« Noces de sang » au Théâtre Liberté à Toulon

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On connaît l’intrigue de ces « Noces de sang » de Federico Garcia Lorca. C’est une tragédie de la passion amoureuse qui submerge deux êtres contre leur volonté, et de la vendetta dans deux familles paysannes andalouses rivales. Il faut que le sang coule pour trouver la paix. Cette pièce est basée sur un fait divers de 1928 près d’Almeria.
La Mère du Fiancé rumine la mort de son mari et de son fils aîné. Son fils cadet est fiancé à une belle et riche héritière, qui en fait se marie par dépit, et parce qu’il faut bien avoir un « homme » dans cette société-là.  Elle a été amoureuse de Leonardo il y a quelques années, qui n’a pas pu l’épouser parce qu’il n’était pas assez riche. Celui-ci, qui est marié à la cousine de la Fiancée, resurgit dans sa vie : tous deux essaient de se fuir : en vain. Emportés par la force irrépressible de leur amour, ils s’enfuient après le mariage, laissant famille et invités en plan. Selon l’honneur andalou de l’époque, le fiancé ne peut qu’aller tuer son rival. S’ensuit une longue traque la nuit dans la forêt. Leonardo et le Novio mourront chacun par le couteau de l’autre. La Fiancée revient et offre sa vie à la Madre. Celle-ci sera touchée par la confession de la Fiancée, et pardonnera.

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La pièce « Bodas de sangre » a été retraduite par Clarice Plasteig avec l’intention de tenir compte de l’évolution de la langue et de l’esthétique théâtrale. Je n’ai pas le temps de revenir au texte espagnol pour comparer, mais il m’a semblé que le résultat était probant.
La mise en scène de Guillaume Cantillon est résolument moderne et met en avant le texte. Les différents lieux sont figurés par une table et des chaises qu’on déplace. La direction d’acteur est remarquable. La scénographie est très belle. On dirait parfois des tableaux d’Edward Hopper, par la lumière qui baigne la scène, ou qui dessine des espaces. Les costumes sont simples et métaphoriques. Les acteurs sont très bien, avec en premier plan la Mère, Leonardo et la Fiancée. A noter aussi la dernière scène, la traque dans la forêt, simulée par une guitare saturée et vrombissante, et des effets vidéos. Cette scène quitte le réalisme ; Garcia Lorca qui a fréquenté le surréalisme l’a voulue onirique, il donne la parole à la lune et à la mort. Une belle réussite.
Le seul bémol, c’est l’emploi de trois chansons qui viennent marquer la transition entre les différents moments. Leur texte est assez redondant par rapport aux dialogues, leur musique est assez plate, et je trouve que cela casse la tension.
Retenue mineure par rapport à la qualité de la prestation. Cette pièce était en résidence de création au Théâtre Liberté, également partenaire de la coproduction avec différents autres théâtres. Longue vie à la compagnie « Le cabinet des curiosités », qui est en résidence à La Garde, responsable de cette forte et belle création.

Serge Baudot