Traditionnelles retrouvailles de fin de saison pour les Jazz Worshops de La Seyne sur Mer, qui en sont à leur 19° édition, avec le concert Workshop Experience « Round about Gershwin » par le Gérard Maurin / Virginie Teychené Sextet avec José Caparros (tp), Gérard Murphy (as, cl), Pascal Aignan (ts), Stéphane Bernard (p).
Quel plaisir de se retrouver assis sur les gradins dans cette sublime enceinte du Fort Napoléon, avec tous les souvenir du prestigieux et mythique festival « Jazz au Fort Napoléon », créé par André Jaume et Robert Bonaccorsi. Tant de mémoire qui revenait, et les amateurs de rappeler les grands noms de quelques-uns de ceux qui étaient venus jouer sur cette scène, et les anecdotes, les rencontres… A signaler la présence de nombreux musiciens et musiciennes sur les gradins.
Mais le présent nous reprit en main avec l’apparition sur scène de Michel Legat, ardent meneur de l’association Art Bop, qui produit chaque mois entre septembre et juin des concerts de haut niveau dans une des salles voûtées. Avec sa décontraction jazzique et son humour légendaires il présenta chacun des musicien réunis sous l’appellation Sextet, en disant malicieusement : « Nous avons la tête, il reste à trouver le sexe ». Puis la musique fut ! avec « I got rhythm », l’un des morceaux les plus célèbres de George Gershwin, à qui était dédiée cette soirée avec la réinterprétation de quelques standards fameux.
Première partie sans la chanteuse, en quintette d’abord pour cet « I got rhythm », et « Round my man » démarqué de « My man’s gone now », avec une lutte pour le meilleur de la musique, les yeux dans les yeux, entre le pianiste et le batteur, et ça chauffait ; en trio piano, basse, batterie pour « Our love is here to stay » de belle envolée, et c’est là qu’on prenait conscience que ce groupe avait une rythmique de luxe ; puis en quartette avec un Gérard Murphy olympien et lyrique à l’alto sur « I loves you, Porgy », mais…juste à la fin du morceau, des gouttes de pluie étaient apparues, qui s’enflèrent en un petit orage avec tonnerre. Il fallut couvrir le piano, démonter la batterie, ôter le matériel son, et se réfugier sous les voûtes. Que faire ? « The show must go on », il fut décidé de donner la deuxième partie avec Virginie Teychené dans une salle. La grande majorité du public était resté. On installa des chaises, Jérôme Bouygue fit le son, et c’était parti pour une soirée club qui n’avait rien à envier aux clubs parisiens. Et quel bonheur d’entendre le son acoustique des instruments, surtout la batterie. La proximité public musiciens favorisa l’osmose et ce fut du pain bénit par Zeus jusque tard dans la nuit. Merci l’orage.
C’est dans des aventures imprévues comme celles-ci qu’on assiste finalement à un concert dans lequel le partage et le plaisir de jouer des musiciens retentissent sur le public, et c’est parti pour des moments inoubliables. Le Sextet au complet, survolté, attaque avec « It ain’t necessary so ». Virginie Teychené scatte avec les 3 soufflants, c’est à dire qu’elle agit comme un instrument ; c’est la belle trouvaille des arrangeurs, car ça enrichi et dynamise le groupe. « I got plenty of nutttin’ » avec un solo de feu à l’alto de Murphy. « Thou swell » prit sur tempo rapide nous vaut un scat fulgurant de Virginie, digne d’Ella Fitzgerald, et un formidable solo du ténor, qui curieusement dans la première partie dehors était resté trop attaché à des développements convenus ; là il éclate et on s’éclate : ça chauffe dur. Et bravo pour les balais du batteur. La jolie ballade « How long has this been going on » démarre chant piano en toute beauté, puis le groupe attaque avec encore une belle intervention du ténor. Le célèbre « It’s wonderful » chanté par Georges Guétary et Gene Kelly dans « Un Américain à Paris », est pris sur tempo rapide, un brin latino ; à noter un magnifique unisson vocal-soufflants. « Nice work if you can get it » s’envole sur tempo ultra rapide avec une intro brillante en trio, un scat joyeux et terrible et une belle intervention de Caparros au bugle.
Final avec la reprise de « I got rhythm » rythmé par les frappements des mains des musiciens plus la batterie, puis Virginie démarre un vocal somptueux ; on atteint presque la transe du gospel. Ravissement total. Absolument une grande chanteuse.
Un rappel improvisé sur un must, « Summertime », en tempo medium avec une belle distribution des voix des soufflants, un ténor inspiré, et Virginie au Nirvana.
On ne pouvait rendre un plus bel hommage à Gershwin qu’en peaufinant des arrangements subtils et vivants, nouveaux, beaux, qui laissent toute leur place aux solistes tout en les encadrant, comme ont su le faire Stéphane Bernard et Gérard Maurin ; un exploit tant ces standards ont été joués et travaillés par une foule de grosses pointures.
Il ne reste qu’à souhaiter que ce Sextet d’un soir puisse s’exprimer sur d’autres scènes : avis aux programmateurs.
Serge Baudot