Toulon – Théâtre Liberté
Les Mardis Liberté

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Pour l’avant dernier « mardi Liberté », en ce beau mois d’avril, le Théâtre Liberté accueillait le jazz avec le Christophe Leloil & Enzo Carniel Duo, en coproduction avec Jazz à Porquerolles. Voilà un mariage heureux !
Le duo trompette piano est la chose la plus difficile en jazz. Louis Armstrong en a créé les fondements avec son pianiste Earl Hines dans les années 1920, et depuis, bien peu ont tenu la gageure. Il faut dire que Christophe Leloil est un habitué des duos, on l’a entendu dans ce type de prestation avec Nicolas Pacini, Ben Paillard, et d’autres. Disons le tout de suite : ce fut une réussite complète.
Près du mur recouvert de dazibaos, le pianiste, le jeune Enzo Carniel (né en 1987 à la Seyne sur Mer, fils du contrebassiste Jean-Marie Carniel), assis derrière son piano ; debout à ses côtés, le trompettiste qui ne compte plus les éloges, Christophe Leloil ; autour d’eux sur trois côtés, le public, fermant le rectangle, offrant ainsi un espace scénique parfait pour la prestation.
Chritophe Leloil possède l’une des plus belles sonorités de trompette d’aujourd’hui :  un son cuivré, chaud, d’essence nouvelle-orléanaise. Il monte dans l’aigu, descend dans les graves avec une grande douceur ; il parcourt ainsi une grande tessiture avec la souplesse d’un violon. Son phrasé peut être lent, chantant, ou bien staccato, avec des ruptures de phrases volubiles. Avec toujours un grand feeling, le sens des nuances et la beauté du son.

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La force et la réussite du duo reposent sur le jeu du pianiste. Enzo Carniel joue avec  une conception orchestrale du piano, c’est dire qu’il occupe de clavier de ses dix doigts, marquant chaque temps du rythme par des accords de la main gauche ou de la main droite, ou des deux mains, laissant planer parfois un arrière goût de stride fort bien venu. Ou alors il laisse s’envoler ses doigts en des phrases d’une volubilité extrême, mais toujours swingante. Y ajouter une invention permanente dans l’improvisation, et nous avons tous les ingrédients pour faire un grand pianiste de jazz.
Le répertoire était des plus variés. Trois moments majeurs à souligner. Une interprétation sidérante de « Bye-Ya » de Thelonious Monk prise en 7 temps ; un moment de belle émotion sur « How long has it been going on » que Christophe Leloil avait entendu dans sa prime jeunesse sur France Musique ; et une Bossa, que jouait Stan Getz, très décalée et très prenante. Mais tout le répertoire fut joué sur les cimes du plaisir.
Il ne reste qu’à souhaiter qu’on puisse entendre ces deux musiciens, avec aussi leur groupe respectif, dans les festivals de l’été, du moins dans ceux qui auront survécu.

Serge Baudot
Prochain mardi : 12 mai- Bélouga Quartet (Tambourinaires et galoubets)
04 98 00 56 76 –  www.theatre-liberte.fr