé à travailler ensemble.
Comment s’est formé le trio ?
Au cours de la seconde tournée que nous avons faite ensemble, il y avait une chanson intitulée « America, long is the road » où l’on avait besoin d’une voix gospel. Jean-Jacques avait Carole Fredericks comme choriste. Elle avait une voix et un talent exceptionnels. Je lui ai conseillé de la prendre. De là, il a eu envie de créer un groupe avec une voix de fille… La fille était toute trouvée !
(Il chante d’ailleurs sur scène une chanson n hommage à Crole « Souviens-toi » et l’on entend sa voix avec beaucoup d’émotion)
Lorsque le groupe s’est arrêté, ne t’es-tu pas senti un peu seul sur scène ?
Non, ça n’a jamais été le cas car jamais je n’ai été et voulu être un chanteur accompagné de musiciens. J’ai toujours voulu que ce soit un groupe. Avec Christophe Bosch et Jacky Mascarel on se connaît depuis trente ans et l’aventure continue donc en groupe… sinon je ne serais pas Gallois !
Tu as écrit quelques musiques de films. C’est une autre façon de faire de la musique, non ?
Pas vraiment, il suffit d’être inspiré par des images et que ça tourne avec. Au début d’ailleurs, j’ai fait des musiques pour des films d’entreprises puis pour des concours hippiques. Le challenge était d’écrire de la musique à partir des bruits de sabots des chevaux… Ça a été une belle expérience.

G

Le fais-tu toujours ?
Je l’ai un peu fait comme « L’union sacrée » d’Arcady ou « Pacific Palissades » de Bernard Schmitt, mais aujourd’hui je n’ai plus le temps. Je me contente de faire des chansons, pour moi. J’ai même arrêté de faire des disques. Je préfère faire des projets, de me lancer dans des aventures.
Par exemple ?
Par exemple lorsque je suis invité par Jean-Félix Lalane sur la nuit « Autour de la guitare » et que je me retrouve sur scène avec plein de guitaristes comme Dan Ar Braz, Axel Bauer, Paul Person, Ron Tal, le guitariste de « Gun and Roses » ou encore John Jorgenssen qui, malgré un nom suédois est un guitariste de Country magnifique…
Tu t’es même produit avec une harpiste…
Ça aussi, ça a été une belle aventure que ce duo harpe-guitare avec Caroline Bonhomme, autour de mes chansons adaptées en acoustique dans le style des musiques celtiques. Nous avons aussi fait de belles reprises des chansons des Beatles. Tu vois, j’essaie de faire des choses hors du commun.
Que penses-tu de la chansons française aujourd’hui ?
(Il réfléchit un moment). Je crois que je suis en décalage avec les chanteurs d’aujourd’hui. Peut-être suis-je trop vieux. Je me sens beaucoup plus proche des groupes anglo-saxons. J’ai beaucoup de mal avec l’électro, peut-être encore parce que je suis guitariste avant tout. Par contre, même si ce n’est pas ma musique de prédilection, j’aime ce que fait Stromaé.
Comme je l’ai demandé à Liane Foly, comment vois-tu l’avenir des Enfoirés, suite au départ de Jean-Jacques Goldman ?
D’abord, je pense que Jean-Jacques n’aurait pas pris cette décision s’il n’avait pas été assuré qu’une équipe assurerait le relais. Il y a d’abord et toujours Anne Marcassus qui est le cœur de l’équipe. Et puis il y a déjà des gens comme Bénabar, Mimie Mathy qui s’investissent beaucoup et le nouveau venu Michaël Youn qui est venu avec des projets clés en main, qui a proposé des choses qu’il a créées et qu’il a financées. Et Dieu sait qu’il est inventif. C’est vrai que ce genre d’événement prend beaucoup de temps. Mais je pense que certains le prendront.
On a commencé avec le Pays de Galles, on va terminer avec : y retournes-tu pour des concerts ? Y vis-tu une partie de ton temps ?
Non, je vis ici dans l Midi. Je suis resté six ans à St Maximin. Je n’y vais que pour aller visiter la tombe de mes parents ou pour faire visiter ce beau pays à des amis. Pays que j’aime mais dont je n’ai pas la nostalgie. Ma vie est en France. Et si je suis farouchement pour garder l’Histoire et le souvenir, je ne suis jamais nostalgique du passé. Je tourne les pages et j’avance.

H

Propos recueillis par Jacques Brachet