Catherine Lara… Dans un monde de musique

F

C’est en 1972 que je découvre Catherine Lara.
Entre le MIDEM et la Rose d’Or d’Antibes, j’avais la joie de rencontrer Denise Glaser avec qui j’entretenais des liens d’amitié épisodiques.
Et cette année-là à la Rose d’Or d’Antibes elle me tend un 45 tours en me disant : « Ecoutez ça, je suis sûr que ça va vous plaire et que cette artiste va faire une grande carrière ».
Comme à l’accoutumée, cette grande dame ne s’était pas trompée. Il s’agissait de la chanson « T’as pas le temps » chantée par Catherine Lara.
De ce jour et de ce petit 45 tours, je suis devenu fan de Catherine. Mieux, partant en tournée avec elle, nous sommes devenus amis et je crois que c’est avec elle que j’ai le plus ri, de son humour, de ses contrepèteries dont elle raffole… Tout était prétexte à rire, à s’amuser et nous ne nous sommes jamais perdus de vue.

« Rire – me confie-t-elle, c’est une grande partie de ma vi, même si aujourd’hui c’est un peu plus compliqué avec ma maman qui a 102 ans et dont l’hiver ne se passe pas très bien.
Que veux-tu, l’on sait que les plus belles choses ont une fin. Mais bon, écoute, parlons du soleil qu’il y a chez toi, de musique, de la vie car, quoi qu’on fasse, elle continue ».

BDC

Amoureuse de LA musique, de toutes les musiques, elle est passée du classique au rock, du spectacle musical à Ferré, de la musique symphonique à la musique yiddish…
« Sand », « Aral », « Graal », « Au delà des murs », sans compter un nombre de beaux succès dont les Victoires de la Musique avec cette sublime « Nuit magique ».
Et voilà qu’aujourd’hui un très beau coffret de huit CD retrace ses années CBS. Bel événement, grand plaisir de retrouver tous ces beaux disques jamais encore édités en CD.

« C’est Sony qui est tombé sur mes anciens disques enregistrés sur CBS, superbe label que je partage avec des gens exceptionnels comme Miles Davis, Bob Dylan entre autres. Ils ont eu envie de faire ce coffret. J’étais à la fois flattée et heureuse. Et puis ça a été le plaisir de réécouter beaucoup de choses que je n’avais plus écouté depuis 40 ans. Et je me demande si ce n’est pas ce que j’ai fait de mieux.
D’ailleurs tu avoues que tu as la nostalgie de ne plus être cette femme d’alors.
Ça mérite une explication !

C’est vrai, je le pense. Je n’ai pas la nostalgie parce que j’étais jeune. On a intérêt à accepter de vieillir car on n’a pas le choix et il y a des choses merveilleuses à vivre à tout âge. Mais ce qui m’intéresse, c’est la femme que j’étais à cette époque, qui avait cette espèce de spontanéité, d’innocence qu’on a lorsqu’on ne sait pas encore lorsqu’on débute une carrière. J’aimais bien cette innocence là.
Tu as commencé avec le violon et la musique classique.
Comment es-tu venue à la chanson ?

Tout naturellement car je pense qu’il n’y a pas de grande ou petite musique. Il y a la musique tout court. J’aime passer sans transition du bon rap à Stromaé puis écouter le Requiem de Mozart, ça n’a pas d’importance On entre dans des mondes différents, c’est comme ça que j’ai toujours aimé la musique toute ma vie. Je ne me suis jamais posé la question de comment passer d’une à l’autre. Pour moi, passer d’une glace à la fraise à une choucroute garnie… c’est pareil !
Ton premier album était quand même imprégné de classique avant que tu ne deviennes, comme tu le dis si bien « rockmantique » !
Depuis l’âge de 5 ans, j’ai toujours été imprégnée de classique. C’était inévitable avec le violon. Mais j’ai très vite ouvert les portes de la pop musique, du rock et ce que je fais, c’est toujours un mixage de tout ça, même si le classique est toujours là.

A

Je pense qu’il y a quand même eu un tournant avec l’album « Coup d’feel », non ?
Oui, c’est certain parce que j’ai rencontré le producteur qui m’a fait découvrir la musique anglaise, américaine. C’était une autre culture et elle m’a beaucoup marquée. Je me suis alors rendu compte qu’il n’y avait pas que les chansons Rive Gauche, la poésie, la littérature. Il y avait le blues, le groove, le feeling quoi ! Et le jour où j’ai ouvert ces nouvelles portes, je ne les ai plus jamais refermées. C’était magique.
Avant, tu avais peut-être aussi des auteurs plus littéraires comme Alain Boublil, Etienne Roda-Gil qui étaient peut-être moins populaires ?
J’ai toujours pensé que la poésie était accessible à tout le monde comme Boublil et Roda-Gil l’ont prouvé d’ailleurs. On n’est pas obligé de tout comprendre pour apprécier une chanson. J’ai toujours considéré que le public était assez intelligent pour tout entendre. Ca a quand même bien réussi à Bashung, Brassens, Gainsbourg, Renaud, Ferré. Beaucoup de gens aiment ça…..
Nous avons chacun notre façon de nous exprimer ,le plus simple au monde est d’être vrai, chacun avec sa personnalité, ses mots, sa musique. C’est l’identité qui est importante.
Montagné, Barbara, Françoise Hardy, Véronique Sanson, Luc Plamondon, avec qui tu as collaboré, est-ce toi qui es allée vers eux ?
Il y en a beaucoup d’autres et je te dirai que l’on s’est plu !
Qui se ressemble s’assemble, qui s’attire se rejoint. On se cherche les uns les autres et je dirai encore qu’il est presque obligé qu’un jour on se rencontre.
La chanson n’est pas un art solitaire comme la peinture. Elle est faite de rencontres, de partage, on n’est jamais seul. On a toujours besoin d’un auteur, un compositeur, un musicien. C’est un échange musical et amical. S’il n’y a pas tout cela, je joue toute seule dans ma chambre. Et ça, je l’ai assez vécu lorsque j’apprenais le violon !

E

Une belle rencontre : celle avec Alice Dona qui m’a confié t’avoir écrit une chanson !
C’est vrai.
Tu sais, c’est plus difficile de rêver que de réaliser et je rêve de faire un disque avec tous les gens que j’aime comme Obispo, Lavilliers, Jonasz… Il doivent me faire des chansons, quand ? Je ne sais pas. La première à le faire a été Alice Dona qui m’a écrit, avec Serge Lama, une magnifique chanson.
Au-delà de l’amitié que je lui porte, c’est une magnifique musicienne et une femme géniale. Une femme d’action… et de parole !
Quand aura-t-on le plaisir d’entendre ce disque ?
Un de ces quatre !!!
Quand tous ceux qui m’ont promis une chanson me l’apporteront. J’espère le faire avant mes 100 ans. Mais si je dure comme ma mère, j’ai l’espoir de faire encore quelques disques !
Tes projets immédiats ?
Je remonte « Sand et les romantiques » avec une version opéra. Ce sera le 23 juin à Québec et puis j’espère ramener le spectacle en France. T’en fais pas, si ça se fait, je te sonne le tocsin !
Tu seras le premier informé… Normal, après 40 ans d’amitié… On re-signe pour 40 ?!!

Évidemment, Catherine… Avec grand bonheur !

Jacques Brachet
Photos Christian Servandier