Un film de FARID BENTOUMI
AVEC SAMI BOUAJILA, FRANCK GASTAMBIDE, CHIARA MASTROIANNI ET HELENE VINCENT
Sortie le 30 mars
Sam et Stéphane, deux amis d’enfance fabriquent avec succès des skis haut de gamme
jusqu’au jour où leur entreprise est menacée.
Pour la sauver, ils se lancent dans un pari fou : qualifier Sam aux Jeux Olympiques d’hiver
sous la bannière du pays d’origine de son père, l’Algérie.
Au-delà de l’exploit sportif, ce défi improbable va pousser Sam à renouer avec une partie de
ses racines.
Entretien avec Farid Bentoumi
A l’origine de Good luck Algeria, il y a une histoire vraie : celle de votre frère.
Je voulais parler de cette situation complexe, rarement traitée et en même temps tellement
répandue d’être bi-national, entre deux pays, deux cultures. Mon producteur Frédéric Jouve et
moi avions envie de raconter une histoire positive sur l’immigration. Frédéric a grandi à
Marseille, avec beaucoup d’amis d’origine algérienne. A force de discussions, on a eu
l’évidence qu’il fallait s’inspirer de l’aventure de mon frère, qui a fait les Jeux Olympiques
d’hiver sous la bannière de l’Algérie à Turin en 2006. Son aventure symbolisait vraiment la
trajectoire qu’on voulait raconter : un franco-algérien qui habite en France et se lance dans un
défi qui va le rapprocher de ses racines.
Son père dit quelque chose de très beau à Samir : il ne s’est pas battu pour l’intégration
mais pour que ses enfants aient le choix.
Oui, et quand le choix de son fils est de monter sa boîte et non de planter des oliviers en
Algérie, il ne peut que le soutenir jusqu’au bout et l’aider. Ce père a un côté très parfait ! Pour
lui, l’important est l’ascension sociale, pas l’intégration proprement dite dans une culture
française. D’ailleurs, le débat actuel sur l’identité nationale est aberrant. Mon père est venu
d’Algérie pour travailler dans les mines de Saint Etienne, il a creusé le tunnel du Mont-
Blanc… N’a-t-il pas lui aussi construit la France ?
Dans ce débat, on oublie l’humain. Moi, j’ai grandi en France, j’y ai construit ma famille, mes
projets, je suis français. Mais je suis aussi algérien, et très fier de cette bi-nationalité. Good
luck Algeria est comme une réponse à tous les Algériens ou descendants d’Algériens qui se
demandent s’ils doivent renier leur culture algérienne pour s’intégrer. Et le racisme n’a jamais
déterminé mes choix ni ne m’a freiné. Je trouvais important que ce soit la même chose pour
mon personnage. Le fait que Samir fasse les JO sous la bannière algérienne pour sauver sa
boîte qui fait des skis cent pour cent français est un pied de nez à tous les débats sur
l’identité nationale !
Samir a épousé une Française d’origine italienne…
A la façon dont la mère de Samir a appris l’arabe et vit en Algérie, on sent qu’elle a plein
d’amour pour son mari et elle demande à ses enfants de l’accepter tel qu’il est, de le
comprendre. Elle est comme une traductrice entre lui et eux, entre les deux cultures que
portent leurs enfants. L’ouverture qu’a connue Samir grâce à ses parents ne pouvait donc que
rencontrer une autre ouverture culturelle dans son couple à lui. Et puis ça permettait aussi de
faire la différence entre les français d’origine algérienne et les français d’origine italienne,
auxquels on ne demande plus leur origine. Mais je pense que dans trente ans, on ne le
demandera plus non plus aux Maghrébins.
Le passage de la France à l’Algérie est comme un second souffle dans le film.
La première heure du film se passe sur trois mois environ alors que cette demi-heure en
Algérie raconte une journée et demie. J’avais vraiment envie que ce personnage acharné à
faire du sport, à courir pour sauver sa boîte, dans un rythme d’action à l’occidental,
expérimente soudain cette dilatation du temps propre au pays. Les Algériens prennent le
temps. Le temps de se retrouver en famille aussi. Là-bas, on peut ne pas s’être vus pendant
vingt ans, on reste cousins. Le lien du sang est très puissant. Je voulais qu’on ressente ce lien
familial, que Samir lui-même l’éprouve, qu’il soit marqué par ce voyage. Lorsque le cousin de
Samir lui montre les photos de ses enfants et lui dit que sa fille s’appelle Jihad et son fils
Oussama, tout est dit sur la différence de vie et de culture entre eux mais le lien du sang reste
très fort.
Pourquoi n’avez-vous pas tourné en Algérie ?
Trois semaines avant qu’on demande les autorisations, un Français s’est fait égorger dans les
Aurès. Nous n’étions pas prêts à amener une équipe française là-bas. Les assurances ne
l’auraient même pas permis. Nous avons donc tourné les scènes dans Alger sur place, mais les
autres scènes ont été tournées au Maroc, chez les Berbères. Du coup, les enfants ne parlaient
pas arabe, on n’avait pas l’ambiance algérienne des femmes qui chantent dans les champs ou
blaguent dans la cuisine, des hommes qui discutent au milieu des oliviers pendant la récolte…
Heureusement, on a rajouté ensuite des ambiances sonores, des discussions en arabe algérien,
que j’ai enregistrées dans ma famille en Algérie ou extraites de mon documentaire.
Pourquoi le choix de Sami Bouajila pour jouer Samir ?
Sami Bouajila a une palette de jeu très large, de l’humour à l’émotion la plus forte. Il se bat en
permanence pour son rôle, il est à deux cent pour cent, du matin au soir. Son énergie est
incroyable. J’ai vraiment écrit pour lui. Sa ressemblance avec mon frère est frappante, ils ont
le même âge, sont tous les deux grenoblois… Quand il accepté le film, j’étais vraiment
heureux, je ne sais pas comment j’aurais fait autrement.
Comment avez-vous trouvé Bouchakor Chakor Djaltia, qui interprète le père de Samir ?
Je cherchais quelqu’un comme mon père, un algérien qui a vécu à la montagne, qui fait du ski
et des raquettes, qui marche dans la neige… Tout cela forge une façon de parler, de s’habiller
et d’être. Cela donne un corps totalement différent de celui de quelqu’un qui a travaillé et
vécu en banlieue parisienne. Du coup, Antoine Carrard, mon directeur de casting, est
descendu à Grenoble et a trouvé Bouchakor dans une association de vieux Algériens. Cet
homme a eu une vie étonnante. Il a tenu un cabaret à Marseille dans les années 50, est reparti
en Algérie en 1964, où il a vendu des coquillages sur la plage, a joué Shakespeare à Oran –
quand je l’ai rencontré, il m’a cité Shakespeare en arabe ! Et puis il est revenu en France dans
les années 90. Et là, il vit entre la France et l’Algérie. A quatre-vingt deux ans, il a encore une
énergie incroyable et un regard plein d’enfance. Pour lui, ce tournage a été miraculeux, une
expérience folle qui lui a permis d’aller en Autriche, au Maroc, en Italie…
Ces scènes de neige sont à la fois réalistes et poétiques.
Le ski de fond est un sport très exigeant physiquement. On a tourné avec des vrais champions
autrichiens et on était tous épatés de les voir presque s’envoler au-dessus de la neige. A
l’image c’est un sport très dur, mais qui peut paraître lent, étiré, et je voulais qu’on sente la
compétition, que Samir doit relever un défi, mener un combat pour se qualifier. Là encore, on
a fait un gros travail au son pour rajouter des bruits de ski et de respiration. Je voulais donner
du rythme et de l’enjeu dans ces scènes mais tout en préservant le silence et la poésie de la
nature. La première fois que Samir est perdu au milieu des montagnes, il retrouve une seconde
jeunesse. Il pousse un cri, traverse l’immensité du paysage, puis disparaît à l’horizon… On
éprouve soudain un sentiment de petitesse et d’humilité.
Propos recueillis par Claire Vassé