NOTES de LECTURES par les Plumes d’Azur

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François CHENG : Et le souffle devient signe  Portrait d’une âme à l’encre de Chine
( Ed l’iconoclaste) – 127 pages

Dans ce petit livre, l’auteur présente quelques unes des calligraphies qu’il a réalisées.
Après quelques pages d’éloges sur cet art chinois qui lui procure la sérénité, il reproduit certaines de ses œuvres et les accompagne de commentaires pour en décrire le contenu du texte, les conditions de la réalisation et les bienfaits que l’exercice lui a apporté.
Livre de réflexion qui révèle un peu à  nos esprits occidentaux ce que recouvre la calligraphie d’idéogrammes chinois.
Michel  HOUELLEBECQ : Soumission  (Ed Flammarion) – 300 pages
L’auteur se situe en 2020 , l’élection présidentielle met en présence le front national et le représentant de la fraternité musulmane, c’est ce dernier qui est élu avec le concours des socialistes .
Voilà donc la France avec un président musulman , intelligent et cultivé, soucieux de présenter l’Islam comme la forme achevée d’un humanisme nouveau réunificateur, l’idée générale serait de créer un empire arabo-européen . Le nouveau gouvernement concède quelques ministères importants aux socialistes par exemple les Finances mais se réserve l’Education nationale, ne pourront accéder à l’Université que les professeurs convertis à l’Islam . L’auteur nous propose un de ces professeurs d’université comme personnage principal de son roman . Celui-ci analyse la situation en même temps qu’il nous fait part de ses besoins sexuels avec force détails qui pourront choquer certains lecteurs
Le sujet peut paraître farfelu ou improbable mais il est traité avec le talent habituel de Houellebecq et on ne s’ennuie pas une minute en lisant cette fable pétrie à la fois de vraisemblances et d’invraisemblances . Dans les années 70 Raspail avait écrit «le camp des saints » qui sous une autre forme abordait déjà le problème de l’inertie des populations devant un envahissement de hordes africaines ou plus exactement une incapacité à réagir devant certains problèmes …..Ce roman n’est pas un brulot de fanatisme mais une lente descente vers l’indifférence et le confort , triste roman de l’abdication et de l’usure . SI le ton n’en est pas provocateur, le sujet l’est évidemment, il n’en reste pas moins que les analyses proposées restent cohérentes et font réfléchir

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Benoit  DUTEURTE : L’ordinateur du Paradis  (Ed Gallimard ) – 211 pages
Le roman est divisé en courts chapitres où alternent deux voix mêle avec bonheur fantaisie et réflexion .
Celle de Simon Laroche :il vient de mourir et attend de rentrer au Paradis , il a vu un avocat, un psychologue, assis dans une salle d’attente, un ticket avec un numéro dans la main. Il est dans une zone de tri où il fait la connaissance du Grand Saint-Pierre face à plusieurs écrans d’ordinateurs.
L’autre voix est celle d’un narrateur extérieur qui relate la réussite professionnelle  puis la chute de Simon Laroche jusqu’à sa mort, victime avec ses contemporains du « grand dérèglement » révélant à tous la vie privée de chacun, via internet. Le cloud déversant les données informatiques qu’il est censé  protéger de toute intrusion.
Fable drôle et corrosive, où l’auteur dénonce avec humour les dérives de notre société, et en particulier, celles d’internet , des nouvelles technologies que les humains croient maîtriser et qui, soudain, peuvent prendre le pouvoir.
Siri HUSTDVET : Un monde flamboyant (Ed Actes Sud) –  400pages
Comment être reconnue comme artiste lorsque vous êtes la femme de Felix Lord, directeur d’une galerie d’art à New York, que votre physique déconcerte car vous mesurez un mètre quatre- vingt- huit, que votre immense culture rebute plus qu’elle n’attire ?
Harriet que tout le monde appelle Harry, déjà un pas vers l’ambiguïté du sexe, est sculpteur, peintre, sa conception de l’art moderne est gentiment appréciée dans le milieu mais sans plus. Très douée, Harry est séduite par la figure de Margaret Cavendish, aristocrate du dix-septième siècle qui a écrit un brillant Blazing World, œuvre littéraire de science-fiction défendant les droits des femmes contre le rôle de genre stéréotypé.  Harry se révèle après la mort de Felix, elle peut enfin se mesurer au monde des critiques d’art  qui aiment avoir l’impression de dominer l’œuvre d’art.  Elle utilise la mystification pour plus tard exposer et humilier ce petit monde clos qui exclut les femmes. Elle utilise alors  trois artistes masculins qui en trois expositions endosseront la paternité de ses œuvres, le dernière devant faire éclater la vérité aux yeux de tous. Contrat secret qui satisfait Anton Tish(anagramme de shit), Phineas Eldridge charmant homosexuel métisse, et Rune ambitieux créateur qui séduit grâce à son propre pouvoir de séduction.
Harry imagine la reconnaissance sous la forme d’un conte cruel, elle se cache sous trois identités, trois masques de teinte et d’allure différentes afin que l’histoire ait sa forme parfaite. Elle joue à l’apprenti sorcier et sera brisée par Rune, son brillant alter ego qui s’appropriera la paternité de ses œuvres.
Siri Ustdvet écrit un brillant roman à plusieurs voix, ses enfants, son amant fidèle, sa meilleure amie, les critiques d’art, les journalistes et surtout le carnet intime de Harriet. Page après page, un puzzle très subtil se dévoile, maintient toutefois le suspense tout en n’interdisant pas l’émotion notamment dans les pages très émouvantes de l’accompagnement de Harry jusqu’à sa mort avec l’aide des chakras et du pouvoir des auras et des cristaux guérisseurs.
Remarquablement documenté, ce roman fouille l’âme humaine, les forces du bien et du mal ; cela reste toutefois un roman pour les newyorkais et surtout une certaine élite, celle de l’art contemporain.