Caroline VIGNEAUX.. coupable et acquittée !

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Caroline Vigneaux est une avocate défroquée.
Ayant quité la robe qui sied à ce métier, elle l’a enlevée pour mieux la remettre et l’enlever sur scène… Vous suivez ?
Vous me direz, avocate, comédienne, ce sont deux métiers qui se rapprochent, ne serait-ce que par le fait que l’une défend un accusé, l’autre défend un texte et pour cela, il faut prendre des postures, jouer de sa voix et de sa persuasion.
Et cela, Caroline le fait bien, boule d’énergie sur scène, entre textes écrits et improvisation, elle prend le public dans ses filets et le garde jusqu’à la dernière minute avec elle.
Dans la vie, elle est pareille. Petit bout de femme on ne peut plus jolie, séduisante, souriante, on s’assied dans le bar du Théâtre Galli où elle joue le soir-même et l’interview devient vite une conversation pleine de chaleur et d’humour.

Caroline, comment, de la Sorbonne on se retrouve sur une scène ?

J’ai toujours voulu être avocate, je n’avais jamais fait de théâtre et je n’avais peut-être – je dis bien : peut-être – jamais eu de velléités d’en faire. J’ai participé à une soirée de l’Union des Jeune Avocats où chacun faisait des sketches. J’ai amusé tout le monde et ils m’ont demandé de les rejoindre. Et là… ça a fait tilt.
Je pense qu’enfouie, l’envie était là mais, venant d’un milieu catholique, le métier de comédienne n’était tout simplement pas évoqué, encore moins envisageable. Il fallait que je fasse « un vrai métier » !
A l’école, faisiez-vous rire vos copains ?
Oui, j’étais une gamine assez survoltée même si j’étais la première de la classe, ce qui était préférable car si j’étais 2ème c’était la fin du monde à la maison ! Mais certains profs n’en pouvaient plus de mon énergie. J’étais toujours la première à lever le doigts et les profs en avaient marre ! J’adorais dire les textes à l’église, car bien sûr, on allait à l’église !
Et puis mon grand père m’a un jour montré une cassette vidéo de Jacqueline Maillan et j’ai été épatée qu’une femme puisse faire rire autant de monde.
Alors ?
Alors j’ai un jour décidé de quitter la robe, au grand dam de mes parents qui ont vécu un tremblement de terre ! Je suis allée au cours Florent mais c’était très scolaire et j’avais le même âge que ma prof. J’ai commencé à écrire des textes, toujours pour faire rire mais aussi, étant très féministe, pour défendre les femmes.

C D

Justement, être femme, belle et ex avocate, est-ce que ça n’a pas posé de problème ?
Je n’ai pas ressenti de réticence ni quelque animosité à mon égard. Le plus difficile c’est de se faire connaître, qu’on soit une femme ou un homme. Du coup, j’ai décidé de gagner ma liberté, de ne pas attendre le désir des autres, je me suis auto-produite. J’en ai bavé, j’ai perdu beaucoup d’argent mais j’ai tenu le coup et ça a fini par marcher.
Durant ce temps, avez-vous pensé à tout lâcher et revenir au métier d’avocate ?
Jamais et je crois que jamais je ne reprendrai ce métier. Je ferai autre chose si ça ne marche pas. J’ai adoré être avocate mais pour moi, y revenir ce serait un constat d’échec. Etre comédienne est pour moi le plus beau métier du monde. Il me rend heureuse, même si c’est un métier souvent stressant car on sait que c’est toujours aléatoire et qu’il peut s’arrêter comme il est venu. J’ai toujours cette crainte que la salle soit vide, que le public ne rit pas. Mes deux soirées à l’Olympia devant une salle pleine, ça a été magique, ça m’a mis des étoiles dans les yeux. Je crois que ce sont les plus belles soirées que j’ai jamais vécues.
Quels sentiments éprouvez-vous devant le public ?
Un sentiment de bonheur extrême qui m’est devenu indispensable. Lorsque je ne joue pas, je suis en manque et j’ai un gros besoin de sentir qu’on m’aime. C’est après le spectacle que c’est difficile car, après avoir joué devant des centaines d’amis, on a une heure où il faut que redescende l’adrénaline et puis, tout retombe, on se retrouve seule dans une chambre d’hôtel et là, c’est l’angoisse absolue.
On n’a qu’une envie : être au lendemain pour se retrouver sur scène !
Qu’avez-vous, jusque là, connu de pire dans ce métier ?
Mon passage à « On ne demande qu’en rire »… où je n’ai pas ri du tout tant les critiques ont été méchantes. On m’a même dit que je ne ferais jamais ce métier… Comme quoi !
J’ai mis trois semaines à m’en remettre. Je suis restée cloîtrée chez moi sous la couette. Je ne voulais plus sortir. Et puis en fait, ça m’a boostée et je suis repartie de plus belle !

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Aujourd’hui, voulez-vous varier les plaisirs en faisant du théâtre, du cinéma ?
Bien sûr ! Je viens d’ailleurs de tourner un film de Nicolas Benamou « A fond » avec José Garcia et André Dussolier et ça a été un moment magique, d’abord parce que je ne disais pas un texte de moi et puis parce que, partager avec d’autres acteurs c’est formidable. J’espère qu’on me proposera d’autres rôles, au cinéma comme au théâtre.
Vous pensez déjà au prochain spectacle ?
Ca commence même si c’est encore loin car je serai en juin et juillet au Palais des Glaces à Paris puis à nouveau en tournée jusqu’en décembre. J’ai déjà des idées en tête que je mets sur mon Iphone, j’écris des choses. J’empile jusqu’à ce que, petit à petit, tout s’imbrique pour faire un spectacle.
Alors, pas de regrets d’avoir quitté la robe ?
Non, même si, de temps en temps, j’en ai la nostalgie comme lorsque je vois deux ados se bécoter sur un banc et que je repense à mes 17 ans qui ne reviendront pas. Car c’est un beau métier, que j’aime encore. Mais la page est tournée.
Pas de regret non plus, d’être considérée comme « une comique » ?
Loin de là car c’est ce que j’ai toujours voulu faire ! Je n’ai pas de frustration de ne pas jouer les grands classique ou de faire pleurer. Faire rire, ça me va très bien !

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Et pour nous avoir tant fait rire, mesdames et messieurs les jurés, nous déclarons Caroline Vigneaux coupable… Et nous l’acquittons !

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Jacques Brachet et Yann Etesse