Jean-Marc MOUTET, Ardéchois cœur fidèle…
Et fidèle à Jean Ferrat

Lorsque plusieurs générations sont implantées dans un même lieu, les racines sont ancrées à jamais.
C’est le cas de Jean-Marc Moutet, ardéchois « cent pour sang » dont les aïeux vivaient dans cette ferme de Lablachère pour y élever les chèvres et cultiver les vers à soie… Dans ce village calme et serein, Jean-Marc a fait de sa ferme ancestrale, un lieu de culture et de musique qu’il dirige avec Cécile, son épouse, où il a créé un petit théâtre et où il reçoit de beaux artistes, célèbres ou non, d’ici ou d’ailleurs mais exclusivement défendeurs de la chanson française et de la poésie.
Dans cette Ardèche devenue célèbre grâce à un certain artiste nommé Ferrat, d’autres l’ont suivi et sont venus s’y installer loin de la foule déchaînée parisienne.
Parmi eux mon ami Alain Turban grâce à qui j’ai découvert ce lieu où il est souvent à l’affiche lorsqu’il quitte son autre village : Montmartre.
Jean-Marc est un passionné de la langue française qu’il défend âprement  dans ce magnifique lieu, depuis plus de vingt ans.

Alain Turban…
… L’ardéchois de Montmartre

Il y a créé entre autre un spectacle en hommage au grand monsieur d’Antraigues, intitulé « Jean d’ici, Ferrat le cri ». Un spectacle vu et approuvé par l’artiste lui-même, qui raconte sa vie, son œuvre, le tout illustré de chansons où l’on retrouve avec émotion la voix de Jean. Spectacle émouvant et original puisqu’on voit arriver… Jean Ferrat du fond de la salle, moment incroyable car Jean-Marc devenu Jean est saisissant. Le moment de surprise passé on entre dans l’histoire qu’il nous conte, aux côtés d’une malle d’où il sort au fur et à mesure photos, programmes, disques, documents qui sont chaque fois reliés à une chanson. Jean-Marc raconte mais ne chante pas, laissant cela à cette voix qui, à chaque fois, nous rappelle combien Ferrat était un grand artiste qui nous a laissé des chansons universelles.
Longtemps après que les poètes ont disparu…
C’est autour d’un apéro, vin blanc-sirop de châtaigne, que Jean-Marc Moutet nous raconte sa belle aventure.

« Jean-Marc, d’abord racontez-nous l’histoire de cette maison…
Ca a toujours été une ferme familiale, mon père, mon grand-père, mon arrière-grand-père sont nés dans cette maison. C’étaient des agriculteurs même si c’était de plus en plus difficile de vivre de l’exploitation. Ils faisaient aussi la sériciculture, c’est-à-dire l’élevage du vers à soie, un peu d’oliviers, un peu de vigne. Lorsque j’étais enfant, je venais voir les brebis et les chèvres, il y avait encore mes grands-parents.
Et l’origine de la ferme théâtre ?
C’est en 2004 qu’avec Cécile, mon épouse, on a créé la ferme théâtre. Depuis, on la fait vivre à notre façon avec ce spectacle sur Jean Ferrat mais aussi en accueillant d’autres artistes qui viennent chanter, jouer la comédie, beaucoup d’artistes du coin mais aussi des gens connus, des années 70/80 et d’aujourd’hui, comme notre ami Alain Turban, Hervé Vilard, Francis Lalanne, Gilles Dreu, Fabienne Thibeault, Pascal Danel, Michel Monaco…
Alors, comment s’est créé ce spectacle « Jean d’ici, Ferrat le cri »
Dans les années 80, j’étais étudiant à Aubenas au moment où Jack Lang et François Mitterrand ont libéré les ondes et moi, le mercredi, puis rapidement le week-end, tous mes jours de repos en fait, je passais à la radio où j’avais des émissions essentiellement consacrées à la chanson française. J’interviewais pas mal d’artistes mais hélas Jean n’est jamais venu ! Mais j’aimais ce qu’il faisait et j’ai commencé à énormément me documenter sur lui. J’avais assez de matière pour créer un spectacle sur lui. J’ai eu cette idée le 1er janvier 2001  en discutant avec Joël Bioux, intermittent du spectacle, j’ai eu cette idée car il avait fait un spectacle sur Dalida  et il m’a aidé à monter ce spectacle.

Et ça a marché tout de suite ?
Oui. Trois mois plus tard, le spectacle était prêt. J’ai joué deux spectacles dans un village vacances en pensant que ça s’arrêterait là. Mais j’ai eu de tellement beaux témoignages que ça ne s’est plus arrêté. Au départ ce n’était pas gagné car le directeur pensait que c’était un spectacle pour les vieux… Il y a vingt ans de ça ! Pour le convaincre je lui ai proposé de le faire gratuitement et après d’animer une soirée dansante bénévolement. J’ai fait ça pendant deux ans car, du moment que son bar était rempli, ça lui convenait ! Mais pas à moi. A mon départ, on a fait un compromis : je ne lui demandais pas d’argent mais il m’envoyait des gens chez moi. Ils venaient d’un peu partout, ils en ont parlé aux agences de voyages qui nous ont intégrés dans leurs programmes.
C’est une belle histoire…
D’autant qu’un jour Jean Ferrat est venu voir le spectacle.
Vous étiez déjà grimé en Jean Ferrat ?
Oui mais différemment. Je l’avais déjà rencontré en 2001, je le connaissais plus qu’il ne me connaissait évidemment, je le rencontrais chez Leclerc où il faisait ses courses, au cinéma, dans des concerts. En fait, je connaissais Jean Tenenbaum, son vrai nom, plus que Jean Ferrat car je n’ai jamais pu le voir sur scène.
Aviez-vous eu l’autorisation de Gérard Meys, son producteur, de sa famille, pour utiliser les chansons ? Car c’est sa voix que l’on entend, ce n’est pas vous qui chantez.
Je me suis bien sûr posé la question de savoir si j’avais le droit de le faire mais lorsque Jean est venu, on a longuement discuté, on s’est retrouvé tous les deux face à la scène, il m’a même avoué qu’il avait oublié la chanson « Les cerisiers » qui date de 85
Pour les chansons, ce n’est pas un problème car on les déclare à la SACEM, c’est un problème de droits, mais  c’est surtout sur les photos qui appartiennent à des photographes. J’ai créé ce spectacle sans arrière-pensée, peut-être que je n’aurais pas osé s’il avait disparu avant. Mais j’avais l’aval de Jean et de Gérard. Par contre,j’ai hésité à continuer à le jouer après son décès mais j’ai posé la question à sa famille. Véronique Estel, la fille de sa première femme Christine Sèvres m’a dit de continuer.

Et Jean m’a écrit :
« Mémorable récital où j’ai pu voir passer ma vie en chanson de la plus belle façon et avec beaucoup d’émotion » (Jean Ferrat, 4 août 2004)
C’est ma plus belle récompense.

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Monique Scaletta
La Ferme Théâtre – 445 route d’Alès – Quartier Notre-Dame – Lablachère
04 75 36 42 73 6 contact@lafermetheatre.com

Jean d’Ardèche (photo Alain Marouani)