Carqueiranne : Festival « In Situ »
Claude BRASSEUR, tigre superbe et généreux

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Clémenceau reçoit son ami Monet en vue d’une exposition de ce dernier qui, après avoir accepté, se rétracte pour de multiples raisons, ce qui met le Tigre en colère car c’est lui qui a tout organisé.
Une longue amitié les lie, faite aussi d’engueulades et Clémenceau va tenter, durant ce séjour, de le faire changer d’avis. Deux monstres en présence, tous deux d’un caractère volcanique. Lequel va céder à l’autre ?
Tous deux également sont à l’hiver de leur vie et c’est aussi le temps des bilans que va arbitrer Marguerite, une jeune femme venue aider Clémenceau à corriger ses écrits et dont celui-ci va tomber amoureux malgré son grand âge et la différence qui les sépare.
Derniers soubresauts d’un géant de la politique encore prêt à aimer. Derniers sursauts d’un peintre génial qui n’est pas sûr de l’être et qui remet son art en cause.
Tous ces sentiments s’exacerbent au bord de l’Atlantique, le tout regardé avec distance par Clotilde, une bonne paysanne au service du maître, qui les fait tous revenir à la bonne vieille raison et les oblige à relativiser bien des choses.
Si Clémenceau et Monet étaient des génies chacun dans leur genre, Claude Brasseur et Yves Pignot leur donnent de l’épaisseur et sont géniaux, eux aussi, à leur manière. Sophie Broustal est la douce Marguerite qui essaie d’apaiser les deux hommes et Marie-Christine Danède est la truculente Clotilde à l’esprit de bon aloi et à l’accent prononcé.
Un quatuor magnifique réuni dans cette pièce de Philippe Madral « La colère du tigre », mise en scène par Christophe Lidon, l’un des points culminants de ce très beau festival de théâtre.

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Rencontre avec Claude BRASSEUR
Claude, qu’est-ce qui vous a attiré dans cette pièce ?
Comme toujours l’ensemble : le personnage, le sujet, les gens avec qui je travaille…
Vous avez déjà joué des personnages historiques ?
Oui bien sûr mais pour moi c’est un personnage comme un autre, un rôle comme un autre. Nous, les gens de théâtre, nous ne sortons pas de la Sorbonne, nous sommes acteurs, pas historiens. Donc mon travail consiste à appréhender le personnage, à le comprendre et de me l’approprier. Alors bien sûr, lorsque c’est un personnage historique, j’essaie de lire deux, trois trucs pour mieux m’en imprégner et si je trouve des choses qui correspondent à celui-ci, j’essaie de les incorporer au rôle pour le rendre plus convaincant.
Connaissiez-vous cette histoire entre Clémenceau et Monet ?
J’avoue que je ne les connaissais pas plus que ça. Je savais que Clémenceau était de gauche et que, comme tout homme de gauche, il se projetait dans l’avenir. Quant à Monet, il n’était obsédé que par sa peinture, ses tableaux mais je pense que dans son esprit, il était aussi un homme de gauche, un homme de l’avenir.
Donc ce sont des hommes que je comprends…

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Vous êtes de gauche ?
Pour schématiser, il y a les gens de droite et les gens de gauche. Tous recherchent la même chose: l’âge d’or, la société idéale. Mais alors que la droite s’appuie sur le passé, la gauche regarde vers l’avenir. Donc…
Et je suis sûr que les gens qui n’aiment pas la peinture de Monet sont de droite !
La politique vous intéresse donc ?
Comme tout le monde mais je n’aime pas beaucoup les politiciens et je pourrais reprendre une phrase de la pièce : » la moitié des politiques est capable de rien, l’autre moitié est capable de tout ! » Et les allusions à la politique de l’époque dans la pièce, nous montrent que rien n’a vraiment changé !
Vous faites une tournée théâtrale cet été avec cette pièce… Il y a peu de festivals de théâtre en France, l’été !
Il y a celui-ci, il y a Agen, Ramatuelle. C’est vrai que ce n’est pas une grande tournée mais nous avons huit dates.
Et jouer dehors est-il plus difficile ?
Evidemment que nous n’avons pas le confort d’un théâtre, nous avons la préoccupation de la météo et d’ailleurs les trois premières dates se sont faites sous la pluie mais on a quand même joué. Nous ne pouvons pas non plus répéter s’il pleut, voir les éclairages puisqu’il fait encore jour. Mais nous devons faire de ces inconvénients, quelque chose de positif. Il nous faut être plus vigilants car il y a des risque avec l’électricité, il y a des problèmes avec le vent mais ça nous permet de ne pas nous endormir, d’être plus concentrés et de jouer différemment chaque fois.
Le public s’en rend-t-il compte ?
Vous savez, le public, que ce soit en plein air ou dans un théâtre, réagit chaque soir différemment. Et j’aime à dire qu’on ne joue pas « pour » le public, mais « avec » le public.
Car il n’a jamais la même réaction, qu’il soit du nord ou du sud, en matinée ou en soirée, le mardi soir ou le samedi après-midi.
Je suis très attentif aux silences : je sens si le public s’emmerde, s’il réfléchit, s’il est attentif et je m’adapte à lui. Car on est aussi ingénieur du son : s’il y a une belle qualité de silence, je distillerai mieux le texte. Si je sens que ça s’endort, je renforcerai la voix ou j’accélèrerai le débit. C’est pour cela que je dis que je joue avec lui.

L K
M

Cinéma, théâtre… Que préférez-vous ?
De loin le théâtre, même si j’aime le cinéma car sur scène, je suis le maître chez moi, je fais ce que j’ai envie…
Et le metteur en scène, qu’en pense-t-il ?
Il nous donne des indications de départ mais après ça, je fais ce que je veux et il me dira le lendemain ce qui ne va pas… Et le lendemain je jouerai comme je l’entends !
Et le cinéma dans tout ça ?
Je viens de terminer un film d’Ivan Calbérac « L’étudiante et Monsieur Henri » qui fut un grand succès théâtral d’Ivan et je partage le générique avec Guillaume de Tonquedec et une jeune comédienne suisse, Noémie Schmidt.
Encore une pièce qui devient un film ?
Oui, c’est vrai, il y en a de plus en plus. Peut-être parce qu’il y a de meilleurs auteurs que de scénaristes et peut-être aussi parce que, faire un film aujourd’hui revient cher, donc les auteurs écrivent plus pour le théâtre. C’est la crise, mon pauvre monsieur. Ou alors c’est une mode !
Vos projets ?
Une tournée d’hiver avec cette pièce qui nous mènera jusqu’en février et après : mon principal projet est de respirer un peu !!!

Jacques Brachet