Carqueiranne, Festival « In Situ »
Le mari, la femme, l’amant… et le vent !

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Après une semaine caniculaire, le festival de théâtre « In Situ » à Carqueiranne se présentait sous les meilleurs auspices… Mais c’était compter sans le vent qui, dans l’après-midi du premier soir, allait se lever, s’amplifier et considérablement perturber le premier spectacle : « Le mari, la femme et l’amant » de Sacha Guitry dans une mise en scène de Julien Sibre, lui-même sur scène.
Décors en équilibre instable, vent s’engouffrant dans les micros, fauteuil à roulette qui allait valdinguer jusqu’à se casser sur scène et en plus, le froid qui s’installait, et dans la salle et sur scène pour les pauvres comédiennes en tenue légère !
Mais voilà, et c’est ce qu’on appelle le grand art : la troupe y alla de toute son âme, amplifient sa voix, se tenant presque aux branches et faisant des incidents un sketch improvisé, au grand plaisir d’un public transi mais heureux ! Et ce fut un beau succès.

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Rencontre avec Julien SIBRE
« J’aime me confronter aux éléments – m’avoue Julien Sibre – ça fait partie du métier et des spectacles en plein air, on fonce, on improvise et on joue avec ce personnage qui s’invite au spectacle : en l’occurrence le vent !
Julien, c’est la seconde fois que vous venez à Carqueiranne !
Oui et c’est un plaisir car le lieu est superbe. La première fois c’était il y a deux ans avec « Le repas des fauves »…
Qui vous avait valu un Molière ?
Non… Trois Molière !!!
Mille excuses ! Alors aujourd’hui, monter « un » Guitry. Que peut-on apporter de plus à une pièce tellement montée et jouée ?
Je n’ai pas la prétention de le réinventer mais de seulement lui donner ses lettres de noblesse en étant le plus fidèle possible. Car Guitry est encore aujourd’hui très moderne et n’a pas ce côté suranné que peuvent avoir des comédies dites « modernes » datant de quelques décennies.
Cette pièce n’a pas vraiment de profondeur, elle ne transmet pas un message, mais elle a un côté ludique, festif, on y trouve tout l’humour de Guitry, toute son intelligence, la brillance d’un texte. J’ai voulu respecter tout ça et même représenter la pièce dans les années 20, « à fond », avec décors, costumes et même musique…
La musique n’était pas dans la pièce ?
Non, c’est ce que j’ai apporté de nouveau à la pièce en créant un prologue et une présentation sous la forme musicale. Avec des musiques de l’époque qui restent dans l’univers Guitry. C’est ma touche personnelle.

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Vous êtes éclectique dans vos choix de pièces, passant aisément de Musset à Labiche, de Dubillard à Gide, de Ionesco à St Just…
Oui car j’aime varier les plaisir, découvrir des auteurs, de nouveaux univers, passer du drame à la comédie. Et je fais tout pour. Par exemple, après le succès du « Repas des fauves », on m’a proposé plusieurs pièces qui s’en rapprochaient. J’ai tout refusé en bloc. Je n’ai pas envie de me figer dans un rôle, un style, mon métier justement est de me renouveler à chaque aventure.
Guitry, c’était une envie ?
Oui car je connais son théâtre par cœur mais ce n’était pas un fantasme ! J’aime sa langue et j’aimais particulièrement l’acteur. J’ai vu et revu ses films je ne sais combien de fois. Mais c’est le directeur du Théâtre de Boulogne, Olivier Meyer, qui me l’a proposé. Spontanément j’ai dit oui. De plus, dans cette pièce qu’il a écrite vers les 30 ans, il n’y a pas encore cette misogynie que l’on peut déceler par la suite.
A cette époque, il avait encore quelques illusions !
Vous qui avez eu trois Molière, cet auteur manque à votre palmarès !
(Rires) C’est vrai, je ne suis pas reconnaissant ! Je n’ai jamais eu l’occasion d’y toucher mais vous savez, ce sont les hasards de la vie, du métier, les rencontres que l’on fait ou pas. Et là, vous me parliez de Guitry tellement joué, mais Molière bat les recors et que faire avec lui de nouveau ? Reprendre un pièce rarement jouée ? Difficile d’autant qu’il y a une raison pour laquelle elles n’ont pas été souvent jouées : c’est qu’elles ne sont pas très bonnes. Sinon ça se saurait ! Mais peut-être qu’un jour ça viendra. J’ai aussi très envie de monter « Richard III » et là encore ce serait m’attaquer à une pièce énormément montée… L’avenir nous le dira.

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Vous faites aussi beaucoup de doublages…
Oui car je pense que c’est dans la continuité de ce que nous faisons. C’est une branche de notre métier comme mettre en scène, écrire, jouer… Un pâtissier ne fait pas que des choux à la crème ou des tartes aux fraises. Il varie les plaisir, aussi bien pour lui que pour ses clients. C’est pareil pour notre métier et en plus j’aime beaucoup ça.
Qui doublez-vous en particulier ?
Eddie Kaye-Thomas dans la série des « American Pies », Martin Freeman le Hobbit, Charlie Creed-Miles dans « Le cinquième élément »….
N’avez-vous jamais pensé monter une compagnie ?
Non car je n’aime pas vraiment ce qui est systématique, j’ai plaisir à jouer avec des comédiens et, là encore, varier les plaisir. Et je m’attache toujours à ce que le comédien choisi soit vraiment dans son rôle. Je travaille beaucoup avec la Cie Minus et Cortex avec qui j’ai fait « Le repas des fauves » mais après, j’aime découvrir des comédiens qui soient la bonne personne au bon endroit.
Les projets, Julien ?
J’en ai deux : « On en verra d’autres », une pièce de Zach Braff qui est un comédien, auteur, metteur en scène américain et « Fausse note », une pièce de Didier Caron, qui se passe encore sous l’occupation… Et puis, il est question que « Le repas des fauves » devienne un film. C’est un projet difficile mais pourquoi pas ? »

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A suivre donc !
Jacques Brachet