Un ouragan nommé Lucy

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Il en est des ouragans comme des cyclones : chacun porte un prénom, de fille ou de garçon, puisque aujourd’hui, la parité existe même chez les phénomènes atmosphériques.
Lucy est née de trois têtes pensantes : Jacqueline Farmer, biologiste de formation, Andy Buatt et Cyril Barbaçon, réalisateurs, tous trois passionnés de nature et ayant réalisé nombre de films.
« Ouragan » est le titre de ce film qui nous propose le voyage fantastique ce phénomènr aussi somptueux que destructeur, né au Sénégal et ravageant sur son passage Porto-Rico, Cuba pour aller mourir en Louisiane.
Ce n’est pas un documentaire. Disons un docu-fiction dont le scénario est la naissance, la vie, la mort d’un phénomène que rien ne peut arrêter et qui laisse derrière lui que drames et malheurs, même si, paraît-il, ils sont aussi nécessaires en tant que transferts d’énergie.
Nos trois réalisateurs ont traité ce film comme un opéra, avec ce départ tout en douceur pour s’amplifier au fil des jours avant de mourir de sa propre mort. Comme dans un opéra, il y a la voix qui raconte, celle de Romane Bohringer et la musique de Yann Tiercen, qui suit les turbulences, d’une musique romantique et très mélodique jusqu’au point culminant qui devient plus sauvage, plus rock.
Ce film est un petit bijou de force et de beauté, que, comme un thriller, on ne peut lâcher tant on attend avec angoisse ce qui va se passer. Artistiquement, c’est superbe. Techniquement, c’est un remarquable exercice de style, qui plus est en 3D, ce qui renforce le drame qui se joue et l’opression qui nous envahit au fur et à mesure.

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C’est de la belle ouvrage et c’est au Six N’Etoiles de Six-Fours qu’on l’a découvert, auprès de Jacqueline Farmer et de Patrick Baquier, directeur financier de St Thomas Productions.
« C’est en arrivant dans le Midi que j’ai été surprise par ce vent incessant qu’est le mistral, un vent qui influence totalement le paysage mais aussi les gens et jusqu’à l’architecture. L’idée m’est alors venue de faire un film sur le thème du vent.
– Mais -rajoute Patrick – d’abord il n’était pas question de réaliser un documentaire. C’était la première condition car nous voulions qu’il y ait une histoire. Et puis, il fallait trouver un sujet universel et c’est à ce moment que nous avons pensé à un ouragan.
Qui a écrit ce texte superbe que dit Romane Bohringer ?
Il est de Victor Hugo et aurait dû faire partie de son livre « Les travailleurs de la mer ». On ne sait pourquoi il l’a retiré et ce n’est qu’après qu’il ait disparu qu’on l’a retrouvé. Il s’intitule « La mer et le vent » et il l’a écrit alors qu’il était en exil à Guernesey où les tempêtes sont parfois terribles.
– Il écrivait donc – poursuit Patrick – en connaissance de cause et avec beaucoup d’intuition car c’est un texte aujourd’hui très actuel. Il a été magnifiquement inspiré et il a très bien compris ce que ce phénomène avait à la fois de maléfique et de bénéfique.
Comment avez-vous pensé à Romane Bohringer ?
Au départ nous avons réalisé un casting sans vraiment penser à elle. Mais elle s’est très vite imposée par cette voix grave qu’elle possède, cette force qui en émane et nous ne voulions pas tomber dans le pathos ou le mélodrame. Elle a cette formation théâtrale qui fait qu’elle a du recul par rapport au texte qu’elle possède, avec ce calme, cette assurance qui en font sa force.
Et puis il y a la musique de Yann Tiercen qui ajoute à la dramaturgie…
Yann est Breton, il vit à Ouessant et lui aussi en sait quelque chose, au niveau des tempêtes ! Il est sensible au vent, à la mer dont il connaît la fureur… on est en plein dans le sujet ! Il a donc écrit ces thèmes très nostalgiques, pleins d’émotion retenue pour les moments d’accalmie et puis ces thèmes très rock, presque hard rock pour accompagner cette fureur qui s’amplifie au fil des jours.

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Vous avez tout de même pris beaucoup de risques, sur terre, dans l’air, comme au fond de l’eau, en pleine tempête !
– C’était des risques calculés – nous dit Patrick – car nous avons travaillé deux ans en amont pour tout caler techniquement, le montage étant compliqué par le format 3D que nous désirions. Nous avons créé un caisson spécial pour aller sous l’eau car il y avait deux caméras. Etant donné la force de l’eau, il fallait que nous arrimions tout au maximum. Les plus grands risques étaient les dégâts sur le matériel et nous en avons eu. Mais côté humain tout s’est très bien passé. Nous étions entourés de techniciens chevronnés et nous avons été aidés par la NASA.
– Nous avons dû filmer quatorze ouragans en trois saisons – ajoute Jacqueline – et finalement, le plus dangereux étaitt lorsque nous tournions sur terre car la force du vent faisait tout s’envoler et nous risquions tout le temps de recevoir une tôle, une poubelle, un arbre, tout ce qui pouvait être emporté par l’ouragan.
Ce qui est étonnant dans ce film, c’est le calme des autochtones lorsqu’on leur annonce qu’ils doivent tout quitter pour aller se protéger !
Les Cubains, surtout car ils ont une grande résilience par rapport à la situation. D’abord, ils y sont habitués, ils savent protéger le peu de biens qu’ils ont, ils ne sont pas attachés aux choses matérielles comme nous et, une fois l’ouragan passé, ils reconstruisent, ils replantent, ils reprennent leur vie avec un apparent stoïcisme et une grande fatalité.
Vous leur montrerez le film ?
Nous en avons déjà présenté des extraits, à Cuba, en Louisiane et là, quand même, lorsqu’ils ont découvert nos images et les dégâts partout, nombreux ont pleuré… et nous avons pleuré avec eux. C’était très émouvant.
Comment le prénom de Lucy a-t-il été choisi ?
D’abord – nous dit Jacqueline en riant – nous voulions l’appeler Hashley. Et puis, étrange coïncidence, nous avons appris que l’ouragan qui se préparait s’appelait Hashley. D’où le changement et Lucy, plus particulièrement parce que, en définitive, je voulais raconter l’histoire d’un côté féminin. Et « luce » symbolise la lumière et la compréhension. J’ai trouvé que ce prénom était tout à fait adapté à notre ouragan, même si ce phénomène est masculin ! »

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Le film sort le 8 juin et il est vraiment à découvrir car les images vous clouent sur place et lorsqu’on sort de la séance, bon sang que c’est bon de retrouver le soleil ! Quant à notre mistral, il nous semble bien insignifiant !

 Jacques Brachet